Encyclique Quanta Cura

TitrePapeThèmeDate de publication
Quanta curaPie IXCondamnation de la liberté religieuse1864

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8 décembre 1864

A tous nos vénérables Frères les Patriarches, les Primats, les Archevêques et les Evêques en grâce et en communion avec le Siège Apostolique,

PIE IX, PAPE.

Vénérables frères, salut et bénédiction apostolique.

Avec quel soin et quelle vigilance pastorale les Pontifes Romains Nos Prédécesseurs, investis par Jésus-Christ lui-même en la personne du bienheureux Pierre, Prince des Apôtres, du devoir et de la mission de paître les agneaux et les brebis, n’ont jamais cessé de nourrir fidèlement tout le troupeau du Seigneur des paroles de la foi et de la doctrine du salut, et de le détourner des pâturages empoissonnés, c’est là ce que nul n’ignore, et Vous moins que personne, Vénérables Frères. Et en effet, gardiens et vengeurs de l’auguste religion catholique, de la vérité et de la justice, pleins de sollicitude pour le salut des âmes, Nos Prédécesseurs n’ont jamais rien eu de plus à cœur que de découvrir et de condamner par leurs très sages Lettres et Constitutions, toutes les hérésies et les erreurs qui, contraires à notre divine Foi, à la doctrine de l’Eglise catholique, à l’honnêteté des mœurs et au salut éternel des hommes, ont souvent excité de violentes tempêtes et appelé sur l’Eglise et sur la société civile de déplorables calamités.

C’est pourquoi ces mêmes Prédécesseurs se sont constamment opposés, avec un apostolique courage, aux coupables machinations des méchants, qui, déchaînant le désordre comme les flots d’une mer en furie, et promettant la liberté, alors qu’ils sont esclaves de la corruption, se sont efforcés par des maximes trompeuses et par de pernicieux écrits, d’arracher les fondements de l’ordre religieux et de l’ordre social, de faire disparaître du monde toute vertu et toute justice, de dépraver les cœurs et les esprits, de soustraire à la règle des mœurs les imprudents et surtout la jeunesse inexpérimentée, et de la corrompre misérablement afin de la jeter dans les filets de l’erreur et enfin de l’arracher du sein de l’Eglise catholique.

Vous le savez très-bien, Vénérables Frères, à peine, par le secret dessein de la Providence et certes sans aucun mérite de Notre part, fûmes-Nous élevés à cette Chaire de Saint Pierre, que, le cœur navré de douleur à la vue de l’horrible tempête soulevée par tant de doctrines perverses, et des maux immenses et souverainement déplorables attirés sur le peuple chrétien par tant d’erreurs, Nous avons déjà élevé la voix selon le devoir de Notre ministère Apostolique et les illustres exemples de Nos prédécesseurs, et dans plusieurs Encycliques publiées aux fidèles, Allocutions prononcées en Consistoire et autres Lettres Apostoliques, Nous avons condamné les principales erreurs de notre si triste époque, Nous avons excité votre haute vigilance épiscopale et Nous avons averti et exhorté avec instance tous les enfants de l’Eglise catholique, Nos fils bien-aimés, d’avoir en horreur et d’éviter la contagion de cette peste cruelle. Et en particulier dans Notre première Encyclique du 9 novembre 1846, à vous adressée, et dans Nos deux Allocutions en Consistoire, l’une du 9 décembre 1854, et l’autre du 9 juin 1862, Nous avons condamné les monstrueuses opinions qui dominent surtout aujourd’hui, au grand malheur des âmes et au détriment de la société civile elle-même, et qui, sources de presque toutes les autres erreurs, ne sont pas seulement la ruine de l’Eglise catholique, de ses salutaires doctrines et de ses droits sacrés, mais encore de l’éternelle loi naturelle gravée par Dieu même dans tous les cœurs et de la droite raison.

 Cependant, bien que Nous n’ayons pas négligé de proscrire souvent et de réprimer ces erreurs, l’intérêt de l’Eglise catholique, le salut des âmes divinement confié à Notre sollicitude, enfin le bien même de la société humaine demandent impérieusement que Nous excitions de nouveau votre sollicitude à condamner d’autres opinions, sorties des mêmes erreurs comme de leur source. Ces opinions fausses et perverses doivent être d’autant plus détestées que leur but principal est d’entraver et de détruire cette puissance salutaire que l’Eglise catholique, en vertu de l’institution et du commandement de son divin Fondateur, doit librement exercer jusqu’à la consommation des siècles, non moins à l’égard des particuliers qu’à l’égard des nations, des peuples et de leurs souverains, et de faire cesser cette mutuelle alliance et concorde du Sacerdoce et de l’Empire, qui a toujours été utile et salutaire à la Religion et à la société.

En effet, vous ne l’ignorez pas, Vénérables Frères, il ne manque pas aujourd’hui d’hommes qui, appliquant à la société civile l’impie et absurde principe du Naturalisme, comme ils l’appellent, osent enseigner que « la perfection des gouvernements et le progrès civil exigent que la société humaine soit constituée et gouvernée, sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie religion et les fausses [1]. » De plus contrairement à la doctrine de l’Ecriture, de l’Eglise et des saints Pères ils ne craignent pas d’affirmer que « le meilleur gouvernement est celui où l’on ne reconnaît pas au pouvoir l’obligation de réprimer par des peines légales, les profanateurs de la religion catholique, si ce n’est lorsque la tranquillité publique le demande [2]. » Partant de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée, fatale à l’Eglise catholique et au salut des âmes et que Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Grégoire XVI, qualifiait de délire, que « la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme, qui doit être proclamé pas la loi et assuré dans tout Etat bien constitué ; et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, par l’impression ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse la limiter [3]» Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne pensent ni ne considèrent qu’ils prêchent la liberté de la perdition, et que, s’il est toujours permis aux opinions humaines de tout contester, il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la Vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité très-nuisible que la foi et la sagesse chrétiennes doivent soigneusement éviter selon l’enseignement, de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même.

Et parce que là où la religion est bannie de la société civile, la doctrine et l’autorité de la révélation divine rejetée, la vraie notion de la justice et du droit humain s’obscurcit et se perd elle-même, et la force matérielle prend la place de la vraie justice et du droit légitime, de là vient précisément que certains hommes, ne tenant aucun compte des principes les plus certains de la saine raison, osent proclamer que  la volonté du peuple manifestée par ce qu’ils appellent l’opinion publique ou d’une autre manière, constitue la loi suprême, indépendante de tout droit divin et humain; et que dans l’ordre politique les faits accomplis, par cela même qu’ils sont accomplis, ont la valeur du droit [4].

Or qui ne voit, qui ne sent très-bien qu’une société soustraite aux lois de la religion et de la vraie justice ne peut plus avoir d’autre but que d’amasser, que d’accumuler des richesses, et ne suivra d’autre loi, dans tous ses actes, que l’indomptable désir de satisfaire ses passions et de servir ses intérêts ? Voilà pourquoi les hommes de ce caractère poursuivent d’une haine cruelle les ordres religieux, sans tenir compte des immenses services rendus par eux à la religion, à la société et aux lettres ; ils déblatèrent contre eux en disant qu’ils n’ont aucune raison légitime d’exister, et ils se font ainsi l’écho des calomnies des hérétiques. En effet, comme l’enseignait très-sagement Pie VI, Notre prédécesseur, d’heureuse mémoire : « L’abolition des ordres religieux blesse l’Etat qui fait profession « publique de suivre les conseils évangéliques ; elle blesse une « manière de vivre recommandée par l’Eglise comme conforme « à la doctrine des apôtres ; elle blesse, enfin ces illustres fondateurs eux-mêmes que nous vénérons sur les autels, et qui « n’ont établi ces ordres que par l’inspiration de Dieu [5].

Ils vont plus loin, et dans leur impiété ils déclarent qu’il faut ôter aux fidèles la faculté de faire publiquement des aumônes au nom de la charité chrétienne, « et abolir la loi qui, à certains jours, défend les œuvres serviles pour vaquer au culte divin. » Et cela sous le très-faux prétexte que cette faculté et cette loi sont en opposition avec les principes de la véritable économie publique [6].

Non contents de bannir la religion de la société ils veulent l’exclure du sein même de la famille. Enseignant et professant la funeste erreur du communisme et du socialisme, ils affirment que « la société domestique ou la famille emprunte toute sa raison d’être au droit purement civil ; et, en conséquence, que de la loi civile découlent et dépendent tous les droits des parents sur les enfants, et avant tout le droit d’instruction et d’éducation. » Pour ces hommes de mensonge, le but principal de ces maximes impies et de ces machinations et de soustraire complètement à la salutaire doctrine et à l’influence de l’Eglise l’instruction et l’éducation de la jeunesse, afin de souiller et de dépraver par les erreurs les plus « pernicieuses et par toute sorte de vices, l’âme tendre et flexible des jeunes gens [7].

En effet, tous ceux qui ont entrepris de bouleverser l’ordre religieux et l’ordre social, et d’anéantir toutes les lois divines et humaines, ont toujours et avant tout fait conspirer leurs conseils, leur activité et leurs efforts à tromper et à dépraver la jeunesse, parce que, comme nous l’ayons indiqué plus haut, ils mettent toute leur espérance dans la corruption des jeunes générations. Voilà pourquoi le clergé régulier et séculier, malgré les plus illustres témoignages rendus par l’histoire à ses immenses services dans Tordre religieux, civil et littéraire, est de leur part l’objet des plus atroces persécutions ; et pourquoi ils disent que « le clergé étant ennemi des lumières, de la civilisation et du progrès, il faut lui ôter l’instruction et l’éducation de la jeunesse. » [8]» .

II en est d’autres qui, renouvelant les erreurs funestes, et tant de fois condamnées des novateurs, ont l’insigne audace de dire que la suprême autorité donnée à l’Eglise et à ce Siège Apostolique par Notre-Seigneur Jésus-Christ et soumise au jugement de l’autorité civile, et de nier tous les droits de cette môme Eglise et de ce même Siège à l’égard de l’ordre extérieur [9]. En effet, ils ne rougissent pas d’affirmer que « les lois de l’Eglise n’obligent pas en conscience, à moins qu’elles ne soient promulguées par le pouvoir civil ; que les actes et décrets des Pontifes romains relatifs à la religion et à l’Eglise ont besoin de la sanction et de l’approbation, ou tout au moins de l’assentiment du pouvoir civil;  [10] que les constitutions apostoliques, portant condamnation des sociétés secrètes, soit qu’on y exige ou non le serment de garder le secret, et frappant d’anathèmes leurs adeptes et leurs fauteurs, n’ont aucune force dans les pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d’associations;  [11] que l’excommunication portée par le Concile de Trente et par les Pontifes romains contre les envahisseurs et les usurpateurs des droits et des possessions de l’Eglise repose  sur une confusion de l’ordre spirituel et de l’ordre civil et politique, et n’a pour but qu’un intérêt terrestre; que l’Eglise ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles relativement à l’usage des biens temporels; que l’Eglise n’a pas le droit de réprimer par des peines temporelles les violateurs de ses lois [12]; qu’il est conforme aux principes de la théologie et du droit public de conférer et de maintenir au gouvernement civil la propriété des biens possédés par l’Eglise, par les congrégations religieuses et par les autres lieux pies  [13].

Ils n’ont pas honte de professer hautement et publiquement les axiomes et les principes des hérétiques, source de mille erreurs et de funestes maximes. Ils répètent, en effet, que « la puissance Ecclésiastique n’est pas, du droit divin, distincte et indépendante de la puissance civile; et que cette distinction et cette indépendance ne peut exister sans que l’Eglise envahisse et usurpe les droits essentiels de la puissance civile [14]. »

Nous ne pouvons non plus passer sous silence l’audace de ceux qui, rejetant la saine doctrine, prétendent que «quant aux jugements du Siège apostolique, et à ses décrets ayant pour objet évident le bien général, les droits et la discipline de l’Eglise, dès qu’il ne touche pas aux dogmes de la foi et des mœurs, on peut refuser de s’y conformer et de s’y soumettre sans péché et sans perdre en rien sa qualité de catholique. » Combien une pareille prétention est contraire au dogme catholique de la pleine autorité divinement donnée par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même au Pontife romain de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle, il n’est personne qui ne le voie clairement et qui ne le comprenne [15].

 Au milieu d’une telle perversité d’opinions dépravées, pénétré du devoir de Notre charge apostolique, et plein de sollicitude pour Notre sainte religion, pour la saine doctrine, pour le salut des âmes qui nous est confié d’En-Haut et pour le bien même de la société humaine. Nous avons donc cru devoir élever de nouveau la voix. En conséquence, toutes et chacune des mauvaises opinions et doctrines signalées en détail dans les présentes Lettres, Nous les réprouvons par Notre autorité apostolique, les proscrivons, les condamnons, et Nous voulons et ordonnons que tous les enfants de l’Eglise catholique les tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées.

Outre cela, vous savez très-bien, Vénérables Frères, qu’aujourd’hui les adversaires de toute vérité et de toute justice, et les ennemis acharnés de notre sainte religion, au moyen de livres empoisonnés, de brochures et de journaux répandus aux quatre coins du monde, trompent les peuples, mentent sciemment et disséminent toute espèce de doctrines impies. Vous n’ignorez pas non plus qu’à notre époque, il en est qui, poussés et excités par l’esprit de Satan, en sont venus à ce degré d’iniquité de nier.» Notre-Seigneur et maître Jésus-Christ, et d’attaquer avec la plus criminelle impudence sa divinité (16). Ici nous ne pouvons Nous empêcher de vous donner, Vénérables Frères, les louanges les plus grandes et les mieux méritées, pour le zèle avec lequel vous avez eu soin d’élever votre voix épiscopale contre une si grande impiété.

C’est pourquoi, dans les Lettres présentes, Nous Nous adressons encore une fois avec tendresse, à vous qui, appelés à partager Notre sollicitude, Vous êtes, au milieu de Nos grandes douleurs, un sujet de consolation, de joie et d’encouragement par votre religion, par votre piété, et par cet amour, cette foi et ce dévouement admirables avec lesquels vous vous efforcez d’accomplir virilement et soigneusement la charge si grave de votre ministère épiscopal, en union intime et cordiale avec Nous et avec ce Siège Apostolique. En effet, Nous attendons de votre profond zèle pastoral, que, prenant le glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu, et fortifiés dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous vous attachiez chaque jour davantage à faire, par vos soins redoublés, que les fidèles confiés à votre garde « s’abstiennent des herbes nuisibles que « Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu’elles n’ont pas été « plantées par son Père » Ne cessez donc jamais d’inculquer ace s mêmes fidèles que toute vraie félicité découle pour les hommes de Notre auguste religion, de sa doctrine et de la pratique, et qu’heureux est le peuple dont Dieu est le Seigneur. Enseignez « que les royaumes reposent sur le fondement de la « foi catholique, et qu’il n’y a rien de si mortel, rien qui nous « expose plus à la chute et à tous les dangers, que de croire « qu’il nous suffît du libre arbitre que nous avons reçu en naissant, sans plus avoir autre chose à demander à Dieu; c’est-à- « dire qu’oubliant notre créateur, nous osions renier sa puissance pour nous montrer libres » Ne négligez pas non plus « d’enseigner « que la puissance royale est conférée non seulement pour le gouvernement de ce monde, mais surtout pour « la protection de l’Eglise, et que rien ne peut être plus avantageux et plus glorieux pour les Chefs des Etats et les Rois que « de se conformer aux paroles que Notre très sage et très courageux prédécesseur saint Félix écrivait à l’empereur Zénon, « de laisser l’Eglise catholique se gouverner par ses propres « lois, et de ne permettre à personne de mettre obstacle à sa « liberté… Il est certain, en effet, qu’il est de leur intérêt, « toutes les fois qu’il s’agit des affaires de Dieu, de suivre avec « soin l’ordre qu’il a prescrit, et de subordonner, et non de « préférer, la volonté royale à celle des prêtres du Christ. »

Mais si nous devons toujours, Vénérables Frères, nous adresser avec confiance au Trône de la grâce pour en obtenir miséricorde et secours en temps opportun, nous devons le faire surtout au milieu de si grandes calamités de l’Eglise et de la société civile, en présence d’une si vaste conspiration d’ennemis et d’un si grand amas d’erreurs contre la société catholique et contre ce saint Siège Apostolique. Nous avons donc jugé utile d’exciter la piété de tous les fidèles, afin que, s’unissant à Nous, ils ne cessent d’invoquer et de supplier par les prières les plus ferventes et les plus humbles le Père très clément des lumières et des miséricordes; afin qu’ils recourent toujours dans la plénitude de leur foi à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a rachetés à Dieu dans son sang, qu’ils demandent avec instance et continuellement à Soi; très-doux Cœur, victime de sa très-brûlante charité pour nous, d’entrainer tout à lui par les liens de son amour et de faire que tous les hommes enflammés de son très-saint amour, marchent dignement selon son Cœur, agréables à Dieu en toutes choses, et portant des fruits en toutes sortes de bonnes œuvres. Et, comme les prières des hommes sont plus agréables à Dieu s’ils viennent à lui avec des cœurs purs de toute souillure. Nous avons jugé à propos d’ouvrir aux fidèles chrétiens, avec une libéralité Apostolique, les trésors célestes de l’Eglise confiés à notre dispensation, afin qu’excités plus vivement à la vraie piété, et purifiés de leurs péchés par le Sacrement de Pénitence, ils répandent avec plus de confiance leurs prières devant Dieu et obtiennent sa grâce et sa miséricorde.

 En conséquence, nous accordons, par la teneur des présentes Lettres, en vertu de Notre autorité Apostolique, à tous les fidèles de l’un et de l’autre sexe de l’univers catholique, une Indulgence Plénière en forme de Jubilé, la gagner durant toute l’année prochaine de 1865, et non au-delà, dans l’espace d’un mois désigné par Vous, Vénérables Frères, et par les autres Ordinaires légitimes, en la même manière et forme que Nous l’avons accordée, au commencement de Notre Pontificat, par Nos Lettres Apostoliques en forme de Bref du 20 novembre 1846, envoyées à tous les Evoques de l’univers, et commençant par ces mots: « Arcano Divinae Providentae consilio, » et avec tous les mêmes pouvoirs accordés par Nous dans ces Lettres. Nous voulons cependant que toutes les prescriptions contenues dans les susdites Lettres soient observées, et qu’il ne soit dérogé à aucune des exceptions que nous avons faites. Nous accordons cela, nonobstant toutes dispositions contraires, même celle qui serait digne d’une mention spéciale et individuelle et d’une dérogation. Et pour écarter toute difficulté, Nous avons ordonné qu’un exemplaire de ces Lettres vous fût remis.

« Prions, Vénérables Frères, prions du fond du cœur et de « toutes les forces de notre esprit la miséricorde de Dieu, parce « qu’il a lui-même ajouté: Je n’éloignerai pas d’eux ma miséricorde. Demandons, et nous recevrons, et si l’effet de nos demandes se fait attendre, parce que nous avons grièvement « péché, frappons à la porte, car il sera ouvert à celui qui frappe, pourvu que nous frappions la porte par les prières, « les gémissements et les larmes, dans lesquels nous devons « insister et persévérer, et pourvu que notre prière soit unanime…; que chacun prie Dieu non-seulement pour lui-même « mais pour tous ses frères, comme le Seigneur nous a enseigné à prier. » Et afin que Dieu exauce plus facilement nos prières et nos vœux, les vôtres et ceux de tous les fidèles, prenons en toute confiance pour avocate auprès de lui d’Immaculée et très-sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, qui a détruit toutes les hérésies dans le monde entier, et qui, notre très-tendre Mère à tous, « est toute suave…, et pleine de «miséricorde…, qui se montre accessible à toutes les prières, très clémente pour tous, qui a compassion de toutes nos misères a avec la plus large pitié, » et qui comme Reine, debout à la droite de son Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, ornée d’un vêtement d’or et varié, n’a rien qu’Elle ne puisse obtenir de Lui. Demandons aussi les suffrages du Bienheureux Pierre, prince des Apôtres, de son Coapôtre Paul, et de tous les Saints habitants du ciel, ces amis de Dieu qui possèdent déjà le royaume céleste, la couronne et la palme, et qui désormais, sûrs de leur immortalité, restent pleins de sollicitude pour notre salut Enfin, demandant pour Vous à Dieu de tout Notre cœur l’abondance de tous les dons célestes, Nous donnons du fond du cœur et avec amour, comme gage de Notre particulière affection, Notre bénédiction apostolique, à vous, Vénérables Frères, et à tous les fidèles, clercs et laïques confiés à vos soins.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 8 décembre de l’année 1864, dixième année depuis la Définition dogmatique de l’Immaculée-Conception de la Vierge Marie, Mère de Dieu,

Et de Notre Pontificat la dix-neuvième.

PIE IX, PAPE.


[1] Voyez le Syllabus; tout le § III. Un indifférentisme et le latitudinarisme ct § X. propositions 77, 78 et 79. — Dans une société sans religion, il n’y a plus de conscience, mais la force brutale, la violence de la bête féroce, seules dominent. Les fausses religions, par cela munie qu’elles sont en contradiction avec la vérité divine, avec la nature et les destinées de l’homme, produisent dans les sociétés une incertitude et un doute, qui finissent par tout ébranler et tout corrompre.

[2] Dans l’Encyclique, Quanta Cura, du 8 Décembre 18G4, dont le Syllabus est le complément, Pie IX condamne plusieurs erreurs, dont quelques-unes rentrent dans celles du Syllabus, mais dont les autres, tout eu s’en rapprochant, présentent de nouvelles nuances. Pour compléter notre travail, nous indiquerons dans ces notes à quelles propositions du Syllabus se rapportent les erreurs qu’elle signalent, et nous ajouterons, s’il est besoin, ce qui sera utile pour la réfutation.

[3] Voyez § X, erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne, prop. 77. 78. 79. Les erreurs condamnées ici avaient été proclamées dans la déclaration des droits de l’homme placée en tôle de la constitution française de 1701, en ces termes : art- 10. « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, môme religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas Tordre public établi par la loi. — art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas « déterminés par la loi. » — Et dans la déclaration des droits de l’homme de 1703, « art. 7. Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de tout autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits, » Ces erreurs et les autres qui les escortent étaient depuis longtemps inoculées aux sectateurs des loges et quand la Franc-maçonnerie se fut emparée du gouvernement de la malheureuse France, elle se hâta de les proclamer comme loi fondamentale et de les cimenter dans le carnage et le sang de* innombrables victimes qu’elle soupçonna d’être vrais chrétiens et vrais Français. Ces horreurs suffisent à réfuter ces prétendus droits de l’homme. Mais, en outre, qui osera nier que ces erreurs, et, en particulier, celles dont il s’agit ici, sont la source du dévergondage civil, politique et religieux, qui a conduit les nations modernes sur le bord du précipice, qui se creuse de pli*s en plus profond pour engloutir toute leur prétendue civilisation, leur moralité, leur fortune, leurs richesses, leurs arts et elles-mêmes. G est donc un empoisonnement mortel des esprits et des cœurs, mille fois plus terrible que l’empoisonnement des corps. Or, toutes les lois civiles interdisent la vente publique et libre, des poisons corporels qui ne tuent que quelques individus, et le3 loge3 ne veulent pas qu’elles interdisent l’empoisonnement des intelligences, et des cœurs qui causent la mort de la société, Satan seul pouvait inventer un moyen si sûr et si rapide de détruire l’humanité, en haine de son créateur.

[4] Voyez le § VII du Syllabus, prop. 60; GL Voyez surtout la prop. XXXIX ci-dessous. La souveraineté du peuple, opposée à la souveraineté de Dieu et à la loi naturelle, éternelle et immuable, est une hérésie plusieurs fois condamnée par l’Eglise. La souveraineté du peuple n’est ni plus, ni moins qu’une absurdité. Car c’est dire que tout le monde est souverain, et que personne n’est sujet. Et alors l’enfant qui vient de naître est tout aussi souverain que le vieillard le plus sage et le plus expérimenté. Les enfants, les femmes, aussi bien que les hommes sont souverains. Mais le souverain, qui ne reconnaît aucune puissance au-dessus de lui, est le principe et la source de tout droit, de toute loi ; sa volonté fait le droit et la loi. Il s’ensuit que nul n’a le droit de commander au peuple, ni de le punir quand il délinque puisque ses fautes mêmes sont le droit et la loi. Et cette conséquence est absolument vraie de chaque membre du souverain, de l’enfant comme de l’homme le plus capable ; puisque tous possèdent eu propre une égale souveraineté. C’est le panthéisme en politique ; c’est par conséquent l’anarchie essentielle, l’absence de tout ordre, et la divinisation de tous les vices et de tous les crimes ; c’est, finalement, l’anéantissement de l’humanité. Au contraire, dans la doctrine catholique, Dieu seul est souverain, et toutes les puissances, tous les pouvoirs, toutes les autorités créées, sont des fonctions déléguées par lui pour exercer son autorité, sa justice et son gouvernement. Tous ces délègues sont soumis à la loi de Dieu comme les sujets sur lesquels ils exercent le pouvoir reçu de Dieu. Or, la loi de Dieu protège reniant comme le père, le petit comme le grand, le pauvre comme le riche, le sujet comme le souverain délégué ; elle défend contre le vice et conserve la vie et la santé des corps comme la vigueur des âmes ; elle fait les nations fortes et puissantes parce qu’elle ôte le péché qui fait les peuples malheureux.

La souveraineté du peuple est aussi jugée historiquement ; partout où elle prévalut dans les temps anciens, elle amena la tyrannie d’en bas la plus odieuse comme la plus insensée ou le despotisme du Césarisme, et, dans les deux cas, la destruction de la nation. Dans les temps modernes, et malgré la vigueur de conservation du christianisme, la souveraineté du peuple a accumulé les ruines dans le sang et conduit les nations qui l’ont admise aux mêmes tyrannies d’en bas au même despotisme corrupteur du Césarisme et finalement aux mêmes destructions mortelles de ces nations.

La souveraineté de Dieu et ses délégations, ont, au contraire, agrandi, perfectionné et conduit à la vraie gloire des vertus et de la prospérité aussi bien morale que matérielle, les nations qui s’y sont soumises et elles ont été d’autant plus grandes et ont duré d’autant plus longtemps qu’elles y ont plus fidèlement obéi. C’est de l’histoire.

[5]

Ce sont des prétendus libéraux qui refusent à des chrétiens la liberté de pratiquer ensemble la perfection de toutes les vertus, tandis qu’ils protègent et encouragent la corruption de tous les vices par les théâtres qu’ils forcent la nation à payer et par des lupanars, dont ils payent les médecins, etc. Voyez prop. LII et LIII.

[6]  Voyez dans le Syllabus prop. 27. Par l’interdiction de l’aumône publique, et par l’abolition des jours de fêtes religieuses, la Franc-maçonnerie a pour but de bannir la charité chrétienne, et la religion de la société et d’anéantir les ordres religieux mendiants. Ici la secte antichrétienne s’attaque à deux préceptes fondamentaux du droit naturel et du droit divin positif, sans lesquels les sociétés, bien plus l’humanité, ne sauraient subsister. En effet le premier de ces préceptes, qui ordonne à tout homme, qui en a le pouvoir, de faire l’aumône corporelle et spirituelle à ses semblables dans le besoin, est aussi nécessaire à l’humanité et à toutes ses sociétés que la vie du corps et de l’âme est nécessaire à chaque homme. Tant qu’il y aura des passions humaines, des revers de fortune, des maladies qui suspendent le travail, des morts qui enlèvent l’ouvrier à sa famille, tant qu’il y aura des veuves et des orphelins, l’aumône sera nécessaire. Les administrations des états pour soulager les pauvres, sont impuissantes, cela est démontré par l’expérience des révolution qui ont enlevé à l’Eglise et à ses ordres religieux cette fonction que Dieu leur avait départie. Partout les administrations de l’état ont absorbé la meilleure et la plus grande partie des biens des pauvres, pour leur distribuer l’autre en dehors de Dieu et contre le salut de leurs âmes, le plus souvent. Il est prouvé que les congrégations religieuses, avec moins de dépenses, soulageaient le doublé, le triple, ailleurs le quadruple de pauvres. L’état est donc impuissant à remplacer la charité de l’Eglise. Sa philanthropie n’est que l’hérésie de la charité. En établissant des impôts en faveur des pauvres, il enlève à chacun les ressources destinées à l’aumône, et il ne les y emploie pas, puisque la majeure partie est affectée à payer ses agents divers, et le reste est le plus souvent distribué pour soutenir sa politique plus au moins opposée à Dieu et au salut des âmes. Donc la nécessité de l’aumône faite personnellement par chacun n’est point comblée par la philanthropie tyrannique de l’Etat. Cependant cette tyrannie de l’état empêche ses sujets d’accomplir l’une des plus graves obligations du droit naturel et du droit divin positif. L’obligation de l’aumône personnelle est en effet prescrite dans la loi de Moïse, aux moissonneurs et aux vendangeurs, et à tous ceux qui possèdent les moyens de la faire. Le livre de Tobie et celui de Daniel enseignent que l’aumône efface les péchés et procure le salut. L’évangile lui promet, le bonheur du ciel, et dans le jugement final chaque homme sera jugé sur ses aumônes tant corporelles que spirituelles : et ceux qui n’auront pas accompli ce grand précepte seront condamnés sans que la philanthropie de l’état puisse leur servir d’excuse. (Levit. XIX, 9, 10; XXIII, 22; Tobie, passim. Dan. IV, 24; Math, VI, 20; XIX, 21; Luc, XII 33; Math. XXV. 34 et seq.) L’aumône est une des lois providentielles d’harmonie sociale, elle remédie aux vices et aux passions de l’humanité, elle rapproche et relie tous les rangs de la société; elle a pour principal but, en soulageant les corps, de sauver les âmes; c’est pourquoi elle est non-seulement un précepte pour l’Eglise et ses ministres, mais elle est leur droit divin. Les siècles chrétiens l’avaient compris; et ils avaient remis à l’Eglise, ces aumônes accumulées dans tant d’institutions de miséricorde et de charité, que les révolutions ont dépouillées et détruites. C’était par les mains et sous la direction de l’Eglise que les fidèles faisaient leurs grandes aumônes. L’état en ôtant aux citoyens et à l’église la faculté de donner publiquement F aumône, les empêche donc d’accomplir la loi naturelle et la loi divine positive, la loi de leur salut, la loi d’harmonie sociale, la principale loi de la fraternité. Un état athée, et livré à Satan, peut seul inventer une pareille tyrannie, à laquelle tous les citoyens sont tenus de résister par la loi de leur salut éternel. « L’abolition de la loi qui, à certains jours fériés, défend les œuvres serviles pour vaquer au culte divin, » loin de favoriser l’économie publique lui est, au contraire, absolument opposée. Les gens raisonnables qui croient à la révélation divine, ne sauraient douter que la loi du repos un jour sur sept et les autres jours de fêtes, soit non-seulement utile mais nécessaire à l’homme et à la société humaine, puisque Dieu, créateur de l’homme et instituteur de la société a imposé cette loi dès l’origine du monde ; il en a toujours pressé la pratique et puni la violation par les plus terribles châtiments sur les nations. Or, Dieu savait ce qui convenait mieux a l’existence des sociétés aussi bien apparemment que nos modernes économistes. En second lieu, l’humanité entière a, dans tous les temps, consacré un septième jour au repos et au culte de la divinité ; c’est donc que cette loi, prouvée historiquement, entrait dans ses besoins. Et nos économistes sont malvenus à se mettre en flagrante contradiction avec tout le passé de l’humanité.

[7]  Voyez le Syllabus §  VI erreurs relatives à la société civil etc. prop. 39, 45, 46.

Mais de plus l’expérience des systèmes de nos économistes est désormais faite. La réforme avait supprimé un grand nombre de fêtes en Angleterre. Or, des travaux sérieux, résultats des études de savants physiologistes et économistes d’Angleterre, ont démontré que le repos du septième jour était nécessaire non-seulement aux hommes mais aussi aux animaux de travail. Ils ont prouvé quo ce repos donnait pour les autres jours un travail plus énergique et plus productif ; tandis que le travail continu, sans jour de repos, épuise rapidement les forces des hommes et des animaux, et fournit des résultats très-inférieurs en quantité et en qualité. On est môme allé plus loin, puisqu’aujourd’hui en Angleterre on juge qu’outre le dimanche, un autre jour de repos vers le milieu de la semaine semble nécessaire. Et de la sorte on revient à rétablir sans une autre forme, moins avantageuse, l’équivalant des fêtes que la réforme avait abolies. Mais il a été également démontré par les faits, que si les Dimanches et les fêtes ne sont pas consacrés à la nourriture de l’âme dans le culte rendu à Dieu et dans la méditation de ses enseignements, ces jours sont inévitablement remplacés par d’autres qui deviennent, par toutes les sortes de débauches, des jours de corruption dans lesquels s’engloutissent vite la fortune, la moralité et l’existence des familles. Et de là la ruine des nations. Et tels sont les tristes avantages que l’économie publique a retiré et retire jusqu’ici de l’abolition des jours de repos consacrés au culte divin. Concluons donc encore une fois que les lois de Dieu et de son Église sont les seules lois de vie, do conservation et de prospérité. nécessaires aux sociétés même pour le temps de ce monde, et qu’elles sont les vrais principes de la véritable économie publique.

[8]  Voyez le Syllabus, ibid. prop. 45 à 48.

[9]  Voyez le Syllabus prop. 19,20,28,30, 30, 41, 42, 54.

[10]  On conçoit que les Francs-maçons repoussent la force de l’excommunication; mais clic vient du pouvoir divin contre lequel les gouvernements des hommes ne peuvent rien.

[11]  Voyez le Syllabus prop. 23 l\ 25; 28, 30, 30, 41, 5 L

[12]  Voyez le Syllabus prop. 21 à 28; 30, 41, 42, 51

[13]  Voyez le Syllabus prop. 10, 24.

[14]  Voyez le Syllabus prop. 34.

[15]  Voyez le Syllabus prop. 7

Source originale de l’encyclique
source Quanta cura

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