L’un des sujets les plus débattus entre les catholiques « non una cum » est celui du rite de la Semaine Sainte. Il existe deux positions qui comptent chacune un nombre de partisans importants, qui divisent entre eux prêtres et groupes cléricaux, et qui suscitent parfois des échanges d’une grande violence.
La première position consiste à suivre le rite réformé sous Pie XII, d’après le principe suivant lequel il faut suivre toutes les lois en vigueur dans l’Église au moment de la mort du dernier pape. La seconde position consiste à utiliser le rite de la Semaine Sainte en vigueur immédiatement avant cette réforme, celui qui a été codifié par Saint Pie X, étant donnés certains problèmes posés par le rite réformé (sans dire, pour autant, que ce rite est intrinsèquement mauvais, puisqu’il a été promulgué par l’Église – aucun partisan de la seconde position n’objecte à cela).
Les tenants de la première position ont souvent, vis-à-vis de ceux de la seconde, des propos très durs et parfois extrêmes : esprit d’orgueil et de caprice, péché grave de désobéissance, schisme. Refusant habituellement d’entendre le moindre argument sur la nature problématique des réformes, les partisans de la première position disent souvent qu’il ne faut « pas discuter » les lois et les ordres qui viennent de l’Église.
Nous espérons ici défendre la validité de la deuxième position. La nature des réformes a déjà été suffisamment discutée, nous n’entrerons pas beaucoup dans le détail à ce sujet [1]. Nous souhaitons plutôt répondre au cœur du débat qui est de savoir si ce choix est, oui ou non, une désobéissance à Pie XII et à la Sainte Église, en discutant un certain nombre de points qui sont trop souvent négligés ou hâtivement contredits par les adversaires de cette position.
Sommaire
L’absence du législateur
Le recul historique sur les intentions de la réforme
Le contexte actuel
La lettre de la loi et l’intention du législateur
Une conception excessive de l’obéissance
Premier problème : l’absence du législateur
Pour désobéir à Pie XII, il faudrait encore que Pie XII … soit vivant. Il n’est pas honnête de présenter le problème comme s’il était exactement identique à une situation dans laquelle un pape régnant impose un rite, et certains prêtres prennent l’initiative de refuser ce rite en arguant qu’il contient tel ou tel problème. Ceci serait, effectivement, une désobéissance inacceptable.
L’absence de pape régnant change fondamentalement la nature du problème. La présence du législateur rend possible des discussions et des aménagements par rapport à la loi : et quiconque a la moindre connaissance du droit canon, ou des autres types de droit humain, sait que tout ce qui ne dépend pas directement de la loi naturelle ou de la loi divine est dispensable, réformable, diversement appliqué suivant les circonstances. Il existe trop d’ignorance sur ce sujet, trop de catholiques qui croient encore que le droit canon est une sorte de loi divine absolue qui excommunie automatiquement toute personne qui s’en écarte un tant soit peu.
Les discussions et les aménagements avaient commencé dès l’époque de la promulgation de la réforme, nous en avons plusieurs témoignages historiques. Certains liturgistes éminents ont publiquement critiqué la réforme. Jean XXIII lui-même utilisait le rite de la semaine sainte selon Saint Pie X. Il apparaît donc que dès avant la promulgation du Novus Ordo par Paul VI, certains se rendaient compte des imperfections du rite réformé et auraient sans doute souhaité négocier avec le pape un aménagement de cette nouvelle loi.
À la question de savoir s’il est prudent de se dispenser d’une loi en l’absence d’un législateur qui est en mesure d’accorder légalement la dispense, il peut y avoir différentes appréciations, différentes réponses selon le contexte. Mais il est certain qu’en principe, cette initiative de ne plus suivre une loi en l’absence du législateur n’est pas systématiquement une désobéissance et une fantaisie arbitraire. Tout dépend du contexte et de la gravité des raisons qui pousseraient, en temps normal, à demander une dispense, ou qui rendraient la lettre de la loi dangereuse.
Deuxième problème : le recul historique sur les intentions de la réforme
Il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’intention des réformateurs (par là nous voulons dire ceux qui ont élaboré la réforme, pas Pie XII en lui-même qui n’a fait que ratifier les travaux de ces réformateurs, qui ne lui ont pas touché mot de leurs véritables intentions) était de préparer la révolution liturgique qui a suivi sous Paul VI. Ceci a été dit et redit par les personnes même qui ont élaboré le nouveau rite de la semaine sainte [2]. La chose n’était pas apparente à l’époque, car très peu sont ceux qui connaissaient suffisamment la pensée des réformateurs pour établir les connexions avec les erreurs du « mouvement liturgique » [3]. Mais ces réformateurs, fiers de leurs accomplissements, se sont chargés de l’expliquer à la postérité, après le triomphe absolu de leurs idées perverses après Vatican II.
Ceci change également de manière radicale la nature du problème. A l’époque Pie XII ne savait pas, et la quasi-unanimité des catholiques ne savait pas, à quel point les intentions des réformateurs étaient viciées, et quels étaient les « sens cachés » de certains ajouts, de certaines omissions, de certaines modifications par rapport au rite de Saint Pie X. Le fait de le savoir actuellement nous fait porter un regard nouveau sur ces rites réformés ; la connexion avec la « nouvelle messe » est évidente.
Si l’on considère que ce rite de la nouvelle messe pose gravement problème, il est logique de se poser la question de l’opportunité de suivre le rite réformé de Pie XII ou non, maintenant que l’on connaît sa proche association avec la nouvelle messe. Ceux qui veulent nier cette association font preuve de mauvaise foi : il faudrait au moins reconnaître la réalité de cette association, et ensuite expliquer pourquoi malgré cette association, il est plus juste et plus prudent de continuer de suivre cette loi entrée en vigueur avant l’existence du nouveau rite (et il y a potentiellement des arguments valables en ce sens). Mais on ne peut plus raisonnablement prétendre que l’intention de cette réforme était sans rapport avec le modernisme.
Constater cela n’est pas nier l’infaillible protection des lois de l’Eglise. La semaine sainte réformée n’est pas un rite mauvais en soi. Cependant :
Les lois et les rites de l’Eglise ne sont pas tous également parfaits, il y a du plus ou moins bon, et rien ne garantit que les papes effectuent toujours les meilleurs choix en cette matière.
Toutes les lois, même celles de l’Eglise, considérées dans leur lettre, peuvent se révéler problématiques par accident dans certaines circonstances : dans ces circonstances doit s’exercer l’épikie, dont nous parlerons plus tard.
Troisième problème : le contexte actuel
Les lois humaines sont dépendantes, pour leur application, d’un certain contexte. Souvent, des lois sont émises pour répondre à un problème donné, et deviennent plus ou moins inadéquates suite à un changement du contexte. Concernant le rite réformé de Pie XII, l’argument de ceux qui suivent le rite de Saint Pie X consiste notamment à dire que le contexte a changé de manière suffisamment grave pour rendre la loi inopportune actuellement. Voici en quoi consiste ce changement de contexte :
Nous connaissons les intentions cachées des réformateurs, le sens « intime » de la réforme.
Nous avons continuellement sous les yeux les scandales de la nouvelle liturgie (dont la semaine sainte réformée était pensée comme une préparation, bien plus subtile et moins dangereuse que le nouveau rite en lui-même, néanmoins une véritable préparation).
Les prêtres restés entièrement catholiques ont un devoir spécial, pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes, de lutter contre le modernisme et le libéralisme sous toutes ses formes, c’est une des choses les plus importantes qu’ils ont à faire pour prémunir leurs fidèles contre les dangers du monde et in fine contre la damnation.
Nous savons aussi, ce qui sera peut-être considéré comme moins important, que Pie XII était gravement malade à l’époque où la réforme a été promulguée, et que les modernistes qui l’entouraient abusaient de sa faiblesse pour obtenir des approbations dans leurs entreprises, comme en témoigne Bunigni dans ses mémoires. Il est difficile, vu ces témoignages, de penser que Pie XII ait inspecté de manière très détaillée le contenu des réformes ; c’est notamment le cardinal Bea, confesseur de Pie XII et pourtant moderniste en secret, qui a abusé de la confiance que lui accordait le vénérable Pape.
Le point 1 (absence du législateur) combiné au point 3 (contexte actuel) aboutit à la décision prudentielle de s’en tenir au rite précédent la réforme, pour ne pas contracter la moindre association avec le modernisme destructeur, association qui n’était pas manifeste à l’époque où la loi a été promulguée, mais qui l’est clairement dans le contexte actuel.
Il faudrait, idéalement, n’avoir pas à se reposer sur ce type de jugement particulier pour suivre ou non une loi donnée : ce n’est pas ainsi que la loi est censée fonctionner, on ne doit pas voir les sujets continuellement discuter de l’opportunité de la loi, et se réserver la possibilité de l’appliquer ou non. Mais nous ne sommes pas dans une « situation idéale », nous sommes plutôt dans une situation de crise catastrophique : il y a des choix de ce type qui s’imposent quotidiennement à ceux qui veulent continuer du mieux qu’ils peuvent à poursuivre la mission de l’Église, en l’absence d’une autorité juridictionnelle dans l’Église.
Quatrième problème : la lettre de la loi et l’intention du législateur
Il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles il est bon de ne pas appliquer la lettre de la loi, pour respecter son esprit. Cet exercice, potentiellement délicat, n’a rien à voir avec un choix arbitraire de ne plus appliquer la loi dans les cas où celle-ci nous incommode légèrement, pour faire valoir une préférence personnelle. Il s’agit de faire passer avant la lettre de la loi des impératifs supérieurs (justice, bien commun), quand dans certains cas précis que le législateur n’avait pas prévu la lettre va à l’encontre de ces impératifs. La vertu qui régule cette activité se nomme épikie.
Certains catholiques ont une fausse conception de l’épikie, en la limitant seulement à des cas « d’urgence » ou de « nécessité absolue ». Ils prétendent donc que l’exercice de l’épikie se limite à quelques situations rares, et que le choix du rite de la semaine sainte ne rentre pas dans ce champ (étant donné que la semaine sainte réformée vient de l’Église, il ne s’agit pas d’un rite mauvais, et si l’on est simplement en train de discuter sur des « degrés de perfection », l’épikie ne peut pas s’appliquer parce qu’il n’y a pas de nécessité). La véritable définition de l’épikie est beaucoup plus large : aussi appelée « équité », il s’agit d’une vertu qui annule l’observance littérale de la loi quand son application dans un cas particulier serait nuisible ou trop coûteuse, dans le respect de l’intention du législateur. L’exercice de cette vertu n’est pas spécialement lié à des circonstances dramatiques ou extraordinaires : il s’agit plutôt d’une vertu d’usage habituel, car la loi ne prévoit jamais tous les cas particuliers et tous les contextes.
Saint Thomas explique :
… les actes humains que les lois règlent consistant dans des choses contingentes qui peuvent varier d’une infinité de manières, il n’a pas été possible d’établir une règle légale qui ne fût défectueuse dans aucun cas. Les législateurs considèrent ce qui arrive le plus souvent, et d’après cela ils portent leur loi. Cependant l’observation de la loi peut être, dans certains cas, contraire à l’égalité de la justice et au bien commun que le législateur se propose. (…) Dans ces circonstances et dans d’autres semblables, c’est un mal de suivre la loi établie. Par conséquent, en mettant de côté les paroles de la loi, c’est un bien de suivre ce que demande la raison de la justice et l’utilité commune ; et c’est là le but de l’épikie, à laquelle nous donnons le nom d’équité.
Somme Théologique, IIa IIae, q. 120
Saint Alphonse de Liguori dit aussi :
L’Epikie est une exception dans un cas ou des circonstances dans lesquelles nous jugeons avec certitude ou avec une très grande probabilité que le législateur ignorait ce cas tombant sous la loi.
Theologia moralis, Lib. I Tract. II, III de Epikeia Legis
Si l’on suit la doctrine de Saint Alphonse, on agit vertueusement en n’appliquant pas une loi, si l’on juge « avec certitude ou avec une très grande probabilité que le législateur ignorait ce cas tombant sous la loi » : autrement dit, et appliqué à notre contexte actuel, il est un raisonnement valide de ne plus appliquer la loi (réforme de la semaine sainte) considérant l’ignorance du législateur (Pie XII) sur le cas actuel (nous vivons dans une époque postérieure à la révolution liturgique et doctrinale de Vatican II, et nous avons aussi une information historique fiable et complète sur la véritable nature de la réforme). L’intention du législateur n’est pas que nous suivions coûte que coûte un rite qui s’avère, dans le contexte actuel, évocateur de choses mauvaises.
Il est déplorable de voir de nombreux catholiques considérer l’exercice de l’épikie comme le signe d’une « insubordination satanique ». Un catholique sérieux devrait être capable de faire la différence entre un éloignement prudent de la lettre de la loi, et un caprice de l’orgueil. L’exemple des Pharisiens nous apprend d’ailleurs qu’il y a souvent plus d’orgueil chez ceux qui en appellent en toutes circonstances au respect littéral de la loi, que chez ceux qui savent discerner, par le bon sens, les cas où cette loi ne doit plus être respectée. « Qui de vous, si son âne ou son bœuf tombe dans un puits, ne l’en retirera pas aussitôt, le jour du sabbat ? » (Luc 14, 5).
Cinquième problème : une conception excessive de l’obéissance
N’est-ce pas là le cœur du problème ? De nombreux catholiques, souvent bien intentionnés, ont de l’obéissance une conception simpliste et excessive : il faudrait accepter aveuglément, sans la moindre réserve, tout ordre émanant de l’autorité, et chercher à discuter ou adapter cet ordre serait la marque d’un esprit orgueilleux, sur la voie de la perdition. Ces catholiques « ultra-obéissants » ont tendance à voir dans les lois humaines, qui émanent de l’autorité, quelque chose qui exige un respect absolu et scrupuleux, avec laquelle on ne peut jamais transiger sous peine de péché.
Cet état d’esprit n’est pas l’esprit catholique de l’obéissance. L’obéissance, en effet, porte sur l’adhésion à la finalité de la loi avant de porter sur sa lettre : sinon l’épikie ne serait pas une vertu, car elle consiste à chercher l’esprit de la loi dans les circonstances où sa lettre est inopportune ou nuisible. Il est légitime, en toutes circonstances, de se demander si les lois et les ordres des supérieurs humains sont conformes au bien, et si elles doivent s’appliquer littéralement dans tel ou tel contexte.
La perfection catholique ne consiste pas à se plier aveuglément à tous les ordres et à toutes les lois, sans la moindre réflexion : même dans la vie religieuse, qui est spécifiquement basée sur l’obéissance, le religieux peut être amené à demander respectueusement à ses supérieurs des aménagements ou des modifications par rapport aux ordres qui lui ont été donnés, si pour une raison ou une autre l’ordre donné lui semble inopportun ou impraticable.
Si le supérieur ne rétracte pas son ordre, alors le religieux fera acte de vertu en continuant de se soumettre à cet ordre. Mais il ne commet aucune faute en soumettant à son supérieur des observations et des demandes relatives à cet ordre : car le supérieur ne voit pas tout, ne comprend pas tout, et son inférieur peut, moyennant les formes appropriées, le lui signifier dans l’intérêt de tous. Il n’est pas demandé au religieux de se priver définitivement, en prononçant ses vœux, de tout raisonnement ou de toute réflexion.
Imaginons le cas dans lequel le religieux a reçu un ordre, et pour une raison ou une autre son supérieur n’est plus présent (il est mort, exilé, emprisonné, etc.). De nouvelles circonstances ont rendu cet ordre inopportun, impraticable, dangereux : est-ce que le religieux commet un péché en ne suivant plus cet ordre ? Non évidemment, étant entendu que si le supérieur était présent, il lui demanderait l’autorisation requise, et qu’il n’agit pas par pure préférence arbitraire et orgueilleuse, mais pour des raisons graves et circonstanciées.
On a déjà employé, à propos d’un ordre rendu inopportun par les circonstances, l’exemple d’un enfant qui reçoit de sa mère l’ordre de ne pas quitter la maison en son absence. Si la maison prend feu, est-ce que l’enfant commet un péché de désobéissance en sortant de la maison ? Évidemment non, car l’intention de la mère n’est pas d’obliger l’enfant à rester à la maison à tout prix même si cela le met en grave danger. Ce n’est pas l’esprit de la loi. La mère n’est pas là pour que l’enfant puisse lui demander s’il peut sortir de la maison : qu’importe, la nécessité lui impose de sortir, et si sa mère apprend ensuite que l’enfant est sorti de la maison pour échapper à l’incendie, elle comprendra évidemment que son enfant n’a pas agi en esprit de désobéissance et a bien fait.
Voici à peu près la situation dans laquelle se trouvent les prêtres qui choisissent la semaine sainte de Saint Pie X. L’ordre reçu il y a longtemps par le pape n’est plus opportun, pour plusieurs raisons. Le pape n’est plus là pour que l’on lui demande une autorisation, en expliquant les problèmes posés par cet ordre ; il est prudent de prendre la décision de ne plus suivre cet ordre, à tout le moins cette décision ne peut pas être qualifiée de péché de désobéissance, étant entendu qu’il y a des raisons graves de ne plus suivre la règle autrefois prescrite. L’intention du législateur (celui qui donne l’ordre) n’est pas de mettre en danger le sujet de la loi : quand la lettre de la loi contredit cette intention dans une circonstance particulière, c’est agir vertueusement que de se détourner de la lettre de la loi pour agir dans l’esprit de la loi.
Vouloir abandonner absolument toute réflexion sur les ordres ou sur les lois, c’est s’exposer, malgré des intentions pures (il est louable de vouloir renoncer à soi-même), à des dangers plus ou moins graves. Que l’on songe à tous ces catholiques qui, par « esprit d’obéissance » et par une sorte d’ignorance volontaire, ont accepté Vatican II et toutes les réformes consécutives : leur intention était droite, on peut le supposer, et pourtant leur action a été extrêmement mauvaise, pour eux-mêmes et pour tous les chrétiens qui subissent encore aujourd’hui les conséquences de leurs mauvais choix. Les scandales de cette fausse obéissance sont peut-être plus graves que les scandales du modernisme débridé : car le modernisme outrancier rebute les âmes pieuses, tandis que cette fausse obéissance attire les âmes pieuses vers les pièges du modernisme de manière plus insidieuse.
Le raisonnement de certains sédévacantistes sur « l’obéissance à Pie XII », poussé jusque dans ses dernières conclusions logiques, pourrait aboutir tout simplement à faire accepter Vatican II : car si l’on ne « doit pas discuter », si l’on ne « doit pas réfléchir » sur ce qui provient de l’autorité, pourquoi discuter et réfléchir sur ce que dit Paul VI, qui a été élu au souverain pontificat et reconnu pape par l’écrasante majorité des catholiques ? N’est-ce pas une manifestation d’un « esprit orgueilleux et indépendant », qui cherche à contrôler et à faire le tri vis-à-vis de ce qui émane de l’autorité ? Si le sédévacantisme existe, c’est-à-dire s’il y a des catholiques qui réalisent que ce qu’a dit et fait Paul VI est incompatible avec l’autorité pontificale, c’est bien parce qu’il est resté présent à l’esprit de certains catholiques que l’obéissance ne doit pas être aveugle, et qu’il est légitime de réfléchir et d’étudier ce qui émane ou semble émaner de l’autorité (quitte à conclure, dans certains cas, que ce qui semble être une loi n’en est pas une, ou que ce qui ce qui semble être une autorité n’en est pas une).
Il faut renoncer à soi-même, mais pas renoncer à ce que l’on sait être vrai, juste et bon. On a entendu, dans le contexte de la crise de l’Église, certains catholiques défendre une conception délirante de l’obéissance, allant jusqu’à dire que « même si le pape disait que Dieu n’existait pas, il faudrait le suivre ». Ceci a toutes les caractéristiques du fidéisme : comme si la raison ne pouvait rien nous apprendre de vrai, et que seule la soumission à une autorité pouvait éclairer notre intelligence et nous rendre vertueux. L’abbé Cekada a entendu son supérieur religieux dire les paroles que nous venons de citer : il comprit alors qu’il y avait, chez ces « conciliaires conservateurs », un grave problème de principes. Ce genre d’obéissance aveugle n’a rien à voir avec la perfection chrétienne.
Conclusion
Ceux qui suivent la semaine sainte de Saint Pie X, de préférence à la semaine sainte réformée sous Pie XII, n’ont aucune volonté de désobéir à l’Église ou d’innover en matière de liturgie.
Les ennemis de cette position ont trop souvent tendance à la comparer à des choix liturgiques personnels et arbitraires, à de l’innovation, à de l’esprit d’indépendance, voir à une volonté de « légiférer sur les rites » à la place du pape : or cette position consiste simplement à s’en tenir au rite en vigueur dans l’Église immédiatement avant la réforme, non pas à une quelconque invention ou fantaisie arbitraire.
Ce choix n’a pas de prétention d’être une « nouvelle loi », de s’imposer à qui que ce soit : c’est une ferme préférence, basée sur des principes bien clairs, cependant il n’a jamais été question de dire que ceux qui suivent la semaine sainte réformée sont dans l’erreur ou dans le péché : seuls les tenants de l’autre opinion (suivre la Semaine Sainte réformée) accusent les autres d’être dans le péché et la désobéissance.
Ce choix est réalisé en l’absence du législateur, en l’absence du pape, ce qui enlève à cette décision le caractère spécifique de la désobéissance : il y aurait désobéissance si, face à un ordre du pape régnant, ces prêtres continueraient de préférer un autre rite à celui qui leur est commandé. Ce n’est pas ce qui se passe actuellement.
L’absence d’autorité dans l’Église pousse les prêtres restés fidèles à effectuer quotidiennement des actions qui sont contre la lettre du droit canon, mais qui sont dans l’esprit du législateur : n’ayant pas reçu d’autorisation canonique à leur ministère, ils ont néanmoins reçu, de droit divin, la mission de donner les sacrements et de sanctifier les âmes, et doivent agir en conséquence, dans un contexte où la lettre de la loi ne peut pas être respectée.
Il y a des raisons graves, objectives, qui poussent à considérer que la semaine sainte réformée 1) sans être mauvaise, est cependant moins parfaite que le rite auparavant en vigueur, 2) est inopportune dans le contexte actuel (qui n’est pas celui de l’époque de Pie XII). S’en suit un choix prudentiel de préférer le rite auparavant en vigueur, en l’absence d’un pape auprès duquel l’on pourrait faire une respectueuse pétition pour modifier la loi, en présence d’une connaissance plus précise des intentions des réformateurs (inconnues de Pie XII), et en présence des scandales de la nouvelle liturgie qui provient des mêmes réformateurs.
C’est avec une intention droite que ces prêtres choisissent de s’en tenir au rite de Saint Pie X, et que leurs fidèles assistent à ces offices. Nous souhaitons de tout cœur qu’un pape règne de nouveau, et légifère sur cette question du rite de la semaine sainte : en attendant, nous nous efforçons de faire ce qui nous apparaît être le plus opportun et le meilleur pour la défense de la foi, la gloire de Dieu et le salut des âmes, dans la situation bien particulière qui est celle de l’Église actuellement, en soumettant par avance cette décision au jugement souverain de l’Église, si Dieu nous donnait la grâce d’avoir de nouveau un pape et une hiérarchie catholique.
Jean-Tristan B.
[1] Ceux qui voudraient approfondir peuvent lire avec profit le livre de l’abbé Rioult, La semaine sainte réformée sous Pie XII.
[2] Voir notamment les mémoires d’Annibale Bunigni, La réforme de la liturgie (1948-1975).
[3] Sur les erreurs du mouvement liturgique, voir l’article de l’abbé Ricossa sur L’hérésie antiliturgique : https://www.sodalitium.eu/lheresie-antiliturgique/
Le 11 octobre 1954, cent ans après la proclamation de l’Immaculée Conception par Pie IX, Pie XII institue la fête de Marie-Reine au 31 mai. Le Pape nous rappelle les fondements de la royauté de Marie et nous exhorte à toujours plus aimer une si bonne mère. Voici un résumé de l’encyclique et un fichier pdf qui contient l’encyclique elle-même dans son intégralité.
L’espérance mise en la Mère de Jésus-Christ n’a jamais été déçue. La foi qui proclame que la Sainte Vierge Marie règne sur l’univers entier couronnée dans la gloire du ciel ne s’est jamais affaiblie. Il faut donc recourir à Marie notre Reine avec amour et confiance. L’encyclique ne propose pas une nouvelle vérité à croire puisque les arguments en faveur de la royauté de Marie sont abondamment formulés dans les documents anciens de l’Église et les livres liturgiques.
Royauté de Marie dans les documents anciens
Celle dont est né le Fils du Très-Haut, « Rois des rois et Seigneur des Seigneurs », par son union intime avec ce divin Roi, a reçu des privilèges uniques, dont la dignité royale.
Saint Ephrem (306-373) la prie ainsi : « … noble jeune fille et patronne, Reine, Maîtresse, garde-moi, protège-moi, de peur que Satan auteur de tout mal ne se réjouisse à mon sujet et que le criminel adversaire ne triomphe de moi »
Saint Jérôme (347-420) s’exprime ainsi : « Il faut savoir qu’en syriaque Marie signifie Souveraine »
Saint André de Crète (660-740) appelle Marie « Reine de tout le genre humain » et saint Jean Damascène (675-749) « Reine, Patronne, Souveraine [de toutes les créatures] »
Les témoignages sont innombrables, l’encyclique en énumère davantage sans les épuiser pour autant. Ainsi, les théologiens de l’Église et les Papes ont définir la doctrine de la Très Sainte Vierge Reine de toutes les créatures, Reine du monde, Souveraine de l’Univers.
Une lettre de Grégoire II (669-731) lue durant le septième Concile œcuménique convoqué à Nicée (787), donne à Marie le titre de « Souveraine universelle et vraie Mère de Dieu »; et Sixte IV (1414-1484) celui de « Reine du Ciel et de la terre » dans sa lettre Cum praeexcelsa (1476). Saint Alphonse de Liguori (1696-1787) résume ainsi que « puisque la Vierge Marie a été élevée à la dignité si haute de Mère de Dieu, c’est à bon droit que l’Eglise lui a décerné le titre de Reine ».
Royauté de Marie dans les livres liturgiques
La liturgie est le fidèle miroir de la foi transmise par les anciens et crue par le peuple chrétiens : lex orandi, lex credendi. Elle a toujours chanté les louanges de la Reine des cieux.
En Orient: « Je dirai un hymne à la Mère Reine, et je m’approcherai d’elle avec joie pour chanter dans l’allégresse ses merveilles… O Souveraine, notre langue ne peut te chanter dignement, parce que Tu es plus élevée que les Séraphins, Toi qui as engendré le Christ Roi… Salut, ô Reine du monde, salut ô Marie, Souveraine de nous tous »
L’Église latine chante le « Salve Regina » ou le « Regina coeli, laetare » et les antiennes chantées pour l’Assomption proclament « Aujourd’hui la Vierge Marie est montée aux cieux : réjouissez-vous, car elle règne avec le Christ à jamais ».
L’art chrétien également représente abondamment Marie en Reine et en Impératrice, et les souverains pontifes ont toujours loué et favoriser cette authentique piété populaire.
Raisons théologiques de la royauté de Marie
L’argument principal sur lequel se fonde la dignité royale de Marie est sa maternité divine. Ainsi, la « Mère du Seigneur » (Luc. 1, 43), Seigneur dont le « règne n’aura point de fin » (Luc. 1, 33) « est vraiment devenue la Souveraine de toute la création au moment où elle devint Mère du Créateur » (St. Jean Damascène).
La Bienheureuse Vierge Marie doit aussi être proclamée Reine parce que selon la volonté de Dieu, elle joua un rôle éminent dans l’œuvre de notre salut éternel. En effet, Jésus-Christ est Roi non seulement par nature, mais aussi par conquête, puisqu’il nous a rachetés au prix de son sang (Pie XI, Quas Primas, 1925). Ainsi:
« Comme le Christ pour nous avoir rachetés est notre Seigneur et notre Roi à un titre particulier, ainsi la Bienheureuse Vierge est aussi notre Reine et Souveraine à cause de la manière unique dont elle contribua à notre Rédemption, en donnant sa chair à son Fils et en l’offrant volontairement pour nous, désirant, demandant et procurant notre salut d’une manière toute spéciale » (Suarez (1548-1617))
On pourra donc légitimement en conclure que, comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi parce qu’il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est également permis d’affirmer, par une certaine analogie, que la Vierge est Reine, et parce qu’elle est Mère de Dieu et parce que comme une nouvelle Eve, elle fut associée au nouvel Adam
Pie XII, Coeli Reginam
L’excellence souveraine et la dignité royale de Marie se déduit de sa plénitude de grâce. En effet: Dieu « a enrichi Marie avec munificence de tous les dons célestes, puisés au trésor de la divinité ; aussi, toujours préservée des moindres souillures du péché, toute belle et parfaite, elle a atteint une telle plénitude d’innocence et de sainteté qu’on ne peut en imaginer de plus grande en dessous de Dieu et que jamais personne, sauf Dieu lui-même, ne réussira à la comprendre » (Pie IX, Ineffabilis Deus, 1854)
La Sainte Vierge possède donc un pouvoir « presque sans limites » (Léon XIII, Adjutricem populii, 1895) pour concéder des grâce, office qu’elle remplit « pour ainsi dire de droit maternel » (Saint Pie X, Ad diem illum, 1903)
Nous, chrétiens, devrions nous glorifier à chaque instant d’être soumis à l’empire de la Vierge Marie dont le cœur brûle d’amour maternel.
Institution de la fête de Marie Reine
Pie XII finit par décréter l’institution de la fête de Marie Reine, qui se célébrera chaque année dans le monde entier le 31 mai, pour que cette vérité si solidement établie et si nécessaire au salut des hommes soit mieux connue et rendue plus resplendissante aux yeux de tous.
Il nous exhorte ensuite :
« Que le nom de Marie, plus doux que le nectar, plus précieux que n’importe quelle gemme soit l’objet des plus grands honneurs ; que personne ne prononce des blasphèmes impies, signe d’une âme corrompue, contre un nom qui brille d’une telle majesté ; qu’on n’ose même rien dire qui trahisse un manque de respect à son égard. »
« Que tous s’efforcent selon leur condition de reproduire dans leur cœur et dans leur vie, avec un zèle vigilant et attentif, les grandes vertus de la Reine du Ciel, Notre Mère très aimante. »
« Que personne, donc, ne se croie fils de Marie, digne d’être accueilli sous sa puissante protection, si, à son exemple, il ne se montre doux, juste et chaste, et ne contribue avec amour à la vraie fraternité, soucieuse non de blesser et de nuire, mais d’aider et de consoler. »
Pour enfin souhaiter l’établissement d’une véritable paix chrétienne, en ces temps troubler par les ravages du communisme athée et l’impiété du laïcisme libéral :
« Quiconque donc honore la Souveraine des Anges et des hommes l’invoque aussi comme la Reine très puissante, médiatrice de paix […] qui n’est ni injustice impunie ni licence effrénée mais concorde bien ordonnée dans l’obéissance à la volonté de Dieu«
Ce document était attendu depuis un moment : il fait suite à une grande « enquête sur le rite extraordinaire » commandée par Bergoglio aux différentes conférences épiscopales le 7 mars 2020. Le motu proprio Summorum Pontificum (2007) de Benoît XVI avait donné lieu à une « régularisation » ou « légalisation » du culte catholique suivant le rite tridentin, apanage de quelques communautés qui vivent et agissent en marge des structures officielles du catholicisme depuis le Concile Vatican II et l’instauration obligatoire du Novus Ordo Missae en 1969. En 2007, quand Benoît XVI émet son motu proprio pour autoriser officiellement la pratique du rite tridentin, ces traditionalistes, restés attachés à « l’ancien rite » et à la foi catholique telle qu’elle a toujours été enseignée, ont presque tous exulté (y compris la FSSPX, héritière de Mgr Lefebvre), ne voyant pas ou feignant de ne pas voir l’absurdité de la situation, sa fragilité et son hypocrisie. 13 ans plus tard, le constat de cette absurdité et de cette hypocrisie est fait par les conciliaires eux-mêmes, qui cherchent à limiter drastiquement les dispositions du motu proprio précédent. Serait-ce l’occasion pour les traditionalistes de réfléchir en profondeur à leurs engagements, à leur foi et à la nature véritable de la crise de l’Eglise ? Quelle conclusion logique faut-il tirer de la détestation des autorités conciliaires à l’égard de la vraie liturgie catholique ?
Le motu proprio de Benoît XVI était déjà une hypocrisie et une absurdité
Les traditionalistes ont commencé leur combat en refusant une « messe protestante », une « messe bâtarde » (l’expression est de Mgr Lefebvre), qui n’est que l’expression sensible et extérieure de la « foi » bâtarde et protestante promue par Vatican II. Lex orandi, lex credendi : la loi de prière est la loi de croyance ; la liturgie est l’expression et l’illustration de ce que l’on croit. Par ses innombrables omissions et ses nouveautés, le rite de Paul VI s’éloigne « de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe »(1). Par extension, Vatican II s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique … Liberté religieuse, œcuménisme de type « théorie des branches », collégialité épiscopale, laïcité, exaltation du judaïsme talmudique, soutien intellectuel et pratique au mondialisme maçonnique athée, dévalorisation de la vie intérieure et de la mortification au profit de « l’action » et de la « positivité », effacement de l’objectivité de la morale au profit de la subjectivité et des sentiments (au point que la contraception artificielle, la sodomie ou le suicide peuvent devenir un « bien subjectif »), tout ceci est contenu dans Vatican II et/ou dans l’enseignement des successeurs de Paul VI.
Par les desseins miséricordieux de la Providence, qui a permis que l’Eglise soit infiltrée de l’intérieur et sabordée par ses pires ennemis (exactement comme le craignait Saint Pie X), cette infiltration et ce sabordage ont été rendus particulièrement visibles et évidents, avec la réforme liturgique de 1969. Nos jeunes générations ne se représentent pas bien à quel point la réaction au nouveau missel a été massivement défavorable chez les catholiques, particulièrement en France. Entre ceux qui s’interrogent sur la pertinence du changement, ceux qui abandonnent la pratique religieuse par dégoût pour cette désacralisation, ceux qui demandent timidement le maintien de certaines pratiques anciennes et ne comprennent pas l’abandon brutal de plusieurs siècles de tradition liturgique, il y eut aussi ceux qui refusèrent catégoriquement toute participation à cette liturgie protestante et commencèrent à s’organiser en groupes de « résistants », bien convaincus qu’il ne s’agissait pas seulement de préférences esthétiques personnelles mais de questions relatives à la foi catholique elle-même, dans toute sa profondeur, et donc du salut de leur âme dont dépend la profession de la foi.
Le temps passant ces « résistants » se sont organisés en groupes différents et ont précisé leur position doctrinale vis-à-vis de la crise de l’Eglise et de la trahison de ses autorités. Ils sont devenus les « sédévacantistes », la FSSPX, la FSSP, l’IBP et d’autres groupes plus ou moins « régularisés » vis-à-vis de la Rome conciliaire, qui tolère avec une forme de résignation et non sans un certain mépris leur « différence liturgique » et leur « sensibilité droitière ». Après avoir tenté sans succès d’interdire brutalement, à renfort de menaces et de sanctions spectaculaires, l’usage de la liturgie tridentine et la défiance à l’égard de Vatican II au nom de la doctrine catholique reçue avant le concile, les conciliaires (à partir de Jean-Paul II) ont opté pour une stratégie plus diplomatique et ont cherché à donner un « cadre » à ces groupes et à ces pratiques en dissonance avec l’esprit de Vatican II. Joseph Ratzinger, devenu « pape », a acté de manière officielle cette « réconciliation » et cette « légalisation » par le motu proprio de 2007.
Mais qui ne voit que le motu proprio de Benoît XVI oblige ces traditionalistes à renier les engagements et les principes du combat qui les a poussés à rejeter la nouvelle liturgie ? Ratzinger, qui n’est un « conservateur » que pour l’œil non averti, était connu comme l’un des penseurs les plus progressistes pendant le concile Vatican II, un véritable et pur moderniste (2). Le principe qui sous-tend la « légalisation » de la liturgie tridentine est le suivant : ce rite est aussi bon etlégitime que le nouveau, dans l’absolu ; et pour autant il ne faut pas les considérer sur un strict pied d’égalité, car le nouveau rite est le rite ordinaire de la liturgie romaine, tandis que la liturgie tridentine n’existe que sous un régime dérogatoire, elle est le rite extraordinaire. Accepter le régime du motu proprio signifie, pour les traditionalistes, accepter que la « nouvelle messe » qu’ils ont rejeté et combattu est « aussi bonne » que la vraie Messe et même supérieure en dignité en tant que rite ordinaire de l’Eglise universelle.
Personne ne devrait être content dans cette situation absurde. Ni les traditionalistes, ni les modernistes.
Pourquoi tant de traditionalistes ont chanté le Te Deum, ont sabré le magnum de champagne, à l’occasion de cette « concession » de la part de la Rome conciliaire, qui est plutôt au fond une capitulation de la part des traditionalistes ? Ont-ils oublié les principes qui motivent leur combat, et qui font constater que le nouveau rite est équivoque, scandaleux, dangereux du point de vue de la foi et même probablement invalide ? Comment peut-on se contenter et se réjouir d’une telle situation, si l’on est convaincu que le nouveau rite est mauvais ? La réponse est simple : il faut ou bien se convaincre que finalement le nouveau rite n’est pas mauvais, ou bien être hypocrite et accepter en apparence la dignité du nouveau rite tout en pensant autrement en secret. Ainsi semblent faire beaucoup de prêtres et de fidèles des groupes dits « ralliés », qui critiquent en secret Vatican II et sa liturgie, tout en professant extérieurement d’une union et d’une obéissance à l’égard de ce qu’ils estiment être le Saint-Siège. Ils font mine « d’en être », sans en être vraiment, en conservant leur propre manière de voir les choses. Comme si le Pape et l’Eglise pouvaient enseigner des hérésies et promulguer une liturgie mauvaise : il faut, pour défendre une telle position, ressusciter les arguments mille fois réfutés des gallicans et des jansénistes contre l’autorité et les prérogatives du successeur de Saint Pierre, contre la sainteté et l’infaillibilité de l’Eglise.
Du côté des modernistes, le motu proprio de Benoît XVI est très mal vu. Pourquoi donner du crédit et du soutien à ces groupuscules d’extrême-droite, qui sont contre le progrès et contre l’amour ? Ils ralentissent l’œuvre de Vatican II. Bien qu’intellectuellement parlant, on puisse être un vrai moderniste et reconnaître un certain intérêt et une certaine légitimité au rite tridentin (comme Ratzinger), en pratique ce que ce rite représente est trop en rupture avec le modernisme et la religion de Vatican II pour qu’il soit en affection chez la plupart de ses partisans. En définitive, ce que les modernistes reprochent principalement aux traditionalistes, c’est d’adhérer à la théologie catholique d’avant Vatican II, dont la Messe tridentine est l’expression : ainsi le professeur Massimo Faggioli explique les inquiétudes du Vatican vis-à-vis des traditionalistes de cette manière : « You can have that latin mass, you cannot have the theology of the 16th century that was at the basis of latin mass »(3). La Messe en latin, passe encore ; mais la théologie antiprotestante des papes, des docteurs et des saints du XVIème siècle, pas question.
Ce rite a été abandonné par Paul VI et ses suivants parce qu’il était trop attentatoire aux croyances des protestants, qu’il était nuisible à l’œcuménisme : pourquoi autoriser sa diffusion s’il va contre les principes et les objectifs de Vatican II ? Cette situation de coexistence des deux rites est perçue par la plupart comme une bizarrerie, quasiment un attentat à « l’unité de l’Eglise » dans sa loi de prière. Plusieurs posent ouvertement la question de savoir si les communautés traditionnalistes sont en communion avec l’Eglise catholique : quand Vatican II donne la certitude que les protestants et les schismatiques orientaux sont membres de l’Eglise, apparemment l’appartenance des traditionalistes à l’Eglise fait débat !(4)
L’actuelle décision de François de briser les dispositifs établis par son prédécesseur et de placer sous un contrôle beaucoup plus drastique les groupes traditionalistes n’est que l’aboutissement naturel d’une situation qui était, dès le départ, incohérente et bancale. La stratégie de Benoît XVI, qui consiste à amadouer les traditionalistes pour mieux les contrôler, ne porte pas les fruits attendus. Les modernistes commencent à le dire de plus en plus fortement : le sempiternel « dialogue œcuménique », si richement mené à l’égard des sectateurs de Luther et de Photius, ne peut pas être mené avec les traditionalistes parce qu’ils sont trop « de droite ». Les conciliaires progressistes reconnaissent (avec raison) qu’ils sont plus proches des libéraux de toute confession, que des catholiques trop fortement attachés au catholicisme. François a multiplié ces derniers temps les déclarations très hostiles et à peine voilées à l’égard des catholiques « trop conservateurs », considérés comme des pharisiens ou des personnes cliniquement malades. La rupture de fait et l’impossibilité d’une conciliation entre ces deux camps, que tout oppose au point de vue des idées, va se traduire de plus en plus dans le droit conciliaire. Et pour les traditionalistes, il faudra finir par sortir de ce statu quo insensé et inique entre ceux qui veulent détruire la foi et ceux qui veulent la défendre.
Le motu proprio de François ne fait que mettre le « traditionalisme » devant ses propres contradictions
Les traditionalistes qui avaient exulté en 2007 se trouvent à présent désemparés. Pour beaucoup d’entre eux, c’est peut-être la disparition pure et simple de leur « paroisse » qui les attends. Pour tous, on attendra d’eux des gages explicites de soumission à Vatican II et à la nouvelle liturgie. Certains sont littéralement excédés, et ne comprennent pas qu’un pape puisse à ce point persécuter l’usage des saintes et émouvantes cérémonies de la liturgie tridentine, et les doctrines qu’elles expriment.
Mais faut-il s’étonner de cette situation ? Absolument pas, disions-nous plus tôt.
Les conciliaires s’opposent à la liturgie tridentine, parce qu’elle est explicitement incompatible avec le protestantisme, elle choque les « frères séparés »(5). Ils veulent faire plaisir aux protestants avec leur « nouvelle messe », parce qu’ils considèrent que le protestantisme est légitime et que les protestants sont véritablement membres de l’Eglise : on ne parle plus « d’œcuménisme du retour », mais d’œcuménisme de l’approfondissement ou de la perfection du lien déjà existant.
Les traditionalistes sont, a priori, conscients que ces idées sont contraires à la foi catholiques, condamnées par le magistère de l’Eglise et par la voix unanime des docteurs et des saints catholiques des derniers siècles. Pourquoi s’étonnent-ils d’être persécutés par les défenseurs de l’hérésie ?
Pourquoi les traditionalistes s’attendent, de la part des défenseurs de l’hérésie, à ce qu’ils leur concèdent un quelconque droit à exister dans la dénonciation de l’hérésie et la profession de la doctrine catholique intégrale ? Pourquoi se réjouissent-ils quand les défenseurs de l’hérésie font mine de leur donner un semblant d’existence, et s’attristent-ils quand les défenseurs de l’hérésie leur dénient les concessions précédemment faites ?
Voilà la grande contradiction du traditionalisme « rallié » : ils recherchent l’approbation … de leurs ennemis, de ceux contre qui ils luttent. Au moins de ceux contre qui ils luttaient initialement. Si la « nouvelle messe » ne posait pas un grave problème de conscience, il n’y aurait aucune raison d’être traditionaliste, les traditionalistes ne seraient que des schismatiques, des extravagants, des fous. Si la « nouvelle messe » était vraiment bonne et sainte, comme l’affirme le motu proprio de Benoît XVI, le traditionalisme est alors relégué au rang de fantaisie droitière pharisaïque : c’est ainsi qu’il est considéré par le clergé conciliaire.
Cette « relation » entre les traditionalistes et les autorités conciliaires est profondément incohérente. Au fond, qu’ils en soient conscients ou non, les traditionalistes qui recherchent l’approbation de la Rome conciliaire ne cherchent qu’une chose : un sentiment de régularité et de normalité institutionnelle. Ils ne cherchent pas sincèrement à obéir au pape : ils cherchent à avoir le sentiment que le pape est d’accord avec eux. Ils veulent avoir le sentiment qu’il y a une continuité entre l’Eglise d’avant et celle d’après Vatican II. Ils veulent avoir le sentiment que tout est normal, que Vatican II n’est qu’une regrettable imperfection humaine dans l’histoire de l’Eglise et qu’elle n’engage pas son autorité infaillible, ou bien que Vatican II n’est pas fondamentalement incompatible avec leur « sensibilité intégriste ». Ils veulent avoir le sentiment que l’on peut pratiquer la foi catholique intégrale sans passer pour un fou et un sectaire. Ils passeront quand même pour des fous et des sectaires auprès des autorités ecclésiastiques actuelles, et seront traités comme tels …
Ce sentiment ne peut qu’être fragile et illusoire, parce que les personnes dont ils veulent l’approbation ne recherchent plus le bien de l’Eglise et la fin pour laquelle elle a été instituée. Ce fait est manifeste depuis le concile Vatican II. Ces personnes ont usurpé les institutions de l’Eglise, sa structure, pour défendre d’autres doctrines et d’autres finalités que celles de l’Eglise du Christ : la nouvelle religion humanitaire, œcuméniste et laxiste enfantée par le modernisme et la conjuration antichrétienne. Ce sont les ennemis déclarés de Dieu : ils ne recherchent pas sa gloire, mais cherchent à plaire au monde, ils suivent sans discernement ses lubies et ses modes intellectuelles impies, ils aiment ce monde maudit et anathématisé par Jésus-Christ lui-même, sans comprendre son vide profond et sa laideur. Ils détestent le renoncement et la mortification des saints des siècles passés, parce qu’ils n’ont pas la même foi que les saints des siècles passés. Ils détestent aussi leur zèle pour la lutte contre l’hérésie et les fausses religions, leur zèle pour la condamnation des mauvais discours et des mauvais livres, parce qu’ils croient à la « liberté de pensée », suivant la mode du temps et contre le magistère de la sainte Eglise. Ils ne veulent pas ce que veulent les catholiques : la gloire de Dieu, l’exaltation de la foi et l’extirpation des hérésies, la conversion des pêcheurs et le salut des âmes. Voici ce qu’ils veulent : la gloire de l’homme, l’effacement de la foi et la libre prolifération des hérésies, le contentement des pécheurs dans leurs péchés, l’oubli des fins dernières et du jugement de Dieu (remplacés par une croyance au salut universel inconditionnel)(6).
On ne peut pas être pape et poursuivre objectivement, de manière habituelle, quelque chose de contraire au bien de l’Eglise et à sa finalité. C’est tout simplement un empêchement, un obex à l’autorité pontificale. Cet argument développé par Mgr Guérard des Lauriers prouve de manière philosophiqueplus que théologique combien il est impossible que Paul VI et ses successeurs soient papes. Et si l’on se posait la question, juste et légitime question, de savoir où se trouvent l’autorité et la juridiction dans l’Eglise actuellement en crise (car elles ne peuvent disparaître, de droit divin), la « thèse de Cassiciacum » y répond en toute conformité avec la théologie catholique, le magistère de l’Eglise et la philosophie de Saint Thomas : https://www.sodalitium.eu/lexplication-thomiste-de-letat-actuel-de-lautorite-leglise/
Deux alternatives logiques : accepter Vatican II et la nouvelle messe, ou accepter le constat de la vacance du Saint-Siège
La position de la FSSPX, qui est malheureusement celle vers laquelle vont se tourner par défaut beaucoup de « ralliés » malmenés par les nouvelles restrictions, ne peut pas être une alternative logique, conforme à la raison et à la foi. Ces « ralliés » ont accepté de se rallier par esprit « romain », par opposition à la dérive schismatique de la FSSPX qui sacre des évêques en faisant comme si le pape n’existait pas ; par esprit romain (c’est-à-dire par esprit catholique, suivant le principe de la foi en l’autorité suprême du Pape) ils doivent choisir entre la soumission réelle, extérieure et intérieure, à ce qu’ils pensent être l’autorité de l’Eglise, ou bien le sédévacantisme, c’est-à-dire la claire conscience de l’impossibilité qu’un pape enseigne des hérésies et détruise la liturgie catholique, et en conséquence le constat que le Saint-Siège est vacant au plus tard depuis 1965, date de la promulgation de Vatican II, contenant notamment la fausse doctrine de la liberté religieuse. Conclusion difficile, déchirante, mais froidement logique, et conforme aux principes de la doctrine catholique, face au problème évident et toujours plus grave de la crise de l’Eglise.
La raison pour laquelle tant de traditionalistes se refusent, avec une obstination parfois passionnée, à considérer l’hypothèse du sédévacantisme, est liée à ce dont nous parlions plus haut : la recherche d’un sentiment de régularité et de normalité institutionnelle, la recherche d’une vaine et illusoire approbation de la part de ceux qui occupent les structures institutionnelles de l’Eglise. Et donc, dans cette recherche, le sédévacantisme est vu comme la pire chose possible : d’après cette doctrine, il n’y a actuellement plus de régularité et de normalité dans l’Eglise, chacun est comme livré à lui-même en l’absence d’autorité régnante… Comme si depuis Vatican II, les fidèles étaient bien guidés et n’étaient pas livrés à eux-mêmes, quand les « papes » enseignent des doctrines condamnées par le magistère de l’Eglise et promulguent une liturgie si douteuse qu’il a fallu créer des groupes séparés pour pouvoir continuer à enseigner la vraie doctrine et pratiquer la vraie liturgie contre le « courant dominant du catholicisme ». Sentiment fragile et illusoire disions-nous : au fond, la vie des communautés ralliées diffère peu, en pratique, de la vie des communautés sédévacantiste, la différence réside surtout sur un bout de papier (7). Maintenant que le bout de papier va être déchiré, les ralliés vont-ils réfléchir sérieusement à la gravité de la crise actuelle de l’Eglise catholique, et aux conclusions que doivent nous faire admettre la théologie catholique face à cette crise ?
Nous espérons que les traditionalistes profiteront de ces évènements douloureux pour comprendre que cette recherche est sentimentale, qu’elle vise à procurer un sentiment de confort psychologique, mais que la raison et la foi ensemble se liguent pour discréditer ce sentiment. Il ne faut pas chercher le confort, mais la vérité : tous les traditionalistes seront d’accord avec ce principe, sur le papier. Si une vérité est inconfortable, elle n’en est pas moins vraie, et elle mérite que l’on se prive du confort que nous cherchons, pour accepter l’inconfort de la croix. On ne se sauve pas sans la croix, on ne se sauve pas sans la souffrance : les traditionalistes connaissent ce principe. C’est effectivement une souffrance et un inconfort d’être privé d’autorité et de cadre ecclésiastique légitime, privé de régularité, privé de la sécurité que procure la soumission à une institution visible et forte. Mais si telle est la réalité, on ferait offense à Dieu en ne vivant pas en conformité avec cette réalité.
Nous espérons, sincèrement et charitablement, que ces évènements soient l’occasion pour le plus grand nombre des traditionalistes, qui depuis des années combattent sincèrement pour garder la foi dans un monde apostat, de considérer sérieusement qu’il est impossible qu’un véritable pape persécute la liturgie catholique pour imposer à la place une fausse liturgie protestante, qu’il est impossible qu’un pape enseigne dans l’exercice de son ministère les fausses doctrines qui justifient son amour du protestantisme. Et donc, qu’il est impossible que François soit actuellement pape, vicaire de Jésus-Christ et successeur de Saint Pierre dans l’autorité apostolique. Nous prions pour que le grand saint Pie X, qui a pressenti et cherché à empêcher le noyautage des institutions ecclésiastiques par les modernistes, intercède pour nous tous et nous obtienne d’être vraiment fidèles à son combat, et à tous les sacrifices qu’exigent la défense de la vérité.
Jean-Tristan B.
Il est impossible qu’un arbre bon produise de mauvais fruits. Placé dans un mauvais terrain, un arbre bon meurt, mais jamais il ne produit de mauvais fruits. Nous ne pouvons donc pas imputer les désordres dont nous sommes les spectateurs navrés, nous ne pouvons pas les imputer aux malheurs des temps ou à toutes sortes de causes extrinsèques. Non, les malheurs de l’Église, ils viennent de ce que, à l’origine, au sommet, il y a une viciosité radicale qui découle de l’esprit de Satan qui est le père du mensonge, et non pas de l’ESPRIT SAINT qui est l’ESPRIT de VÉRITÉ.
Efforçons-nous discrètement mais fermement, de porter le jugement que nous avons à porter sur la situation, dans la lumière de la très sainte Foi. Efforçons-nous, avec intrépidité, avec courage, avec simplicité et en allant jusqu’au bout de nous-mêmes, jusqu’au bout de nos forces, usque ad mortem si le Bon Dieu nous le demande, de joindre le témoignage de l’action à la profondeur de la conviction.
– 1 Bref examen critique du nouvel Ordo Missae, signé par les cardinaux Ottaviani et Bacci, rédigé principalement par le Père Michel-Louis Guérard des Lauriers alors professeur à l’Angelicum(1969). Le texte est disponible ici :https://laportelatine.org/documents/crise-eglise/nouvelle-messe/le-bref-examen-critique-du-nouvel-ordo-missae
– 2 Le « dossier Ratzinger» est vaste et il faudrait une vie pour exhumer toutes ses citations modernistes. Par rapport au sujet qui nous intéresse, il est manifeste que Ratzinger n’aime pas les traditionalistes, il les considère comme dangereux et sectaires. Le but de sa politique est de les amadouer, et de noyer leur résistance par une série de mesures qui leur sont en apparence favorables. Voici ce qu’il déclarait en 1982 : « We must be on gard against minimizing these movements [that oppose Vatican II]. Without a doubt, they represent a sectarian zealotry that is the anthitesis of Catholicity. We cannot resist them too firmly.”. (Joseph Ratzinger, Principles of Catholic Theology, Ignatius Press, 1987, pp.389-90 – Traduit de l’original allemande Katolische Prinzipienlehre, 1982). Citation issue du dossier de “Novus Ordo Watch” sur Ratzinger, précieuse mine d’informations pour qui veut comprendre qui est réellement le « pape intégriste » : https://novusordowatch.org/benedict-xvi/
– 3 https://www.youtube.com/watch?v=5UI3FJJ8SNo Cet entretien a lieu dans le contexte des restrictions et régulations imposées par François début 2021 à propos de la célébration dans le « rite extraordinaire » dans la basilique Saint Pierre. Faggioli (partisan enthousiaste de Vatican II) explique que le cœur du problème n’est pas que François n’aime pas cette forme du rite, mais qu’il n’aime pas la théologie qui la sous-tend. Pour pouvoir dire la messe en latin en étant agréé par les autorités conciliaires, il faut préalablement donner des garanties d’être suffisamment moderniste, d’accepter toutes les concessions qu’imposent l’esprit moderne : c’est ce qui attends les communautés ralliées actuellement.
– 4 Voir le document émis par la « conférence des évêques de France » dans le cadre de l’enquête demandée par François sur l’application du motu proprio de Benoît XVI. Une mine d’or pour comprendre la mentalité des conciliaires, qui mériterait un commentaire dédié. https://fsspx.news/sites/sspx/files/202012synthesecefsummorumpontificium.pdf
– 5 Un exemple de témoignage pour illustrer cette idée : dans l’Osservatore Romano du 19 mars 1965, Mgr Bugnini, secrétaire du Conseil pour l’application de la Constitution sur la liturgie et sous-secrétaire de la congrégation des Rites pour la liturgie, principal auteur de la réforme liturgique, présenteles modifications qui ont été apportées à certaines des oraisons solennelles du Vendredi saint. Il explique ses motivations œcuménistes : « L’Église a été guidée par l’amour des âmes et le désir de tout faire pour faciliter à nos frères séparés le chemin de l’union, en écartant toute pierre qui pourrait constituer ne serait-ce que l’ombre d’un risque d’achoppement ou de déplaisir. » (Osservatore Romano, 15 mars 1965). Le même Bunigni déclare au long de ses mémoires que la réforme de la semaine sainte est un prémice de la réforme générale de la liturgie qu’il dirigera ensuite.
– 6 Veut-on un exemple pour illustrer à quel point « l’œcuménisme »de Vatican II est contraire au salut des âmes ? François a déclaré en 2016, alors en déplacement à Tbilissi en Géorgie, qu’il ne fallait pasconvertir les orthodoxes, et mieux encore : que le prosélytisme était un grand péché contre l’œcuménisme. Les citations sont consultables ici : https://novusordowatch.org/2016/10/francis-converting-orthodox-sin-against-ecumenism/
– 7 Nous ne disons pas cela pour dire que le « bout de papier » n’est pas important. Au contraire, du point de vue de Dieu, il est très important de savoir si l’on se déclare en communion avec François ou non. Nous voulons plutôt insister sur le fait que les ralliés s’imaginent qu’ils sont dans la régularité, l’obéissance et la communion, alors qu’en pratique ils se permettent de critiquer les « papes » et qui plus est des « papes saints », de critiquer un « Concile œcuménique », ils essayant de vivre comme si Vatican II n’avait pas existé : les conciliaires ont raison de s’interroger sur la réalité de leur communion avec eux, vu le faible degré d’alignement entre les ralliés et Vatican II.