Les catholiques doivent être sédévacantistes


Avant de comprendre quelle est la situation de l’ Eglise aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre ce qu’est l’ Eglise en tout temps, et quelle est l’attitude qu’un chrétien doit avoir à son égard, surtout lorsqu’il cherche la vérité en matière de religion.


 « S’il n’écoute pas l’Église même, qu’il soit à votre égard comme un païen et un publicain »

Matthieu 18:17

Dieu s’est fait connaître par la Révélation, commencée au temps de l’Ancienne Alliance; celle-ci s’achève à la mort du dernier Apôtre, c’est un point sur lequel tous les chrétiens s’entendent. Mais pour que cette Révélation demeure sans changement et qu’elle soit répandue à travers le monde Notre-Seigneur a établi une Église qui naît à la Pentecôte et dont la doctrine et la morale sont fixées par Jésus-Christ lors de sa vie terrestre.

« Allez donc, et instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit »

Matthieu 18:19

Mais puisque la nature humaine blessée n’aurait pu conserver et enseigner sans faute le dépôt révélé, Notre-Seigneur Jésus-Christ a promis à son Église l’infaillibilité. C’est ce qui distingue la religion catholique des hérésies et des fausses religions : elle est immuable quand les autres sont changeantes. C’est d’abord le Pape, successeur de saint Pierre, qui est infaillible ; partant du Christ l’infaillibilité se répand ensuite dans l’Église. C’est ainsi que les évêques unis au Pontife romain enseignent infailliblement, par exemple lors des Conciles œcuméniques, ou dans leur enseignement ordinaire. C’est ainsi que se vérifie la promesse d’assistance faite par Notre-Seigneur :

« Et moi, je suis avec vous toujours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28:19)

L’Église fondée sur saint Pierre est donc le seul moyen par lequel le Christ se fait connaître aux hommes, car elle seule a cette promesse d’infaillibilité, à laquelle aucun homme ou aucune société ne peut prétendre sinon. La Bible et la Tradition ne se suffisent pas à elles-mêmes : on ne peut comprendre certainement la Révélation qu’à travers l’enseignement de l’Église. C’est cet enseignement de l’Église que l’on appelle Magistère. Le Pape Pie XII le définit ainsi :

« Ce magistère, en matière de foi et de mœurs, doit être […] la règle prochaine et universelle de vérité, puisque le Seigneur Christ lui a confié le dépôt de la foi – les Saintes Écritures et la divine Tradition – pour le conserver, le défendre et l’interpréter »

Pie XII, Humani Generis

Le catholique a donc cette règle infaillible de foi qu’est le Magistère pour connaître la vérité et éviter l’erreur. C’est bien le Magistère qui est la règle prochaine de la foi, et non pas la Tradition, la Bible, ou des révélations privées. Le Magistère de l’Église s’est ainsi exprimé durant deux millénaires sur toutes sortes de sujets relatifs à la foi (ce qu’il faut croire pour se sauver) et aux mœurs (ce qu’il faut faire pour se sauver), non pas pour ajouter quelque chose à la doctrine révélée mais pour la faire comprendre et pour approfondir son insondable richesse, pour la défendre et pour réfuter les erreurs qui lui étaient opposées.

Le catholique ne trouvera donc l’assurance d’être sur la Voie du Christ qu’en suivant docilement le Magistère de l’Église Catholique, au mépris de toute opinion et de toute préférence personnelle.

C’est ce principe qui doit guider le catholique qui s’interroge sur l’Église aujourd’hui.

C’est ce principe qui fait que nous sommes « sédévacantistes », que nous pensons que le Saint Siège est formellement vacant depuis 1965 au plus tard, au lieu d’être conciliaires ou d’être lefebvristes :

  • Parce que Vatican II contredit le magistère de l’Eglise, nous sommes contre Vatican II.
  • Parce qu’il n’est pas possible que l’Eglise se contredise dans son magistère, nous sommes contre le « faillibilisme » de la plupart des traditionnalistes.

C’est aussi simple que cela.

Pour en finir avec Archidiacre


L’impasse de l’herméneutique de la continuité en 10 points

Un certain « Archidiacre », de son vrai nom Jérôme Ferrier, et son serviteur « semper papiste » / « catholique lorrain » / « quiche lorraine » se font connaître depuis des années sur internet comme les ennemis mortels du sédévacantisme ou du traditionalisme d’une manière générale, menant un apostolat très actif contre cette position, estimant être en possession d’une réfutation définitive du traditionalisme par la solution dite de « l’herméneutique de la continuité », qui consiste à interpréter Vatican II comme étant en parfaite continuité avec la Tradition catholique.

Cette position, qui semble procéder d’une bonne intention (sauvegarder la foi catholique et la fidélité à la hiérarchie ecclésiastique) et qui a malheureusement le pouvoir de séduire certains traditionalistes par l’apparence de sérieux qu’elle comporte et les questions graves qu’elle soulève (l’obéissance à l’Eglise, la possibilité d’errer dans son jugement privé, etc.), n’a en réalité qu’une apparence de sérieux et comporte de très graves problèmes à la fois internes (concernant ses postulats et sa logique) et externes (concernant son rapport avec la réalité qu’elle cherche à expliquer).

Cet article ne vise pas à être exhaustif dans l’exposition et la réfutation des problèmes posés par  l’herméneutique de la continuité, ni à répondre aux objections qu’elle soulève contre le sédévacantisme (ce qui pourrait faire l’objet d’autres développements), mais à donner une liste de principes qui permettent déjà de comprendre que cette position est, en réalité, absolument insoutenable pour un catholique soucieux de la défense de la foi et de la fidélité à l’Eglise. Ses conséquences pratiques, qui sont de pousser les derniers catholiques sérieux à se soumettre aux modernistes qui détruisent l’Eglise et scandalisent les âmes depuis plus de 60 ans, sont spécialement désastreuses et méritent que cette position soit énergiquement combattue.

Sommaire
I. Le principe fondamental de l’herméneutique de la continuité est vicié.
1) Interpréter le magistère est détruire la notion même de magistère
2) Il est déjà un problème en soi que Vatican II soit si ambigu qu’il puisse être interprété de différentes manières.
3) L’existence même de l’herméneutique de la continuité est une preuve que Vatican II pose problème.

II. L’état d’esprit fondamental de cette position est fidéiste.
4) La raison humaine peut parvenir à la certitude de certaines vérités sans avoir besoin d’une autorité.
5) Il n’est pas pieux d’interpréter pieusement des actions qui sont évidemment mauvaises.

III. Cette position repose sur la négation de la réalité.
6) La majorité des conciliaires n’accepte pas la position d’Archidiacre.
7) Cette position n’offre aucune explication sérieuse au problème du modernisme dans le clergé.
8) Cette position nie le scandale objectif dans les actions des pontifes conciliaires.
9) La contradiction entre Vatican II et le magistère de l’Eglise n’est pas simplement apparente.
10) L’histoire de Vatican II, et du monde catholique depuis Vatican II, contredisent définitivement les postulats fantaisistes de l’herméneutique de la continuité.

« Il y a dans le Coran bien des choses indignes de Dieu. (…) Il y a dans le Coran nombre de mensonges. (…) On trouve une infinité de contradictions dans le Coran. (…) Le paradis que le Coran promet est un paradis qui ferait rougir de honte les bêtes elles-mêmes. »
Saint Alphonse de Liguori, Les Vérités de la Foi, Partie 3, Chapitre 4

Partie I. Le principe fondamental de l’herméneutique de la continuité est vicié.

  • 1) Interpréter le magistère est détruire la notion même de magistère.
    L’Eglise a reçu de Jésus-Christ la charge d’interpréter infailliblement le dépôt de la Foi, en enseignant les fidèles avec clarté et certitude sur le contenu et la portée de ce dépôt. Les Saintes Ecritures sont, par nature, sujette à diverses interprétations, parfois une très grande latitude d’interprétation est permise aux catholiques sur des sujets qui n’ont pas fait l’objet de définitions magistérielles (par exemple, lorsqu’il s’agit d’interpréter les prophéties de l’Apocalypse). Mais le magistère est par nature une clarification du dépôt de la foi (Saintes Ecritures et Tradition), il est la règle prochaine de la foi, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une interprétation privée, sous peine de perdre toute sa valeur autoritative. La raison d’être du magistère est précisément de mettre fin aux interprétations privées, de donner aux fidèles une norme de pensée directive, claire et définitive, qui ne peut pas être interprétée mais doit simplement être reçue dans son sens premier et évident, comme étant l’enseignement de Dieu lui-même.  Par conséquent, le premier et plus fondamental principe de « l’herméneutique de la continuité », qui consiste à dire que l’on doit « interpréter le magistère » dans un certain sens, est absolument faux, et mène en à l’absurdité et à la contradiction : car il peut y avoir autant de « bonnes interprétations du magistère » qu’il y aura « d’herméneutes de la continuité », si c’est un acte de jugement privé qui doit redonner au magistère son véritable sens.
  • 2) Il est déjà un problème en soi que Vatican II soit si ambigu qu’il puisse être interprété de différentes manières.
    La Sainte Église a condamné plusieurs propositions non pour leur contenu évident, mais simplement pour leur formulation dangereuse qui était de nature à encourager l’hérésie [1], faire déshonneur à certaines vérités révélées, ne pas suffisamment condamner certains erreurs, etc… les censures théologiques réservées à ces formulations sont : ambigüe (ambigua), captieuse (captiosa), malsonante (male sonans), offensive des oreilles pies (piarum aurium offensiva).  Nous citons la Catholic Encyclopedia à l’article des censures théologiques :

Une proposition est ambiguë lorsqu’elle est formulée de manière à présenter deux ou plus interprétations possibles, l’une d’entre elles étant condamnables ; captieuse lorsque des termes acceptables sont utilisées pour exprimer une idée condamnable ; malsonnante lorsque des termes inconvenants sont utilisés pour exprimer des vérités par ailleurs acceptables ; offensive lorsque les expressions employées sont de nature à choquer le sens catholique et la délicatesse de la foi.

Catholic Encyclopedia

Combien de propositions de Vatican II ne tombent pas au moins sous le coup de ces censures ? Si tel n’était pas le cas, comment se pourrait-il que la majorité des conciliaires aient une interprétation hérétique de Vatican II ? Il y a bien, à la racine, un problème grave de formulation dans la plupart des documents de Vatican II, et nous croyons qu’il serait une insulte à Dieu, et qu’il serait contraire à l’infaillibilité négative des actes de l’autorité ecclésiastique, de soutenir qu’il est possible que le magistère infaillible de la Sainte Eglise, guidée par le Saint-Esprit, puisse contenir des propositions par nature ambiguës, captieuses ou malsonnantes, de sorte qu’elles laisseraient la plupart des fidèles dans le danger immédiat d’une mauvaise interprétation.

3) L’existence même de l’herméneutique de la continuité est une preuve que Vatican II pose problème.
Il n’a jamais existé dans l’histoire de l’Eglise une position théologique affirmant qu’il était nécessaire d’interpréter le nouveau magistère en continuité avec l’ancien magistère, car il a toujours été absolument évident, de par la nature même du magistère,  que les nouveaux enseignements magistériels étaient en continuité avec les anciens. Les protestants ont prétendu que l’Eglise s’était éloignée de son ancien enseignement, mais ils l’ont fait en rejetant la notion même de magistère, sans s’appuyer sur du magistère plus ancien (en faisant l’affirmation purement gratuite que l’Eglise apostolique partageait leurs croyances, et en interprétant de manière partiale certains Pères de l’Eglise). La nouveauté introduite par Vatican II est, au moins, la perte de cette claire évidence de la continuité avec le magistère antérieur [2].

Partie II. L’état d’esprit fondamental de cette position est fidéiste.

  • 4) La raison humaine peut parvenir à la certitude de certaines vérités sans avoir besoin d’une autorité.
    • Un des postulats non formulés et implicites de la position d’Archidiacre est que la raison humaine, qui pousse la plupart des personnes ayant étudié Vatican II (progressistes, indifférents ou conservateurs/traditionnalistes) à conclure que sa doctrine s’éloigne très distinctement de la doctrine enseignée auparavant par l’Eglise catholique (sur des sujets tels que la liberté religieuse, l’œcuménisme ou le judaïsme), que cette raison humaine est si faible et corrompue qu’elle est généralement incapable d’accéder à la vérité, surtout en matière religieuse, de sorte qu’il est en pratique nécessaire que l’esprit humain se repose sur une autorité pour parvenir à des conclusions certaines. Ainsi, les archidiacriens passeront leur temps à exhorter à la soumission et l’obéissance à ce qui est perçu comme « l’autorité », tout raisonnement subsidiaire n’étant qu’un accessoire visant à justifier et donner un aspect crédible à cette autorité.
    • Il devrait être inutile de représenter à quel point cette attitude est contraire à toute la Tradition catholique et au magistère même de la Sainte Eglise, qui a plusieurs fois jeté l’anathème sur ceux qui niaient que l’on puisse accéder à certaines vérités religieuses par le simple raisonnement, spécialement contre la doctrine agnostique (au sens étymologique de « l’impossibilité de connaître ») des modernistes, et qui a loué la doctrine intellectualiste de Saint Thomas d’Aquin (qui a une grande confiance dans la capacité de la raison humaine à atteindre le réel) chaque fois qu’il était possible de le faire. La manière catholique de procéder face à l’erreur n’est pas premièrement d’exhorter à la soumission et à l’abandon du raisonnement, mais plutôt d’exposer la crédibilité intrinsèque des doctrines catholiques (et pas seulement la crédibilité de l’autorité ecclésiastique), de réfuter les erreurs dans leurs fondements logiques – c’est ainsi que l’on voit les papes du XVIe siècle envoyer d’abord des théologiens controverser contre Luther et les autres réformateurs, avant que le Concile de Trente ne définisse ses célèbres anathèmes.
    • Le procédé des herméneutes est inverse : ils commencent par jeter des anathèmes et appeler à la soumission à l’Eglise, puis à justifier après coup par quelques raisonnements hasardeux, qui sont en réalité plus des hypothèses que des affirmations sur le véritable sens de Vatican II, la crédibilité intrinsèque des doctrines enseignées. L’essentiel des arguments des « herméneutes » archidiacriens consistent à établir que Vatican II est l’autorité et donc qu’il faut s’y soumettre, au lieu d’établir que le contenu intelligible de Vatican II est positivement défendable (il est en effet beaucoup plus difficile de manœuvrer sur ce second terrain et d’impressionner le public que sur le premier). Il y a, à la racine de leur démarche et dans le fond de leur argumentation, cette idée que la raison humaine n’est pas fiable et qu’il faut nécessairement la plier à une autorité. Nous notons que ce sont presque toujours des profils scrupuleux qui sont sensibles à leurs arguments, précisément parce que le scrupule est une incapacité à utiliser correctement la raison pour déterminer ce qui est bien ou mal, déterminer le vrai et le faux dans un certain domaine, et que le seul remède aux scrupules est l’humble soumission à un directeur spirituel. Encore faut-il que ces âmes sachent déterminer suffisamment quel genre de directeur et quel genre d’autorité sont susceptibles de prendre véritablement soin de leur âme.
  • 5) Il n’est pas pieux d’interpréter pieusement des actions qui sont évidemment mauvaises.
    • Archidiacre et ses partisans aiment parler du « devoir de pieuse interprétation » concernant les actions du prochain (en l’occurrence, les actions des « papes » et prélats conciliaires), qui consiste à supposer, autant que possible, un motif honorable à une action douteuse du prochain. L’inverse de cette attitude étant le soupçon ou le jugement téméraire, qui consiste à supposer ou à affirmer une intention mauvaise chez le prochain pour une action insignifiante ou objectivement bonne. Ils estiment donc qu’il est de leur devoir d’interpréter toutes les actions et paroles inqualifiables de Bergoglio dans un sens parfaitement catholique, comme s’il était un honorable défenseur de la foi qui commettait des  maladresses. Notons deux choses :
      1. la contradiction quelque peu hypocrite de ceux qui prétendent qu’ils appliquent la « pieuse interprétation » conformément à la morale catholique, tout en insultant les traditionnalistes en disant sans plus de formalités qu’ils sont hérétiques et schismatiques : des termes extrêmement graves, qui impliquent l’affirmation d’une intention gravement mauvaise, sinon on utiliserait des termes plus mitigés pour distinguer le fait objectif qui peut être schismatique ou hérétique et l’intention des personnes qui pourrait être bonne (comme ils savent si bien le faire à propos des « frères séparés », qu’ils n’osent plus appeler hérétiques ou schismatiques). Nous ne nous permettons pas pour notre part d’affirmer que ces gens sont hérétiques, bien qu’ils défendent des doctrines insoutenables, car il ne nous appartient pas de juger l’intention avec laquelle ils défendent Vatican II, et nous supposons d’ailleurs qu’ils défendent ces doctrines avec une bonne intention. Cette présomption ne semble pas fonctionner dans l’autre sens.
      2. l’absurdité d’appliquer la « pieuse interprétation » à des actions qui sont par nature mauvaises et qu’on ne peut pas raisonnablement expliquer sans un certain degré de mauvaise intention, ou qui ont des conséquences si désastreuses qu’il n’est pas besoin de discuter sur la validité de l’intention des personnes pour condamner avec violence leur action. L’obligation morale de la pieuse interprétation se limite à des actions qui sont objectivement bonnes ou dont la malignité est fondamentalement douteuse, ainsi le jugement téméraire est le jugement qui consiste à mettre des motifs pervers derrière une action innocente, neutre ou de matière légère. Considérer que deux personnes qui vivent dans l’adultère vivent dans l’habitude du péché mortel, ce n’est pas un jugement téméraire, c’est un constat nécessaire (car il ne peut pas exister une « ignorance invincible » de la loi naturelle chez des êtres capables d’utiliser leur raison). Considérer qu’un homme d’Eglise qui embrasse le Coran devant le monde entier peut le faire avec une autre intention que de donner l’image d’une bénédiction de l’islam par l’Eglise catholique, chose absolument impie et dégoutante qui ferait frémir d’horreur tous les saints et les papes des siècles passés, c’est simplement nier la réalité, car ce geste ne peut pas raisonnablement signifier autre chose.
    • Nous ne citons ici qu’une des actions parmi les plus choquantes des pontifes de Vatican II, parmi les nombreuses actions et paroles qui prouvent chaque jour qu’ils n’ont aucune intention de poursuivre le bien de l’Eglise et de défendre la doctrine catholique : le sujet n’est pas, d’ailleurs, d’établir le degré de malignité de leurs actions, simplement de constater qu’ils vivent dans une intention objective qui est contraire au bien de l’Eglise, et donc qu’ils ne peuvent pas, en l’état actuel, recevoir l’autorité du Christ pour régner sur son Eglise. Constater cela n’a rien à voir avec un jugement téméraire au sens de la théologie morale, et ce n’est pas Archidiacre et « le lorrain » qui sont en mesure de nous donner des leçons sur le fait d’interpréter pieusement les actions et les paroles du prochain.  

Partie III. Cette position repose sur la négation de la réalité.

  • 6) La majorité des conciliaires n’accepte pas la position d’Archidiacre.
    On pourrait réfuter l’herméneutique de la continuité simplement en citant des autorités conciliaires, tant cette position est minoritaire et même marginale dans le monde catholique d’aujourd’hui. Ses partisans semblent avoir une telle assurance que l’on voudrait croire que leur position est la position officielle de l’Eglise catholique, qu’ils sont les fidèles interprètes des desseins de la hiérarchie et du sentiment commun des fidèles. Il n’en est rien : la majorité des fidèles et la majorité de la hiérarchie, y compris Bergoglio et ses prédécesseurs, sont évidemment plus « à gauche » qu’eux et admettent sans problème qu’il y a une contradiction entre Vatican II et le magistère antérieur. Pour ne citer qu’une de ces autorités, et pas des moindres : « En liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde, Gaudium et Spes est une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Église avec le monde tel qu’il est devenu depuis 1789. » (Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie catholique).
  • 7) Cette position n’offre aucune explication sérieuse au problème du modernisme dans le clergé.
    Pour les partisans d’Archidiacre, le fait que la majorité du clergé conciliaire soit grevé à des degrés plus ou moins graves par le modernisme, le libéralisme et toutes autres sortes de doctrines folles et perverses, est soit une réalité qu’ils cherchent à nier (en prétendant contre l’absurde que « l’Eglise se porte bien », que la foi rayonne partout y compris dans le clergé, etc.), soit une chose dont ils reconnaissent l’existence mais dont ils cherchent absolument à enlever la responsabilité aux plus hauts degrés de la hiérarchie (surtout à celui qu’ils pensent être le pape). Un prêtre traditionaliste allemand répondait par dérision, à ceux qui disaient que Paul VI n’était pas responsable de la crise de l’Eglise, qu’il « ne savait pas » ce qui se passait : « ah, si seulement le Fürher avait su ! » – autrement dit : prétendre que Paul VI n’est pas responsable de l’explosion du modernisme dans le clergé est aussi ridicule que de prétendre, par exemple, qu’Hitler n’est pas responsable des actions commises par le régime nazi. Dans toute société, c’est le chef qui doit être tenu pour responsable des dysfonctionnements quand ils répandus partout et qu’ils corrompent le fonctionnement ordinaire de cette société, au point de causer un tort immense à la majorité des sujets : pourquoi en serait-il tout d’un coup autrement avec les pontifes conciliaires ? C’est encore une sévère négation de la réalité, que de prétendre qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre la doctrine et les exemples des pontifes de Vatican II, d’une part, et la doctrine et les actions de la plupart des clercs conciliaires d’autre part. La soi-disant « mauvaise interprétation » de Vatican II n’est visiblement pas mauvaise au point que l’autorité se soit  donnée des moyens de la combattre efficacement.
  • 8) Cette position nie le scandale objectif dans les actions des pontifes conciliaires.
    Nous avions évoqué plus haut la question de la pieuse interprétation et du jugement téméraire. Mais cette question est en réalité secondaire dans le problème qui nous occupe. Archidiacre et le lorrain s’évertuent à sauver la pureté de l’intention des pontifes conciliaires lorsqu’ils effectuent des paroles ou des gestes de profonde vénération à l’égard des fausses religions et des hérésies, l’essentiel du problème réside dans les conséquences pratiques des actions des pontifes sur la foi des fidèles : elles sont évidemment et irrémédiablement désastreuses, elles doivent évidemment être dénoncées et combattues par ceux qui sont encore attachés à la foi catholique. Il y a dans ces actions un scandale immense et objectif, qui appelle une réaction proportionnée, et une réflexion sérieuse sur l’intention réelle de ces personnes qui prétendent être les vicaires de Jésus-Christ : est-il seulement possible qu’un pape manifeste, de manière habituelle et publique, de la sympathie pour les fausses religions, au point d’entraîner la plupart des catholiques à considérer que ces fausses religions sont bonnes ? Est-ce seulement compatible avec l’autorité pontificale ? La question n’est même pas de savoir s’ils ont une intention subjectivement mauvaise dans cette entreprise, mais de constater l’extrême divergence entre les devoirs d’un souverain pontife et l’intention objective de Jean-Paul II ou de François. L’aspect objectif de la question est évacué par les partisans de cette position, qui essayent par exemple de sauver les réunions d’Assise en expliquant dans une improbable démonstration que ces réunions doivent être qualifiées de « coopération matérielle éloignée » aux faux cultes  – outre l’aspect ridicule de cette démonstration, elle nie les conséquences pratiques et immédiates des scandales de Jean-Paul II.
  • 9) La contradiction entre Vatican II et le magistère de l’Eglise n’est pas simplement apparente.
    Pour en revenir au postulat de départ de « l’herméneutique de la continuité » qui consiste à réconcilier avec le dogme catholique toutes les « contradictions apparentes » de Vatican II n’est pas seulement erroné d’un point de vue logique (cf. point n°1), elle l’est aussi et surtout d’un point de vue factuel : ce qui est libellé comme « contradiction apparente » est en réalité une contradiction nette et évidente, et les rédacteurs de Vatican II en avaient plus ou moins conscience : ainsi Congar, qui haïssait le Syllabus et les définitions antimodernes des papes,  raconte dans ses mémoires qu’il n’avait pas pu établir que la liberté religieuse soit fondée sur la Révélation, bien que cela soit affirmé dans le texte conciliaire.  « Gaudium et spes est un contre-Syllabus » disait Ratzinger (cf. point 6). N’importe quel historien ou sociologue, étranger ou familier au monde catholique, sait que Vatican II est un changement radical dans l’attitude de l’Eglise face au monde moderne, et sait que ce « monde moderne » se définit d’abord par un ensemble de doctrines et de principes, et que Vatican II a cherché d’une manière ou d’une autre à s’accommoder à ces principes et ces doctrines, pourtant condamnés par les papes du XIXe et du XXe siècle. Ceci appartient à l’ordre des faits et si être un « herméneute de la continuité » signifie nier ce fait et nier les contradictions textuelles évidentes, par exemple entre les définitions de Pie IX et celles de Vatican II sur la liberté religieuse,  cela signifie que l’herméneutique de la continuité est un système faux, car il n’est pas possible qu’une doctrine vraie ait pour fondement la négation d’un fait évident et universellement constaté. Contra factum non fit argumentum : on ne peut pas bâtir toute une argumentation sur la négation d’un fait. Une bonne manière d’élucider le « véritable sens » des textes de Vatican II est de voir comment ils ont été appliqués par la hiérarchie conciliaire, et ils ont en effet été appliqués suivant leur sens évident : le Vatican a forcé l’Espagne de Franco à  autoriser d’autres cultes que le catholicisme, au nom du « droit à la liberté religieuse » ; le nouveau concordat de 1984 avec l’Italie inaugure la neutralité religieuse de la première nation catholique du monde (dont le catholicisme état auparavant religion d’état), avec une référence explicite à Vatican II et à la liberté religieuse comme principe directeur de cette révision du concordat [3].
  • 10) L’histoire de Vatican II, et du monde catholique depuis Vatican II, contredisent définitivement les postulats fantaisistes de l’herméneutique de la continuité.
    Les herméneutes vivent dans un monde imaginaire, un monde dans lequel Vatican II fut une paisible assemblée des défenseurs de la foi, qui se réunirent pour rappeler les grandes vérités chrétiennes au monde moderne dans un langage plus adapté à l’époque actuelle. Il suffit de lire les mémoires de ceux qui ont participé à la rédaction de Vatican II [4], ou simplement de lire n’importe quel livre d’histoire sérieux sur le sujet [5], pour comprendre que Vatican II est bien le résultat du triomphe d’une faction « progressiste » (si l’on ne veut pas dire moderniste), encouragée et protégée par Jean XXIII puis par Paul VI, sur une faction « conservatrice » qui elle incarne, en fait, les positions et les croyances que les catholiques ont toujours tenu jusqu’ici sur le monde moderne, les fausses religions, les sectes hérétiques et schismatiques. Il y a donc eu un changement radical initié par une clique de théologiens condamnés à l’époque de Pie XII et accueillis voir même appelés au Vatican par Jean XXIII. Jean XXIII et Paul VI eux-mêmes étaient parfaitement conscients de cette situation, et sympathisants du groupe de théologiens qui ont introduit dans le texte de Vatican II des notions novatrices telles que le droit naturel à la liberté religieuse, la distinction réelle entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique, l’innocence du peuple juif dans la crucifixion, le fait qu’une secte schismatique puisse être l’instrument du salut des âmes. Il y a eu ensuite un changement liturgique radical, en continuité avec les changements théologiques et suivant des principes modernistes : au vu de la documentation historique dont nous disposons, il est pareillement ridicule et insoutenable de prétendre que cette réforme liturgique ait été menée suivant les principes catholiques traditionnels, et qu’elle n’ait rien à voir avec le protestantisme ou l’accommodation aux lubies du monde moderne impie. Toute l’histoire du catholicisme depuis 60 ans est une négation des postulats de l’herméneutique de la continuité.
« Planter, c’est avoir l’espérance. C’est croire en une vie qui croît et qui est féconde, pour satisfaire la faim de la création de la Terre Mère. Cela nous ramène à notre origine par la reconnexion avec l’énergie divine et nous enseigne le chemin du retour vers le Père Créateur. « Le synode, c’est planter cet arbre, l’arroser et le cultiver, pour faire que les peuples amazoniens soient entendus et respectés dans leurs coutumes et leurs traditions, en faisant l’expérience du mystère de la divinité présente dans le sol amazonien. « L’acte de planter dans le jardin du Vatican est un symbole qui invite l’Eglise à engager encore davantage avec les peuples de la forêt et toute l’humanité. Mais aussi, c’est la dénonciation de ceux qui détruisent notre maison commune par esprit de lucre, en recherchant leur propre profit. »
Explications données par Ednamar de Oliveira Viana, organisatrice de l’évènement du 4 octobre 2019 impliquant la plantation d’un « arbre sacré » et la vénération de « symboles de fertilité » dans les jardins du Vatican. Le culte de la déesse-mère chez les peuples sud-américains est basé sur l’idée de la faim de cette terre-mère, que l’on doit apaiser par des offrandes.

Conclusion : quelles conséquences pratiques ?

« L’enfer est pavé de bonnes intentions » : on peut faire le travail du démon avec les meilleurs intentions du monde. Certaines âmes pieuses se sont illusionnées en pensant, comme Saul a pensé qu’il était agréable à Dieu de persécuter les chrétiens, qu’elles feraient la meilleure œuvre du monde en persécutant les derniers défenseurs de la foi et de la Tradition de l’Eglise dans un monde apostat. Ce qu’ils se proposent de faire, c’est que ces derniers résistants se mettent sous l’influence du clergé moderniste, et finissent par devenir des libéraux insensibles à l’erreur et au mal, comme sont voués à le devenir ces défenseurs de l’orthodoxie eux-mêmes.

Car en effet, il est impossible d’être sincèrement soumis à l’autorité conciliaire sans finir par admettre une foule de choses choquantes, grotesques, dangereuses ou parfaitement immorales comme étant des choses de rien, des choses secondaires. A leur contact, le sens de la foi s’affaiblit et finira peut-être par mourir. Qu’est-ce que les « herméneutes » ne finiront pas par accepter au nom de la soumission aux conciliaires ? N’oublions pas que ces gens nous proposent d’admettre qu’un « saint » a embrassé le Coran devant le monde entier.

Les verra-t-on bientôt se prosterner devant des idoles démoniaques pour « honorer la partie bonne » de ces idoles ou de ce qu’elles représentent ? En tout cas, ils acceptent parfaitement que cela se fasse dans les jardins du Vatican, en utilisant toutes les distinctions artificieuses que leur imagination pourrait produire pour « interpréter pieusement ». Ainsi au contact de cette hiérarchie conciliaire, on devient peu à peu tiède, insensible ou complaisant face à tous les travers intellectuels et moraux du monde moderne, face à toutes les fausses religions et les hérésies (sauf l’horrible hérésie sédévacantiste !), puisque c’est la directive officielle.

Nous conclurons avec une réflexion tirée des épîtres de Saint Paul : si quelqu’un qui semblait être un saint et un apôtre, qui avait toutes les garanties extérieures d’être envoyé par l’Eglise et de parler en son nom, devait prêcher un autre évangile que celui qui a été véritablement reçu du Christ, faudrait-il présumer une erreur de compréhension de notre part et fournir un effort d’interprétation favorable de ce nouvel évangile en continuité avec l’ancien ? Saint Paul dit simplement, en évoquant la possibilité que lui-même se mette à annoncer un faux évangile : qu’il soit anathème. 

Mais si quelqu’un, fût-ce nous-même ou un Ange du Ciel, vous annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! Je l’ai dit, et je le dis encore maintenant: Si quelqu’un vous annonçait un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème! Car, en ce moment, est-ce la faveur des hommes que je désire, ou celle de Dieu? Est-ce que je cherche à plaire aux hommes? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ.

(Galates 1, 8-10)

Jean-Tristan B.


[1] La bulle Auctorem Fidei (1794), contre les erreurs des jansénistes, est particulièrement sévère contre les discours ambigus introduisant des idées dangereuses sous apparence de piété, et contre les hypocrites qui se justifient par milles subtilités d’être en parfait accord avec la doctrine catholique, alors qu’ils sont en réalité attachés à des idées mauvaises.

[2] C’est ce que disait Benoît XVI lui-même : « Il est clair que dans tous ces secteurs, dont l’ensemble forme une unique question, pouvait ressortir une certaine forme de discontinuité et que, dans un certain sens, s’était effectivement manifestée une discontinuité dans laquelle, pourtant, une fois établies les diverses distinctions entre les situations historiques concrètes et leurs exigences, il apparaissait que la continuité des principes n’était pas abandonnée – un fait qui peut échapper facilement au premier abord. » Benoît XVI prétend donc qu’il y a « continuité de principes », mais admet qu’il y a une « une certaine forme de discontinuité ». Notons par ailleurs que la « continuité de principes » ne signifie pas pour Benoît XVI ce qu’elle semble signifier pour les herméneutes archidiacriens : il admet que Vatican II contredit le magistère de l’Eglise (cf. point 6), et réduit les « principes catholiques » à une sorte d’ensemble vague et flou de vérités plus ou moins communes à toutes les dénominations chrétiennes, à quelques exceptions près. Prétendre à la « continuité des principes » face à une discontinuité évidente dans la doctrine est une technique typiquement moderniste déjà vue à l’époque de Saint Pie X : les modernistes prétendent être toujours fidèle à l’essence de la religion, débarrassée de ses « additions historiques » (c’est à dire, de la plupart de ses dogmes).

[3] « compte tenu du processus de transformation politique et sociale qui s’est manifesté en Italie durant les dernières décennies et des changements introduits dans l’Eglise par le Concile Vatican II ;compte tenu, pour la République italienne, des principes établis par sa Constitution, et, pour le Saint-Siège, des déclarations du Concile œcuménique Vatican Il concernant la liberté religieuse et les rapports entre l’Eglise et la communauté politique, ainsi que de la nouvelle codification du droit canonique ; … La République italienne et le Saint-Siège réaffirment que l’Etat et l’Eglise catholique sont, chacun dans son propre domaine, indépendants et souverains » https://legirel.cnrs.fr/spip.php?article284

[4] Les personnalités suivantes ont écrits des mémoires relatifs à leur participation à Vatican II : Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Gerard Philips, Léon-Joseph Suenens (cardinal & évêque de Malines-Bruxelles), Maurice Pourchet (évêque de Saint-Flour), et d’autres. L’architecte de la réforme liturgique et de la nouvelle messe, Annibale Bunigni, a également écrit ses mémoires qui nous renseignent de manière on ne peut plus directe et explicite sur les véritables buts de la réforme : faire des concessions aux protestants et au monde moderne, en faisant plus ou moins disparaître de la liturgie l’expression de certains dogmes catholiques, et en y introduisant diverses notions modernistes.   

[5] Exemples d’ouvrages 1) Sur la réforme liturgique : les mémoires de Bunigni, « Demain la liturgie » de Joseph Gélineau, « La messe de Paul VI en question » de l’abbé Cekada (qui cite des documents historiques de première main). 2) Sur les débats théologiques : « Iota unum » de Romano Amerio, « Le Rhin se jette dans le Tibre » de Ralph Witgen. 3) Sur Jean XXIII : « le Pape du Concile » de Peter Hebblethwaite.

Un hérétique et schismatique déclaré docteur de l’Eglise

Le dossier Grégoire de Narek

Certaines sources[1] font état d’un nouveau projet dans la Rome conciliaire, celui d’un processus de canonisation spécifique pour les non-catholiques. Ce projet serait, en soi, en parfaite continuité avec la doctrine de Vatican II, suivant laquelle n’importe quelle religion est sanctifiante. Mais il a un côté particulièrement choquant, qui donnerait une sensation de « roue libre » de la part du Vatican conciliaire, s’ils en sont réduits à honorer comme saints des personnes qui n’ont pas daigné rendre à Dieu le minimum des honneurs qui lui sont dus, en professant les vérités de la foi et la communion avec l’unique Eglise de Jésus-Christ.

Pourtant, ce fait exceptionnellement choquant et grotesque a déjà eu lieu, dans une indifférence presque générale. L’occupant du Saint-Siège, Jorge Bergoglio, a en effet de facto « canonisé » et même déclaré « docteur de l’Eglise » (le 23 février 2015) une personne qui, de manière certaine, n’a jamais fait partie de la communion catholique : Grégoire de Narek (mort au début du XIe siècle), célèbre moine et écrivain arménien, membre de la secte schismatique et hérétique qui se fait appeler « église apostolique arménienne ».

On nous objectera que Grégoire de Narek n’a pas vraiment été « canonisé » puisqu’il n’y a pas eu de procès ou de déclaration particulière à l’égard de sa sainteté : oui et en un certain sens c’est encore pire que s’il y avait eu un faux procès, car Bergoglio (et avant lui Jean-Paul II) semblent en fait accorder à l’église hérétique et schismatique des Arméniens le pouvoir de faire des canonisations elle-même, ou bien considérer que la simple réputation de sainteté parmi les hérétiques et les schismatiques est suffisante pour que l’Eglise catholique puisse considérer une personne comme sainte. Comment une telle énormité a pu passer presque inaperçue !

Nous avons souhaité, pour laver un tant soit peu l’honneur de l’Eglise, de ses saints et de ses docteurs, et démontrer une nouvelle fois toute la malfaisance de Bergoglio et des conciliaires, revenir sur cette « affaire » invraisemblable, qui semble constituer les prémices d’un déluge à venir de fausses canonisations d’hérétiques, de schismatiques ou même de païens.


1/ Les Principes

Qu’est-ce qu’une canonisation ?

La confusion universelle parmi les esprits catholiques, faisant suite à Vatican II, laisse parfois une sorte de flou autour de la notion de canonisation. Pour certains, la canonisation consiste simplement, pour l’Eglise, à dire qu’une personne a sauvé son âme : on appelle en effet, sous un certain rapport, « saintes » toutes les personnes qui sont en état de grâce, ce qui inclut les personnes vivant sur terre et celles qui ont connu la mort naturelle (âmes du Purgatoire et âmes du Paradis). Cette conception minimaliste de la canonisation est tout simplement fausse : lorsque l’Eglise prends soin de déclarer qu’une personne est « sainte » et de se référer à elle par ce titre, ce n’est certainement pas pour se contenter de dire qu’elle a sauvé son âme ; l’Eglise canonise et honore du titre de saint uniquement des personnes qui ont fait preuve d’une pratique héroïque des vertus, pour faire de leur vie un exemple à suivre pour tous les catholiques :

« Les Saints sont ceux qui, pratiquant héroïquement les vertus selon les enseignements et les exemples de Jésus-Christ, ont mérité une gloire spéciale dans le ciel et même sur la terre , où, de par l’autorité de l’Eglise, ils sont publiquement honorés et invoqués ».

Catéchisme de Saint Pie X

« L’Eglise catholique ne canonise ou ne béatifie que ceux dont la vie a été marquée par l’exercice d’une vertu héroïque, et uniquement après que ce fait ait été prouvé par une réputation commune de sainteté et par des arguments concluants ».

Catholic Encyclopedia : « Beatification and Canonization »

A ce titre, la canonisation est à considérer, de manière certaine, comme relevant du magistère infaillible de l’Eglise catholique (c’est ce qu’enseignait, en outre, le cardinal Lambertini, futur pape Benoît XIV, dans un ouvrage de référence sur la question[2]) : elle est un enseignement à part entière, puisque le pape, lorsqu’il proclame la sainteté d’une personne, nous dit que la vie publique de cette personne est un exemple incarné de ce qu’il faut croire (la foi) et de ce qu’il faut faire (les mœurs) pour vivre dans l’amitié de Dieu et sauver son âme. Ne disons-nous pas que les actes valent plus que les paroles ? Ainsi, la vie des saints telle que l’Eglise nous propose de la contempler est une sorte de magistère encore plus frappant  que le seul énoncé des vérités doctrinales. La vie des saints est encore une apologétique plus efficace que les meilleures démonstrations logiques : la logique prouve l’existence de Dieu dans l’abstrait, la vie des saints prouve l’existence de Dieu « dans le concret » : oui, Dieu est vivant, si de simples hommes ont pu vivre de cette manière et faire ce qu’ils ont fait[3]. Enfin il n’y a rien de plus propre que la vie des saints pour mouvoir la volonté vers plus d’héroïsme, plus de résolution, plus d’amour pur et sincère pour Dieu. Nous avons tous un besoin instinctif d’admirer, d’imiter et de nous conformer à des exemples d’hommes que nous percevons comme supérieurs à nous-même : plutôt que d’admirer des mondains qui n’ont travaillé que pour des choses périssables, l’Eglise nous enseigne d’admirer des hommes et des femmes qui ont travaillé pour l’éternité.

Sachant donc ce qu’est une canonisation, il est impossible d’envisager un seul instant que l’Eglise puisse considérer comme « saint » quelqu’un qui n’était pas catholique. Ici, il ne s’agit pas de discuter de la question de savoir si une personne qui se trouve extérieurement hors de la communion catholique peut sauver son âme, question déjà tranchée en un sens favorable par le magistère de l’Eglise[4]. Il s’agit de savoir si quelqu’un qui, malgré sa possible bonne foi, s’est trouvée de manière objective et indiscutable hors de la communion avec l’unique Eglise de Jésus-Christ, et en communion avec une secte hérétique et schismatique, peut servir d’exemple parfait de vertu à l’ensemble des catholiques. Pour toute personne de bonne foi, il sera impossible de répondre autrement que par la négative : non, évidemment, il est impossible que l’Eglise canonise quelqu’un qui était publiquement schismatique et hérétique. Car agir en sens contraire serait dire, par des actes qui parlent plus que des mots : il est possible de vivre dans une parfaite amitié avec Dieu et d’atteindre les plus hauts sommets de la vertu en étant schismatique et hérétique. Autrement dit : il est purement facultatif d’adhérer à l’Eglise catholique pour sauver son âme et être saint, du moment que l’on a une expérience religieuse personnelle fructueuse. C’est précisément ce que veut enseigner Vatican II, en disant que les églises hérétiques et schismatiques sont des « moyens de salut »[5].


Qu’est-ce qu’un docteur de l’Eglise ?

L’imposition du titre de « docteur de l’Eglise » n’est réservée par le pape qu’à certains saints bien particuliers, des personnes qui se sont spécialement distinguées, en plus de leurs vertus héroïques, par la clarté et l’abondance de leur enseignement sur tout ou partie de la doctrine chrétienne, par leur « doctrine éminente »(eminens doctrina). Il ne s’agit pas simplement d’un titre honorifique  parmi d’autres : l’Eglise a créé ce titre pour donner une autorité morale spéciale à l’enseignement de ces maîtres de la doctrine chrétienne, et a prévu pour les honorer des dispositions liturgiques bien spéciales (messe propre, avec rang liturgique équivalent à celui des apôtres et des évangélistes).

Saint Athanase, déclaré docteur de l’Eglise par Saint Pie V

Le pape Boniface VIII créé ce titre et les privilèges liturgiques associés en 1295, à l’intention des quatre Pères de l’Eglise latins : St Augustin, St Ambroise, St Jérôme et St Grégoire le Grand. Le pape St Pie V accorde ensuite ce titre à quatre Pères de l’Eglise orientaux ainsi qu’à Saint Thomas d’Aquin. Le titre sera ensuite accordé progressivement à d’autres saints éminents pour leur doctrine, jusqu’à atteindre sous Pie XII le nombre de 29 docteurs de l’Eglise.

Ces docteurs ont tous pour points commun d’être saints, soit qu’ils aient fait l’objet d’un procès de canonisation en bonne et due forme, soit qu’ils jouissent d’une très éminente et très ancienne réputation de sainteté dans l’Eglise. Le site « eglise.catholique.fr », géré par les évêques conciliaires de France, rappelle que cette canonisation est  nécessaire pour être docteur de l’Eglise :

«  Les conditions requises pour devenir docteur, d’ailleurs toujours à titre posthume, sont d’être un saint canonisé, d’avoir élaboré une pensée de la foi en accord avec les principes de base de l’Église tout en découvrant un pan inexploré de l’écriture se vérifiant comme fondamental par son influence auprès des fidèles et par une renommée internationale. Le Vatican concède, à la suite d’une étude poussée des candidatures proposées, ce titre exceptionnel. »[6]

On ne pourra donc nous reprocher « d’inventer » la condition de la canonisation pour les docteurs de l’Eglise, puisque les autorités conciliaires elles-mêmes admettent ce principe comme évident.

***

Or voici le problème : les conciliaires considèrent comme saint, au même titre que les saints canonisés, quelqu’un qui a été canonisé par une secte hérétique, et qui a toujours été publiquement hérétique.

Prétendre qu’un hérétique puisse être « d’éminente doctrine » et être suivi comme un guide sûr par l’ensemble des catholiques est une moquerie insupportable. Il s’agit d’un signe évident, un de plus, que Bergoglio n’a aucune intention de poursuivre le bien de l’Eglise, en particulier de défendre la foi et de lutter contre l’hérésie.


2- Les faits

Pour bien comprendre la gravité de cette fausse imposition du titre de « docteur de l’Eglise », et de cette fausse imposition du titre de « saint », il est utile de revenir un instant sur 1) ce qu’est « l’église apostolique arménienne », 2) qui a été Grégoire de Narek, 3) dans quel contexte il a été nommé « docteur de l’Eglise ».


L’église apostolique arménienne

L’Arménie est la première nation à avoir adopté comme religion officielle le christianisme autour de l’an 300, grâce à l’apostolat de Saint Grégoire l’Illuminateur. Durant l’antiquité tardive, l’Arménie est une zone montagneuse disputée entre l’influence de l’empire romain d’Orient (qui possède une partie de l’ancien royaume d’Arménie, la province d’« Arménie mineure ») et celle de l’empire perse sassanide (dont le roi d’« Arménie majeure » est vassal) : cette double pression byzantine et perse en Arménie dure jusqu’à la conquête arabe. Les prélats arméniens doivent lutter contre le paganisme, le mazdéisme/zoroastrisme et le nestorianisme, hérésie adoptée par l’Eglise de Perse. Politiquement, culturellement et ensuite religieusement, les Arméniens cherchent à s’extirper de la double influence byzantine et perse, ce qui va favoriser une mentalité schismatique.

Si les Arméniens ont toujours été très virulents contre le nestorianisme, il ne semble pas qu’ils aient adopté immédiatement le monophysisme, après les condamnations du Concile de Chalcédoine (451). C’est en l’an 506, lors du premier concile de Dvin, que commence clairement le schisme arménien : les évêques d’Arménie, d’Ibérie et d’Albanie du Caucase ratifient intégralement l’Henotikon de l’empereur Zénon, déclaration trop favorable au monophysisme condamnée par le pape Félix III en 484 ; les Byzantins ayant ignoré l’anathème, cet épisode donna lieu au premier schisme entre Rome et Constantinople (484-518). C’est donc dans cette période de schisme que les Arméniens décident de prendre le parti de Constantinople. Le deuxième concile de Dvin (555) entérine le choix de l’hérésie monophysite et de la séparation complète par rapport à Constantinople et au reste de la communion catholique. Depuis cette date, au moins, il faut admettre que l’église arménienne s’est séparée de l’Eglise universelle, pour n’y plus jamais retourner.

A plusieurs reprises suite à cet évènement, les Arméniens refusent les invitations des empereurs byzantins à accepter les canons du Concile de Chalcédoine. Sous le catholicossat de Komitas d’Aghdsk (615-628), un recueil de textes dogmatiques de l’Eglise arménienne est édité sous le nom de « Sceau de la Foi », au contenu virulemment anti-chalcédonien (il contient entre autres choses des écrits de Timothée II d’Alexandrie, premier « pape copte » suite à la déposition du patriarche Dioscore Ier par le Concile de Chalcédoine pour son hérésie miaphysite). Depuis ce temps, « l’église apostolique arménienne » ne s’est jamais départie du monophysisme : elle est en contact régulier avec l’Eglise de Constantinople, mais ne s’y rallie jamais. En l’an 726, le catholicos Hovhannès III d’Odzoun convoque un concile interne au monophysisme, chargé de réconcilier les Jacobites (monophysites syriaques) et les Arméniens sur la question de la corruptibilité du corps du Christ. Au cours des VIIIe et IX siècles, les persécutions des Arabes poussent de nombreux Arméniens à s’exiler vers les terres de l’empire byzantin, ce qui augmente les tensions ecclésiologiques byzantino-arméniennes. En l’an 862, le patriarche de Constantinople Photius (qui sera bientôt excommunié par le pape) tente de rallier l’Eglise arménienne à Constantinople : le prince d’Arménie et le catholicos ne produisent que des réponses ambiguës,  aucun ralliement réel n’a lieu. Au Xe siècle le catholicos Théodore Ier Rechtouni (régnant dans les années 930) tentera de se rapprocher, sans succès, du patriarche de Constantinople et de l’empereur. Sous le catholicossat d’Ananias Ier de Moks (943-967), ennemi plus déterminé de la doctrine catholique, les conditions du dialogue se raidissent brutalement : les clercs arméniens jugés trop chalcédoniens sont persécutés, il va jusqu’à imposer de rebaptiser les personnes qui ont reçu le baptême dans l’Eglise grecque. Il faut attendre de longs siècles pour voir ensuite des groupes significatifs d’Arméniens revenir au catholicisme, essentiellement des membres de la diaspora.


Grégoire de Narek

Grégoire de Narek naît vers l’an 950, à l’époque d’Ananias Ier, dans une famille noble. Il est le fils de Khosrov d’Andzev, devenu prêtre en 950 puis évêque suite au décès de sa femme. En tant qu’évêque, Khosrov finit par être « excommunié » de l’Eglise arménienne par Ananias qui le juge trop favorable à la doctrine chalcédonienne. Elevé par son oncle Anania de Narek (c. 920-980), supérieur du monastère de Narek, Grégoire grandit dans une ambiance de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’église arménienne, quand de nombreux clercs arméniens envisagent un rapprochement avec l’Eglise catholique : simple défiance, car officiellement le monastère de Narek est en « pleine communion » avec l’église apostolique arménienne.  Le monastère a même été fondé par des moines chassés de Cappadoce pour leur refus du chalcédonisme. 

Mais la question du ralliement au Concile de Chalcédoine n’est pas le seul débat théologique de l’époque. Il semble que les moines de Narek aient développé une doctrine qui mette au second plan l’appartenance à l’institution ecclésiastique pour se concentrer sur une relation personnelle avec Dieu : il faudrait étudier le détail de leurs écrits pour mieux comprendre ce sujet, mais certains commentateurs établissent un parallèle entre la doctrine mystique de Grégoire de Narek et le protestantisme. La secte des pauliciens/tondrakites, active en Arménie à l’époque, rejette  frontalement toute notion de clergé et de sacrements (ils sont, vraisemblablement, les précurseurs du catharisme). Certains pensent que Grégoire de Narek a écrit contre les tondrakites (par exemple dans son ouvrage Histoire de la croix d’Aparan) parce qu’il était suspecté par ses contemporains d’adhérer à cette hérésie.   

Une chose est certaine, concernant la position théologique et ecclésiale de Grégoire de Narek : il n’a jamais adhéré au catholicisme et à l’Eglise catholique[7]. Le site « catholique » nominis.cef.fr, chargé de répertorier les différents « saints du jour », nous apprend dans une courte biographie de « Saint Grégoire de Narek, docteur de l’Eglise » que « des jaloux [l’ont accusé] d’hérésie »[8], avant qu’il ne prouve son innocence par un miracle. Le site ne prend pas la peine de préciser pour quelle « hérésie » Grégoire fut mis en cause par les Arméniens … car en effet, le moine de Narek fut à ce moment accusé de chalcédonisme, c’est-à-dire de catholicisme, comme son père Khosrov l’avait été[9]. Son hagiographie légendaire (ayant court dans l’église schismatique et hérétique des Arméniens) rapporte donc qu’il aurait prouvé par un miracle qu’il n’adhérait pas à la doctrine catholique … le miracle en question étant de rendre la vie à des pigeons cuits qu’on essayait de lui faire manger un jour de jeûne. On croit marcher sur la tête en voyant de prétendus catholiques rapporter candidement ces récits.

S’il n’a pas toujours été en grâce de son vivant, Grégoire de Narek est devenu après sa mort un saint et un écrivain de premier plan pour « l’église apostolique arménienne », à partir du XIIe siècle au moins : on chante aujourd’hui encore, dans les églises arméniennes, des hymnes et des prières composées par lui, et son « Livre des Lamentations » est un élément de base de la culture religieuse arménienne. Il jouit visiblement d’une renommée littéraire considérable, qui lui donnerait un statut analogue à celui de Bossuet pour la langue française, avec un style particulièrement émouvant et pieux. Bossuet n’a pas cessé d’être respecté et cité par les catholiques en plus haut lieu[10], malgré son adhésion aux thèses hérétiques du gallicanisme : pour autant, on ne songerait pas un seul instant à faire de Bossuet un « docteur de l’Eglise » pour faire plaisir aux Français, précisément en raison de  ses fautes doctrinales publiques. Eût-il erré en bonne foi, l’image publique de Bossuet est irrémédiablement souillée par le gallicanisme, et à ce titre il est impossible d’en faire un modèle pour tous les chrétiens. Et pourtant Bossuet n’a jamais (à notre connaissance) officiellement rompu la communion avec l’Eglise catholique, ou fait l’objet d’une sentence d’excommunication, à une époque où la condamnation du gallicanisme était moins claire qu’elle ne l’est depuis Vatican I ; Grégoire de Narek, en sens contraire, a toujours été hors de la communion catholique et membre d’une secte monophysite. Il est infiniment moins éligible que ne pourrait l’être Bossuet au titre de docteur de l’Eglise, et la beauté de ses écrits n’y change rien.


Les conciliaires et Grégoire de Narek

François faisant l’accolade aux chefs des « Églises d’Arménie » lors de l’inauguration d’une statut de Grégoire de Narek dans les Jardins du Vatican, le 5 avril 2018.

Jean-Paul II avait déjà appelé Grégoire de Narek « saint » dans son encyclique Redemptoris Mater (25 mars 1987) : « Dans son panégyrique de la Théotokos, saint Grégoire de Narek, une des gloires les plus éclatantes de l’Arménie, approfondit avec une puissante inspiration poétique les différents aspects du mystère de l’Incarnation, et chacun d’eux est pour lui une occasion de chanter et d’exalter la dignité extraordinaire et l’admirable beauté de la Vierge Marie, Mère du Verbe incarné» [11]. Ainsi François n’est pas le premier faux-pape de Vatican II à « canoniser » un hérétique et un schismatique, dans la plus grande des décontractions.

Cette « canonisation de facto » est, disions-nous, en un certain sens plus choquante que s’il y avait eu un faux procès de canonisation, car elle implique :

  • une reconnaissance tacite de l’autorité de « l’église apostolique arménienne » en matière de canonisation ;
  • ou alors une reconnaissance tacite du fait que la réputation de sainteté parmi les hérétiques et les schismatiques équivaut à la réputation de sainteté parmi les catholiques et suffit à faire considérer comme sainte une personne qui n’a pas été canonisée, ce qui n’est guère mieux.

Il ne faut pas voir dans cette « canonisation » et cette imposition du titre de « docteur de l’Eglise » autre chose qu’une mise en application de l’œcuménisme, dans la droite ligne de Vatican II : pour François, les églises schismatiques et hérétiques sont véritablement membres de l’unique Eglise du Christ ; sinon, comment un membre de ces églises séparées pourrait-il être « docteur de l’Eglise » ?

En effet François nous fait comprendre, dans son allocution prononcée à cette occasion[12], qu’il lui importerait peu de nommer Grégoire de Narek « docteur de l’Eglise », si celui-ci n’était pas précisément membre d’une église schismatique et hérétique, car il s’agit d’un de ces « gestes œcuméniques » qui sont supposés faire progresser la cause de l’unité chrétienne :

  • Cette proclamation a lieu en présence de « Sa Sainteté Karekin II, Patriarche Suprême et Catholicos de tous les Arméniens », et « Sa Sainteté Aram Ier, Catholicos de la Grande Maison de Cilicie », soit les deux personnages les plus élevés de la hiérarchie de « l’église apostolique arménienne ».
  • Le message qui accompagne la proclamation répète à l’envi que le peuple arménien (non-catholique dans son immense majorité) compte un grand nombre de martyrs et d’authentiques confesseurs de la foi.
  • Cette déclaration intervient dans le contexte du centenaire du génocide arménien : Bergoglio souhaite « que ceci soit surtout un temps fort de prière, pour que le sang versé, par la force rédemptrice du sacrifice du Christ, opère le prodige de la pleine unité entre ses disciples. Qu’il renforce en particulier les liens d’amitié fraternelle qui déjà unissent l’Église Catholique et l’Église Arménienne Apostolique. Le témoignage de tant de frères et sœurs qui, sans défense, ont sacrifié leur vie pour leur foi, rapproche les diverses confessions : c’est l’œcuménisme du sang qui a conduit saint Jean-Paul II à célébrer ensemble, durant le Jubilé de l’an 2000, tous les martyrs du XXème siècle » : encore un exemple de l’œcuménisme de Vatican II, qui consiste à « rapprocher » les « églises » entre elles, au lieu de souhaiter le retour des non-catholiques dans l’unique Eglise du Christ.
  • Bergoglio va même jusqu’à assurer sa « proximité », « à l’occasion de la cérémonie de canonisation des martyrs de l’Église Arménienne Apostolique qui aura lieu le 23 avril prochain en la cathédrale d’Etchmiadzin» : comme si, encore une fois, il reconnaissait à cette secte non-catholique le pouvoir de canoniser, et  comme s’il était bien fondé de déclarer sans examen que toutes les victimes du génocide arménien soient des « martyrs de la foi ».

Conclusion

Le dossier Grégoire de Narek est une synthèse de l’absurdité de l’œcuménisme. Dans l’esprit de Vatican II, le « pape » se met à déclarer qu’un moine hérétique et schismatique est un exemple de vertu héroïque (un saint), un maître spécialement éminent de la doctrine catholique (un docteur de l’Eglise), en considérant comme valide sa « canonisation » par une secte hérétique et schismatique (l’église apostolique arménienne), et en espérant que cette occasion permettra d’augmenter « l’amitié fraternelle » entre l’Eglise catholique et cette secte monophysite.

En plus d’être une insulte à l’honneur de l’Eglise catholique, cette situation est d’une tristesse insupportable pour le salut des Arméniens et plus généralement de tous les peuples d’Orient, séparés de l’Eglise depuis des siècles : prions pour qu’un véritable pape retourne sur le trône de Saint Pierre et leur montre l’exemple éclatant de la vérité du catholicisme, afin qu’ils reviennent dans l’unité de l’Eglise.

Jean-Tristan B.


[1] https://infovaticana.com/2022/10/07/el-vaticano-inaugura-un-proceso-de-canonizacion-para-los-no-catolicos/

[2] Voir cet article concernant le débat entre FSSPX et sédévacantistes à propos de l’infaillibilité des canonisations : https://www.sodalitium.eu/canonisation-escriva-de-balaguer-commentaire-sodalitium/

[3] Une anecdote célèbre rapporte la conversion d’un juif qui, chargé de mettre de l’ordre dans certains dossiers de béatification dans les archives du Vatican, s’est trouvé frappé par le caractère exceptionnel des faits rapportés : son étonnement fut au comble lorsqu’on lui expliqua qu’il n’avait consulté que les dossiers de personnes dont la cause de béatification n’avait pas abouti, faute de preuves suffisantes.

[4] Suivant la doctrine dite de « l’âme de l’Eglise » : une personne peut se trouver, sans faute de sa part par suite d’une « ignorance invincible », hors de la communion visible avec l’Eglise catholique – corps de l’Eglise -, mais être unie à l’Eglise mystique – âme de l’Eglise – par une foi implicite et une charité sincère envers Dieu : le principe « hors de l’Eglise, pas de salut » reste valable dans ce cas, car il y a appartenance implicite et invisible à l’Eglise chez « l’infidèle de bonne foi ».

[5] Voir un article autour de cette question : https://religioncatholique.fr/2021/05/15/les-schismatiques-sont-ils-membres-de-leglise/

[6] https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/temoigner/figures-de-saintete/441329-quest-ce-quun-docteur-de-leglise/

[7] Ceci est affirmé sans ambiguïté par les conciliaires eux-mêmes, par exemple ce professeur de l’Université de Saint-Thomas (St Paul, Minnesota) : “St. Gregory of Narek lived and died as a member of Armenian Apostolic Church, making him the only Doctor who was not in communion with the Catholic Church during his lifetime” – https://news.stthomas.edu/theology-matters-new-doctor-church-st-gregory-narek/

[8] https://nominis.cef.fr/contenus/saint/5899/Saint-Gregoire-de-Narek.html

[9] Jean-Michel Thierry, « Indépendance retrouvée : royaume du Nord et royaume du Sud (ixe – xie siècle) — Le royaume du Sud : le Vaspourakan », dans Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Privat, 2007 (1re éd. 1982) (ISBN 978-2-7089-6874-5), p.290

[10] Le pape Léon XIII, dans son encyclique Depuis le jour (08/09/1899), ne craint pas de recommander l’étude de Bossuet aux étudiants ecclésiastiques français : « Toutefois, et après avoir fait à cette exigence des programmes la part qu’imposent les circonstances, il faut que les études des aspirants au sacerdoce demeurent fidèles aux méthodes traditionnelles des siècles passés. Ce sont elles qui ont formé les hommes éminents dont l’Eglise de France est fière à si juste titre, les Pétau, les Thomassin, les Mabillon et tant d’autres, sans parler de votre Bossuet, appelé l’aigle de Meaux, parce que, soit par l’élévation des pensées, soit par la noblesse du langage, son génie plane dans les plus sublimes régions de la science et de l’éloquence chrétienne ». Il serait donc contraire à la pratique de l’Eglise de prétendre qu’il faille jeter tout Bossuet à la poubelle en raison de ses errements doctrinaux. Ses enseignements sur la spiritualité ne sont pas spécialement entachés par le gallicanisme. 

[11] https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_25031987_redemptoris-mater.html

[12] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/messages/pont-messages/2015/documents/papa-francesco_20150412_messaggio-armeni.html

L’erreur du salut par la piété seule


Nous publions ici la traduction d’un article du blog de Mgr Sanborn [1] contre la culture moderne et l’idée qu’il suffit d’être « pieux » pour sauver son âme, qu’il suffit de transmettre à ses enfants la piété pour en faire de parfaits chrétiens. En effet il ne suffit pas d’entretenir de multiples pratiques de piété, même très sincères, pour être un bon chrétien qui vit loin du péché : il faut aussi être prudent vis-à-vis de la perversion omniprésente de la société, perversion qui se véhicule partout par la culture. Il n’est pas normal que la culture moderne s’invite dans les foyers catholiques comme une chose banale et sans conséquence. La nécessité de la mortification, principe central de la spiritualité catholique, doit s’appliquer en premier lieu, dans le monde actuel, à la fuite des occasions de péché données par la culture moderne : si les enfants ne sont pas élevés dans cet esprit de mortification, il ne faut pas s’étonner qu’ils abandonnent la religion ensuite.


Tout le monde a entendu parler de l’enseignement hérétique de Luther du « salut par la foi seule ». Il consiste à dire que l’unique acte nécessaire au salut est l’acte de foi, ce qui signifie pour lui et pour les protestants d’une manière générale la « confiance en Dieu ». Pour les catholiques, la foi veut dire l’assentiment de l’intelligence, par le moyen d’une vertu surnaturelle infusée par Dieu, aux vérités révélées par Dieu et proposées comme telles par l’autorité enseignante de l’Eglise catholique romaine. Ainsi, pour Luther et ses partisans, les péchés ne sont pas retenus contre vous dans l’ordre du salut. Il n’y a aucune nécessité de se mortifier. Aucune nécessité de faire pénitence. Luther disait : « Soyez un pécheur et péchez effrontément, mais croyez et réjouissez-vous en Christ encore plus effrontément … Aucun péché ne nous séparera de l’Agneau, même si l’on commettait mille fois par jour la fornication et l’adultère » [2].

Aucun catholique ne dirait cela. Tout catholique sait qu’il sera jugé sur ses actions au moment de sa mort, et pas simplement sur sa confiance en Dieu. Néanmoins, de nombreux catholiques, et je veux parler ici de ceux qui ont rejeté Vatican II et adhèrent à la foi traditionnelle, tiennent une formule similaire, que je décris comme le salut par la piété seule.

Voici le cas typique. Un tel catholique croit en tout ce que l’Eglise enseigne, récite fréquemment et fidèlement son chapelet, peut-être tous les jours, va à la messe tous les dimanches, participe éventuellement à des pratiques dévotionnelles au cours de la semaine, se confesse souvent, et possède chez lui de nombreuses images de Notre Seigneur, de Notre-Dame et des saints. Peut-être même qu’il dirige chaque soir la récitation du chapelet en famille.

De l’autre côté, ce même catholique vivra selon tous les standards de la culture moderne. Il regarde des productions impures à la télévision, au théâtre ou sur internet. Il écoute de la musique rock. Il élève ses enfants suivant toutes les idées modernes, c’est-à-dire qu’il les laisse suivre leurs instincts sans discipline, ou dans le cadre d’une discipline inefficace. S’il est un homme, il échoue à affirmer son autorité dans le foyer. Si elle est une femme, elle est fortement influencée par le féminisme, et échoue à comprendre son rôle dans la maison.

Ils se vêtissent suivant la mode moderne, aussi immodeste soit-elle. Ils fréquentent des plages bondées où il y a partout une grave impudicité. Ils vont dans des endroits tels que Disneyland : sans commentaire.

Ils acceptent dans leurs familles ceux qui sont « divorcés et remariés », ou qui vivent en concubinage.

Ils envoient leurs enfants dans des écoles qui ont été inventées pour détruire la foi catholique et les bonnes mœurs de leurs enfants. Ils se réjouissent de leurs accomplissements lorsqu’ils en ressortent diplômés, sans se soucier de la destruction spirituelle de leur enfant.

Ils approuvent pour leurs enfants des conjoints qui sont hérétiques, impies, et/ou impurs.

Et lorsqu’enfin leurs enfants, une fois parvenus à l’âge adulte, sont devenus des athées et des gauchistes, ces mêmes catholiques viennent demander au prêtre : « en quoi me suis-je trompé ? »

Ils se sont trompés de la même manière que Luther s’est trompé. Ils pensaient que la piété seule suffirait à faire de leurs enfants des catholiques, et les protégerait des mauvaises influences du monde moderne. Pour Luther, c’était la foi seule ; pour ces catholiques, c’est la piété seule.

Contemplons la Sainte Croix. Il y a deux grandes leçons dans la Croix du Christ : 1- l’amour de Jésus pour Son Père ; 2- la mise à mort du vieil Adam du péché.

Notre Seigneur sur la Croix a obtenu notre salut en donnant à Son Père, au nom de l’humanité qu’il avait lui-même prise, l’obéissance à Sa volonté jusqu’à la mort de la Croix.

Cette obéissance du Christ fut le remède à la désobéissance d’Adam et, en définitive, à la désobéissance de tout homme qui commet un péché. L’agréable odeur de l’obéissance de Son Fils l’emportait de loin sur la puanteur du péché humain. Ceci est un des aspect de la rédemption du genre humain.

L’autre aspect est la mortification de l’homme de péché. Il y avait une peine de mort à payer pour les péchés des hommes, et Notre Seigneur l’a payée. La vie spirituelle catholique est basée sur ces deux aspects de la Croix. D’un côté se trouve l’amour de Dieu, qui inclut l’obéissance aux commandements de Dieu et la piété, c’est-à-dire tous les actes d’adoration et de prière que nous offrons à Dieu. De l’autre côté se trouve la mortification, c’est dire la mise à mort dans nos âmes des effets du péché originel et des péchés actuels. La mortification consiste entre autres choses à éviter les occasions de péché.

La culture moderne est un produit du diable, et constitue une énorme occasion de péché. La piété ne sera pas agréable à Dieu, et ne produira pas de bons effets, si les catholiques boivent chaque jour le poison de la culture moderne.

Si les parents catholiques veulent avoir des enfants catholiques plutôt que des enfants païens, et s’ils veulent avoir des petits-enfants catholiques, il est nécessaire qu’ils se coupent du monde moderne. Cela demande beaucoup de sacrifices : ils ne pourront pas participer aux amusements et aux réjouissances du plus grand nombre. Les enfants doivent comprendre cette nécessité de la mortification et du sacrifice.

Je suis certain que les catholiques qui vivaient dans l’empire romain dans les premiers temps de l’Eglise ont eu le même problème [3]. Rome était un lieu de débauche gratuite, de jeux cruels, d’impudicité grossière, d’idolâtrie et de superstition. L’Eglise a pourtant resplendi dans ces temps anciens : c’est parce que les catholiques s’étaient coupés de la culture païenne de leur temps.

Mgr Donald Sanborn


[1] https://inveritateblog.com/2022/08/29/salvation-through-piety-alone/

[2] Weimar ed. vol. 2, p. 372; Letters I, Luther’s Works, American ed., vol. 48, p. 282.

[3] N.D.T : au IIIe siècle, l’évêque Saint Cyprien de Carthage (mort martyr en 258 sous la persécution de Valérien) écrit un traité contre les spectacles, répondant aux arguments de certains chrétiens tièdes qui, pour ne pas avoir à sacrifier leur sociabilité, leurs habitudes et leur soif de divertissement, prétendaient qu’il était possible d’assister aux jeux du cirque et au théâtre malgré l’infestation du paganisme dans ces divertissements. C’était, en effet, une situation semblable à la nôtre. Ces jeux et ces scènes de théâtre avaient une relation explicite avec l’idolâtrie, ce qui rendait toute participation impossible pour un chrétien – mais saint Cyprien précise bien que même sans ce caractère idolâtre, l’immoralité de ces spectacles devaient suffire à l’en éloigner absolument.

Mais se priver des spectacles infestés de paganisme, est-ce se priver de tout amusement et de tout émerveillement ? Saint Cyprien répond : 

« Ne croyez pas que les spectacles manquent au chrétien s’il sait se recueillir en lui-même, il trouvera des plaisirs vrais et utiles. Je ne parlerai pas de ces beautés qu’il ne nous est pas encore permis de contempler; mais combien d’autres se présentent à nos regards! La magnificence du monde, le lever et le coucher du soleil amenant l’alternative des jours et des nuits; le globe de la lune, marquant par ses diverses phases la fuite rapide du temps; les constellations qui brillent sur nos têtes, le cercle des saisons, la terre se balançant dans l’espace avec ses montagnes et ses fleuves; les mers avec leurs flots et leurs rivages; l’air répandu partout et nous donnant tour-à-tour la pluie et la sérénité; tous ces éléments divers alimentant chacun les habitants qui lui sont propres, l’air les oiseaux, l’eau les poissons. la terre les hommes, voilà les spectacles dignes d’un chrétien.

Quel théâtre, bâti par les hommes, pourra être mis en parallèle avec les œuvres du Créateur? supposez les pierres aussi grandes que vous le voudrez, ce n’est qu’un fragment de montagne, et les lambris dorés ne feront jamais pâlir l’éclat des astres. On admire bien peu les œuvres humaines quand on se reconnaît fils de Dieu; et d’ailleurs se serait manquer à sa noblesse que de ne pas réserver au Créateur toute son admiration.

Que le chrétien étudie les saintes Écritures : là encore il trouvera des spectacles dignes de sa foi. II verra Dieu créer le monde ainsi que les animaux et les soumettre au pouvoir de l’homme. Il verra les méchants engloutis dans un naufrage commun et les justes miraculeusement sauvés. Il verra la mer se dessécher pour offrir un chemin au peuple de Dieu et les rochers s’ouvrir pour le désaltérer. Il verra la nourriture descendre du ciel pour le nourrir, les fleuves enchaîner leurs eaux, les justes sauvés d’une fournaise ardente, les bêtes féroces domptées par la foi, les morts sortir de leurs tombeaux, et pour couronner .le spectacle, le démon, qui avait soumis le monde à son empire, abattu sous les pieds du Christ. Quel spectacle mes frères! qu’il est magnifique! qu’il est agréable! qu’il est utile! Il renferme tout ce qui anime notre espérance et assure notre salut. On peut en jouir, même quand on a perdu l’usage de ses yeux. Ce spectacle, ce n’est pas un consul, un prêteur qui le donne, mais c’est le Créateur de toutes choses, le seul Dieu unique, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ glorifié et béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

http://jesusmarie.free.fr/cyprien_de_carthage_les_spectacles.html

Les hérésies de François sur la Communion des saints

Le 2 février 2022, au cours d’une audience générale qui se tenait dans la très étrange salle Paul VI, François est venu enrichir sa collection d’hérésies par des propos offensants pour l’oreille catholique. Avant de rappeler l’enseignement de l’Église sur la Communion des saints et de se pencher sur le contenu du discours de François, nous allons revenir sur la définition de l’hérésie.

Imposteur Pape François - Hérésie sur la Communion des Saints

Qu’est-ce qu’une hérésie ?

Pour le dire simplement, et sans rentrer dans tous les détails du sujet, une hérésie est une proposition qui s’oppose à une vérité révélée par Dieu. Et puisque c’est par l’Eglise que nous est infailliblement transmise la vérité révélée, une hérésie est une proposition qui contredit une doctrine présentée comme révélée par l’Eglise. Certains théologiens soutiennent qu’une affirmation contraire à une doctrine infailliblement définie par l’Eglise mais non présentée comme révélée est déjà hérétique, mais ici nous ne nous pencherons pas sur ce débat théologique dont l’importance est toutefois réelle. Retenons que, selon le code de droit canon actuellement en vigueur (celui de 1917), une proposition ne pourra être qualifiée d’hérétique que si elle s’oppose à une vérité à croire de foi divine et catholique, c’est-à-dire à une doctrine présentée comme révélée par l’Eglise.

Ajoutons qu’il faut bien distinguer l’hérésie doctrinale (qui existe dans une proposition donnée) et le péché d’hérésie (qui existe dans un sujet donné). Cette distinction trop souvent négligée est parfaitement mise en lumière par l’abbé Lucien dans La situation actuelle de l’Autorité dans l’Eglise (pages 71 à 83). Nous nous contentons de rappeler ici que le péché d’hérésie est une adhésion volontaire et pertinace à l’hérésie. Pour commettre un péché d’hérésie, le sujet qui défend une proposition hérétique doit savoir que l’Eglise enseigne le contraire et vouloir néanmoins conserver sa propre opinion. Il se déduit de ces conditions que l’ignorance chasse le péché d’hérésie (sans pour autant chasser le péché, si l’ignorance est coupable).


La Communion des saints (selon l’Eglise catholique)

Voyons, avant d’évoquer les paroles de François, ce que signifie la Communion des saints pour l’Eglise. Le catéchisme de saint Pie X nous en donne une définition : « Communion des saints signifie que tous les fidèles, formant un seul corps en Jésus-Christ, profitent de tout le bien qui est et qui se fait dans ce même corps, c’est-à-dire dans l’Église universelle, pourvu qu’ils n’en soient pas empêchés par l’affection au péché ». Citons également l’abbé Boulenger pour aider le lecteur à bien saisir le sens de cette définition : « Il existe entre tous les membres, vivants ou défunts, du corps mystique (Église) dont Jésus-Christ est le chef, un lien qui les rattache les uns aux autres et grâce auquel ils participent aux mêmes intérêts et aux mêmes biens spirituels : c’est ce qu’on appelle la Communion des Saints. Dans toute société bien organisée, les membres sont solidaires les uns des autres ; ils partagent les richesses, les joies, et aussi les revers et les tristesses de la communauté. Ainsi en est-il de l’Église qui est une société plus parfaite qu’aucune autre » (dans La Doctrine Catholique).

Les biens spirituels évoqués par l’abbé Boulenger et qui profitent aux membres de l’Eglise par la Communion des saints sont surnaturels, ils se rapportent à l’ordre de la vie divine, de la grâce sanctifiante. Ces biens forment un trésor qui est enrichi, en premier lieu, par les mérites (infinis) de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ensuite par les mérites de la Très Sainte Vierge et enfin par ceux de tous les autres saints et membres du Corps Mystique. Ce trésor surnaturel s’élève vers Dieu qui répand ses grâces et miséricordes sur chacun des membres de la Communion des saints qui, tous, les reçoivent en proportion de leurs mérites. Par ailleurs, chaque membre, par ses bonnes œuvres, participent à enrichir ce trésor qui se communiquent à tous.

La formule « pourvu qu’ils n’en soient pas empêchés par l’affection au péché » précitée, signifie que les membres morts (1) de l’Eglise, c’est-à-dire ceux qui sont en état de péché mortel ne participent pas à la Communion des saints. Pourquoi ? Parce-que « n’étant pas dans l’état de grâce, ils ne fournissent aucune contribution au trésor de l’Église, vu que leurs œuvres sont sans mérite. Il serait juste alors qu’ils ne participent plus à ses faveurs » (La Doctrine Catholique). Cependant, précise l’abbé Boulenger, comme ils appartiennent toujours au corps de l’Église et que, semblables à des membres paralysés, ils pourront reprendre un jour vie et mouvement, ils ne sont pas entièrement privés des avantages de la Communion des Saints. En effet, les membres morts de l’Eglise peuvent recevoir des grâces pour se convertir et participer à la Communion des saints.

Si les catholiques en état de péché mortel sont privés de beaucoup d’avantages de la Communion des saints, qu’en est-il des non-catholiques ? Puisqu’ils ne sont ni membre du Corps, ni membre de l’Ame de l’Eglise (2), ils ne participent en aucune manière à la Communion des saints. Ainsi, nous comprenons bien pourquoi à la question « Qui est hors de la Communion des saints ? », saint Pie X répond « Est hors de la Communion des saints, celui qui est hors de l’Église, c’est-à-dire, les damnés, les infidèles, les juifs, les hérétiques, les apostats, les schismatiques et les excommuniés » (Catéchisme de saint Pie X).


La « communion des saints » (selon François)

Dans cette audience générale du 2 février, deux propos ont particulièrement attiré notre attention. Commençons par le premier :

« Qu’est-ce donc que la «communion des saints»? Le Catéchisme de l’Église catholique affirme : «La communion des saints est l’Église» (n. 946). Voyez comme c’est une belle définition! «La communion des saints est l’Église.» Qu’est-ce que cela signifie? Que l’Église est réservée au parfait? Non. Cela signifie que c’est la communauté des pécheurs sauvés. L’Eglise est la communauté des pécheurs sauvés. C’est beau, cette définition. Personne ne peut s’exclure de l’Église, nous sommes tous des pécheurs sauvés ».

Dans cet extrait, François entend définir la Communion des saints, qu’il assimile – bien étrangement – à l’Eglise comme s’il ne s’agissait pas de deux notions théologiques distinctes, avec leur caractéristiques propres (même si ces deux réalités, l’Eglise et la Communion des saints, sont intimement liées car, ainsi que nous l’avons vu plus haut, l’appartenance à la première est une condition pour participer à la seconde). Mais le plus choquant ici, c’est qu’il prétend que personne ne peut s’exclure de l’Eglise (ou de la Communion des saints, puisque pour François il s’agit de la même chose). Cela contredit explicitement l’enseignement de l’Eglise que nous avons rappelé plus haut. Un catholique qui est devenu apostat, hérétique ou schismatique (3) a choisi de quitter de l’Eglise et la Communion des saints. Par conséquent – et c’est une chose évidente, sauf pour François visiblement – il est faux de dire que personne ne peut s’exclure de l’Eglise.

Passons au second propos :

« Considérons, chers frères et sœurs, qu’en Christ personne ne pourra jamais vraiment nous séparer de ceux que nous aimons parce que le lien est un lien existentiel, un lien fort qui est dans notre nature même;  seule la manière d’être ensemble les uns avec les autres change, mais rien ni personne ne peut rompre ce lien. [François se met à la place d’un fidèle s’adressant à lui] « Saint-Père, pensons à ceux qui ont renié la foi, qui sont apostats, qui sont les persécuteurs de l’Église, qui ont renié leur baptême : sont-ils aussi chez eux ? » Oui, ceux-là aussi. Tous. Les blasphémateurs, tous. Nous sommes frères. C’est la communion des saintsLa communion des saints unit la communauté des croyants sur la terre et au ciel, et sur la terre les saints, les pécheurs, tous».

Il y a là une double contradiction avec la Communion des saints, telle que l’Eglise nous l’enseigne.

D’abord François dit que les blasphémateurs sont dans cette Communion. Un blasphémateur catholique (mauvais pour sûr), s’il n’est « que » (4) blasphémateur, ne perd pas pour autant sa qualité de membre de l’Eglise catholique. Ainsi, nous l’avons vu, il ne serait pas privé entièrement des bienfaits de la Communion de saints car, appartenant toujours au Corps de l’Église, il bénéficierait de grâces de conversion. Toutefois, il est impropre de dire qu’il est unit à ceux qui profitent du trésor de la Communion des saints : son état de péché empêche l’union, la communion et l’échange des biens surnaturels. Il est séparé du lien de la charité qui unit tous les fidèles en état de grâce.

Ensuite, François prétend que les apostats qui sont persécuteurs de l’Eglise appartiennent à la Communion des saints. C’est la déclaration la plus scandaleuse du discours, et elle s’oppose au mot près à la doctrine catholique si clairement exposée par saint Pie X dans son catéchisme. Alors que le Chef invisible de l’Eglise catholique, Notre-Seigneur, distingue et sépare le bon grain (les enfants du Royaume) de l’ivraie (les fils d’iniquités), celui qui se présente comme son Vicaire sur la terre affirme que les apostats endurcis sont unis avec Jésus, la Sainte Vierge et tous les saints : assertion monstrueuse. Les fondements de cette fausse doctrine ne sont pas à chercher bien loin, François croît que le lien qui unit l’homme au Christ se trouve dans la nature même de l’homme. Pour lui, ce n’est pas la grâce communiquée par Dieu qui nous unit au Christ ; ce n’est pas par une élévation de la nature humaine à l’ordre surnaturel que nous participons à la vie divine. Dès lors pourquoi distinguer ceux qui ont la grâce (les bons, les saints) de ceux qui ne l’ont pas (les méchants) ?


Les propositions de François sur la Communion des saints sont-elles hérétiques ?

La Communion des saints est un des douze articles de Foi du Symbole des Apôtres, appelé aussi Credo. Le Symbole des Apôtres contient et résume les principales vérités révélées par Dieu. Elles s’appellent vérités de foi, nous dit le Père Dragonne dans son explication du catéchisme de saint Pie X, parce que nous devons les croire d’une foi absolue, étant enseignées par Dieu qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. Le Symbole des Apôtres, avec celui de Nicée Constantinople et de saint Athanase, est l’un des principaux Symbole de Foi que l’Église enseigne à ses fidèles. « Il peut être considéré comme l’œuvre des Apôtres dans ce sens qu’il représente la doctrine ou plutôt la substance des vérités qu’ils enseignaient aux catéchumènes et qu’ils exigeaient comme profession de foi avant le Baptême » (abbé Boulenger, La Doctrine Catholique).

De là, nous pouvons facilement déduire que les propositions de François sur la Communion des saints sont hérétiques : elles s’opposent à un dogme de Foi, à une doctrine présentée comme révélée par l’Eglise.

Cet imposteur n’en est pas à son coup d’essai et il ne s’agissait pas ici de prouver que François n’a pas l’autorité pontificale, la démonstration a déjà été faite (il suffisait, d’ailleurs, de constater qu’après son élection au pontificat il ne reniait rien du concile vatican II et ses suites). Mais il nous semblait utile de mettre en lumière cette opposition flagrante (une de plus) entre la doctrine de ce faux pape et celle de l’Eglise catholique, laquelle doit être connue et défendue par les catholiques.

De même que pour garantir l’intégrité du corps il faut fuir le pestiféré, pour garantir l’intégrité de la Foi il faut fuir l’homme de mauvaise doctrine. Nous n’avons plus qu’à dire aux conciliaires ou autres catholiques en communion avec François : fuyez sans plus attendre, rompez ce lien qui vous fait prendre le risque grave d’être privé d’une communion bien plus importante pour le salut de votre âme : la Communion des saints.

Hugo C.


(1) Par « membre mort » de l’Eglise il faut entendre ceux qui sont morts spirituellement, c’est-à-dire privé de la vie divine. Ils sont membres du Corps de l’Eglise mais pas de son Âme, c’est-à-dire le Corps Mystique du Christ. A ne pas confondre avec les défunts qui, s’ils sont au paradis ou purgatoire, sont des membres vivants de l’Eglise. 

(2) Un non-catholique peut toutefois appartenir à l’Ame de l’Église en cas d’ignorance invincible et s’il est sans péché mortel. Mais il ne faut pas laisser croire, car ce serait ruiner la doctrine de la visibilité de la vraie Eglise, que la quasi-totalité des membres d’une fausse religion sont excusés par l’ignorance invincible. De plus, la Foi seule ne suffit pas pour être en état de grâce : encore faut-il que celui qui ignore invinciblement que le catholicisme est la vraie religion soit sans péché mortel, ce qui implique de vivre comme un juste. Son état de grâce, et donc aussi son Salut, sont loin d’être assurés car il est « privé de tant et de si grand secours et faveurs célestes dont on ne peut jouir que dans l’Eglise catholique » (Pie XII, Mystici Corporis). Pour plus d’explication sur le sujet de l’ignorance invincible voir Lettres à quelques Evêques, pages 27 à 35).

(3) Les apostats sont les baptisés qui renient, par un acte extérieur, la foi catholique qu’ils professaient auparavant ; Les hérétiques sont les baptisés qui s’obstinent à ne pas croire quelque vérité révélée par Dieu et enseignée par l’Église : tels sont les protestants ; Les schismatiques sont les baptisés qui refusent obstinément de se soumettre aux Pasteurs légitimes et qui, pour cette raison, sont séparés de l’Église, même s’ils ne nient aucune vérité de foi (Catéchisme de saint Pie X).

(4) Si cela était possible, nous aurions ajouté mille guillemets : le blasphème est un péché très grave.

La Croix, un journal moderniste qui nie la toute-puissance de Dieu

Le commentaire du livre « Dieu, la science, les preuves » dans le journal La Croix

Sorti en octobre 2021, le livre de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonassies intitulé «Dieu – la science – les preuves» est un succès de librairie vendu à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Se basant sur les avancées les plus récentes de la recherche scientifique, le livre expose au long de ses 580 pages le constat suivant : la seule explication rationnelle de l’origine du monde et des lois de l’univers est qu’il existe un créateur tout-puissant, infiniment intelligent, qui a fait le monde à partir de rien, et qui est responsable de son ordre parfait et de ses lois. C’est Lui que nous appelons Dieu, et que nous honorons comme tel pour l’immensité de ses bienfaits, et parce que toute chose dépend de Lui. A l’inverse, la croyance en un monde qui s’est « fait tout seul » à partir de rien, ou qui n’a pas de commencement, est complètement irrationnelle. Elle s’est faussement parée de prétextes scientifiques, comme si quoi que ce soit de scientifique avait pu mettre à mal la nécessité métaphysique de l’existence d’une cause première ou d’une intelligence ordinatrice. En vérité, plus les hommes comprennent le fonctionnement de l’Univers, plus ils devraient comprendre à quel point il est invraisemblable de dire que l’univers n’est que le résultat d’un chaos et d’un hasard aveugle. Et ce livre semble le montrer fort utilement.

Un livre qui prétend prouver que Dieu existe, du pain bénit pour les religions, se diront les critiques un peu amers… Mais détrompez-vous. Tout dépend pour quelle religion !

La religion conciliaire ne veut pas s’embarrasser de telles preuves l’existence de Dieu. Les partisans les plus progressistes de Vatican II, qui sont les plus nombreux et les plus influents dans le « monde conciliaire », n’apprécient pas que l’on dise que l’existence de Dieu peut se déduire logiquement à partir de l’étude de la création. Ils sont vraiment des modernistes, dans le sens précis où l’entendait saint Pie X lorsqu’il condamnait cet « égout collecteur de toutes les hérésies » : ils sont modernistes d’abord parce qu’ils adoptent l’erreur primordiale de tout ce système, l’agnosticisme :cette idée que l’on ne peut rien découvrir de certain, à l’aide de la raison, concernant les grandes questions métaphysiques. Ils font leur également la seconde erreur primordiale du système moderniste, qui est la conséquence de la première : l’immanence vitale, c’est à dire l’idée que le fait religieux trouve son origine dans un sentiment intérieur de l’homme, sorti du plus profond de son subconscient, au lieu de se baser sur des faits objectifs et des certitudes rationnelles (puisque selon l’agnosticisme nous ne sommes pas capables de les atteindre), et donc que les dogmes religieux changent et évoluent de la même manière que les émotions et les « besoins » de l’homme évoluent. Ainsi la foi n’est plus un acte de l’intelligence qui adhère à toutes les vérités révélées par Dieu : sortie du cœur de l’homme, expression du « besoin de Dieu » subconscient, la foi est un sentiment. Voici en quoi réside le modernisme, qui contient en germe toutes les hérésies possibles et imaginables (puisqu’il nie l’objectivité et la stabilité de la vérité), qui ruine de fond en comble tous les dogmes de la foi catholique.

C’est ainsi que l’on voit le journal La Croix, qui rappelons-le, a toute la confiance de l’épiscopat français [1], on voit donc ce journal publier deux tribunes contre le livre du duo Bolloré-Bonassies, aussi invraisemblable que cela puisse paraître à quelqu’un qui n’a pas encore compris l’état du monde catholique depuis Vatican II.  « La Croix » n’est pas simplement un journal marginal qui exprime les conclusions d’un petit groupe de personnes qui se prétendent catholiques. C’est un journal qui représente de facto l’état de la pensée religieuse « catholique » majoritaire en France. On pourra toujours dire que ces « tribunes » ne sont pas l’avis du journal mais simplement de ceux à qui l’on donne la parole, mais force est de constater que ces prises de paroles sont exclusivement au service d’une vision « progressiste » de l’Eglise et du catholicisme. La Croix est actuellement le cinquième journal d’information de France par le nombre de ses abonnés. Les journaux catholiques de sensibilité plus conservatrice sont, a contrario, beaucoup plus discrets et beaucoup moins proches du haut clergé. Si certains « conciliaires conservateurs » prennent la liberté de dire que La Croix est un journal hérétique et blasphémateur, comment ceux-ci expliquent-ils que l’épiscopat, ou même la papauté, ne fasse absolument rien pour le censurer et continue de lui accorder des entretiens ? Ils s’illusionnent complètement sur l’état actuel de l’autorité dans l’Église. La vérité est que « l’autorité » actuelle n’est pas du tout gênée que le premier « journal catholique » de France vomisse du modernisme à longueur de journée. Au mieux, ils sont des libéraux et estiment – même s’ils ne sont pas d’accord avec le modernisme du journal – que chacun doit pouvoir exprimer ses opinions librement et que La Croix a sa place dans le grand concert du débat d’idées. Au pire, ils sont eux-mêmes des modernistes et adhèrent de manière plus ou moins assumée à tout ce que dit La Croix. En sens contraire, on n’a jamais vu un « évêque » ou un « pape » conciliaire prendre franchement position contre eux, ou même simplement leur demander de ne plus se présenter comme un journal catholique.


L’enseignement de saint Pie X contre le modernisme

Prenons simplement le temps de comparer, d’une part, l’enseignement du pape saint Pie X contre le modernisme à travers deux brefs extraits de son magistère, d’autre part les propos tenus dans les tribunes du journal La Croix. Le premier article du serment antimoderniste, que tous les enseignants catholiques devaient prêter suite à la promulgation du motu proprio Sacrorum antistitum (1er septembre 1910), porte précisément sur le fait que l’existence de Dieu est prouvée par des arguments rationnels :

« Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » Rm 1,20, c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Serment_anti-moderniste

Le sixième paragraphe de l’encyclique Pascendi (8 septembre 1907) décrit ainsi le versant philosophique du modernisme :

« (…) les modernistes posent comme base de leur philosophie religieuse la doctrine appelée communément agnosticisme. La raison humaine, enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes, c’est-à-dire des choses qui apparaissent, et telles précisément qu’elles apparaissent, n’a ni la faculté ni le droit d’en franchir les limites ; elle n’est donc pas capable de s’élever jusqu’à Dieu, non pas même pour en connaître, par le moyen des créatures, l’existence : telle est cette doctrine. D’où ils infèrent deux choses : que Dieu n’est point objet direct de science ; que Dieu n’est point un personnage historique. »

https://www.vatican.va/content/pius-x/fr/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_19070908_pascendi-dominici-gregis.html

Gardons ces textes à l’esprit.


La Croix relaye une tribune écrite par un certain Raphäel Duqué, astrophysicien, et une autre tribune de Thierry Magnin l’ancien porte-parole de la conférence des évêques de France entre 2019 et 2020, et actuel président recteur délégué de l’université catholique de Lille : une illustration parmi d’autres de ce que nous disions sur les liens entre La Croix et le haut clergé conciliaire.


Agnosticisme et immanentisme en bonne et due forme

Voici quelques extraits la première tribune, de Raphël Duqué (3 janvier 2022) [2] :

« Mais cette preuve [la preuve de Dieu par le mouvement] ne peut pas satisfaire les croyants ! Ce grand horloger qui a lancé le big bang et calcule les constantes fondamentales de la physique, est-il le Dieu de miséricorde qui est descendu sur la Terre et a souffert la Passion pour le pardon des péchés ? Évidemment, personne n’y croit.

Certes, penser à l’harmonie de l’univers ou à Dieu comme primum mobile peut conforter les croyants dans leur foi, mais les arguments cosmologique et téléologique sont des impasses spirituelles, ils n’aident pas à avancer sur un chemin de foi dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Cette impasse spirituelle en cache en fait une autre, logique cette fois : l’existence de Dieu ne peut pas être un objet de science. Comme nous l’enseigne Karl Popper, ne sont scientifiques que les énoncés qui sont falsifiables, c’est-à-dire que l’apport de nouvelles expériences pourra infirmer. Ainsi avance la science : par falsification et raffinement progressifs de son contenu. Cela exclut de la science, par principe, nombre d’énoncés, dont l’existence de Dieu. Se tourner vers la science pour prouver l’existence de Dieu est donc une double impasse, d’ailleurs bien connue. »

Selon la tribune de La Croix donc, « évidemment », personne ne croit que le Dieu de la Révélation chrétienne est la cause première, le premier moteur de l’univers. La démonstration de l’existence de Dieu par ce que l’auteur appelle l’argument téléologique (preuve de Dieu par l’ordre du monde) et l’argument cosmologique (preuve de Dieu par le mouvement) est une impasse spirituelle. Et en guise de cerise sur le gâteau la tribune nous offre une négation explicite, en bonne et due forme, de l’enseignement de saint Pie X contre le modernisme philosophique : « l’existence de Dieu ne peut pas être un objet de science ». (Pascendi : les modernistes disent « que Dieu n’est point un objet direct de science »). Elle cite au passage l’agnostique Karl Popper, qui on ne sait comment s’est imposé comme la « référence ultime » en philosophie des sciences, alors que sa philosophie aboutit à dire qu’une chose n’est pas scientifique si elle est certaine, que la science exclut la certitude absolue … le monde marche sur la tête. Karl Popper est à présent devenu une autorité philosophique plus respectable pour ces gens que saint Thomas d’Aquin et saint Pie X. Cela n’empêche pas l’auteur de dire, la ligne suivante, que la foi et la raison doivent se soutenir harmonieusement : ce qui permettrait à ceux qui voudraient défendre l’orthodoxie de La Croix et de M. Duqué de dire « mais il rappelle l’enseignement catholique, vous ne restituez pas l’intégralité de son propos ». Dans l’encyclique Pascendi pourtant, saint Pie X décrit cet étrange comportement « oscillatoire » comme typiquement moderniste :

« Ce qui jettera plus de jour encore sur ces doctrines des modernistes, c’est leur conduite, qui y est pleinement conséquente. À les entendre, à les lire, on serait tenté de croire qu’ils tombent en contradiction avec eux-mêmes, qu’ils sont oscillants et incertains. Loin de là : tout est pesé, tout est voulu chez eux, mais à la lumière de ce principe que la foi et la science sont l’une à l’autre étrangères. Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique : tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. »

Il faut dire que pour le présent article, on n’a pas souvent l’impression qu’il pourrait être signé par un catholique. L’auteur va jusqu’à dire que « proposer la manifestation de Dieu dans la nature comme preuve de son existence est un matérialisme ». Défendre les preuves de l’existence de Dieu est donc impasse spirituelle matérialiste, qui nous prive de toute vie spirituelle intime et fructueuse. L’auteur nous gratifie également d’une profession assez explicite d’immanentisme religieux : « Leur ouvrage propose un discours scientifico-mystique qui dessert ensemble la science, soudain privée de ses principes et de son objet, et la foi, soudain retirée du domaine du cœur de l’homme. » Le domaine de la foi est donc à présent le « cœur de l’homme », au lieu d’être son intelligence comme l’enseigne le catéchisme de saint Pie X. Nous nous rapprochons donc des définitions posées au début de l’article : suivant l’immanentisme moderniste, la foi se définit essentiellement comme un sentiment.


Les rédacteurs de La Croix croient-ils à la toute-puissance de Dieu ?

La seconde tribune [3] tient un propos semblable à la première : il ne faut pas mélanger la science et la foi, le Dieu de la Révélation ne doit pas être confondu avec le « dieu des philosophes », intelligence ordinatrice et premier moteur de l’Univers. Mais elle a ceci de plus intéressant qu’elle émane d’une figure plus « officielle » du monde conciliaire, quelqu’un qui a occupé et occupe encore aujourd’hui des responsabilités au plus haut niveau de la hiérarchie, et pas d’un simple professeur de physique qui s’exprimerait à titre personnel.

En plus des relents d’agnosticisme et d’immanentisme auquel nous sommes déjà habitués, cette tribune comporte également une dimension que nous n’aurions pas soupçonné même venant de la part de modernistes : on y trouve l’idée que Dieu n’a pas tout créé, que présenter Dieu comme le créateur et ordinateur tout-puissant de l’univers est une erreur, et qu’Il attend de la part des hommes qu’ils « achèvent la création ». Cela n’en a pas l’air à première vue, mais c’est au mieux une formulation poétique très maladroite, au pire une hérésie abyssale : Dieu seul est créateur, les hommes agissent librement mais ne « créent » rien à proprement parler. Dieu est tout-puissant, et a tout créé à partir de rien : est-ce bien évident pour La Croix et ses différents rédacteurs ?

L’introduction donne le ton : « Pour le théologien et physicien Thierry Magnin, le livre Dieu, la science, les preuves de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies (Guy Trédaniel, 2021) prends le risque de confondre les domaines de la science et de la foi, et de faire de Dieu un fabricant tout-puissant de l’univers » : le livre prend le « risque » de faire de Dieu le créateur tout-puissant ? Voilà qui est étonnant. Parler de la toute-puissance de Dieu est à présent un « risque » comme s’il s’agissait d’une erreur théologique dangereuse.

L’article contient un propos ambigu aux accents agnostiques : il déplore le fidéisme, séparation étanche entre la foi et la raison. Il déplore le matérialisme, négation de toute transcendance. Mais il déplore également l’idée de dire que les sciences permettent de donner des principes et des démonstrations qui prouvent l’existence de Dieu. Le scientisme qui affirme qu’on est certain que Dieu n’existe pas est une erreur ; mais dire que les différentes sciences nous apportent des preuves que Dieu existe est l’erreur opposée ! L’article insiste, de manière étrange, sur l’idée que « Dieu n’est pas un fabricant », « Dieu n’est pas un grand horloger » : il a « créé un monde inachevé, que les créatures doivent continuer ». C’est un langage pour le moins troublant : il est vrai que Dieu laisse les hommes libres de se déterminer suivant leurs actes volontaires (et il les jugera en conséquence) ; mais philosophiquement parlant, l’homme ne « créé » rien : dans la philosophie catholique, la création proprement dite consiste à « tirer quelque chose du néant », à donner l’existence à quelque chose qui ne l’avait pas. Cet acte appartient uniquement et radicalement à Dieu. Lorsque les hommes « créent » des objets, ils ne partent pas du néant : ils ne font qu’assembler ensemble des choses qui ont déjà reçu de Dieu l’existence. L’auteur laisserait donc entendre que Dieu n’a pas « tout créé », contrairement à ce que proclame le credo de Nicée (Credo in unum Deumfactorem ceali et terrae, visibilium omnium et invisibilium) soit qu’il ne le veuille pas, soit qu’il ne le puisse pas …

L’article finit sur une déclaration qui relève de l’art oscillatoire des modernistes dont parlait saint Pie X et que nous trouvions déjà dans la première tribune :

« La science ne prouve pas l’inexistence de Dieu, et en cela, le livre a raison. Mais l’inverse est vrai aussi : la science ne prouve pas plus l’existence de Dieu. D’ailleurs quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi… En revanche, nous devons savoir rendre compte de notre foi avec des arguments rationnels, notre raison, dans le contexte des découvertes scientifiques notamment. Parler de l’intelligence du Dieu créateur. Être croyant n’est pas irrationnel. »

Donc : le matérialisme n’est pas rigoureux intellectuellement, la foi et la raison sont harmonieusement ordonnées l’une à l’autre, la foi doit se défendre avec des arguments rationnels, MAIS : aucune science ne prouve l’existence de Dieu (principe central auquel tiennent les modernistes, selon Pascendi), et si l’existence de Dieu était scientifiquement prouvée, « la foi ne serait plus la foi ». Ce propos semble ignorer que la certitude de l’existence de Dieu est un préambule de la foi : comment peut-on croire aux vérités révélées par Dieu, si on n’est pas déjà convaincus qu’il existe un Dieu ? Ce propos semble enfin rejoindre les postulats de l’immanentisme : puisque Dieu ne peut pas être objet de science, il n’est alors qu’objet de foi. Puisque la foi ne se base pas sur des certitudes indiscutables, elle se base sur le sentiment intérieur de l’homme.

Peut-être que l’auteur s’est mal exprimé et voulait dire que Dieu ne peut pas être connu certainement sur la base des conclusions des sciences expérimentales comme la physique ou la chimie, comme si l’on pouvait décrire la « formule chimique » de Dieu : ces sciences étudient la matière, alors que Dieu est immatériel, donc il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles décrivent Dieu. Mais à aucun moment l’auteur n’affirme clairement que Dieu peut être objet de science, entendu que la métaphysique est véritablement une science et qu’elle nous apprend des choses certaines sur Dieu. Le propos général va donc dans le sens de l’agnosticisme et de l’immanentisme qui prétendent que l’existence de Dieu ne se connaît, en dernière instance, que par l’expérience intime et personnelle de l’homme mu par le besoin du divin. Et au sens strict, une telle chose relève du modernisme.


L’archevêque de Poitiers … ne croit pas à la toute-puissance de Dieu.

Pascal Wintzer en compagnie de François, à qui il remet les actes du Synode diocésain de Poitiers en 2018

Nous posions plus haut la question : les rédacteurs de La Croix croient-ils à la toute-puissance de Dieu ? Puisqu’apparemment, le fait que le livre du duo Bolloré-Bonassies présente Dieu comme le créateur tout-puissant et l’intelligence ordinatrice de l’univers est un « risque », une « impasse spirituelle », et « personne ne croit » que ce Dieu soit le Dieu de la Révélation chrétienne.

En continuant notre investigation, nous trouvons notre réponse dans un autre article du même journal, destiné cette fois à lutter contre le danger du « cléricalisme », publié le 30 décembre 2021 et signé par « l’archevêque » conciliaire de Poitiers Mgr Wintzer [4].

TRIBUNE. Pour Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, le cléricalisme s’appuie sur une vision particulière de Dieu, « un Dieu qui a réponse à tout, qui résout les problèmes comme par magie ». Une idée incompatible avec le Dieu de la Bible, qui à travers Jésus « se remet aux mains des hommes ».

Cette introduction est pour le moins intrigante et ambiguë : Dieu n’a pas « réponse à tout » et se remet « aux mains des hommes » comme s’il y avait un certain nombre de choses qu’il ne pouvait pas faire, et que les hommes avaient plus de pouvoir que Dieu dans certains domaines. La suite de l’article achève de lever l’ambiguïté.

L’auteur explique que le « cléricalisme » fustigé par Bergoglio est issu d’une doctrine précise (il a raison, et c’est déjà un pas vers la vérité que d’admettre que le cléricalisme a des fondements doctrinaux, au lieu d’être simplement une maladie mentale !) et entend nous expliquer pourquoi cette doctrine est erronée. Puis il largue une bombe.

« Dans le catholicisme, comme dans toute religion, ce qui détermine tout le reste c’est Dieu, ou plus exactement l’image que l’on se fait de Dieu. Ainsi, le monothéisme a développé l’image d’un Dieu tout-puissant. Or, la révélation biblique contredit une telle représentation : le Dieu d’Israël n’évite pas au peuple l’exil, la déportation ; même les justes connaissent la persécution. Quant au christianisme, il fait s’agenouiller ses fidèles devant un homme humilié et crucifié, ainsi que devant un petit enfant couché dans une mangeoire. »

Lisons et relisons attentivement. Il y a dans la première partie de la phrase une sorte de déclaration kantienne et immantentiste disant que dans « toute religion » y compris le catholicisme, ce qui détermine tout est « l’image que l’on se fait de Dieu » : non pas ce qu’est Dieu en lui-même, mais « l’image que l’on s’en fait » : l’esprit humain, enfermé dans ses propres représentations et incapable d’accéder au réel au delà des phénomènes sensibles, se fait une « image » de Dieu sans comprendre qui est Dieu réellement, sur la base de son élan vital confus vers le divin. Donc l’image que les hommes se font de Dieu évolue en fonction de leur culture, de leur conscience, de leurs sentiments, des besoins du moment, de toutes sortes d’autres facteurs subjectifs. Donc l’image que le catholicisme se faisait de Dieu pendant les siècles qui ont précédé Vatican II était fausse. Donc la religion d’avant Vatican II (le « cléricalisme ») était fausse, puisque « tout le reste dépend » de la vision que l’on se fait de Dieu : ceci est, au minimum, sous-entendu par l’auteur, si ce n’est pas ce qu’il affirme franchement dans ce passage.

« Ainsi, le monothéisme a développé l’image d’un Dieu tout-puissant » : donc la toute-puissance de Dieu n’est pas une réalité objectivement fondée, mais le sentiment des hommes d’un certain temps, d’un certain lieu et d’une certaine époque concernant le divin. « Or, la révélation biblique contredit une telle représentation » :  nous lisons bien : selon Mgr Wintzer, la révélation biblique contredit l’idée que Dieu est tout-puissant. Difficile de penser qu’un homme qui se prétend membre de l’Eglise enseignante ait pu écrire une chose pareille. Puis ensuite il veut prétendre que la crucifixion et l’incarnation sont des preuves que Dieu n’est pas tout-puissant ! On se demande quelle est la religion de ces gens : certainement pas le catholicisme.

Mais l’auteur ne s’arrête pas là, il insiste toujours plus.

« Pour un couple, une famille, la venue d’un enfant bouscule, dérange, ainsi la naissance de cet enfant si particulier, Jésus, le Fils de Dieu. Il bouleverse Hérode, jaloux de son petit pouvoir… Il bouleverse des hiérarchies : les bergers sont les premiers à la crèche. Plus profondément encore, il bouleverse l’idée que l’on se fait de Dieu : un Dieu puissant, un Dieu qui résout les problèmes, un Dieu magique. La philosophie s’est interrogée sur cette puissance de Dieu ; la réponse est donnée par ce que dit Dieu de lui-même : un petit enfant, fragile, et qui, devenu adulte le restera, jusqu’à la croix. »

Double énormité ici. Premièrement, l’idée que « la philosophie s’est interrogée sur cette puissance de Dieu » et a échoué à trouver la vérité à ce sujet : Aristote, Platon, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin n’ont donc rien compris à Dieu. Deuxièmement, l’idée que la révélation réfute la philosophie (sous-entendu la philosophie scolastique, haïe comme l’enfer par les modernistes) et nous prouve qu’en réalité Dieu est faible et limité. Selon ce moderniste donc, Jésus « bouleverse l’idée que l’on se fait de Dieu » en prouvant que Dieu n’est pas tout-puissant.

L’auteur enfonce le clou une dernière fois contre la philosophie scolastique en déclarant que « le cléricalisme, parce qu’il isole certains, parce qu’il en fait des êtres hors de l’humanité ordinaire, choisit le Dieu des philosophes et non celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. » Il y a donc pour l’auteur une différence ontologique entre le « Dieu des philosophes » et le Dieu de la Révélation : n’est-ce pas exactement le même propos que l’on trouvait dans la tribune contre le livre sur l’existence de Dieu ? Pour ces modernistes, le Dieu de la révélation n’est pas le Créateur tout-puissant de l’Univers. Il est autre chose. Quoi exactement, on ne sait pas, mais on sait qu’il est tout sauf le Dieu « froid et calculateur » de saint Thomas : les modernistes disaient exactement la même chose à l’époque de saint Pie X.

L’auteur nous « achève » enfin en expliquant que malgré le fait que Dieu ne pose « aucune exigence a priori de pureté rituelle ou morale » pour être approché, il est pourtant nécessaire de se « convertir de manière continuelle » : certes oui il faut se convertir, « car sans cesse nous retombons dans la tentation de conformer Dieu à nos attentes, qu’elles soient personnelles, familiales, claniques ou sociales ». Sous-entendu : il faut se convertir du cléricalisme parce qu’il relève d’un désordre consistant à conformer Dieu à nos attentes personnelles, familiales, claniques ou sociales ! Voici ce que dit l’auteur : les cléricaux veulent que Dieu soit tout-puissant, et la révélation les réfute ! Son propos sur la conversion englobe quelque chose de plus général que le cléricalisme, mais il l’inclut et vu ce qui a été dit auparavant, sur le fait que le cléricalisme est une « vision d’un Dieu tout-puissant » erronée, basée sur les désirs de l’homme, il faut clairement comprendre sa conclusion comme un « appel à la conversion des cléricaux ». Pour employer un mot hébreu, ce qui saura plaire à ces amis d’Israël : quelle chutzpah !


Conclusion. Une nouvelle religion agnostique.

Ces articles montrent de manière particulièrement frappante, s’il y en avait encore besoin, qu’il existe bien une « nouvelle religion conciliaire », dont la base intellectuelle est le modernisme condamné par saint Pie X. Ceux qui interviennent dans les tribunes du journal La Croix pour parler de l’existence de Dieu, fussent-ils des « prélats catholiques », ont une religion complètement différente de la religion catholique, dans laquelle Dieu n’est pas connaissable par la raison (il n’est pas objet de science), et n’est pas tout-puissant non plus (c’est une fausse idée de Dieu qui serait démentie par la Révélation). La démarche apologétique de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonassies leur semble incongrue, voire dérangeante : pour eux, Dieu n’a pas à faire l’objet de démonstrations et de réflexions logiques, il n’a pas à faire l’objet de définitions philosophiques. Mieux encore, les philosophes « se sont trompés sur Dieu » en le présentant comme le créateur tout-puissant de l’univers, d’après Mgr Wintzer.

Nous ne pouvons qu’encourager ceux qui veulent sincèrement observer la religion catholique et la défendre contre l’agression moderniste à se former davantage sur l’apologétique, la science qui démontre par la raison la vérité de la religion chrétienne. Le livre récemment publié peut faire partie des choses utiles à lire pour comprendre que l’opposition entre « la science » et la foi, comme si les deux appartenaient à un univers différent, est une idée complètement factice et malhonnête, et qu’au contraire la science (qui étudie la création) sert la foi (parce qu’elle montre la puissance et la sagesse du Créateur de toutes choses).

Jean-Tristan B.


[1] Par exemple, le président de la conférence épiscopale a récemment accordé une interview au journal : https://www.la-croix.com/Religion/Mgr-Moulins-Beaufort-valeurs-chretiennes-sont-moins-defendre-qua-choisir-2022-01-18-1201195481

[2] https://www.la-croix.com/Debats/Le-livre-Dieu-science-preuves-dessert-science-foi-2022-01-03-1201192921

[3] https://www.la-croix.com/Debats/Dieu-science-preuves-Le-Dieu-Jesus-Christ-nest-certainement-pas-grand-horloger-2022-01-10-1201194045

[4] https://www.la-croix.com/Debats/Mgr-Wintzer-Le-clericalisme-theologie-2021-12-30-1201192424

La soumission des conciliaires à l’ordre antireligieux

L’exemple du secret de la confession


6 décembre 2021, Paris. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la « conférence des évêques de France » et « archevêque de Reims », reçoit des mains du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’insigne de la légion d’honneur. [1]

Moins de deux mois plus tôt, le 12 octobre 2021, Moulins-Beaufort était convoqué par le même Darmanin, sommé de s’expliquer à la suite de ses propos jugés « choquants » sur le secret de la confession, tenus à l’antenne de France Info le 6 octobre : « le secret de la confession s’impose à nous … en cela, il est plus fort que les lois de la république. » [2]

La haine anticléricale des élites de notre pays, habituellement apaisée par les compromissions de Vatican II et de ses défenseurs, a aussitôt resurgi bruyamment. « Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays », déclare sèchement le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal [3]. Moulins-Beaufort est aussitôt convoqué par le ministre de l’Intérieur pour clarifier ses propos. Un véritable déluge de condamnations et d’anathèmes a plu sur les propos du président de la conférence épiscopale : beaucoup de personnalités publiques prennent la parole, à commencer par le ministre de la justice Éric Dupont-Moretti qui déclare que le prêtre « doit être condamné » en cas de non-dénonciation de crimes entendus en confession. [4] Des condamnations fermes, malgré le caractère relativement anodin des propos, qui seraient compréhensible même pour des non-chrétiens : est-ce choquant de dire que les chrétiens, en tant que chrétiens, s’estiment tenus de respecter des lois et des obligations qui sont perçues comme supérieures aux simples lois civiles ? Où est donc passé le relativisme et le subjectivisme de ces braves gens ?

Moulins-Beaufort a dans un premier temps tenté d’expliquer que le secret de la confession était reconnu par la loi française comme un secret professionnel, qu’il n’était en rien attentatoire aux lois de la république. Mais cela ne fut pas suffisant pour contenter le gouvernement. S’en est suivi un odieux témoignage de lâcheté et de compromission. Cet homme, qui est censé être la première autorité morale de l’Église de France, n’a même pas été capable de soutenir publiquement cette évidence, qui est que les lois de Dieu et de son Église sont supérieures aux lois de la république. Que sont au juste les lois de la république ? Depuis quand existent-elles ? Qui les a établies, au nom de quoi ? Si l’on veut les rattacher à la Révolution française et à la déclaration des droits de l’homme, elles n’ont que 230 ans et quelques. Que sont en comparaison les lois de Dieu, qui est le créateur tout-puissant et éternel, et de son Église, qui a été fondée par Jésus-Christ il y a presque 2000 ans ? Est-ce qu’un chrétien sincère peut hésiter un seul instant, si on lui demande ce qui est le plus important entre les lois de la république et les lois de l’Église (en l’occurrence le secret de la confession), à répondre que la loi de l’Église est supérieure, et à le répondre une deuxième fois si on le somme de « clarifier ses propos » ? Encore faut-il avoir la vertu théologale de foi pour voir les choses ainsi. Voudrait-on se souvenir, en tant que catholiques, que le secret de la confession est si important dans la vie de l’Église qu’un prêtre l’a défendu au prix de sa vie, et est à présent honoré sur les autels comme un martyr de la foi ? Il s’agit de saint Jean Népomucène (v.1340-1393), torturé puis noyé à Prague sur ordre du roi de Bohême Wenceslas IV, pour avoir refusé de dévoiler les confessions de la reine.

Il aurait pourtant été simple d’expliquer, même de manière conciliante et sans apparaître nécessairement comme un « ennemi de la république », que la vie chrétienne est régie par des obligations morales et des lois qui sont supérieures aux lois terrestres, que les chrétiens sont attachés à respecter l’ordre public et les lois positives tant qu’elles n’entrent pas en conflit avec ces obligations morales supérieures. Parmi ces lois et ces obligations, le secret de la confession figure en bonne place. On ne peut pas demander à un chrétien de violer les lois de l’Église, ou demander autoritairement à l’Église de changer ses lois au gré des nécessités politiques du moment : ce serait, pour l’État, outrepasser ses prérogatives. Il aurait aussi été simple d’expliquer que l’abolition du secret de la confession ne serait pas une solution profitable au bien public et à la lutte contre la pédophilie, car un coupable n’irait jamais se confesser de crimes aussi graves s’il savait qu’il ne peut pas avoir confiance envers le prêtre pour la sauvegarde de sa réputation. De plus, l’absolution d’un péché de cette nature ne peut être donnée que si le pénitent accepte de procéder à une réparation et à une expiation proportionnée à sa faute : il faudrait, en clair, que le pénitent manifeste sa volonté de se livrer aux autorités pour purger la peine qu’il mérite, pour qu’il soit absout de son péché. Cette question du secret de la confession est complètement anecdotique dans la lutte contre les abus sexuels. Si l’on commençait par rappeler clairement à tous ceux qui s’engagent dans le clergé, ou même simplement aux fidèles à qui on n’enseigne bien peu de choses à ce sujet, les exigences rigoureuses de la loi morale concernant le VIème commandement et la pureté des mœurs, ainsi que les châtiments de l’enfer éternel qui menacent ceux qui se comportent suivant leurs goûts dépravés au lieu d’obéir à la loi de Dieu, il y aurait beaucoup moins de scandales de cette nature. Si l’on évitait de faire entrer au séminaire et d’ordonner des hommes notoirement homosexuels ou efféminés, cela changerait aussi les choses étant donné qu’environ 80% des abus sexuels recensés dans le clergé conciliaire sont commis sur des adolescents mâles et pubères. Il y a certainement beaucoup de choses à faire pour empêcher les abus, et abolir le secret de la confession ne fait pas partie des moyens qui seraient utiles dans cette lutte.

Moulins-Beaufort n’a pas tenu un tel discours, pas publiquement en tout cas. Après avoir tenté de jouer la carte du secret professionnel, et avoir essayé d’expliquer que le secret de la confession était ce qui mettait le pénitent en confiance, il s’est couché tout de son long. Il n’a pas eu le courage d’assumer ses propos sur le fait que le secret de la confession est supérieur aux lois de la république. Il s’est plutôt répandu dans des excuses accompagnées de propos évasifs et consensuels, qui laissent entendre aux antichrétiens que des aménagements seraient possibles concernant le secret de la confession. Voyons ces extraits du communiqué de presse de la CEF, consécutif à l’entrevue du 12 octobre :


« Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »

« Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu évoquer avec M. Gérald Darmanin la formulation maladroite de sa réponse sur France Info mercredi dernier matin. L’état a pour tâche d’organiser la vie sociale et de réguler l’ordre public. Pour nous chrétiens, la foi fait appel à la conscience de chacun, elle appelle à chercher le bien sans relâche, ce qui ne peut se faire sans respecter les lois de son pays. L’ampleur des violences et agressions sexuelles sur mineurs révélées par le rapport de la CIASE impose à l’Église de relire ses pratiques à la lumière de cette réalité. Un travail est donc nécessaire pour concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants. Mgr Éric de Moulins-Beaufort a tenu à redire la détermination de tous les évêques et, avec eux, de tous les catholiques, à faire de la protection des enfants une priorité absolue, en étroite collaboration avec les autorités françaises. »

Communiqué de presse de la CEF, 12 octobre 2021 [5]

Il n’y a là, chacun en conviendra, aucune réaffirmation claire de l’inviolabilité du secret de la confession. Le fait que cette loi de l’Église soit « supérieure à la loi de la république » est à présent une « formulation maladroite ». L’Église doit « relire ses pratiques » à la lumière de la crise des abus sexuels, et faire un travail pour « concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants ». Faut-il avoir l’esprit mal tourné pour lire : nous, évêques de France, serions éventuellement prêts à transiger sur le secret de la confession si l’état le demandait ? Dans le meilleur des cas, les évêques ne comptent pas transiger sur le secret de la confession, mais veulent laisser croire le contraire aux autorités de la république pour avoir temporairement la paix. Quelle veulerie.

Une telle décoration, dans ce contexte, a véritablement quelque chose de honteux. Légion du déshonneur, venant adouber la lâcheté et la trahison de ceux qui usurpent les institutions ecclésiastiques pour diffuser la fausse religion relativiste et laïciste de Vatican II : des hommes mous, sans force, qui ne défendent ce qui reste du catholicisme que lorsque cela n’engage pas leur confort ou leur réputation auprès des antichrétiens, qui sont incapables d’affirmer clairement leur altérité par rapport au monde sans religion, et leur intégrité dans la foi en Jésus-Christ et la défense des droits de son Église (alors que, disait saint Pie X, ce serait le meilleur moyen de gagner le respect des incrédules, et peut-être de les intéresser à la religion, que d’affirmer clairement nos convictions et de montrer à quel point elles sont pour nous un principe de vie). Nous pouvons remercier le gouvernement français et monsieur de Moulins-Beaufort de contribuer à rendre toujours plus évidente la réalité de la situation actuelle de l’Église. Chacun remarquera l’absence totale de commentaire du côté de Rome à propos de cette affaire touchant au secret de la confession, pourtant très lourde d’implications pour l’Église de France et au-delà pour l’Église universelle. Ce n’est pas à l’ordre du jour : on se contente de répéter, à tort et à travers, en demandant pardon à tout le monde, que la lutte contre la pédophilie est une priorité absolue pour l’Église (alors que les témoignages de faiblesse et de lâcheté – nous restons dans le même thème ! -, ou bien de complicité pure et simple, du haut clergé conciliaire dans la gestion des dossiers de pédophilie continuent de se multiplier). François continue de faire le contraire de ce que devrait faire un pape : ou bien en actions, ou bien en paroles, ou bien – comme ici – en omissions. Considérons seulement le contraste entre l’attitude de saint Pie X à l’égard des lois de 1905 en France, et l’attitude de François à l’égard de la persécution ouverte du secret de la confession dans ce même pays : ce n’est manifestement plus le même Esprit, ni la même foi que celle qui animait saint Pie X, qui anime François et ses subordonnés.

Jean-Tristan B.


[1]https://www.bfmtv.com/politique/de-maniere-discrete-darmanin-a-remis-la-legion-d-honneur-a-eric-de-moulins-beaufort-president-de-la-conference-des-eveques_AD-202112070297.html

[2]https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-de-l-eglise/video-pedocriminalite-dans-l-eglise-le-secret-de-la-confession-est-plus-fort-que-les-lois-de-la-republique-selon-mgr-eric-de-moulins-beaufort_4796947.html

[3]https://www.bfmtv.com/politique/secret-de-la-confession-gabriel-attal-affirme-qu-il-n-y-a-rien-de-plus-fort-que-les-lois-de-la-republique_VN-202110070274.html

[4]https://www.ledauphine.com/societe/2021/10/08/le-pretre-a-l-imperieuse-obligation-d-alerter-sur-des-faits-de-pedocriminalite-selon-eric-dupont-moretti

[5]https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2021/10/CP_12octobre2021_Mgr-de-Moulins-Beaufort-1.pdf

Traditionis Custodes : Les traditionalistes doivent faire un choix

Réflexions sur le motu proprio Traditionis Custodes (16/07/2021)


Ce document était attendu depuis un moment : il fait suite à une grande « enquête sur le rite extraordinaire » commandée par Bergoglio aux différentes conférences épiscopales le 7 mars 2020. Le motu proprio Summorum Pontificum (2007) de Benoît XVI avait donné lieu à une « régularisation » ou « légalisation » du culte catholique suivant le rite tridentin, apanage de quelques communautés qui vivent et agissent en marge des structures officielles du catholicisme depuis le Concile Vatican II et l’instauration obligatoire du Novus Ordo Missae en 1969. En 2007, quand Benoît XVI émet son motu proprio pour autoriser officiellement la pratique du rite tridentin, ces traditionalistes, restés attachés à « l’ancien rite » et à la foi catholique telle qu’elle a toujours été enseignée, ont presque tous exulté (y compris la FSSPX, héritière de Mgr Lefebvre), ne voyant pas ou feignant de ne pas voir l’absurdité de la situation, sa fragilité et son hypocrisie. 13 ans plus tard, le constat de cette absurdité et de cette hypocrisie est fait par les conciliaires eux-mêmes, qui cherchent à limiter drastiquement les dispositions du motu proprio précédent. Serait-ce l’occasion pour les traditionalistes de réfléchir en profondeur à leurs engagements, à leur foi et à la nature véritable de la crise de l’Eglise ? Quelle conclusion logique faut-il tirer de la détestation des autorités conciliaires à l’égard de la vraie liturgie catholique ?

Le motu proprio de Benoît XVI était déjà une hypocrisie et une absurdité

Les traditionalistes ont commencé leur combat en refusant une « messe protestante », une « messe bâtarde » (l’expression est de Mgr Lefebvre), qui n’est que l’expression sensible et extérieure de la « foi » bâtarde et protestante promue par Vatican II. Lex orandi, lex credendi : la loi de prière est la loi de croyance ; la liturgie est l’expression et l’illustration de ce que l’on croit. Par ses innombrables omissions et ses nouveautés, le rite de Paul VI s’éloigne « de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe »(1). Par extension, Vatican II s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique … Liberté religieuse, œcuménisme de type « théorie des branches », collégialité épiscopale, laïcité, exaltation du judaïsme talmudique, soutien intellectuel et pratique au mondialisme maçonnique athée, dévalorisation de la vie intérieure et de la mortification au profit de « l’action » et de la « positivité », effacement de l’objectivité de la morale au profit de la subjectivité et des sentiments (au point que la contraception artificielle, la sodomie ou le suicide peuvent devenir un « bien subjectif »), tout ceci est contenu dans Vatican II et/ou dans l’enseignement des successeurs de Paul VI.

Par les desseins miséricordieux de la Providence, qui a permis que l’Eglise soit infiltrée de l’intérieur et sabordée par ses pires ennemis (exactement comme le craignait Saint Pie X), cette infiltration et ce sabordage ont été rendus particulièrement visibles et évidents, avec la réforme liturgique de 1969. Nos jeunes générations ne se représentent pas bien à quel point la réaction au nouveau missel a été massivement défavorable chez les catholiques, particulièrement en France. Entre ceux qui s’interrogent sur la pertinence du changement, ceux qui abandonnent la pratique religieuse par dégoût pour cette désacralisation, ceux qui demandent timidement le maintien de certaines pratiques anciennes et ne comprennent pas l’abandon brutal de plusieurs siècles de tradition liturgique, il y eut aussi ceux qui refusèrent catégoriquement toute participation à cette liturgie protestante et commencèrent à s’organiser en groupes de « résistants », bien convaincus qu’il ne s’agissait pas seulement de préférences esthétiques personnelles mais de questions relatives à la foi catholique elle-même, dans toute sa profondeur, et donc du salut de leur âme dont dépend la profession de la foi.

Le temps passant ces « résistants » se sont organisés en groupes différents et ont précisé leur position doctrinale vis-à-vis de la crise de l’Eglise et de la trahison de ses autorités. Ils sont devenus les « sédévacantistes », la FSSPX, la FSSP, l’IBP et d’autres groupes plus ou moins « régularisés » vis-à-vis de la Rome conciliaire, qui tolère avec une forme de résignation et non sans un certain mépris leur « différence liturgique » et leur « sensibilité droitière ». Après avoir tenté sans succès d’interdire brutalement, à renfort de menaces et de sanctions spectaculaires, l’usage de la liturgie tridentine et la défiance à l’égard de Vatican II au nom de la doctrine catholique reçue avant le concile, les conciliaires (à partir de Jean-Paul II) ont opté pour une stratégie plus diplomatique et ont cherché à donner un « cadre » à ces groupes et à ces pratiques en dissonance avec l’esprit de Vatican II. Joseph Ratzinger, devenu « pape », a acté de manière officielle cette « réconciliation » et cette « légalisation » par le motu proprio de 2007. 

Le 30 mars 1987, à la demande de Mgr Thomas évêque de Versailles, le Père Bruno de Blignères est expulsé manu militari de l’église Saint-Louis du Port-Marly, pendant qu’il célèbre la Messe

Mais qui ne voit que le motu proprio de Benoît XVI oblige ces traditionalistes à renier les engagements et les principes du combat qui les a poussés à rejeter la nouvelle liturgie ? Ratzinger, qui n’est un « conservateur » que pour l’œil non averti, était connu comme l’un des penseurs les plus progressistes pendant le concile Vatican II, un véritable et pur moderniste (2). Le principe qui sous-tend la « légalisation » de la liturgie tridentine est le suivant : ce rite est aussi bon et légitime que le nouveau, dans l’absolu ; et pour autant il ne faut pas les considérer sur un strict pied d’égalité, car le nouveau rite est le rite ordinaire de la liturgie romaine, tandis que la liturgie tridentine n’existe que sous un régime dérogatoire, elle est le rite extraordinaire. Accepter le régime du motu proprio signifie, pour les traditionalistes, accepter que la « nouvelle messe » qu’ils ont rejeté et combattu est « aussi bonne » que la vraie Messe et même supérieure en dignité en tant que rite ordinaire de l’Eglise universelle.

Personne ne devrait être content dans cette situation absurde. Ni les traditionalistes, ni les modernistes.

Pourquoi tant de traditionalistes ont chanté le Te Deum, ont sabré le magnum de champagne, à l’occasion de cette « concession » de la part de la Rome conciliaire, qui est plutôt au fond une capitulation de la part des traditionalistes ? Ont-ils oublié les principes qui motivent leur combat, et qui font constater que le nouveau rite est équivoque, scandaleux, dangereux du point de vue de la foi et même probablement invalide ? Comment peut-on se contenter et se réjouir d’une telle situation, si l’on est convaincu que le nouveau rite est mauvais ? La réponse est simple : il faut ou bien se convaincre que finalement le nouveau rite n’est pas mauvais, ou bien être hypocrite et accepter en apparence la dignité du nouveau rite tout en pensant autrement en secret. Ainsi semblent faire beaucoup de prêtres et de fidèles des groupes dits « ralliés », qui critiquent en secret Vatican II et sa liturgie, tout en professant extérieurement d’une union et d’une obéissance à l’égard de ce qu’ils estiment être le Saint-Siège. Ils font mine « d’en être », sans en être vraiment, en conservant leur propre manière de voir les choses. Comme si le Pape et l’Eglise pouvaient enseigner des hérésies et promulguer une liturgie mauvaise : il faut, pour défendre une telle position, ressusciter les arguments mille fois réfutés des gallicans et des jansénistes contre l’autorité et les prérogatives du successeur de Saint Pierre, contre la sainteté et l’infaillibilité de l’Eglise.

Du côté des modernistes, le motu proprio de Benoît XVI est très mal vu. Pourquoi donner du crédit et du soutien à ces groupuscules d’extrême-droite, qui sont contre le progrès et contre l’amour ? Ils ralentissent l’œuvre de Vatican II. Bien qu’intellectuellement parlant, on puisse être un vrai moderniste et reconnaître un certain intérêt et une certaine légitimité au rite tridentin (comme Ratzinger), en pratique ce que ce rite représente est trop en rupture avec le modernisme et la religion de Vatican II pour qu’il soit en affection chez la plupart de ses partisans. En définitive, ce que les modernistes reprochent principalement aux traditionalistes, c’est d’adhérer à la théologie catholique d’avant Vatican II, dont la Messe tridentine est l’expression : ainsi le professeur Massimo Faggioli explique les inquiétudes du Vatican vis-à-vis des traditionalistes de cette manière : « You can have that latin mass, you cannot have the theology of the 16th century that was at the basis of latin mass »(3). La Messe en latin, passe encore ; mais la théologie antiprotestante des papes, des docteurs et des saints du XVIème siècle, pas question.

Ce rite a été abandonné par Paul VI et ses suivants parce qu’il était trop attentatoire aux croyances des protestants, qu’il était nuisible à l’œcuménisme : pourquoi autoriser sa diffusion s’il va contre les principes et les objectifs de Vatican II ? Cette situation de coexistence des deux rites est perçue par la plupart comme une bizarrerie, quasiment un attentat à « l’unité de l’Eglise » dans sa loi de prière. Plusieurs posent ouvertement la question de savoir si les communautés traditionnalistes sont en communion avec l’Eglise catholique : quand Vatican II donne la certitude que les protestants et les schismatiques orientaux sont membres de l’Eglise, apparemment l’appartenance des traditionalistes à l’Eglise fait débat !(4)

L’actuelle décision de François de briser les dispositifs établis par son prédécesseur et de placer sous un contrôle beaucoup plus drastique les groupes traditionalistes n’est que l’aboutissement naturel d’une situation qui était, dès le départ, incohérente et bancale. La stratégie de Benoît XVI, qui consiste à amadouer les traditionalistes pour mieux les contrôler, ne porte pas les fruits attendus. Les modernistes commencent à le dire de plus en plus fortement : le sempiternel « dialogue œcuménique », si richement mené à l’égard des sectateurs de Luther et de Photius, ne peut pas être mené avec les traditionalistes parce qu’ils sont trop « de droite ». Les conciliaires progressistes reconnaissent (avec raison) qu’ils sont plus proches des libéraux de toute confession, que des catholiques trop fortement attachés au catholicisme. François a multiplié ces derniers temps les déclarations très hostiles et à peine voilées à l’égard des catholiques « trop conservateurs », considérés comme des pharisiens ou des personnes cliniquement malades. La rupture de fait et l’impossibilité d’une conciliation entre ces deux camps, que tout oppose au point de vue des idées, va se traduire de plus en plus dans le droit conciliaire. Et pour les traditionalistes, il faudra finir par sortir de ce statu quo insensé et inique entre ceux qui veulent détruire la foi et ceux qui veulent la défendre.

Le motu proprio de François ne fait que mettre le « traditionalisme » devant ses propres contradictions

Les traditionalistes qui avaient exulté en 2007 se trouvent à présent désemparés. Pour beaucoup d’entre eux, c’est peut-être la disparition pure et simple de leur « paroisse » qui les attends. Pour tous, on attendra d’eux des gages explicites de soumission à Vatican II et à la nouvelle liturgie. Certains sont littéralement excédés, et ne comprennent pas qu’un pape puisse à ce point persécuter l’usage des saintes et émouvantes cérémonies de la liturgie tridentine, et les doctrines qu’elles expriment. 

Mais faut-il s’étonner de cette situation ? Absolument pas, disions-nous plus tôt.

Les conciliaires s’opposent à la liturgie tridentine, parce qu’elle est explicitement incompatible avec le protestantisme, elle choque les « frères séparés »(5). Ils veulent faire plaisir aux protestants avec leur « nouvelle messe », parce qu’ils considèrent que le protestantisme est légitime et que les protestants sont véritablement membres de l’Eglise : on ne parle plus « d’œcuménisme du retour », mais d’œcuménisme de l’approfondissement ou de la perfection du lien déjà existant.

Luther et le Cardinal Cajetan

Les traditionalistes sont, a priori, conscients que ces idées sont contraires à la foi catholiques, condamnées par le magistère de l’Eglise et par la voix unanime des docteurs et des saints catholiques des derniers siècles. Pourquoi s’étonnent-ils d’être persécutés par les défenseurs de l’hérésie ?

Pourquoi les traditionalistes s’attendent, de la part des défenseurs de l’hérésie, à ce qu’ils leur concèdent un quelconque droit à exister dans la dénonciation de l’hérésie et la profession de la doctrine catholique intégrale ? Pourquoi se réjouissent-ils quand les défenseurs de l’hérésie font mine de leur donner un semblant d’existence, et s’attristent-ils quand les défenseurs de l’hérésie leur dénient les concessions précédemment faites ?

Voilà la grande contradiction du traditionalisme « rallié » : ils recherchent l’approbation … de leurs ennemis, de ceux contre qui ils luttent. Au moins de ceux contre qui ils luttaient initialement. Si la « nouvelle messe » ne posait pas un grave problème de conscience, il n’y aurait aucune raison d’être traditionaliste, les traditionalistes ne seraient que des schismatiques, des extravagants, des fous. Si la « nouvelle messe » était vraiment bonne et sainte, comme l’affirme le motu proprio de Benoît XVI, le traditionalisme est alors relégué au rang de fantaisie droitière pharisaïque : c’est ainsi qu’il est considéré par le clergé conciliaire.

Cette « relation » entre les traditionalistes et les autorités conciliaires est profondément incohérente. Au fond, qu’ils en soient conscients ou non, les traditionalistes qui recherchent l’approbation de la Rome conciliaire ne cherchent qu’une chose : un sentiment de régularité et de normalité institutionnelle. Ils ne cherchent pas sincèrement à obéir au pape : ils cherchent à avoir le sentiment que le pape est d’accord avec eux. Ils veulent avoir le sentiment qu’il y a une continuité entre l’Eglise d’avant et celle d’après Vatican II. Ils veulent avoir le sentiment que tout est normal, que Vatican II n’est qu’une regrettable imperfection humaine dans l’histoire de l’Eglise et qu’elle n’engage pas son autorité infaillible, ou bien que Vatican II n’est pas fondamentalement incompatible avec leur « sensibilité intégriste ». Ils veulent avoir le sentiment que l’on peut pratiquer la foi catholique intégrale sans passer pour un fou et un sectaire. Ils passeront quand même pour des fous et des sectaires auprès des autorités ecclésiastiques actuelles, et seront traités comme tels …

Ce sentiment ne peut qu’être fragile et illusoire, parce que les personnes dont ils veulent l’approbation ne recherchent plus le bien de l’Eglise et la fin pour laquelle elle a été instituée. Ce fait est manifeste depuis le concile Vatican II. Ces personnes ont usurpé les institutions de l’Eglise, sa structure, pour défendre d’autres doctrines et d’autres finalités que celles de l’Eglise du Christ : la nouvelle religion humanitaire, œcuméniste et laxiste enfantée par le modernisme et la conjuration antichrétienne. Ce sont les ennemis déclarés de Dieu : ils ne recherchent pas sa gloire, mais cherchent à plaire au monde, ils suivent sans discernement ses lubies et ses modes intellectuelles impies, ils aiment ce monde maudit et anathématisé par Jésus-Christ lui-même, sans comprendre son vide profond et sa laideur. Ils détestent le renoncement et la mortification des saints des siècles passés, parce qu’ils n’ont pas la même foi que les saints des siècles passés. Ils détestent aussi leur zèle pour la lutte contre l’hérésie et les fausses religions, leur zèle pour la condamnation des mauvais discours et des mauvais livres, parce qu’ils croient à la « liberté de pensée », suivant la mode du temps et contre le magistère de la sainte Eglise. Ils ne veulent pas ce que veulent les catholiques : la gloire de Dieu, l’exaltation de la foi et l’extirpation des hérésies, la conversion des pêcheurs et le salut des âmes. Voici ce qu’ils veulent : la gloire de l’homme, l’effacement de la foi et la libre prolifération des hérésies, le contentement des pécheurs dans leurs péchés, l’oubli des fins dernières et du jugement de Dieu (remplacés par une croyance au salut universel inconditionnel)(6).

On ne peut pas être pape et poursuivre objectivement, de manière habituelle, quelque chose de contraire au bien de l’Eglise et à sa finalité. C’est tout simplement un empêchement, un obex à l’autorité pontificale. Cet argument développé par Mgr Guérard des Lauriers prouve de manière philosophiqueplus que théologique combien il est impossible que Paul VI et ses successeurs soient papes.  Et si l’on se posait la question, juste et légitime question, de savoir où se trouvent l’autorité et la juridiction dans l’Eglise actuellement en crise (car elles ne peuvent disparaître, de droit divin), la « thèse de Cassiciacum » y répond en toute conformité avec la théologie catholique, le magistère de l’Eglise et la philosophie de Saint Thomas : https://www.sodalitium.eu/lexplication-thomiste-de-letat-actuel-de-lautorite-leglise/

Deux alternatives logiques : accepter Vatican II et la nouvelle messe, ou accepter le constat de la vacance du Saint-Siège

La position de la FSSPX, qui est malheureusement celle vers laquelle vont se tourner par défaut beaucoup de « ralliés » malmenés par les nouvelles restrictions, ne peut pas être une alternative logique, conforme à la raison et à la foi. Ces « ralliés » ont accepté de se rallier par esprit « romain », par opposition à la dérive schismatique de la FSSPX qui sacre des évêques en faisant comme si le pape n’existait pas ; par esprit romain (c’est-à-dire par esprit catholique, suivant le principe de la foi en l’autorité suprême du Pape) ils doivent choisir entre la soumission réelle, extérieure et intérieure, à ce qu’ils pensent être l’autorité de l’Eglise, ou bien le sédévacantisme, c’est-à-dire la claire conscience de l’impossibilité qu’un pape enseigne des hérésies et détruise la liturgie catholique, et en conséquence le constat que le Saint-Siège est vacant au plus tard depuis 1965, date de la promulgation de Vatican II, contenant notamment la fausse doctrine de la liberté religieuse. Conclusion difficile, déchirante, mais froidement logique, et conforme aux principes de la doctrine catholique, face au problème évident et toujours plus grave de la crise de l’Eglise.

La raison pour laquelle tant de traditionalistes se refusent, avec une obstination parfois passionnée, à considérer l’hypothèse du sédévacantisme, est liée à ce dont nous parlions plus haut : la recherche d’un sentiment de régularité et de normalité institutionnelle, la recherche d’une vaine et illusoire approbation de la part de ceux qui occupent les structures institutionnelles de l’Eglise. Et donc, dans cette recherche, le sédévacantisme est vu comme la pire chose possible : d’après cette doctrine, il n’y a actuellement plus de régularité et de normalité dans l’Eglise, chacun est comme livré à lui-même en l’absence d’autorité régnante… Comme si depuis Vatican II, les fidèles étaient bien guidés et n’étaient pas livrés à eux-mêmes, quand les « papes » enseignent des doctrines condamnées par le magistère de l’Eglise et promulguent une liturgie si douteuse qu’il a fallu créer des groupes séparés pour pouvoir continuer à enseigner la vraie doctrine et pratiquer la vraie liturgie contre le « courant dominant du catholicisme ». Sentiment fragile et illusoire disions-nous : au fond, la vie des communautés ralliées diffère peu, en pratique, de la vie des communautés sédévacantiste, la différence réside surtout sur un bout de papier (7). Maintenant que le bout de papier va être déchiré, les ralliés vont-ils réfléchir sérieusement à la gravité de la crise actuelle de l’Eglise catholique, et aux conclusions que doivent nous faire admettre la théologie catholique face à cette crise ?

Nous espérons que les traditionalistes profiteront de ces évènements douloureux pour comprendre que cette recherche est sentimentale, qu’elle vise à procurer un sentiment de confort psychologique, mais que la raison et la foi ensemble se liguent pour discréditer ce sentiment. Il ne faut pas chercher le confort, mais la vérité : tous les traditionalistes seront d’accord avec ce principe, sur le papier. Si une vérité est inconfortable, elle n’en est pas moins vraie, et elle mérite que l’on se prive du confort que nous cherchons, pour accepter l’inconfort de la croix. On ne se sauve pas sans la croix, on ne se sauve pas sans la souffrance : les traditionalistes connaissent ce principe. C’est effectivement une souffrance et un inconfort d’être privé d’autorité et de cadre ecclésiastique légitime, privé de régularité, privé de la sécurité que procure la soumission à une institution visible et forte. Mais si telle est la réalité, on ferait offense à Dieu en ne vivant pas en conformité avec cette réalité.

Nous espérons, sincèrement et charitablement, que ces évènements soient l’occasion pour le plus grand nombre des traditionalistes, qui depuis des années combattent sincèrement pour garder la foi dans un monde apostat, de considérer sérieusement qu’il est impossible qu’un véritable pape persécute la liturgie catholique pour imposer à la place une fausse liturgie protestante, qu’il est impossible qu’un pape enseigne dans l’exercice de son ministère les fausses doctrines qui justifient son amour du protestantisme. Et donc, qu’il est impossible que François soit actuellement pape, vicaire de Jésus-Christ et successeur de Saint Pierre dans l’autorité apostolique. Nous prions pour que le grand saint Pie X, qui a pressenti et cherché à empêcher le noyautage des institutions ecclésiastiques par les modernistes, intercède pour nous tous et nous obtienne d’être vraiment fidèles à son combat, et à tous les sacrifices qu’exigent la défense de la vérité.

Jean-Tristan B.


Il est impossible qu’un arbre bon produise de mauvais fruits. Placé dans un mauvais terrain, un arbre bon meurt, mais jamais il ne produit de mauvais fruits. Nous ne pouvons donc pas imputer les désordres dont nous sommes les spectateurs navrés, nous ne pouvons pas les imputer aux malheurs des temps ou à toutes sortes de causes extrinsèques. Non, les malheurs de l’Église, ils viennent de ce que, à l’origine, au sommet, il y a une viciosité radicale qui découle de l’esprit de Satan qui est le père du mensonge, et non pas de l’ESPRIT SAINT qui est l’ESPRIT de VÉRITÉ.

Efforçons-nous discrètement mais fermement, de porter le jugement que nous avons à porter sur la situation, dans la lumière de la très sainte Foi. Efforçons-nous, avec intrépidité, avec courage, avec simplicité et en allant jusqu’au bout de nous-mêmes, jusqu’au bout de nos forces, usque ad mortem si le Bon Dieu nous le demande, de joindre le témoignage de l’action à la profondeur de la conviction.

R.P. Guérard des Lauriers 1977
Lire le sermon entierhttps://www.sodalitium.eu/sermon-du-r-p-guerard-des-lauriers/


1 Bref examen critique du nouvel Ordo Missae, signé par les cardinaux Ottaviani et Bacci, rédigé principalement par le Père Michel-Louis Guérard des Lauriers alors professeur à l’Angelicum(1969). Le texte est disponible ici :https://laportelatine.org/documents/crise-eglise/nouvelle-messe/le-bref-examen-critique-du-nouvel-ordo-missae


2 Le « dossier Ratzinger» est vaste et il faudrait une vie pour exhumer toutes ses citations modernistes. Par rapport au sujet qui nous intéresse, il est manifeste que Ratzinger n’aime pas les traditionalistes, il les considère comme dangereux et sectaires. Le but de sa politique est de les amadouer, et de noyer leur résistance par une série de mesures qui leur sont en apparence favorables. Voici ce qu’il déclarait en 1982 : « We must be on gard against minimizing these movements [that oppose Vatican II]. Without a doubt, they represent a sectarian zealotry that is the anthitesis of Catholicity. We cannot resist them too firmly.”. (Joseph Ratzinger, Principles of Catholic Theology, Ignatius Press, 1987, pp.389-90 – Traduit de l’original allemande Katolische Prinzipienlehre, 1982). Citation issue du dossier de “Novus Ordo Watch” sur Ratzinger, précieuse mine d’informations pour qui veut comprendre qui est réellement le « pape intégriste » : https://novusordowatch.org/benedict-xvi/


3 https://www.youtube.com/watch?v=5UI3FJJ8SNo
Cet entretien a lieu dans le contexte des restrictions et régulations imposées par François début 2021 à propos de la célébration dans le « rite extraordinaire » dans la basilique Saint Pierre. Faggioli (partisan enthousiaste de Vatican II) explique que le cœur du problème n’est pas que François n’aime pas cette forme du rite, mais qu’il n’aime pas la théologie qui la sous-tend. Pour pouvoir dire la messe en latin en étant agréé par les autorités conciliaires, il faut préalablement donner des garanties d’être suffisamment moderniste, d’accepter toutes les concessions qu’imposent l’esprit moderne : c’est ce qui attends les communautés ralliées actuellement.


4 Voir le document émis par la « conférence des évêques de France » dans le cadre de l’enquête demandée par François sur l’application du motu proprio de Benoît XVI. Une mine d’or pour comprendre la mentalité des conciliaires, qui mériterait un commentaire dédié.
https://fsspx.news/sites/sspx/files/202012synthesecefsummorumpontificium.pdf


5 Un exemple de témoignage pour illustrer cette idée : dans l’Osservatore Romano du 19 mars 1965, Mgr Bugnini, secrétaire du Conseil pour l’application de la Constitution sur la liturgie et sous-secrétaire de la congrégation des Rites pour la liturgie, principal auteur de la réforme liturgique, présenteles modifications qui ont été apportées à certaines des oraisons solennelles du Vendredi saint. Il explique ses motivations œcuménistes : « L’Église a été guidée par l’amour des âmes et le désir de tout faire pour faciliter à nos frères séparés le chemin de
l’union, en écartant toute pierre qui pourrait constituer ne serait-ce que l’ombre d’un risque d’achoppement ou de déplaisir. » (Osservatore Romano, 15 mars 1965).
Le même Bunigni déclare au long de ses mémoires que la réforme de la semaine sainte est un prémice de la réforme générale de la liturgie qu’il dirigera ensuite.


6 Veut-on un exemple pour illustrer à quel point « l’œcuménisme »de Vatican II est contraire au salut des âmes ? François a déclaré en 2016, alors en déplacement à Tbilissi en Géorgie, qu’il ne fallait pasconvertir les orthodoxes, et mieux encore : que le prosélytisme était un grand péché contre l’œcuménisme. Les citations sont consultables ici : https://novusordowatch.org/2016/10/francis-converting-orthodox-sin-against-ecumenism/


7 Nous ne disons pas cela pour dire que le « bout de papier » n’est pas important. Au contraire, du point de vue de Dieu, il est très important de savoir si l’on se déclare en communion avec François ou non. Nous voulons plutôt insister sur le fait que les ralliés s’imaginent qu’ils sont dans la régularité, l’obéissance et la communion, alors qu’en pratique ils se permettent de critiquer les « papes » et qui plus est des « papes saints », de critiquer un « Concile œcuménique », ils essayant de vivre comme si Vatican II n’avait pas existé : les conciliaires ont raison de s’interroger sur la réalité de leur communion avec eux, vu le faible degré d’alignement entre les ralliés et Vatican II.