Les chrétiens en Terre Sainte aujourd’hui : entretien avec l’abbé Ugo Carandino

Nous reproduisons ici un entretien avec l’abbé Ugo Carandino paru en janvier 2024 sur un site internet italien, Il Maccabeo. L’abbé Carandino revient sur l’histoire et l’état actuel des communautés chrétiennes en Palestine, en tenant compte de l’intensification de la guerre depuis octobre 2023. Bonne lecture.

Carte de la Terre Sainte et plan de Jérusalem au temps de Jésus

La situation de conflit permanent opposant Israël et la Palestine fait périodiquement l’objet d’une attention médiatique importante, fluctuant en fonction de l’ampleur et de l’intensité des affrontements. Cependant, derrière et au-delà des bruits des missiles, des déclarations pompeuses, des négociations politiciennes et des accords internationaux, se cache une histoire silencieuse, oubliée et ignorée : c’est la vie des chrétiens en Terre Sainte, une vie difficile et éprouvante, faite de discrimination et d’oppression. Nous avons le plaisir de rapporter sur notre site Il Maccabeo, sous la forme d’un entretien, les considérations de l’abbé Ugo Carandino à ce sujet. Prêtre de l’Institut Mater Boni Consilii, il s’est rendu plusieurs fois en pèlerinage en Terre Sainte, ce qui fait de lui un observateur attentif des événements affectant la vie des chrétiens en Israël et en Palestine.

L’histoire et l’importance des chrétiens en Terre Sainte

Il Maccabeo : Monsieur l’abbé, nous tenons tout d’abord à vous remercier de l’amabilité dont vous faites preuve en vous rendant disponible pour répondre à nos questions. Pour comprendre l’actualité sans s’arrêter à des considérations superficielles, il est nécessaire de connaître le contexte historique des phénomènes que nous étudions. Une idée historique fausse mais commune voudrait que les chrétiens aient, pour l’essentiel, disparu de Terre Sainte avec l’arrivée des armées musulmanes au VIIe siècle. L’épopée des Croisade (à partir du XIe siècle) n’aurait été qu’une sorte de « vengeance », ou tout au plus une entreprise injuste, anachronique et sans espoir. Cependant, nous savons de sources britanniques que dans la première moitié du XXe siècle, les chrétiens de ces terres représentaient encore environ un dixième de la population totale. Qu’est-ce qui a conduit à une réduction numérique aussi drastique que celle que l’on constate aujourd’hui, en l’espace de quelques décennies seulement ?

Abbé Carandino: Le christianisme est né en Palestine et continue d’y exister depuis, alternant des moments heureux et des moments particulièrement difficiles. Une date significative à noter concernant la présence chrétienne en Terre Sainte est le 11 décembre 1917, lorsque les troupes britanniques, françaises et italiennes (il y avait un noyau de carabinieri reali italiens) entrèrent à Jérusalem. L’Empire ottoman fut alors vaincu, et après plusieurs siècles de domination musulmane, la ville sainte et la Palestine (à l’époque la partie septentrionale uniquement) se sont à nouveau retrouvées sous le gouvernement de nations « chrétiennes » (au moins par l’histoire). L’enthousiasme des représentants des différentes Églises (ou plutôt de l’Église catholique et des sectes non catholiques) était au plus haut, des images de soldats victorieux associées à celles des anciens croisés circulaient, et la possibilité de rechristianiser la Terre Sainte apparaissait à l’horizon. Le fait que le général Allenby, commandant britannique, ait fait lire la proclamation de la victoire aux troupes européennes par un frère franciscain a accru les espoirs des catholiques.

Entrée du Général Allenby à Jérusalem, 11 décembre 1917

En effet, la reconstruction de nombreux sanctuaires détruits par les persécutions et les catastrophes naturelles a eu lieu précisément dans ces années-là. L’année 2024 marque par exemple le centenaire de la construction de deux des églises les plus importantes de Terre Sainte, celle de la Transfiguration sur le Mont Thabor et celle de l’Agonie à Gethsémani, deux chefs-d’œuvre de l’architecte Barluzzi. A l’époque, les différentes congrégations religieuses rivalisaient pour ouvrir un établissement dans les Lieux Saints, et les différents gouvernements favorisaient ces colonies. Le gouvernement italien, par exemple, faisait la promotion de la culture et de la langue italienne en Palestine à travers l’ANSMI (Association Nationale d’Aide aux Missionnaires Italiens), fondée par Ernesto Schiapparelli.

Basilique de la Transfiguration, Mont Thabor

De toute évidence, c’était avant tout la composante chrétienne de la population palestinienne – on peut l’estimer à 15 %, avec des pourcentages élevés dans des villes comme Nazareth et Bethléem – qui espérait un avenir radieux, après des siècles de vexation. Mais les revues franciscaines de Terre Sainte ont rapidement identifié le projet sioniste comme une menace pour ces espoirs de restauration. Malheureusement, ces craintes se matérialisèrent, et à partir de 1948 (date de la proclamation de l’État d’Israël) commença l’exode des chrétiens, en particulier de la bourgeoisie, qui représentait une composante qualifiée de la classe dirigeante locale.

Une nouvelle réduction du nombre de chrétiens s’est produite après la guerre des Six Jours en 1967. Si en 1948 les catholiques de rite latin à Jérusalem étaient au nombre d’environ 90 000, aujourd’hui, en y ajoutant les catholiques de tous rites et les chrétiens des différentes « églises », nous arrivons à 9 000 personnes ! Le pourcentage total est aujourd’hui tombé en dessous de 2% et, avec la guerre actuelle, de nombreux jeunes chrétiens, qui ne trouvent pas de perspectives d’emploi ni de sécurité pour leur famille, envisagent sérieusement de partir à l’étranger.

La persécution des chrétiens en Terre Sainte

Il Maccabeo : Vous vous êtes rendu plusieurs fois en pèlerinage en Terre Sainte. Que pouvez-vous nous dire de ce que vous avez observé concernant la vie quotidienne des chrétiens dans ce qu’on appelle l’État d’Israël ? Ici aussi, la vulgate commune dépeint une situation de « tolérance » à l’européenne (issue de idées maçonniques et des Lumières). Cependant, les images récentes et répétées de crachats dans la rue dirigés contre des religieux ou des pèlerins chrétiens, ou même de véritables agressions sont le plus souvent qualifiées par les autorités de chamailleries ou s’ils elles sont punies, le sont de façon très légère, bien en dessous de ce qu’elles mériteraient.

Abbé Carandino : Pour répondre, je me réfère à la réponse précédente, car les espérances déçues et l’occasion de restauration manquée qui suivirent 1917 peuvent nous aider à comprendre la situation actuelle. Aujourd’hui, nous sommes habitués à considérer la présence d’autorités civiles non chrétiennes comme tout à fait normale en Terre Sainte, avec un choix qui se réduit à des institutions juives ou musulmanes. Après la chute de l’Empire ottoman (un des nombreux bouleversements géopolitiques de la Première Guerre mondiale, événement tragique et providentiel pour ceux qui poursuivaient des projets ambitieux), l’organisation politique et sociale de la Palestine pouvait revenir dans le giron du christianisme, et donc faire en sorte que les Palestiniens baptisés se retrouvent doublement « chez eux » (charnellement et spirituellement), protégés par une législation favorable.

Le passage du pouvoir non chrétien des Turcs au pouvoir tout aussi non chrétien des sionistes, qui est particulièrement exclusif, a donné naissance à la situation actuelle. Aujourd’hui, les chrétiens sont considérés comme des invités, dans un déni total de leur double lien avec la Terre Sainte, comme héritiers des premières communautés chrétiennes et comme population locale indigène. Si les manifestations d’intolérance de certains groupes juifs évoqués dans la question touchent particulièrement le clergé (local ou visitant les Lieux saints), tous les chrétiens palestiniens en Israël sont pénalisés par une loi approuvée en 2018, qui définit l’État d’Israël comme « le pays d’origine du peuple juif », dans lequel les non-juifs sont précisément des invités étrangers, plus ou moins bienvenus chez les autres. À la suite de cette innovation législative et du durcissement de la ligne gouvernementale, les cas d’intolérance religieuse envers les bâtiments et les personnes de différentes communautés se sont multipliés ces dernières années dans la vieille ville de Jérusalem, provoquant l’amertume des communautés locales.

La police s’interpose entre des Juifs et le monastère franciscain de la Flagellation, Jérusalem, 4 octobre 2023

Il Maccabeo : Quelle est la condition des chrétiens dans les territoires palestiniens, d’après ce que vous avez observé ou entendu ?

Abbé Carandino : La frustration face au contexte dans lequel ils sont contraints de vivre est évidente, comme le montre par exemple l’histoire d’un jeune homme d’affaires de Bethléem, qui s’est plaint le 8 septembre dernier (2023) de ne pas avoir d’autorisation pour assister à un concert organisé à Jérusalem en l’honneur de l’Immaculée Conception : un court déplacement de quelques kilomètres seulement était rendu impossible par un mur de séparation. Eh bien, je pense que le manque de liberté de mouvement, en particulier pour les jeunes, constitue un fardeau important ; une situation qui rend les relations sérieuses entre jeunes gens encore plus difficiles pour une communauté chrétienne de plus en plus petite qui souhaite fonder de nouvelles familles catholiques.

Évidemment, ce qui s’est déclenché depuis début octobre rend tout plus difficile, tant pour les citoyens israéliens qui sont des arabes chrétiens que pour ceux qui dépendent de l’Autorité nationale palestinienne. Les médias du Patriarcat latin et de la Custodie franciscaine racontent que la méfiance et le ressentiment mutuel entre Israéliens et Arabes sont devenus démesurés, avec des relations sociales de plus en plus tendues, voire interrompues. Pensons par exemple aux mesures gouvernementales particulièrement pénalisantes pour les travailleurs chrétiens qui passaient chaque jour d’une partie de la Terre Sainte à une autre. Cette menace de pauvreté pour certains secteurs s’ajoute à celle, plus générale, causée par le manque de pèlerins et de visiteurs, ce qui a mis à genoux le secteur du tourisme, l’une des principales sources de travail pour de nombreuses familles chrétiennes. Il y a ensuite les milliers de chrétiens de la ville de Gaza, latins et schismatiques grecs compris (ils représentaient avant la guerre 0,05% de la population de la bande de Gaza), qui ont été déplacés depuis octobre dans les structures des deux communautés et qui ont vu leurs maisons bombardées, restant sans aucune perspective d’emploi pour ceux qui parviennent à survivre.

L’avenir des chrétiens en Terre Sainte

Il Maccabeo : En conclusion, quel est l’horizon de résolution de la crise actuelle le plus conforme à la doctrine catholique et à la liberté des chrétiens en Terre Sainte ? Bref, vers quelles intentions devons-nous diriger nos prières et, le cas échéant, quelles perspectives pratiques devons-nous espérer ?

Abbé Carandino : Au cours des siècles passés, les catholiques de Terre Sainte, bien qu’écrasés par la domination musulmane, d’abord arabe puis turque, ont toujours trouvé une aide constante et significative de la part de la chrétienté, qui a favorisé le travail séculaire de la Custodie franciscaine pour la défense des communautés locales et des pèlerins. C’est ce qui manque aujourd’hui, et ce qui manquait en 1917 : non plus des nations catholiques déterminées à sauvegarder la présence chrétienne en Terre Sainte, voire à la faire prospérer le plus possible, mais plutôt des nations apostates englouties dans les sables mouvants de la laïcité, sans aucune intention d’offenser les nouveaux maîtres de la Palestine, et donc insensibles au sort des communautés chrétiennes.

Je vais vous donner un exemple : les gouvernements d’Italie, d’Espagne, de France et de Belgique entretiennent une relation diplomatique particulière avec la Custodie, qui se réduit cependant à de simples actes de présence à certains événements et réceptions. De la part des institutions italiennes, je ne vois aucune intervention pour revendiquer ce que le pape Pie XII demandait avec force et clarté depuis 1948 (et qui est théoriquement encore la position officielle du Saint-Siège), à ​​savoir un statut international pour Jérusalem, capable de garantir la liberté des Lieux Saints et par conséquent la reconnaissance des droits fondamentaux aux chrétiens locaux. A ces omissions s’ajoutent des intentions regrettables : malheureusement, les plus jeunes générations de la classe politique traitent des questions particulièrement complexes et délicates avec une superficialité désarmante, faisant primer l’illusion d’un avantage politique éphémère plutôt que de contribuer à une résolution judicieuse et durable des bouleversements politiques et sociaux qui troublent la Terre Sainte depuis des décennies. L’hypothèse d’un renversement de la structure diplomatique et politique en déplaçant les ambassades de Jérusalem, avancée par certains hommes politiques italiens, en est l’exemple le plus clair et le plus alarmant. Il ne semble donc pas que la solution puisse venir des chancelleries, où se trouvent des hommes d’État incompétents, bien en-dessous des devoirs exigés par leurs fonctions et soumis aux plus forts.

Saint Pie X (Pape de 1903 à 1914) et Théodore Herzl (1860-1904), un des père du sionisme. Lors d’une visite de Herzl au Vatican en 1904, Saint Pie X refusa catégoriquement de soutenir le mouvement sioniste, parce que les Juifs ont refusé de reconnaître Jésus-Christ.

Quant au Vatican, je me souviens des paroles que m’a dites un prêtre cet été en Galilée. C’était un vétéran des pèlerinages, et il jugeait sévèrement ce qu’il considérait comme une politique de prudence excessive de la part du Saint-Siège. En ce sens, je crois que le dialogue interreligieux judéo-chrétien, qui a atteint des niveaux incroyables dans les années 1980 avec Jean-Paul II, n’a pas contribué à l’exercice digne et fructueux de la diplomatie vaticane. J’ouvre une parenthèse pour souligner comment l’esprit missionnaire, même face à une réalité difficile, ne doit pas abandonner l’espoir de conversion à la vraie Foi en la Très Sainte Trinité de tous ceux qui n’ont pas la grâce du Baptême, puisque seul le baume de la grâce sanctifiante peut transformer les hommes et préparer une saine transformation de la société israélienne et palestinienne.

Parue en 2022, cette anthologie rassemble la totalité des discours, homélies, interviews et textes officiels de Jean-Paul II, qui évoquent la question des relations avec le Judaïsme. La couverture nous montre Jean-Paul II face au mur des lamentations, le 26 mars 2000. Parmi les hérésies défendues par Jean-Paul II, on retrouve l’idée selon laquelle l’ancienne alliance avec le peuple juif n’aurait pas été révoquée. Ainsi, les juifs ayant refusé Jésus-Christ pourrait se sauver sans se convertir: L’apostolat de St Paul était donc inutile ?

Revenant à notre discussion, il semble donc qu’il n’y ait, humainement parlant, aucune perspective d’une structure sociale pacifique et équilibrée dans la Terre choisie par Dieu pour l’œuvre de la Rédemption. Les événements qui ont éclaté début octobre dernier ont rendu la situation générale encore plus dure, et l’actualité dramatique concernant la population civile confirme cette perspective, avec le risque réel que le conflit puisse affecter l’ensemble du Proche-Orient.

Cependant, les affaires humaines sont toujours soumises à la Divine Providence, qui peut faire échouer les projets humains de manière inattendue. Nos prières sont donc nécessaires pour demander et obtenir cette intervention divine. Après tout, c’est précisément sur cette terre que nous sommes passés miraculeusement du Vendredi Saint au Dimanche de la Résurrection. Il est évident que la prière doit être la conséquence d’une plus grande attention du public sur le sort de la présence chrétienne en Terre Sainte, actuellement ignorée par les médias.

Prière à Marie Reine de la Palestine

Pour conclure, en paraphrasant les paroles de Pie XI (« Pax Christi in Regno Christi« ), ne nous lassons pas de demander la paix du Christ dans la terre du Christ, à travers l’intercession de Marie Reine de la Palestine, Titre significatif qui fut choisi par l’ancien Patriarche de Jérusalem, Mgr Louis Barlassina, pour consacrer en 1920 le Patriarcat latin de Jérusalem à la sainte Vierge :

Icône de Marie Reine de la Palestine

O Marie Immaculée, gracieuse Reine du Ciel et de la Terre, nous voici prosternés devant votre trône, pleins de confiance en votre bonté et votre puissance infinies. Nous vous supplions de tourner votre regard compatissant vers la Palestine qui, plus que tout autre contrée vous appartient, car vous l’avez comblée de grâces par votre naissance, par vos vertus et par vos douleurs. Et c’est d’elle que vous avez donné au monde le Rédempteur.
Souvenez-vous aussi que c’est là que vous êtes devenue notre tendre Mère et la dispensatrice des grâces. Aussi, veillez sur votre patrie terrestre et protégez-la tout particulièrement, dissipez les ténèbres de l’erreur afin qu’y resplendisse le Soleil de la Justice éternelle, et faites que s’accomplisse la promesse sortie des lèvres de votre divin Fils de former un unique troupeau sous un seul pasteur. Et, à nous tous, obtenez de servir le Seigneur dans la sainteté et la justice tous les jours de notre vie, afin que par les mérites de Jésus et votre aide maternelle, nous puissions au terme de notre vie passer de cette Jérusalem terrestre aux splendeurs de la Jérusalem céleste. Amen.

Saint Louis-Marie Grignon de Monfort (1673-1716): sa vie, son héritage, sa spiritualité

Le 28 avril est un grand jour pour les dévots de Marie. C’est la fête de saint Louis-Marie Grignon de Monfort (1673-1716). Voici un résumé de sa vie, de son héritage, et de sa spiritualité.

Le jeune Louis-Marie

Saint Louis-Marie Grignon de Monfort est né à Montfort-sur-Meu, tout proche de Rennes, le 31 janvier 1673. Il fait son entrée au collège des jésuites Saint Thomas Becket de Rennes à 12 ans : son obéissance, son intelligence et sa charité rayonnent. Aîné d’une fratrie de huit enfants (dont un fils se fit dominicain et trois filles devinrent religieuses), Louis-Marie n’était pas destiné au sacerdoce par son père, qui s’opposa violemment à sa vocation au départ. Néanmoins, en écoutant les récits d’un prêtre local, l’abbé Julien Bellier, sur sa vie de missionnaire itinérant, il fut enflammé de zèle pour prêcher des missions.

La consécration à Marie et le séminaire

À 19 ans, il se consacre entièrement à Marie en faisant le vœu de tout lui confier et de ne jamais plus rien posséder en propre. Il se dira désormais « Louis-Marie de Monfort, esclave indigne de Jésus en Marie ». Il rejoint ensuite Paris à pied en 1693, puis entre au séminaire de Saint-Sulpice en 1695. Son séjour à Saint-Sulpice lui donne l’occasion d’étudier la plupart des ouvrages disponibles sur la spiritualité et, en particulier, sur la place de Marie dans la vie chrétienne, surtout après sa nomination en tant que bibliothécaire. Il a également eu le temps de développer des compétences de catéchiste, notamment auprès de la jeunesse désœuvrée de la paroisse Saint-Sulpice.

Les Filles de la Sagesse

Ordonné prêtre en juin 1700, il célèbre sa première Messe à l’autel de la Sainte Vierge de l’église Saint-Sulpice, puis devient aumônier de l’hôpital général de Poitiers en 1701, avant d’en prendre la direction en 1703. Cette même année, il fonde avec Marie-Louise Trichet la Congrégation des Filles de la Sagesse. La règle de la Congrégation s’exprime en ces termes, montrant que la Croix est au cœur de la spiritualité monfortaine: « La Congrégation de la Sagesse est particulièrement chargée de montrer Jésus-Christ au monde, comme la Sagesse de Dieu, Sagesse qui, par les douleurs, l’indigence, et la folie de la croix, est venue combattre la sagesse orgueilleuse du monde, son estime des richesses et son amour du plaisir« . Avant Vatican II, ces religieuses étaient répandues tout autour du globe, avec trois objectifs principaux, toujours selon la Règle : « 1° l’instruction et l’éducation de la jeunesse ; 2° le soin des pauvres et des malades ; 3° le renouvellement des âmes dans les retraites« . Aujourd’hui, les Filles de la Sagesse de la Maison Sainte-Anne, installée au lieu-dit Saint-Maurice, à 17 km du lieu natal de saint Louis-Marie, forment une communauté restée entièrement fidèle à l’esprit montfortain. Elles expliquent par ailleurs avec raison qu’elles sont « dociles au Magistère des légitimes successeurs de saint Pierre et refusent de suivre la doctrine et les réformes qui ont ravagé l’Église depuis Vatican II ». Vous en apprendrez plus sur leurs activités en visitant ce très bon site.

St Louis-Marie donne l’habit à Mère Marie-Louise

Les missions dans l’Ouest et l’influence contre-révolutionnaire

Entre 1705 et 1716, saint Louis-Marie se consacre à sa vocation de missionnaire dans l’Ouest de la France (Poitou, Bretagne, Anjou, Rochelle), en donnant plus de 200 missions. Il fut rapidement éprouvé par la Croix. Son grand succès a attiré la jalousie d’une partie du clergé, et au début du carême 1706, il lui fut interdit de prêcher davantage de missions dans le diocèse de Poitiers. Il décida donc de partir faire un pèlerinage à Rome, pour demander au Saint-Père, le pape Clément XI, ce qu’il devait faire. Le Pape reconnut sa véritable vocation et, lui disant qu’il y avait de la place pour son apostolat en France et que cet apostolat était même nécessaire, le renvoya avec le titre de Missionnaire Apostolique. Il fut très vite connu à travers la région et au sein des foyers les plus modestes comme « le bon Père de Monfort ». L’impressionnant Calvaire de Pontchâteau, érigé en 1709 à son initiative et avec l’aide d’une foule nombreuse, est un signe admirable de son œuvre dans la région (cf. photo ci-dessous). A nouveau interdit temporairement et injustement de prêcher à cette époque, il approfondit le mystère de la participation au Sacrifice de la Croix et rédige un chef d’œuvre spirituel, la Lettre circulaire aux amis de la Croix.

Calvaire de Pontchâteau, Loire-Atlantique, 50 km au nord-ouest de Nantes

Saint Louis-Marie fonde officiellement la Compagnie de Marie en 1713, dans l’objectif de former des missionnaires pour évangéliser l’Ouest. Les Pères René Mulot (1683-1749) et Adrien Vatel ont fait partie de ses plus fidèles disciples, continuant son œuvre après sa mort. Le Père de Monfort est un grand artisan de l’attachement puissant de l’Ouest français au catholicisme, encore en partie aujourd’hui. C’est pour cela que l’histoire lui attribue une grande part dans la résistance farouche et courageuse à la Révolution française (1789) dans ces contrées (chouannerie, guerres de Vendée). En effet, l’évangélisation des diocèses de Luçon, La Rochelle, Angers et Nantes a permis d’affermir la foi et de faire fleurir une vie chrétienne solide parmi la population, ce qui sema les germes féconds d’une admirable fidélité au catholicisme sur plusieurs générations, et alimentera largement la résistance à la Révolution d’inspiration satanique (non serviam, le refus de Dieu). Les « Mulotins », nom donné aux missionnaires monfortains à partir du nom du Père René Mulot (supérieur de la Compagnie de Marie de 1722 à 1749), ont évangélisé la future Vendée militaire. Malgré leur petit nombre (4 en 1723, et jusqu’à 13 en 1749, sans jamais aller bien au-delà), les missions se succèdent sans interruption jusqu’à la Révolution : on n’en compte pas moins de soixante-dix à quatre-vingts par décennie sur l’ensemble de la région (soit environ 500 missions entre 1720 et 1789), surtout dans les campagnes (cf. carte ci-dessous).

Les notes prises par le Père Pierre-François Hacquet sont très instructives à cet égard. Il dirige de nombreuses missions entre 1740 et 1780 (il prêche dans 274 missions pendant cette période), et il recense les peuples qui ne sont pas réceptifs à la prédication des missionnaires. C’est notamment le cas du sud de la Vendée et des Deux-Sèvres, dont nous savons qu’elles ne prendront presque pas part à l’insurrection de mars 1793. A l’inverse, les lieux où le Père Hacquet trouve un peuple docile et fervent seront des terres d’insurrection contre-révolutionnaire. Il y a donc un lien direct entre succès des missions et terre d’insurrection.

Carte représentant les lieux de missions des « Mulotins », disciples de St. Louis-Marie

La persécution et le rappel à Dieu

Au fil des missions, saint Louis-Marie Grignon de Monfort est persécuté par les jansénistes, qui veulent empêcher son zèle de répandre le sang du sauveur par le cœur de Marie. Il subit trois tentatives d’assassinat et un empoisonnement, qui l’affaiblira jusqu’à sa mort. Sa vie est une vie de dénuement absolu, de persécution universelle et de don total à Dieu par Marie : il a bien fait toutes choses, sans jamais se plaindre. Son dicton : « PAS DE CROIX, QUELLE CROIX! » (réfléchissons-y…).

Lors de sa dernière mission à Saint-Laurent-sur-Sèvre (diocèse de La Rochelle), il rend son âme à Dieu le 28 avril 1716, à 43 ans, sous les coups de la maladie et de l’épuisement, en chantant paisiblement avec les fidèles qui l’assistaient : « Allons, mes chers amis, Allons en Paradis… » Louis-Marie a été béatifié par Léon XIII en 1888, puis canonisé par Pie XII en 1947.

La spiritualité monfortaine

La spiritualité monfortaine a deux piliers: 1) la Croix et 2) la sainte Vierge. Ces deux piliers s’unissent dans la notion de « saint esclavage de Jésus en Marie », par lequel on accepte de renoncer à tout en sacrifiant sa volonté propre en tout et en confiant tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons et tout ce que nous faisons à Marie, en vue d’accomplir la volonté de Dieu. Saint-Louis-Marie Grignon de Monfort est l’auteur d’un grand classique de la vie spirituelle : le Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge. Cette œuvre n’a cependant été découverte et publiée qu’à partir de 1843 – soit plus d’un siècle après sa mort! -, participant grandement au renouveau extraordinaire de la piété mariale qui s’est observé dans la seconde moitié du XIXème siècle et le début du XXème.

St. Louis-Marie Grignon de Monfort en prière devant la sainte Vierge

Voilà l’essentiel de sa pensée sur Marie :
1. Pleine de grâce, elle est le trésor de Dieu. En la louant, on loue le chef d’œuvre de Dieu.
2. Elle a engendré le chef de l’Eglise, elle engendre aussi logiquement les membres, nous.
3. Jésus est venu par Marie. Il s’est incarné avec le consentement de Marie, il s’est fait connaître par Marie, il a fait son premier miracle par Marie, il s’est donné sur la croix par Marie. Ainsi, nous devons de la même manière aller à Jésus par Marie, connaître Jésus par Marie, nous donner à Jésus par Marie. Dieu l’a voulu ainsi.
4. Marie est comme une « relation à Dieu ». Elle est toute relative à Dieu et fait tout pour Dieu et en vue de Dieu. Elle fait sa volonté en absolument tout, sans exception. En l’aimant, en apprenant d’elle et en moulant notre cœur sur le sien par une véritable dévotion à une si bonne mère, on est sûr de grandir en sainteté !

Arguments historiques en faveur de la Papauté et contre les orthodoxes (Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (5/7))


Raisons historiques : la chrétienté affirme la papauté


6- Les Papes et l’âge d’or de la chrétienté

Le Pape Honorius III et Saint François d’Assise

Si la papauté était une invention diabolique issue de la soif de pouvoir des Latins, il s’en serait suivi comme conséquence logique que le monde catholique, dirigé par ce pouvoir tyrannique et injuste, se serait séparé de Dieu et aurait sombré dans la décadence la plus terrible à partir du moment où les “prétentions excessives” du pape auraient causé sa séparation de l’Eglise universelle. C’est ainsi que certains ignorants parlent de l’histoire de l’Occident depuis le schisme. 

Pourtant, si l’on s’efforce d’étudier honnêtement l’histoire de cette période, c’est exactement l’inverse qui se produit : le renforcement de la papauté, l’affirmation de plus en plus claire de ses pouvoirs, coïncide avec l’âge d’or de la chrétienté. Et nous ne parlons pas ici d’un âge d’or purement matériel ou extérieur, mais bien d’un âge d’or de la vie spirituelle, de la vie religieuse, de la justice chrétienne, de la ferveur et de la charité. Les XIIe et XIIIe siècles sont les siècles les plus glorieux de l’Occident chrétien, conséquences directes de la réforme grégorienne et de la liberté de l’Eglise permise par la lutte des papes contre les abus des pouvoirs temporels. Cet âge d’or est spécialement un âge d’or de la vie religieuse, avec la création de nouveaux ordres religieux actifs et contemplatifs, qui ont transformé le monde par leurs prières, leurs sacrifices, leurs œuvres de bienfaisance, leurs écrits et leurs exemples. Dans les siècles suivants, spécialement les XVIe et XVIIe siècles, un immense élan missionnaire a apporté la foi jusque dans les parties les plus reculées de l’Amérique et de l’Asie, bien souvent au prix de la vie des missionnaires qui meurent en martyr aux mains des païens, comme les Apôtres de Jésus-Christ aux débuts de l’Eglise. Tous les ordres religieux missionnaires travaillent en étroite collaboration avec la papauté, qui les approuve, les encourage, les finance, les envoie directement en mission dans certains endroits. Cet élan missionnaire continue et gagne de nouveaux horizons aux XIXe et XXe siècles, alors même que le monde entier commence à s’enliser dans le laïcisme et le rationalisme.

On peut voir à travers les âges, et spécialement à partir de la réforme grégorienne (c’est à dire du XIe siècle qui est aussi l’époque du schisme), la papauté agir constamment sur ces différents fronts : 

1- La défense de la loi de Dieu face aux puissants du monde. On a vu depuis l’antiquité des papes s’opposer courageusement aux empereurs, aux rois, à des chefs barbares ou à d’autres sortes de seigneurs temporels, chaque fois que l’orthodoxie et les droits de l’Eglise étaient mis en cause. Tous les papes n’ont pas eu le même courage, la même vigueur et la même prudence ; mais à l’échelle de l’histoire de la papauté, on peut voir que l’institution en elle-même a constamment défendu la loi de Dieu contre les lubies des puissants, contre les mondains, contre les novateurs. Elle a combattu avec une spéciale vigueur la franc-maçonnerie et les sociétés secrètes, alors même que le pouvoir temporel de Rome était réduit à néant par l’agression de ces forces occultes, et que ces sociétés et leur esprit avaient de fait pris le contrôle du monde entier. 

2- La promotion de la vie religieuse. Des ordres religieux tels que les Cisterciens, les Carmes, les Franciscains et les Dominicains ont été, depuis toujours, directement soutenus par les Papes qui n’hésitaient pas à confier des responsabilités importantes aux membres de ces ordres. Les papes ont toujours enseigné la supériorité de la vie religieuse sur l’état laïc ou même sur le simple état clérical, et contribué à guider de nombreuses âmes vers le chemin du renoncement total au monde et du don de sa propre vie pour le salut des âmes.  

3- L’élan missionnaire. Le Saint-Siège a toujours été fidèle à la mission apostolique de porter l’évangile à toutes les nations. Au cours des siècles, Rome envoie de courageux missionnaires en Amérique, en Asie, en Afrique et en Océanie, dans des territoires parfois complètement étrangers à l’influence politique et culturelle de l’Occident. Il n’a jamais suffi à la papauté de se contenter d’évangéliser les peuples conquis, comme faisaient les Russes ; il faut évangéliser le monde entier, et l’on voit à travers les siècles les papes soutenir continuellement les efforts des missionnaires. 

4- La lutte contre les hérésies. Ceci est la grande gloire de Rome, si on ne devait n’en garder qu’une, qui est d’avoir toujours condamné les hérésies et défendu la foi orthodoxe, avec la même fermeté et la même constance à travers les siècles. Les Pères de l’Eglise avaient tous reconnu en Rome le siège de la véritable orthodoxie, le refuge sûr contre les fausses doctrines des hommes, et l’on voit des évêques aussi glorieux que Saint Athanase et Saint Jean Chrysostome recourir à Rome comme à l’ultime marteau des hérésies. 

5- Les œuvres de bienfaisance temporelle. Concernés d’abord par la propagation de la foi et la défense de la vraie doctrine, les papes se sont aussi souvent distingués pour les œuvres de charité envers les pauvres, mais aussi pour tout type d’œuvres bienfaisantes dans l’ordre temporel : soutien de l’art et de la littérature, soutien de toutes les sciences naturelles (l’Académie pontificale des sciences, fondée en 1603, est la toute première académie scientifique d’Europe), travail à la paix entre les peuples et entre les princes. Ainsi le pape n’était pas seulement le Père de tous les chrétiens dans un sens spirituel et religieux, mais aussi, souvent, dans un sens temporel, ne dédaignant jamais une occasion d’améliorer la vie terrestre des chrétiens, comme un père qui se soucie du bien de ses enfants sous tout rapport. 

Un “orthodoxe” ou un protestant qui fait preuve d’honnêteté intellectuelle sera capable de reconnaître que la papauté a fait de grandes choses pour la propagation de la foi dans le monde et dans les sociétés qui étaient sous son influence, pour le soulagement des maladies et de la pauvreté, ainsi que pour la culture des sciences et des arts. S’il voulait toujours rejeter le principe de la papauté, il lui faudra au moins reconnaître que l’histoire a compté de “grands papes” qui ont œuvré avec toute la sincérité de leur âme à la propagation de la foi chrétienne, et ont obtenu en cette matière de grands résultats, car ceci appartient strictement à l’ordre des faits.

Des exemples de cette honnêteté sont rares, mais on les trouve par exemple dans la biographie de Grégoire VII écrite par le luthérien Martin Johannes Voigt : étudiant les documents historiques de l’époque, il ne peut qu’admettre que les légendes que l’on colporte sur le saint pape dans son pays (l’Allemagne) et chez tous les ennemis du catholicisme (protestants, orthodoxes, gallicans) sont sans fondement et que Grégoire VII, quoi que l’on pense de la papauté, était un vénérable homme de Dieu, humble et détaché du monde, dont la principale préoccupation était le salut des âmes, et dont la seule faiblesse était une bonté légèrement excessive. Voigt n’en conclus pas qu’il faut être catholique (il considère malheureusement que Grégoire VII est un chrétien “aussi admirable que Luther”) mais son étude historique montre que les faits sont du côté du catholicisme. 

Il est frappant de voir à quel point le grand nombre, y compris des catholiques, ignorent tout ou quasiment tout de l’histoire de l’Eglise. Cette ignorance joue beaucoup à notre avis dans l’attrait pour “l’orthodoxie” (et, accessoirement, dans le succès des doctrines lefebvristes qui insultent et diminuent la papauté) : car qui connaît l’histoire de l’Eglise peut contempler les gloires de la papauté, et s’y attacher comme une source évidente de bienfaits pour le salut des âmes et le respect de la loi de Dieu dans les sociétés. Le catholique qui connaît l’histoire de la papauté s’y attache par un amour filial et reconnaissant, et ne supporte pas les mensonges et les affronts des schismatiques, qui accusent de tous les maux une institution qu’ils ne connaissent pas et que leurs propres pères honoraient avec la même révérence filiale que les catholiques d’après le schisme.


7- Les saints affirment la papauté

Cet argument ne résonnera peut-être pas autant chez tout le monde. A titre personnel, ce seul argument est suffisant pour nous convaincre absolument et définitivement qu’il est impossible que la véritable Eglise soit la “communion orthodoxe” à l’exclusion de l’Eglise catholique, qui elle aurait sombré dans l’hérésie.

Une église hérétique ne pourrait pas produire autant de fruits de sainteté, indiscutablement documentés par des témoignages de première main. De véritables saints, remplis de l’amour de Dieu et de la lumière du Saint-Esprit, ne pourraient pas donner un témoignage continuel et explicite en faveur d’une doctrine hérétique et d’un faux chef de l’Eglise. Or tous les saints que nous connaissons, dont la vie est documentée dans le cadre des procès de canonisation, étaient en communion avec le Saint-Siège, et certains d’entre eux ont professé de manière particulièrement explicite et insistante qu’il était nécessaire d’être en communion avec le Saint-Siège pour sauver son âme. 

Une objection surgira immédiatement de la part des schismatiques : nous avons aussi nos saints ! Ils sont la preuve que notre église est la vraie ! A cette objection, il suffit de répondre :

  • Que les “églises orthodoxes” n’ont aucune procédure spéciale pour la canonisation, et qu’il n’existe rien qui puisse ressembler aux procès de canonisation tels qu’ils existent dans le catholicisme depuis le Moyen-Age. Chez les orthodoxes un “saint” est quelqu’un qui a une simple réputation de sainteté, quelqu’un dont on estime que le corps est miraculeusement conservé, ou quelqu’un que les évêques d’une église particulière auront décidé d’honorer d’un culte pour une raison ou une autre, par exemple pour des raisons politiques (cf. la Serbie du XIIIe siècle), et il n’y a pas vraiment moyen de savoir si les différents témoignages populaires à son égard sont basés sur des faits réels, ou sur des exagérations et des inventions. 
  • Qu’en contrepartie le nombre de saints catholiques dont la vie est connue avec un niveau de détail très précis, avec un recueil de témoignages oculaires de première main et de témoins indépendants les uns des autres, est immense en comparaison des quelques “saints” postérieurs au schisme que le folklore orthodoxe se plaît à honorer.
  • Que si les “saints orthodoxes” sont aussi véridiques que les saints catholiques, cela voudrait dire à tout le moins que l’Eglise catholique reste une véritable église chrétienne bénie par Dieu (ce qui est loin d’être la position officielle des  “orthodoxes”, qui considèrent que Rome est hérétique et séparée de l’Eglise, bien que certains d’entre eux aient exprimé une opinion contraire). 

On peut citer certains saints catholiques très célèbres dont la réputation n’est pas due uniquement à “l’imagination enflammée des catholiques” puisqu’elle a été confirmée par des témoignages extérieurs au catholicisme : par exemple Saint François d’Assise, Saint Dominique, Saint François de Sales, Saint Ignace de Loyola, tous les saints missionnaires. Tous les hommes qui ont rencontré ces personnages, y compris des mauvais chrétiens, des païens, des hérétiques ou autres ennemis de l’Eglise, ont été impressionnés par leur vertu éclatante, qui était un signe évident de leur parfaite union à Dieu, de l’intensité de leur vie surnaturelle.

On pourrait tenter de dire : ils étaient des chrétiens sincères et des hommes très vertueux, qui sont restés unis à Rome par ignorance. S’il n’y en avait eu que deux ou trois, pourquoi pas : le problème est qu’il y en a des centaines, et que pour beaucoup d’entre eux il est évident que leur union à Rome n’était pas justifiée par une ignorance de l’histoire de l’Eglise ou des dogmes de la foi : bien au contraire, leur union à Rome était motivée par des connaissances précises et exprimée en des termes très forts. Beaucoup ont été des apologètes du Saint Siège, notamment contre les protestants. Saint Alphonse de Liguori, qui est peut-être l’un des plus grands saints et des plus grands docteurs de l’Eglise, a spécifiquement écrit contre les “orthodoxes” et la révolte photienne, dans son Histoire des hérésies et leur réfutation.

Saint Alphonse en extase devant le Saint Sacrement

Il est impossible qu’autant de saints, autant d’hommes parfaitement unis à Dieu, qui souvent ont réalisé des miracles attestés par de nombreux témoins, aient erré ensemble sur une question aussi importante que celle de savoir quelle est la véritable Eglise. Leur témoignage est plutôt une preuve que pour être un ami de Dieu, il faut être uni au successeur de Saint Pierre. En sens contraire, on n’a jamais vu un tel niveau de vertu chez les tristes apologètes de “l’orthodoxie”, qui font de la haine de Rome l’essence de leur religion, et qui s’enferment volontairement dans les horizons étroits du nationalisme.

Est-il seulement possible qu’un Saint François d’Assise apparaisse dans une église schismatique et hérétique ? Non, c’est absolument impossible, et la simple contemplation de ce fait suffit à détruire en un instant toutes les fausses doctrines des schismatiques, comme un château de carte soufflé par le vent.


8- Les miracles se produisent dans la communion catholique

Le miracle est le signe de Dieu. Par les miracles Dieu a indiqué dans l’Ancien Testament, ainsi que lors de son Incarnation et de sa venue sur terre, qu’il était le seul Seigneur et que sa parole était véridique. Par ses miracles Dieu a confirmé l’Eglise naissante, les apôtres convertissant les foules par leurs miracles. Par ses miracles Dieu montre aux hommes, à travers les siècles, quelle est la véritable Eglise. 

Les “orthodoxes” prétendent certes avoir des miracles. Mais c’est également le cas des protestants et des musulmans. La différence entre ces “miracles” et ceux des catholiques, c’est que dans le premier cas il n’y a aucune espèce d’examen sérieux pour savoir s’il s’agit d’un véritable miracle ou non, il faut se contenter de la foi d’un témoin isolé, ou de simples apparences superficielles. Comme dans le cas de la canonisation, il n’existe pas chez les schismatiques de procédure d’examen spécifique comme il en existe dans l’Eglise catholique. L’Eglise catholique est loin d’être d’un enthousiasme débridé vis à vis de tout ce qui pourrait avoir l’air d’être un “miracle catholique” propre à légitimer sa mission : en réalité, l’Eglise catholique est méfiante et circonspecte par défaut, et se réserve le droit, par exemple, d’autoriser ou d’interdire une dévotion liée à un supposé miracle ou à une supposée apparition dans le peuple catholique. Les autorités de l’Eglise se sont souvent montrées sévères à l’égard de supposées manifestations miraculeuses, de peur qu’il ne se cache dans ces faits des mensonges, des exagérations ou encore des manifestations démoniaques. 

Chez les schismatiques, il n’y a pas de distinction entre ce qui serait chez les catholiques un “récit populaire” de miracle, avec toutes les exagérations possibles de l’imagination d’un peuple enclin à la superstition et avide de merveilleux, et un miracle “scientifiquement établi”, où des témoins fiables sont invoqués, où l’absence de cause naturelle possible est suffisamment établie, et où l’on peut voir de bons fruits spirituels comme conséquence de ces miracles.

Si les schismatiques veulent refuser les miracles catholiques, ils devront adopter les méthodes de la critique rationaliste athée, de la “zététique”, pour mettre en doute l’indubitable et refuser l’évidence, en endurcissant leur cœur. Ils ne se rendent pas compte que cette méthode critique détruit plus encore leurs propres “miracles” que, par exemple, ceux de Lourdes qui sont établis par des constats médicaux rigoureux.

Que l’on considère simplement Lourdes, et les miracles qui s’y sont produits de manière continuelle depuis les apparitions du XIXe siècle, ou l’histoire de la médaille miraculeuse de la rue du Bac : la simple considération de ces faits suffit à établir que l’Eglise catholique est la véritable Eglise, surtout si l’on considère qu’il n’existe rien d’équivalent dans n’importe quelle autre “église chrétienne”. 

Dans la basilique de Notre-Dame-du-Rosaire de Lourdes, un ex-voto remercie la Sainte Vierge pour la conversion d’un prêtre schismatique russe

A plusieurs reprises dans l’histoire des hommes, Dieu a donné des miracles qui ont spécifiquement pour but de montrer que le catholicisme est la vraie religion, par opposition à des “doctrines chrétiennes” concurrentes telles que le protestantisme. 

Voici un exemple : François de Sales, évêque de Genève, était parti prêcher la foi catholique à Thonon, dans un pays qui était alors opiniâtrement attaché au calvinisme. Dans un premier temps, ses bonnes manières, sa douceur et sa vertu évidente lui ont attiré la sympathie de la population, mais peu de conversions : ce peuple était attaché par principe au protestantisme, de simples discours ne suffisent pas à les convaincre d’abandonner la doctrine de leurs pères. Un jour, une de celles qui écoutait ses prédications a le malheur de perdre son fils, peu de temps après sa naissance et avant d’avoir pu le baptiser : au comble du désespoir, elle se tourne vers l’évêque et lui promets qu’elle deviendra catholique s’il peut rendre son fils à la vie. Le saint entre humblement en prière, et l’enfant reprend vie : il y a plusieurs témoins qui assistent à la résurrection. Ce n’est pas seulement la mère consolée qui se convertit à la doctrine du saint, mais tout le pays en masse : les témoignages de l’époque nous disent qu’il n’y a pas assez de prêtres dans la ville pour accueillir toutes les demandes d’abjuration. Ces âmes simples étaient encore capables d’appliquer le principe que Nicodème exposait, lorsqu’il témoignait de sa foi à Jésus : Maître, nous savons que Vous êtes venu de la part de Dieu comme docteur; car personne ne peut faire les miracles que Vous faites, si Dieu n’est avec lui » (Jn III, 2).


9- Le schisme oriental est toujours synonyme d’une soumission des autorités religieuses au pouvoir temporel

Il est frappant de comparer l’évolution respective de la chrétienté dans l’Occident catholique et dans l’Orient “orthodoxe” : dans l’Occident catholique, le renforcement du pouvoir pontifical coïncide avec la liberté de l’Eglise (qui est moins entravée par ses protecteurs temporels devenus souvent abusifs) ; dans l’Orient, avant le schisme et d’autant plus après, la mainmise des autorités temporelles sur les affaires de l’Eglise se renforce à outrance et prend des proportions ridicules.

Les schismatiques prennent de grands airs en se posant en défenseurs de la tradition des Pères, authentiques successeurs des apôtres, dans la pratique les églises schismatiques sont une réunion de sociétés confuses et faibles, soumises aux différents pouvoirs temporels des pays où elles comptent une majorité de fidèles. Il est rare de voir un évêque schismatique s’opposer aux abus du pouvoir temporel. En sens contraire, chez les catholiques on rencontre de multiples exemples, renouvelés à travers les siècles, d’une courageuse opposition aux autorités temporelles fautives, poussée jusqu’au martyr dans le cas de Saint Martin Ier (mort en captivité après avoir été persécuté par l’empereur monothélite Constant II), Saint Thomas Becket (persécuté par le roi Henri II d’Angleterre) ou Saint Stanislas (tué par le roi Boleslas II de Pologne), pour ne citer que quelques exemples.

Le meurtre de saint Thomas Becket (Albert-Pierre Dawant, 1879)

Le césaropapisme de l’époque byzantine n’a jamais quitté la mentalité des nations schismatiques. L’exemple le plus répugnant de cette lâche soumission des autorités religieuses aux pouvoirs temporels est à l’origine de la permission du divorce chez les schismatiques : malgré les paroles explicites de Notre-Seigneur sur l’indissolubilité absolue du lien conjugal, et l’impossibilité d’un “remariage” licite, par lâcheté vis à vis de la législation civile impie, les églises byzantines se sont mises à tolérer l’intolérable en bénissant de fausses unions adultères, et en leur donnant le nom de mariage. Les sectateurs de Photius continuent de suivre cette règle, inscrite dans le droit canon des schismatiques depuis le XIIe siècle, qui s’accommode de l’ancienne législation païenne, et foule aux pieds la loi divine enseignée par Jésus-Christ lui-même lorsqu’il était sur terre. On peut voir d’ailleurs certains schismatiques s’embarrasser en disant qu’il est en effet évident, d’après les paroles du Christ et la Tradition des Pères, que le mariage est indissoluble et que le remariage est un péché : et de dire ensuite que “par miséricorde” et pour éviter un plus grand mal on peut bénir des remariages … comme si bénir le péché était un acte de miséricorde ! Luther présentait des raisonnements similaires lorsqu’il conseillait la bigamie au landgrave Philippe de Hesse. C’est un exemple éclatant de lâcheté face aux vices des hommes, et spécialement des hommes puissants, pas un exemple de miséricorde.

Le simple fait d’ailleurs que le divorce-remariage, qui est intrinsèquement immoral, soit inscrit dans le droit canon “orthodoxe” suffit à prouver que “l’Eglise orthodoxe” n’est pas la véritable Eglise instituée par Dieu et protégée par le Saint-Esprit : de l’aveu même de certains schismatiques, leur Église a inscrit dans sa loi la bénédiction du péché. Elle n’a donc pas la sainteté que le Concile de Nicée décrit comme note de la véritable Eglise. 

On peut citer bien d’autres exemples du césaropapisme dans l’histoire des églises schismatiques.

Les Serbes, après avoir obtenu leur “autocéphalie” au début du XIIIe siècle, ont canonisé tous les rois de la dynastie Nemanjic (dynastie dont faisait également partie le premier patriarche autonome, Sava de Serbie), y compris un roi divorcé et remarié à de multiples reprises (Stefan Uros II – qui a entre autres choses effectué un mariage forcé et invalide avec une religieuse catholique, Élisabeth de Hongrie), et un roi excommunié par Constantinople qui était disposé à reconnaître l’autorité du Pape peu de temps avant sa mort (Stefan Uros IV – reconnaître le Pape est censé être une faute grave pour les schismatiques !). “L’Église orthodoxe serbe” à cette époque ne semble n’exister que pour légitimer les dynastes de leur peuple, quoi que ceux-ci puissent faire, en totale indifférence d’ailleurs aux injonctions du “patriarche œcuménique” de Constantinople. 

L’histoire du “patriarcat œcuménique” depuis la chute de Constantinople aux mains des Turcs est le triste spectacle d’une totale soumission aux envahisseurs musulmans : les patriarches devaient mendier, ou littéralement acheter leur investiture au sultan, et celui-ci faisait et défaisait les patriarches selon son bon vouloir. Des complots et des cabales faisaient se disputer différents concurrents au titre de patriarche de Constantinople, dont seul celui reconnu par le sultan avait des chances de faire asseoir sa légitimité dans le monde “orthodoxe”. La Russie a été et est encore aujourd’hui un cas d’école de césaropapisme. Les évêques russes se sont dans l’ensemble pliés, de gré ou de force, à tout ce que le tsar ou même le dictateur communiste attendait d’eux. La théorie de la “Troisième Rome” donne la folie des grandeurs au tsar plus encore qu’au métropolite russe : il est le nouveau César, et s’occupe des affaires de l’Eglise comme les premiers Césars chrétiens. A plusieurs reprises, le tsar dépose le patriarche lorsque celui-ci le contrarie : ainsi Philippe II fut déposé par Ivan le Terrible, Job par Dimitri II, Nikon par Alexis Ier. A partir du XVIIIe siècle sous le règne de Pierre le Grand, le césaropapisme devient institutionnel : le patriarcat de Moscou est aboli, et remplacé par un système dans lequel le contrôle de l’état est très étroit (le “Très Saint Synode”, qui fonctionne comme une sorte de vulgaire ministère de la religion). Suite à la révolution russe, le pouvoir communiste fait déposer le patriarche Tikhon, et ses successeurs sont favorables au pouvoir soviétique. Le patriarche actuel Kirill a d’ailleurs parlé en des termes élogieux de Staline. Kirill se fait le relais inconditionnel des revendications du nationalisme russe : on le voit ainsi déclarer solennellement en 2018 que l’autocéphalie de l’Ukraine est “interdite par Dieu” car on ne peut pas “diviser la sainte Russie”. De telles paroles devraient choquer : elles montrent à quel point le temporel prend le dessus sur le spirituel chez les schismatiques.


Les Pères de l’Eglise ont toujours affirmé la Papauté (Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (3/7))

4- Les Pères affirment positivement la papauté, en rappelant son lien avec Saint Pierre

Il faut dès à présent couper court à l’objection qui prétend que ces citations ne sont pas “suffisamment claires” ou pas suffisamment explicites sur le primat romain, qu’elle peuvent être interprétées différemment, ce qui voudrait donc dire qu’il s’agit d’une extrapolation tardive de la part des Latins. Les schismatiques voudraient voir un Père déclarer la papauté en des termes aussi explicites que le Concile Vatican I.

Cette objection est aussi infondée que l’objection de certains ariens ou protestants contre la doctrine de la Trinité : le Christ n’a jamais dit “Il y a un seul Dieu en Trois Personnes”, en effet ; mais si l’on étudie en profondeur toutes ses déclarations, et tout l’enseignement apostolique, il n’y a pas d’autre interprétation possible des paroles du Christ sur sa propre divinité et sur le Saint-Esprit, que la doctrine de la Trinité des personnes dans l’unité de nature, de sorte que le Concile de Nicée n’a pas “inventé une nouvelle doctrine” mais simplement rendu plus clair ce qui était déjà contenu dans le dépôt de la foi, bien que tous les chrétiens de l’avaient pas compris ou n’avaient pas voulu l’accepter. 

Nous verrons ici que le contexte de ces citations et les termes qu’elles mobilisent doivent faire conclure que les premiers chrétiens croyaient en un primat romain, tant sous le rapport de l’enseignement de la foi que sous un rapport disciplinaire, bien que cette doctrine soit parfois affirmée en des termes moins clairs qu’elle ne l’a été à partir de la révolte de Photius (et c’est justement l’attitude de Photius vis à vis de Rome qui est novatrice, pas les prétentions de Rome à une autorité sur l’Eglise universelle).

Nous listerons dans l’ordre chronologique quelques citations fameuses des Pères et d’auteurs chrétiens qui précèdent l’époque de Photius à propos des successeurs de Saint Pierre, avec quelques commentaires. Cette liste n’est pas exhaustive et il existe bien d’autres citations utiles à démontrer notre propos, mais nous ne sélectionnons que celles qui nous semblent les plus importantes et les plus explicites. 


1- Saint Ignace d’Antioche (c. 110) :

Ignace […] à l’Église qui préside dans la région des Romains, digne de Dieu, digne d’honneur, digne d’être appelée bienheureuse, digne de louange, digne de succès, digne de pureté, qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom du Père ; je la salue au nom de Jésus-Christ, le fils du Père ; aux frères qui, de chair et d’esprit, sont unis à tous ses commandements, remplis inébranlablement de la grâce de Dieu, purifiés de toute coloration étrangère, je leur souhaite en Jésus-Christ notre Dieu toute joie irréprochable

Lettre d’Ignace aux Romains

Le glorieux Ignace d’Antioche, martyrisé à Rome dans les années 110, est le second successeur de Saint Pierre sur le siège épiscopal d’Antioche, après Saint Evode : il est vraisemblablement un disciple direct des Apôtres, et fait partie à ce titre de ceux que l’on appelle les “pères apostoliques”. Le fait qu’il indique que Rome “préside à la charité” pourrait passer comme une simple formule de politesse, si on ne s’attardait pas un instant sur le contexte : Ignace est l’évêque d’Antioche, qui est entre tous les sièges épiscopaux l’un des plus glorieux, car il a été fondé par Saint Pierre avant que celui-ci ne s’installe à Rome, et “ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens” (Actes XI, 26). Il reconnaît pourtant à Rome une forme de préséance, et pas des moindres : la charité est la plus importante de toutes les vertus (I Cor XIII, 13), elle est spécialement liée à tout ce qui touche au culte de Dieu, au souci de sa gloire, à la soumission à ses ordres, à l’ordination de toutes les actions humaines à Dieu.

Soit l’on peut considérer qu’Ignace parle du fait que les Romains sont plus saints que les autres chrétiens – mais pourquoi cela ? cette interprétation plait-elle vraiment aux “orthodoxes” ? ; Soit l’on peut considérer qu’Ignace parle du fait que l’Eglise de Rome a une ordination spéciale à Dieu, quelque chose de plus sacré et de plus saint par essence qui fait qu’elle a une préséance entre toutes les Églises : elle préside à l’Eglise universelle en tant que celle-ci est la “société de la charité”, la société des enfants de Dieu. 

Ignace a rédigé de multiples épîtres aux différentes églises qu’il rencontrait lors de son ultime voyage jusqu’à Rome, en multipliant les formules élogieuses : pourtant, il nous semble que dans aucune autre épître il n’indique qu’une église “préside” sous quelque rapport que ce soit. Ignace ne dit pas que Rome préside en dignité par rapport à son rang politique de capitale de l’empire, mais bien “en charité”, c’est-à-dire relativement à l’ordination à Dieu. Ce “détail” n’est pas  anodin : il y a un lien direct à établir entre cette “primauté de l’amour” et la triple profession de Saint Pierre en Jean XXI : “m’aimes-tu plus que ceux-ci ?” ; Jésus-Christ demande précisément à Pierre de présider aux autres apôtres en charité.


2- Saint Irénée de Lyon (c. 170-200)

Ainsi donc, la Tradition des apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c’est en toute Église qu’elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité (…) Mais comme il serait trop long, dans un ouvrage tel que celui-ci, d’énumérer les successions de toutes les Églises, nous prendrons seulement l’une d’entre elles, l’Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome; en montrant que la Tradition qu’elle tient des apôtres et la foi qu’elle annonce aux hommes sont parvenues jusqu’à nous par des successions d’évêques, nous confondons tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, ou par infatuation, ou par vaine gloire, ou par aveuglement et erreur doctrinale, constituent des groupements illégitimes : car avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres

Contre les hérésies III, 3, 2

Les schismatiques s’offusquent que ce passage soit utilisé en défense de la primauté romaine : ils prétendent d’une part que Rome n’est listée que comme une église parmi d’autres par St Irénée, d’autre part que la principale raison pour laquelle Rome est mentionnée avec cette prééminence est le fait qu’il s’agissait à l’époque de la capitale de l’empire. Ils accusent donc les Latins d’extrapolation ; une brève analyse du contexte et des termes employés par St Irénée suffisent à dissiper cette accusation, et à montrer qu’il y a bien quelque chose de spécial dans l’Eglise de Rome qui n’est pas lié au statut politique de la ville

Quant au premier point, Saint Irénée dit certes que toutes les églises sont dépositaires de la Tradition des apôtres, par le principe de la succession apostolique ; mais il affirme également que si l’on n’en devait retenir qu’une seule, en étant certain d’y trouver la véritable doctrine apostolique, il faudrait choisir Rome : il indique par là que Rome est en un certain sens “plus apostolique” que les autres Églises, comme en atteste le titre traditionnel de sedes apostolica, “siège apostolique”, utilisé spécifiquement (y compris par plusieurs auteurs orientaux) pour parler de la chaire de Rome. Secondement, St Irénée affirme 1) qu’il faut être d’accord avec Rome en raison de son origine plus excellente, c’est à dire en raison de sa filiation avec Saint Pierre, qu’il vient de rappeler, et pas en raison de son statut géographique et politique dans l’empire romain ; 2) spécifiquement, que toute Église doit nécessairement s’accorder avec cette Eglise : St Irénée ne dit pas simplement “tout chrétien doit s’accorder avec l’Eglise de Rome”, mais “toute Église”, introduisant ainsi une hiérarchie entre les Eglises concernant l’enseignement apostolique. Rome est plus apostolique, plus excellente par origine, à tel point que les autres Églises doivent s’accorder avec elle.

D’où peut-on conclure, en lisant ce texte, que l’Eglise de Rome a une prééminence en raison de sa position géographique et de l’importance politique de la ville ? Une telle interprétation n’est due qu’à la fantaisie et à la mauvaise foi des schismatiques. 

Saint Irénée continue son développement et mentionne ensuite un évènement très important de l’histoire de l’Eglise primitive, qui est à lui seul déjà suffisant pour démontrer la primauté de Rome sur les autres Églises : 

“Sous ce Clément, donc, un grave dissentiment se produisit chez les frères de Corinthe ; l’Église de Rome adressa alors aux Corinthiens une très importante lettre pour les réconcilier dans la paix, renouveler leur foi et leur annoncer la Tradition qu’elle avait naguère reçue des apôtres”

Saint Clément, second successeur de Saint Pierre après Saint Lin, est celui qui a pris l’initiative de régler le différend de l’Eglise de Corinthe, de rappeler les Corinthiens aux enseignements apostoliques, et de mettre fin à la division. L’épître de Clément a marqué les Corinthiens à tel point qu’elle était utilisée lors des lectures durant la liturgie. Ce fait est spécialement important car il a lieu vers l’an 95, c’est-à dire du vivant de l’apôtre Saint Jean, une des “colonnes de l’Eglise”, le “disciple que Jésus aimait” :  pourquoi St Jean ne s’est pas occupé des problèmes de l’Église de Corinthe ? St Irénée semble dire que l’initiative revient à Rome de s’être exprimée sur les différends de Corinthe : mais si c’étaient les Corinthiens qui avaient pris l’initiative de demander une intervention de Rome, ce serait tout aussi probant pour démontrer l’existence d’une primauté romaine spécialement pour ce qui concerne les conflits de juridiction et de doctrine. Pourquoi Rome avant Saint Jean ? En raison de son origine plus excellente, qui fait qu’avec Rome doit nécessairement s’accorder toute Église.

Nous mentionnons au passage les arguties mensongères de certains schismatiques qui contestent que convenire ad soit traduit par “s’accorder avec”, et veulent lui donner un sens littéral de “venir à Rome physiquement” : nous ne comprenons pas comment certains peuvent accorder du crédit à des explications aussi stupides. St Irénée aurait dit que “les églises doivent venir à Rome physiquement car il s’agit de la cité la plus ancienne et la plus excellente de l’empire” ? Nous avons ici un exemple de ce que la mauvaise foi humaine peut produire de plus ridicule : pour nier l’évidence, on en vient à faire des traductions qui font fi même des termes employés par l’auteur et du contexte dans lequel il s’exprime (il parle de l’enseignement apostolique, et du fait qu’il choisit l’Église de Rome comme étant représentative plus que toute autre de cet enseignement), en inventant des mythes qui les confortent dans leur fausse doctrine. Les catholiques n’ont pas besoin de ces acrobaties et de ces artifices : il nous suffit d’interpréter ces phrases et ces mots dans leur sens le plus commun, et en adéquation avec leur contexte.


3- Tertullien (c. 200)

Quel est l’homme sensé qui croira qu’ils aient ignoré quelque chose, ceux que le Christ établit comme maîtres, qui furent ses compagnons, ses disciples, ses amis inséparables ? (…) Pierre aurait ignoré quelque chose, lui qui fut appelé la pierre sur laquelle l’Église devait être édifiée, qui reçut les clefs du royaume des cieux et le pouvoir de lier et de délier dans les cieux et sur la terre ?

Prescription contre les hérétiques, XXII

Le célèbre apologète Tertullien fut d’abord un défenseur de l’Eglise apostolique, avant de rejoindre la secte montaniste vers l’an 212, séduit par son esprit rigoriste. Dans cet extrait, il démontre clairement que contrairement au mythe véhiculé par les schismatiques, il n’est pas étranger au christianisme apostolique de considérer que lors du passage en Matthieu XVI, le Christ donne à Saint Pierre des pouvoirs personnels et spécifiques, et ne fait pas simplement une déclaration symbolique sur le fait que “la foi” est la pierre sur laquelle est fondée l’Église. Ici, nous lisons bien de la part de Tertullien que “Pierre” lui-même est “la pierre sur laquelle l’Église devait être édifiée”.   

Mais il apparaît que Tertullien parle encore plus clairement de l’autorité de Saint Pierre après sa révolte contre l’Eglise, en contestant les revendications de l’évêque de Rome : 

J’apprends qu’un édit est affiché, et même qu’il est péremptoire. Le souverain Pontife, c’est-à-dire l’évêque des évêques, parle en ces termes: « Quant à moi, je remets le péché de l’adultère et de la fornication à ceux qui ont fait pénitence. »

De pudicitas, 1

Tertullien critique vraisemblablement un édit du pape Zéphyrin (198-217), et dénie à l’Église le droit de remettre certains péchés tels que l’adultère. D’autres disent qu’il critique un évêque africain, mais le contexte et les termes spécifiques employés rendent cette hypothèse peu probable. Dans le même traité De pudicitas, il évoque le passage de Matthieu XVI : 

Maintenant, je prends acte de ta déclaration, pour te demander à quel titre tu usurpes le droit de l’Eglise. Si de ce que le Seigneur a dit à Pierre: « Je bâtirai mon Eglise sur cette pierre; Je t’ai donné les clefs du royaume des Cieux, » ou bien: « Tout ce que lu lieras ou délieras sur la terre, sera lié ou délié dans les cieux; » tu t’imagines orgueilleusement que la puissance de lier et de délier est descendue jusqu’à toi, c’est-à-dire à toute l’Eglise, qui est en communion avec Pierre, quelle est ton audace de pervertir et de ruiner la volonté manifeste du Seigneur, qui ne conférait ce privilège qu’à la personne de Pierre? « C’est sur toi que je bâtirai mon Église,» lui dit-il; c’est à toi que je donnerai les clefs, » et non à l’Eglise. « Tout ce que tu lieras ou que tu délieras; etc. » mais non pas tout ce qu’ils lieront ou délieront.”

De pudicitas, 22

L’interprétation de ce passage peut prêter à confusion : dans l’hypothèse peu probable où Tertullien  s’attaque à un évêque africain, ici il lui rappelle qu’il n’a pas reçu le pouvoir qui appartient à Pierre seul et à ses successeurs (mais on se demande pourquoi un tel rappel, si par ailleurs il s’est séparé de l’Eglise). Dans l’hypothèse plus sûre où il s’attaque au pape, ici il nie que le pouvoir de Pierre se soit transmis et déclare qu’il n’appartenait qu’à la personne de Pierre. Ce qui nous indique qu’à cette époque, autour de l’an 215, l’évêque de Rome revendique le “pouvoir des clés” donné à Saint Pierre en Matthieu XVI, ce que Tertullien critique comme une dérive orgueilleuse. Mais nous savons en réalité, comme pour le cas de Photius, de quel côté se trouve véritablement l’orgueil. 


4- Saint Cyprien de Carthage (c. 250)

Ainsi, déserteurs de l’Évangile et de la loi de Jésus-Christ, ils s’obstinent à se dire chrétiens; ils marchent dans les ténèbres, et ils croient jouir de la lumière. L’ennemi les flatte, il les trompe, cet ennemi qui, selon l’apôtre, se transfigure en ange de lumière, qui transforme ses ministres eux-mêmes en prédicateurs de la vérité, donnant la nuit au lieu du jour, la mort au lieu du salut, le désespoir à la place de l’espérance, la perfidie. sous le voile de la foi, l’antéchrist sous le nom adorable du Christ. C’est ainsi qu’au moyen d’une vraisemblance menteuse, ils privent les âmes de la vérité. Cela arrive, mes frères bien aimés, parce qu’on ne remonte pas à l’origine de la vérité; parce qu’on ne cherche pas le principe, parce qu’on ne conserve pas la doctrine du maître céleste. Si on se livrait à cet examen, on n’aurait besoin ni de longs traités, ni d’arguments. Rien de plus facile que d’établir sur ce point la foi véritable. Dieu parle à Pierre: Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les puissances des enfers n’en triompheront jamais. Je te donnerai les clefs du royaume du Ciel, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le Ciels et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel (Matt., XVI.). Après sa résurrection, il dit au même apôtre : Pais mes brebis. Sur lui seul il bâtit son Église, à lui seul il confie la conduite de ses brebis. Quoique, après sa résurrection,. il donne à tous ses apôtres un pouvoir égal, en leur disant : Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie; recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Joan., XX), cependant, afin de rendre l’unité évidente, il a établi une seule chaire et, de sa propre autorité, il a placé dans un seul homme le principe de cette même unité. Sans doute les autres apôtres étaient ce que fut Pierre; ils partageaient le même honneur, la même puissance, mais tout se réduit à l’unité. La primauté est donnée à Pierre, afin qu’il n’y ait qu’une seule Église du Christ et une seule chaire. Tous sont pasteurs; mais on ne voit qu’un troupeau dirigé par les apôtres avec un accord unanime. L’Esprit-Saint avait en vue cette Église une, quand il disait dans le Cantique des cantiques: Elle est une ma colombe, elle est parfaite, elle est unique pour sa mère; elle est l’objet de toutes ses complaisances (Cant., VI). Et celui qui ne tient pas à l’unité de l’Église croit avoir la foi! Et celui qui résiste à l’Église, qui déserte la chaire de Pierre sur laquelle l’Église repose, se flatte d’être dans l’Église!

De l’unité de l’Eglise

Nous avons souhaité garder cette longue citation sans la tronquer car elle permet de lever le voile sur un problème souvent soulevé par les schismatiques, celui de l’égalité des pouvoirs entre les apôtres et leurs successeurs, évoqué ici par Saint Cyprien. Ici on voit affirmés par Saint Cyprien deux principes, qui ne sont pas contradictoires puisqu’ils sont exposés en même temps comme des vérités révélées : d’une part le fait que les apôtres ont reçu les mêmes pouvoirs du Christ et sont tous pasteurs, d’autre part le fait qu’à Pierre seul a été remis le primat, afin qu’il soit un principe d’unité pour toute l’Eglise. Les schismatiques veulent prétendre que seule la première proposition fait partie de la Tradition apostolique, les voilà réfutés de la manière la plus claire possible par un évêque du IIIe siècle, puisqu’il explique que les deux principes ne sont pas contradictoires et sont même complémentaires. Les apôtres en effet ont reçu le pouvoir d’ordre ainsi qu’une certaine juridiction sur les fidèles, mais ils sont tous inférieurs à Pierre sous le rapport de cette juridiction, et lui seul est le principe de l’unité de l’Eglise. Saint Cyprien a des termes extrêmement durs contre ceux qui refusent l’autorité de Pierre, les appelant “déserteurs de l’évangile”, flattés par le démon, disant qu’ils “donnent la mort au lieu du salut”, parce qu’ils ne conservent pas la doctrine du maître céleste si clairement apparente dans les évangiles, disponibles à l’examen de tous : “Si on se livrait à cet examen, on n’aurait besoin ni de longs traités, ni d’arguments”. Cette phrase semble dirigée directement contre la passion des Grecs pour les interprétations alambiquées et les longues dissertations, qui masquent le véritable sens des évangiles ou des paroles des Pères.

Le fait que Saint Cyprien aurait lui-même désobéi à Rome en d’autres occasions ne prouverait pas qu’il ne croyait pas à la primauté, et qu’il faut donner une interprétation alambiquée à ses diverses déclarations sur le sujet (car on trouve, en effet, d’autres déclarations tout aussi explicites de sa part au sujet de la primauté romaine) : ce ne serait pas la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’un homme n’est pas exactement cohérent avec ses propres principes, et Saint Cyprien est saint par son martyr avant tout, pas nécessairement pour l’ensemble de sa vie et de son ministère. Il nous a légué néanmoins un témoignage fort, plus explicite encore que celui de Saint Irénée sur l’existence d’une primauté pétrinienne instituée par Dieu dans l’Eglise : La primauté est donnée à Pierre, afin qu’il n’y ait qu’une seule Église du Christ et une seule chaire


5- Saint Optat de Milève (c. 364-367)

Vous ne pouvez vous excuser sous prétexte d’ignorance ; car vous savez que la chaire épiscopale de Rome a été donnée d’abord à Saint Pierre, qui l’a occupée comme Chef de tous les Apôtres. C’est dans cette chaire unique que l’unité devait être conservée par tous, de peur que chacun des Apôtres ne prétendit se rendre indépendant dans la sienne. Dès lors celui-là est nécessairement schismatique et prévaricateur, qui ose élever une autre chaire contre celle-ci qui est unique

Traité contre les donatistes

Ce passage est spécialement intéressant car il affirme sans équivoque : 

  • Le fait que Saint Pierre est chef des apôtres. 
  • Le fait que la chaire de Rome est le centre de l’unité, en tant qu’elle est la chaire de Saint Pierre.
  • Le fait que cette chaire est “unique”, qu’elle n’est pas simplement un siège épiscopal parmi d’autres. 
  • Le fait que cette réalité est universellement connue par tous les chrétiens : “vous ne pouvez vous excuser sous prétexte d’ignorance”.
  • Le fait qu’il était nécessaire même pour les Apôtres d’être uni à la chaire de Saint Pierre, qu’il n’est pas possible que l’Eglise soit constituée de chaires épiscopales entièrement indépendantes les unes des autres.
  • Le fait que ceux qui élèvent leur chaire contre celle de Rome sont “schismatiques” et “prévaricateurs”. 

Même avec toute la mauvaise foi du monde, il nous semble bien difficile de donner un autre sens à ce passage de Saint Optat qu’une affirmation de la primauté romaine basée sur Saint Pierre (sans rapport avec une “primauté honorifique” basée sur le prestige de Rome), et une condamnation de ceux qui ne sont pas unis à cette chaire comme des schismatiques. Le contexte de la déclaration de Saint Optat est précisément la condamnation du schisme des donatistes, il oppose leur particularisme à l’universalité de l’Eglise basée sur la communion avec la chaire de Saint Pierre. 


6- Saint Ambroise de Milan (c. 380)

Si quelqu’un objecte à l’Eglise qu’elle peut se contenter de Jésus-Christ pour Chef et pour Époux unique, et qu’il ne lui en faut point d’autre, la réponse est facile. Jésus-Christ est pour nous non seulement l’Auteur mais encore le vrai Ministre intérieur de chaque Sacrement. C’est vraiment Lui qui baptise et qui absout, et néanmoins, Il n’a pas laissé de choisir des hommes pour être les ministres extérieurs des Sacrements. Ainsi, tout en gouvernant Lui-même l’Eglise par l’influence secrète de son esprit, Il place aussi à sa tête un homme pour être son Vicaire et le dépositaire extérieur de sa Puissance. A une Eglise visible, il fallait un Chef visible. Voilà pourquoi notre Sauveur établit Saint Pierre Chef et Pasteur de tout le troupeau des Fidèles, lorsqu’Il lui confia la charge de paître ses brebis. toutefois Il le fit en termes si généraux et si étendus qu’il voulut que ce même pouvoir de régir toute l’Eglise passât à ses successeurs.

Saint Ambroise voulait-il parler dans ce passage “des évêques” d’une manière générale, successeurs de Saint Pierre dans le sens le plus large du terme, c’est-à dire successeur des Apôtres ? Certains veulent le prétendre. Ils ne se rendent pas compte qu’ils font mentir le sens apparent du texte.

Ils oublient en effet un “détail” qui n’en est pas un : Saint Ambroise dit que “un homme” a été nommé “chef visible de l’Eglise”. Il ne dit pas “des hommes chefs de l’Eglise”, ni “un homme chef d’une Église”, mais : “un homme chef de l’Eglise”. Il a établi Saint Pierre “chef et pasteur de tout le troupeau des Fidèles”, pas chef d’une Eglise particulière. 

A ceux qui ne veulent pas à tout prix refuser la vérité, il apparaîtra de manière suffisamment claire que Saint Ambroise, comme d’autres Pères avant et après lui, considère que Saint Pierre a reçu une charge spécifique de gouverner toute l’Eglise et qu’il l’a transmise à ses successeurs. 


7- Saint Zosime (c. 418)

Bien que la tradition des pères ait reconnu au Siège apostolique une telle autorité que personne n’a osé mettre en cause son jugement, et qu’elle ait toujours observé cela par des canons et des règles, et que, par ses lois, la discipline ecclésiastique en vigueur jusqu’ici manifeste au nom de Pierre, dont elle descend elle-même ; l’antiquité canonique, du consentement de tous, a dévolu un tel pouvoir à cet apôtre, à qui Jésus-Christ Notre-Seigneur a conféré le privilège de lier ou de délier. Ce privilège appartient également par droit d’héritage à ses successeurs sur son siège. Pierre continue toujours à porter la sollicitude de toutes les Églises, mais il veille avec un soin particulier sur le Siège de Rome qui est le sien propre ; il ne souffre ni défaillance ni incorrection dans les jugements doctrinaux émanés de la Chaire qu’il a honorée de son nom et constituée sur des fondements inébranlables

Lettre 12 Quamvis Patrum à Aurélien et au concile de Carthage, 21 mars 418, PL, XX, 675-677 ; DS 221

Cette lettre du pape Zosime contient plusieurs affirmations précieuses : 

  • La “tradition des pères” reconnaît une autorité souveraine au Siège de Rome : ce pape du Ve siècle, d’ailleurs d’origine grecque, affirme que c’est une tradition apostolique de croire à une autorité spéciale de Rome, au point que “personne n’a osé mettre en cause son jugement”. 
  • Le pouvoir de Saint Pierre affirmé en Matthieu XVI, le “pouvoir de lier et de délier”, est transmis aux successeurs de Saint Pierre sur le Siège de Rome.
  • Par protection spéciale du Ciel, les jugements doctrinaux du Siège de Rome ne souffrent ni défaillance ni incorrection. 

Les textes que nous avons étudiés jusqu’ici sont surtout importants pour établir la croyance des premières générations de chrétiens dans la primauté de juridiction de l’évêque de Rome sur l’ensemble de l’Eglise. Ce texte est également utile pour prouver que les premiers chrétiens croyaient à l’infaillibilité du pape en matière doctrinale : il n’y a “ni défaillance ni incorrection” dans les jugements doctrinaux du Siège de Rome. A ceux qui prétendent que cette doctrine est une invention du Moyen-Âge latin, voici pour les réfuter une citation d’un Grec de l’antiquité. 


8- Saint Léon le Grand (c. 450)

Comme mes prédécesseurs l’ont fait pour les vôtres, j’ai moi-même délégué à votre charité le pouvoir de représenter mon propre gouvernement, afin que vous puissiez me venir en aide dans la charge qui nous incombe en vertu de l’institution divine à veiller sur toutes les églises. Vous serez ainsi présent aux églises qui sont les plus éloignées de nous, comme si vous les visitiez à notre place. (…) Cette union demande sans doute l’unanimité de sentiments dans le corps entier, mais surtout le concert entre les évêques. Quoique ceux-ci aient une même dignité, ils ne sont pas cependant tous placés au même rang, puisque parmi les apôtres eux-mêmes il y avait différence d’autorité avec ressemblance d’honneur, et que, quoiqu’ils fussent tous également choisis, un d’entre eux néanmoins jouissait de la prééminence sur tous les autres. C’est sur ce modèle qu’on a établi une distinction entre les évêques, et qu’on a très-sagement réglé que tous ne s’attribueraient pas indistinctement tout pouvoir, mais qu’il y en aurait dans chaque province qui auraient le droit d’initiative par-dessus leurs confrères, et que les évêques établis dans les villes les plus considérables, auraient aussi une juridiction plus étendue, en servant ainsi comme d’intermédiaire pour concentrer dans le siège de Pierre le gouvernement de l’Eglise universelle, et maintenir tous les membres en parfait accord avec leur chef

Lettre 14 à Anastase, évêque de Thessalonique, chapitres 11 et 12, PL, 54/668, 675-676

La pape Saint Léon le Grand (440-461), qui est considéré comme un saint par les schismatiques, figure pourtant parmi les témoins de la doctrine de la primauté pontificale, en paroles comme en actions.

Dans la présente lettre, il est question de la nomination d’un légat du Pape en Orient : Saint Léon explique les raisons doctrinales qui justifient que l’évêque de Rome puisse interférer d’aussi prêt dans les affaires des autres évêques.

L’évêque de Rome a reçu, “en vertu de l’institution divine”, une charge spéciale de veiller sur toutes les Églises. Les Apôtres et leurs successeurs les évêques, malgré leurs pouvoirs similaires, ne sont pas exactement égaux : il y a entre eux des hiérarchies d’institution humaine (les provinces ecclésiastiques et les patriarcats, dans lesquels un évêque a la prééminence sur les autres), et une hiérarchie d’institution divine (dans laquelle le Siège de Pierre domine sur tous les autres, afin d’assurer l’unité).

Le Pape Léon précise, ce qui est fort intéressant, que l’institution des provinces ecclésiastiques sert “d’intermédiaire pour concentrer dans le siège de Pierre le gouvernement de l’Eglise universelle” : la hiérarchie entre les évêques permets un gouvernement plus efficace dans l’Église, les archevêques et les patriarches pouvant rendre compte au Pape du gouvernement de contrées qui ne peuvent pas être gérées directement par le Pape. 


9- Saint Pélage Ier (c. 558-561)

Mais chaque fois qu’un doute s’élève sur une chose relative à un Concile universel, lorsqu’il s’agit de recevoir un enseignement du Concile que l’on ne comprend pas, ceux qui désirent promptement le salut de leur âme doivent s’accorder avec l’explication du Siège apostolique.

Sed quoties aliqua de universali synodo aliquibus dubitatio nascitur, ad recipiendam de eo quod non intellegunt, rationem, aut sponte ii qui salutem animae suae desiderunt, ad apostolicam sedem pro recipienda ratione conveniant

Lettre IV [alias V] au Patrice Narcès, PL 69, colonne 397

Le pape Pélage réaffirme ici, en écrivant à un proche de l’empereur Justinien Ier (le général Narsès, impliqué dans la reconquête byzantine de l’Italie) contre le schisme de Paulin d’Aquilée, que le pontife romain possède une autorité doctrinale supérieure dans toute l’Eglise : c’est le pape qui a autorité pour expliquer l’enseignement des Conciles, ou clarifier les doutes relatifs à la doctrine apostolique. Il affirme également, en quelques sortes, qu’il est nécessaire au salut de se laisser guider par le Siège apostolique : “ceux qui désirent le salut de leur âme” (ii qui salutem animae suae desiderunt), doivent aller au siège apostolique pour recevoir l’explication des enseignements des Conciles (ad apostolicam sedem pro recipienda ratione conveniant). 


10- Saint Euloge d’Alexandrie (c. 580-600)

Ce n’est ni à Jean ni à aucun autre des disciples que le sauveur a dit : “Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, etc.”, mais c’est à Pierre seul, qui devait le renier, expier sa faute par les larmes de la pénitence, afin qu’il fut plus indulgent à l’égard des pécheurs.

Saint Euloge fut patriarche melkite d’Alexandrie entre 580 et 608. De ses écrits on ne trouve que peu de traces, on connaît surtout ceux qui sont cités et commentés par Photius. Photius commentait ce passage en exprimant son désaccord avec le patriarche d’Alexandrie, estimant que le “pouvoir des clés” désigne le pouvoir de lier et de délier les péchés que tous les apôtres ont reçu ainsi que les évêques leurs successeurs. Nous pouvons donc voir ici que Euloge, proche du pape Saint Grégoire le Grand, et malgré son statut de patriarche, croit que Pierre seul à l’exclusion des autres apôtres a reçu “le pouvoir des clés”, un gouvernement suprême sur l’Église. 


11- Saint Théodore Studite (c. 810)

Au très saint et souverain Père des Pères, à mon Seigneur Léon, Pape apostolique, Théodore, très humble prêtre et higoumène de Stoudion. Puisque c’est à Pierre le grand que le Christ notre Dieu, après lui avoir donné les clés du royaume des cieux, a conféré la dignité de chef du troupeau, c’est à Pierre, c’est-à-dire à son successeur, qu’il faut soumettre toutes les nouveautés hérétiques introduites dans l’Église universelle par ceux qui s’écartent de la vérité.

 Έπειδήπερ Πέτρω τώ μεγάλω δέδωκε Χρίστος ό Θεός μετά τας κλείς της βασιλείας τών ουρανών και το της ποιμνιαρχίας αξίωμα’ προς Πέτρον ήτοι τον αύτοΰ διάδοχον ότιοΰν καινοτομούμενον έν τη Καθολίκί) ‘Εκκλησία παρά τών άποσφαλλομένων της αληθείας άναγκαϊον άναφέρεσθαι.

Lettres, livre Ier, 33 ; P. G., t. XCIX, col. 1017 Β

Le meilleur “argument ad hominem” en faveur du catholicisme vis à vis des schismatiques orientaux est peut-être la doctrine de Saint Théodore Studite. Ces schismatiques honorent Saint Théodore comme une des plus grandes gloires de l’orthodoxie, un intrépide défenseur de la foi et du culte des icônes. Or Saint Théodore, comme d’autres saints du monastère du Stoudion, témoigne à plusieurs reprises de sa foi en la primauté et même l’infaillibilité pontificale. Confrontés aux défaillances du patriarche de Constantinople et à la violence des persécutions temporelles contre l’orthodoxie, les Studites ont compris mieux que d’autres la nécessité de s’appuyer sur le successeur de Saint Pierre, “roc de la foi”, centre de l’unité chrétienne et de la doctrine apostolique, qui continue d’enseigner la vérité quand le monde entier s’effondre. 


12- Théodore Abu Qurrah (c. 800-830)

Un exemple de témoignage des pouvoirs universels de la papauté extérieur au monde latin, et antérieur à la réforme grégorienne ou à la controverse photienne, est celui de Théodore Abu Qurrah, aussi appelé en Occident Aboucara (v. 750-v. 820). Aboucara est un personnage particulièrement intéressant : de formation gréco-syriaque (il se décrit lui-même comme un disciple de Saint Jean Damascène, ce qui doit s’entendre d’une manière symbolique car ce dernier est mort en 749), il écrit en langue arabe, et controverse contre les très nombreuses sectes, fausses religions et hérésies qui pullulent en Orient, spécialement à Harran, la ville dont il était évêque, en défendant toujours la doctrine catholique.

Le fait qu’il ait été confronté à tant de sectes différentes l’a poussé à donner à son exposé de la foi un caractère spécialement logique et exhaustif : précurseur de la scolastique en un certain sens, il utilise la raison et la philosophie d’Aristote (qui était mise en avant par les Arabes en ce temps) pour défendre les vérités de la foi, et aborde toutes choses d’une façon systématique et complète. Ceci explique qu’il a parlé plus abondamment de certains sujets sur lesquels d’autres Pères n’avaient auparavant pas jugé utile de s’attarder, ou n’en avaient pas eu l’occasion. Étant sans cesse au contact des fausses doctrines, Aboucara est poussé par une exigence apologétique spécialement forte.

Il est surtout connu pour sa controverse contre l’islam, qu’il a eu le courage de porter jusque devant le calife abasside Al-Mamun, dans une époque d’intenses débats intellectuels en Orient. Il est l’héritier d’une glorieuse tradition intellectuelle syriaque dont St Jean Damascène a été le plus grand représentant (“Le Damascène” et son “Exposé de la foi orthodoxe” est l’un des auteurs les plus cités par Saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique ; il semble en effet que l’exposé du Damascène soit la première “somme théologique” de l’histoire, le premier écrit qui expose de manière systématique et logique les différents dogmes de la foi). 

Avec Aboucara, apologète melkite du IXe siècle, nous sommes très loin, géographiquement et a fortiori intellectuellement, de la culture latine. Pourtant voici ce qu’Aboucara écrit, dans sa magistrale Démonstration de la foi de l’Eglise

Il faut noter que les Apôtres avaient pour chef saint Pierre à qui le Christ avait dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne triompheront point d’elle » (Matth., XVI, 18); à qui il dit aussi trois fois, après sa résurrection, près de la mer de Tibériade : « Simon, m’aimes-tu ? (Si tu m’aimes) Pais mes agneaux, mes béliers et mes brebis. » (Joan., xxi, 15-18.) Il lui dit ailleurs : « Simon, Satan a demandé de vous cribler comme on crible le blé, et j’ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais, à l’instant, tourne-toi vers tes frères et affermis-les. » (Luc, XXII, 31.)Vous voyez bien que saint Pierre est le fondement de l’Eglise propre au troupeau (des fidèles), et celui qui a sa foi ne la perdra jamais; c’est lui aussi qui est chargé de se tourner vers ses frères et de les affermir. Les paroles du Seigneur : « J’ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais tourne-toi à l’instant vers tes frères et affermis-les », ne désignent pas la personne de Pierre ni les Apôtres eux-mêmes. Le Christ a voulu désigner par ces mots ceux qui tiendront la place de saint Pierre à Rome et les places des Apôtres. (…) Il est donc de toute évidence que ces mots désignent les successeurs de saint Pierre, qui ne cessent en effet d’affermir leurs frères et ne cesseront jamais jusqu’à la fin des siècles.”

Aboucara continue appuie ensuite son propos par une énumération des interventions des successeurs de Saint Pierre en défense de la foi : 

Vous savez bien que lorsque Arius se révolta, une assemblée fut réunie contre lui par l’ordre de l’évêque de Rome. Le saint Concile l’a condamné et a fait cesser son hérésie; (…) Ainsi lorsque Macédonius se révolta au sujet du Saint-Esprit, une assemblée fut réunie contre lui à Constantinople par l’ordre de l’évêque de Rome; ce concile rejeta l’hérésiarque et l’Église accepta sa décision comme elle avait accepté celle du premier. (…) Lorsque Nestorius se révolta en disant du Christ ce qu’il en a dit, l’Eglise rejeta sa doctrine et la porta, selon sa coutume, au saint concile, qui fut réuni à Ephèse par ordre de l’évêque de Rome (…) Lorsque Eutychès et Dioscore se révoltèrent en disant du Christ ce qu’ils en avaient dit, l’Eglise a repoussé leur hérésie et les Saints Pères se sont levés contre eux. Mais l’Eglise n’a pas accepté leur doctrine ni celle de ceux qui les contredisent, elle les a fait traduire au jugement du saint concile, selon sa coutume. Le quatrième concile a été réuni alors à Chalcédoine par l’ordre de l’évêque de Rome; il les a excommuniés et a fait cesser leur hérésie (…) Quand Macaire, Cyrus et Sergius se révoltèrent et enseignaient leurs erreurs au sujet du Christ, l’Eglise refusa d’accepter leur opinion et plusieurs Pères s’élevèrent contre eux pour les discuter et repousser leur hérésie. Mais l’Eglise n’a pas accepté absolument leur opinion ni celle de leurs adversaires; elle les a portées au concile, selon sa coutume. Alors le Ve concile a été convoqué à Constantinople par l’ordre de l’évêque de Rome qui les a excommuniés et fait cesser leur hérésie (…)

Il conclut sa profession de foi, en rappelant qu’elle est fondée sur Saint Pierre : 

Mais, nous, orthodoxes et enfants de la sainte Eglise, nous rendons gloire et action de grâces au Christ, notre Dieu, qui nous a accordé la bonne volonté et l’obéissance aux saints conciles que le Saint-Esprit a fait parler. Nous sommes dans sa maison et dans le bercail de ses troupeaux. Par sa protection,nous sommes sauvés de Satan qui, comme un loup dévorant,rôde autour de nos âmes pour surprendre celui qui se hasarde à sortir de l’Église et en faire sa proie. Nous supplions notre Seigneur et notre Dieu Jésus-Christ de nous affermir pour toujours sur le roc de son Église sainte et de nous faire boire la liqueur de sa douce doctrine. Nous serons ainsi enivrés de son amour qui remplit nos âmes et nos cœurs de joie et de bonheur en nous portant à lui obéir par l’observation de ses commandements, pour vivre éternellement et hériter son royaume céleste préparé pour tout ce qui a été édifié sur le fondement de saint Pierre par le Saint-Esprit. Esprit-Saint, faites-nous connaître le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui s’est incarné de la Vierge Marie par le Saint-Esprit pour notre salut.

À lui soit la gloire, la puissance, la majesté et l’adoration, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

Ce témoignage de foi éclatant est plus que suffisant pour prouver que la papauté et les prétentions qu’elle a eu contre les “orthodoxes” n’ont pas été “inventées par les Latins” à une époque tardive : si un disciple de Saint Jean Damascène, de culture grecque, syriaque et arabe, parle en des termes aussi limpides de la papauté un demi-siècle avant la révolte de Photius, c’est bien que cette doctrine fait partie d’un dépôt de foi qui dépasse l’Occident latin.

On peut voir d’ailleurs une similitude de sentiments entre l’apologète melkite et les moines du Stoudion dont il est contemporain : peut-être était-il familier de leur doctrine, ou peut-être a-t-il simplement reçu cette même doctrine apostolique d’une source indépendante, de ses maîtres syriaques ou grecs. 


13- Photius lui-même affirme la primauté pontificale (c. 860)

Pour faire taire définitivement ceux qui prétendent que la primauté pontificale est une idée complètement étrangère aux Pères et aux chrétiens d’Orient, nous invoquons le témoignage de Photius lui-même : cet homme néfaste s’est séparé de Rome pour des raisons étrangères à la foi, et sa construction d’un arsenal théologique anti-romain n’intervient qu’après qu’il se soit vu refuser par le pape l’investiture en tant que patriarche de Constantinople. Dans un premier temps, Photius a enseigné, en unisson avec toute la tradition apostolique : 

  • Que Saint Pierre est le chef des Apôtres.
  • Que l’évêque de Rome est le successeur de Saint Pierre dans sa primauté. 

L’étude du R. P. Martin Jugie sur le sujet, dans laquelle les lecteurs pourront trouver toutes les citations originales en grec et bien d’autres citations encore, a de quoi ébranler toute la “mythologie” des schismatiques sur leur père fondateur, et confirmer le fait que la primauté romaine était acceptée par tous les orthodoxes avant les innovations de Photius.  Il a soutenu l’action de Grégoire Asbestas qui, en invoquant explicitement les canons du Concile de Sardique, en appelle à l’autorité du pape pour juger en appel la sentence de déposition du patriarche Ignace à son égard. Puis, après avoir lui-même usurpé le trône d’Ignace, Photius tente de se faire reconnaître par Rome et envoie une lettre pleine de respect à celui qu’il considère, à l’évidence, comme le successeur de Saint Pierre. Une partie de son argumentation contre Ignace est précisément le fait que celui-ci n’aurait pas respecté les prérogatives de l’évêque de Rome ! Avant que la condamnation définitive à son égard n’ait lieu, on trouve de la part de Photius une lettre au pape Nicolas Ier, déclarant que celui-ci et ses prédécesseurs avait reçu “la primauté”, bien qu’il glisse cette déclaration au milieu d’une critique sur le respect des canons :

les vrais canons doivent être gardés par tous, mais principalement par ceux que la Providence a amené à gouverner les autres; et parmi ces derniers, ceux qui ont en partage la primauté doivent briller entre tous par leur fidélité à les observer, car plus ils sont hauts placés, plus ils doivent s’attacher à la règle. (…) C’est pourquoi Votre Béatitude, prenant soin de faire observer la discipline ecclésiastique et suivant la droite ligne des canons, ne doit pas recevoir indistinctement sans lettres de recommandation ceux qui vont d’ici à Rome

P.G., t. CII, 596, 609

Ces actions et ces déclarations ne sont pas simplement des convenances ou des ruses : elles expriment simplement la manière dont les chrétiens orthodoxes considèrent le pape à l’époque, Photius compris, c’est à dire comme le successeur de Saint Pierre, héritier de la primauté et père de tous les chrétiens, doté d’une juridiction suprême, capable de briser en appel la sentence d’autres évêques, capable même de décider du sort du très puissant patriarcat de Constantinople. 

Le vendredi saint de l’année 861, Photius prêche un sermon sur l’espérance et la miséricorde dans l’église Sainte-Irène à Constantinople. Il invoque l’exemple du reniement de Saint Pierre, en disant que Dieu lui a donné la dignité de chef des apôtres et de pierre fondamentale de l’Eglise malgré ses péchés :

Voyez Pierre, leur disait-il; à la voix d’une servante, il renia son Maître, déclarant avec serment ne pas le connaître. Mais il lava la souillure de son apostasie par des larmes si abondantes qu’il ne déchut point de sa dignité de coryphée du chœur apostolique, qu’il a été établi pierre fondamentale de l’Eglise et qu’il a été proclamé par Celui qui est la Vérité même porte-clefs des cieux

S. ARISTARCHIS, t. I, p. 481-482

L’expression “coryphée” (κορυφαῖος, “chef de chœur”)  pour désigner Saint Pierre est d’ailleurs empruntée à Saint Jean Chrysostome. 

Dans la question 97 à Amphiloque, il déclare que Dieu a permis la chute de Pierre justement parce qu’il avait prévu de lui donner la primauté, et de le rendre compatissant pour les pécheurs dans son gouvernement : 

C’est dit-il, parce que Pierre devait recevoir le gouvernement de l’univers. Instruit par sa propre expérience, il se montrerait ainsi plein de bonté et d’indulgence à l’égard des pécheurs pénitents

Quaestio XCVII ad Amphilochium, P. G., CI, 608 C

Ce n’est que plus tard, après sa condamnation et déposition par le pape en 863, que Photius rédige un opuscule A ceux qui disent que Rome est le premier siège, dans lequel il laisse libre cours à son mépris des Latins et parle en des termes amers et violents. Il reprend le mythe de la “primauté de Saint André” par rapport à Saint Pierre, inventé du durant le schisme d’Acace (484-519), contredisant ce qu’il avait auparavant enseigné sur la primauté de Saint Pierre parmi les apôtres.

Quant à savoir si Photius considérait l’évêque de Rome comme le successeur de Saint Pierre, on peut dire qu’il connaissait ce principe aussi bien que tous les chrétiens de son temps, et qu’il l’affirme même dans son libelle contre la primauté : “Si Rome est le premier siège parce qu’elle reçut pour évêque le Coryphée, la primauté reviendra plutôt à Antioche. Pierre fut, en effet, évêque d’Antioche, avant de l’être de Rome”. Il appelle à plusieurs reprises le siège de Rome “trône apostolique par excellence”, même après le schisme, reconnaissant cette filiation avec Saint Pierre.  

Notons que Photius, qui était un homme orgueilleux, ambitieux et perfide, qui a changé de positions plusieurs fois suivant les circonstances (se montrant très courtois avec Rome dans les moments où il avait l’espoir d’être reconnu comme le patriarche légitime de Constantinople), n’était pas très aimé même parmi les schismatiques et n’a gagné leur admiration qu’assez tard dans l’histoire, quand ils ont senti le besoin de solidifier leur théologie anti-romaine. Ce n’est qu’à partir de 1911 que “Saint Photius” est fêté dans le calendrier de l’église de Constantinople. Il est en effet leur fondateur d’un point de vue logique et doctrinal, et il leur faut sauver Photius pour continuer d’être schismatiques, car si Photius est condamnable ils le sont autant que lui. Le schisme de 1054 est une conséquence directe des écrits et des scandales de Photius, bien que l’Eglise de Constantinople se soit réconciliée avec Rome et ait maintenu la communion jusqu’à cette date, non sans difficultés ; les arguments et surtout l’état d’esprit de Photius ont laissé des traces durables et préparé, par une espèce de mépris par principe des Latins et de tout ce qui vient d’Occident, la séparation finale. 


Conclusion

Nous avons vus de multiples témoignages patristiques, dont certains sont extérieurs à l’Occident, qui établissent sans discussion possible : 

  • Que l’on accordait à l’évêque de Rome une place spéciale et sans équivalent dans l’Eglise en raison des paroles de l’évangile contenues en Matthieu XVI où sont imposées à Saint Pierre “les clés du royaume des cieux”. 
  • Que cette primauté est d’abord une primauté de juridiction, une capacité à juger des causes relatives à n’importe quelle autre partie de l’Eglise, spécialement pour trancher un conflit n’a pas pu se résoudre au niveau local. 
  • Que cette primauté s’accompagne aussi d’un pouvoir spécial d’enseigner la vraie doctrine chrétienne, sans risque de corruption. Les jugements doctrinaux du Siège apostolique ont toujours été reconnus, par les véritables orthodoxes, comme des jugements définitifs. 

Si des discussions continuent d’avoir lieu sur la nature “papiste” des différents extraits que nous avons discutés, ce n’est pas parce que ceux-ci seraient fondamentalement ambigus, insuffisants ou mal traduits. C’est plutôt, nous devons l’admettre, parce que certains refusent par principe l’idée de la papauté. Ils ont endurci leur cœur et fait profession de lutter contre la vérité apparente pour défendre des doctrines qui leur plaisent davantage, pour des raisons étrangères au zèle pour la foi ; certainement pas en raison d’un souci de rigoureuse fidélité aux témoignages des Pères.

Jean-Tristan B.

Les Pères de l’Eglise n’ont jamais rejeté la Papauté (Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (2/7))


Raisons patristiques : les Pères affirment la papauté


3- Les Pères affirment négativement la papauté, en ne protestant pas contre les prétentions de Rome

Avant d’étudier les témoignages positifs des Pères en faveur de la papauté, il nous faut nous arrêter sur un point qui est rarement évoqué, et qui a pourtant toute son importance dans le débat entre catholiques et schismatiques : où sont les témoignages des pères contre la papauté ? 

La réponse est très simple, il n’y a jamais eu de protestation des Pères à l’égard des titres et des prétentions de l’Eglise de Rome, qui – contrairement à la légende moderne colportée par les universitaires de gauche et par les ennemis de l’Eglise en tout genre – ne sont pas soudainement apparus au milieu du Moyen-Age, sous l’impulsion des moines de Cluny et de la réforme grégorienne, alors que l’ensemble des chrétiens auraient auparavant vécu sous le régime de la “pentarchie”, où les 5 patriarches les plus éminents de la chrétienté (Rome, Constantinople, Jérusalem, Antioche, Alexandrie) auraient dirigé l’Eglise sur une sorte de pied d’égalité. Cette conception de la pentarchie relève largement du mythe, car il a bien toujours existé une primauté de juridiction et de magistère de l’évêque de Rome (spécialement visible dans le fait que les évêques d’Orient y compris ceux de Constantinople, d’Antioche et d’Alexandrie recourent sans cesse à Rome 1) pour trancher les conflits et surmonter leurs difficultés internes, et 2) pour condamner les hérésies), qui n’est pas une simple primauté honorifique due au statut politique de Rome, mais une primauté due aux pouvoirs que le Christ a donné à Saint Pierre. 

Les schismatiques répondront peut-être qu’il n’y a pas eu de protestation contre la papauté car à cette époque les évêques de Rome n’avaient pas été gagnés par la “folie des grandeurs” de la réforme grégorienne, par les “idées extrémistes” du moine Hildebrand, devenu pape sous le nom de Grégoire VII. Si “folie des grandeurs” il y a, force est de constater qu’elle a commencé bien avant Cluny et qu’on en trouve des traces non équivoques dès l’antiquité, tout au long du Haut Moyen-Age, et pas uniquement en Occident. En vérité, ce que l’on constate dans l’histoire ancienne de l’Eglise est que les véritables orthodoxes ne contestent jamais les prérogatives de Rome, tandis que seuls les esprits teintés de schisme et d’hérésie se plaignent d’un “abus de pouvoir” ou d’une mauvaise interprétation des évangiles en faveur de la primauté pontificale.

L’étude de Mgr Batiffol sur les titres de l’évêque de Rome dans l’antiquité et le début du Moyen-Age (Cathedra Petri, 1938) nous fournit de nombreux et éclairants exemples sur cette primauté romaine revendiquée et manifestée dès l’antiquité, et jamais contestée par les véritables orthodoxes. Une autre étude de ce type, plus élargie, a été réalisée en 2003 par Scott Butler et John Collorafi (Keys over the Christian world: Evidence for Papal Authority [33 A.D.- 800 A.D.] from Ancient Latin, Greek, Chaldean, Syriac, Armenian, Coptic and Ethiopian documents). Nous en recommandons la lecture à ceux qui souhaitent approfondir le sujet.

Pour cet article nous ne sélectionnons que quelques exemples d’histoire ancienne de l’Église, dont certains datent d’avant que l’Église ait développé le moindre lien avec les autorités de l’empire romain, dans lesquels il est évident que Rome a revendiqué une primauté, non seulement en paroles mais en actes, et que cette primauté n’a pas fait l’objet d’une contestation forte et durable, l’ensemble des chrétiens la considérant comme normale même si certains ont contesté parfois la manière ou le sujet sur lesquels elle s’appliquait. Le principe de la primauté romaine était, implicitement ou explicitement, accepté par les chrétiens les plus sérieux, y compris en Orient.

Il est absurde de prétendre que ce principe est lié au prestige politique de la ville, dans un contexte où cette ville, mondialement réputée pour ses mœurs débauchées, est le siège d’un empire païen persécuteur, et aussi – ce qui ne manque pas d’importance – dans un contexte où la chrétienté romaine est beaucoup plus culturellement influencée par l’Orient que l’inverse (la liturgie même de l’église de Rome est en grec jusqu’au IVème siècle, et beaucoup de papes sont d’origine orientale). Rome, d’une manière générale, est d’un prestige culturel inférieur à l’Orient et les Romains de la haute société parlent grec en signe de distinction. Il n’y a aucune “primauté honorifique” crédible qui puisse être attachée à Rome par opposition aux autres sièges apostoliques avant que l’empire romain ne devienne chrétien. Seule la transmission du pouvoir de la primauté de Saint Pierre aux évêques de Rome peut expliquer ce qui s’est passé dans les épisodes d’histoire (très) ancienne de l’Église ci-dessous. 


1- La controverse sur la date de Pâques (c. 190)

Alors que l’Eglise vivait encore dans les catacombes, les contacts humains et épistolaires entre les différentes Églises et spécialement entre Rome et les Églises d’Orient étaient permanents. L’Occident et l’Orient ont en ce temps-là un mode de calcul différent pour la date de Pâques, l’Orient suivant l’ancienne coutume juive. Ce sujet inquiétait les papes du IIème siècle qui craignaient de voir une différence aussi importante entre l’Orient et l’Occident dans la loi de prière.

Le pape Victor Ier (189-199) s’empare de ce sujet d’une manière violente et excommunie les évêques d’Asie mineure : comment interpréter une telle action ? Il est impossible que l’évêque de Rome ait pris cette initiative si extrême, s’il n’estimait pas (et si l’ensemble des chrétiens n’estimaient pas) qu’elle était fondée en droit. Cette décision, sans doute excessive, fut contestée par les intéressés : mais il est fort intéressant d’étudier dans quels termes prennent place la contestation. Eusèbe de Césarée, dans le Vème tome de son Histoire ecclésiastique, explique que les Asiates ont contesté la violence de l’action, mais pas les pouvoirs de l’évêque de Rome : on ne voit aucun de ces anciens pères, bien qu’ils expriment un fort désaccord, contester comme le fit Photius que l’évêque de Rome ait même le droit d’excommunier un autre évêque en dehors de sa juridiction territoriale spécifique. Voyez le passage d’Eusèbe : 

Sur ce, le chef de l’église de Rome, Victor, entreprend de retrancher en masse de l’unité commune les chrétientés de toute l’Asie ainsi que les églises voisines, les tenant pour hétérodoxes. Il notifie par lettres et déclare que tous les frères de ces pays-là sans exception étaient excommuniés. Mais cela ne plut pas à tous les évêques, ils l’exhortèrent au contraire à avoir souci de la paix, de l’union avec le prochain et de la charité : on a encore leurs paroles ; ils s’adressaient à Victor d’une façon fort tranchante. Parmi eux encore se trouve Irénée, il écrivit au nom des frères qu’il gouvernait en Gaule. Il établit d’abord qu’il faut célébrer seulement le jour du dimanche le mystère de la Résurrection du Seigneur ; puis, il exhorte Victor respectueusement à ne pas retrancher des églises de Dieu tout entières qui gardent la tradition d’une coutume antique et donne beaucoup d’autres avis

Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, V, 24

Ainsi les évêques concernés, par la voix du grand Saint Irénée, “exhortent respectueusement” le pape de “ne pas retrancher des églises”. Si n’importe quel autre évêque, même un patriarche, avait pris une décision similaire en dehors de sa province ecclésiastique, il aurait été rappelé au fait que ses pouvoirs ne sont pas illimités. Ici pourtant, l’évêque de Rome excommunie les évêques d’Asie, bien loin du “patriarcat occidental” dont aiment parler les schismatiques modernes, et se voit respectueusement demander par Saint Irénée de lever son excommunication, ce qui sous-entend que celle-ci a une forme de validité, autrement il suffirait de l’ignorer. Si les chrétiens d’Orient avaient été animés à l’époque des mêmes sentiments que Photius, le schisme général entre Rome et l’Orient aurait commencé en 190. La manière dont a agi Victor Ier contre les Asiates est sans doute plus choquante que la manière dont a agi le pape Nicolas Ier à l’égard de l’usurpateur Photius. Pourtant, les vénérables Pères de l’Eglise apostolique n’ont pas entrepris à cette occasion de nier que Rome soit “le premier siège”. Suite à cette controverse, l’usage oriental de la célébration de la Pâque s’est peu à peu entièrement aligné sur celui de l’Eglise de Rome. 


2- La controverse sur le Baptême des hérétique (c. 250)

Dans la tourmente des persécutions de Dèce (249-250), de nombreux chrétiens ont malheureusement apostasié en acceptant de brûler un grain d’encens aux idoles. Une fois la persécution terminée, nombreux sont ceux qui demandent à être pardonnés et réintégrés dans la communion de l’Eglise. Le statut de ces lapsi divise : certains estiment que l’attitude de l’Eglise, qui consiste à accorder l’absolution aux apostats, est trop laxiste, parmi eux Novatien qui fait schisme et prétend être l’évêque légitime de Rome, et refuse d’accepter à la communion les lapsi pénitents.

A mesure que les persécutions s’éloignent, la secte de Novatien commence rapidement à s’étioler. De nombreux novatianistes veulent revenir dans l’Eglise : la question se pose de savoir s’il est nécessaire de baptiser à nouveau ceux qui ont été baptisés dans la secte novatienne. Saint Cyprien, et avec lui de nombreux évêques africains, défend l’opinion selon laquelle ce second baptême est nécessaire. Le Pape Etienne Ier (254-257) non seulement défend la doctrine contraire (selon laquelle le baptême des hérétiques et des schismatiques est valide, et qu’il est sacrilège d’effectuer un second baptême), mais impose aux autres évêques de rétracter la doctrine du second baptême. S’en suit une lutte passionnée avec le pape qui mène l’Eglise africaine au bord du schisme. 

De cet épisode, les schismatiques tentent parfois de puiser des preuves de “l’opposition de Saint Cyprien à la primauté romaine”. La question est en réalité complexe et Saint Cyprien, bien qu’il ait pu agir avec un mauvais esprit, n’a jamais véritablement cherché à réfuter la doctrine de la primauté. 

On pourrait tenter par exemple d’utiliser ce passage  :

Il ne faut point se retrancher derrière la coutume, mais vaincre par la raison. Pierre, que le Seigneur a choisi tout d’abord, et sur lequel il a bâti son Église, se trouvant par la suite en désaccord avec Paul au sujet de la circoncision, ne montra point d’arrogance ou de prétention insolente ; il ne dit point qu’il avait la primauté, et que les nouveaux-venus et les moins anciens devaient plutôt lui obéir, et il ne méprisa point Paul, sous le prétexte qu’il avait été persécuteur de l’Église, mais il se rendit de bonne grâce à la vérité et aux justes raisons que Paul faisait valoir. Il nous donnait ainsi une leçon d’union et de patience, et nous apprenait à ne point nous attacher avec obstination à notre propre sentiment, mais à faire plutôt nôtres, quand elles sont conformes à la vérité et à la justice, les idées bonnes et salutaires qui peuvent nous être suggérées par nos frères et nos collègues

Saint Cyprien, épître 71

Ce massage montre plutôt : 

  • Que Saint Cyprien est d’accord pour dire que “le Seigneur a bâti son Eglise sur Pierre”.
  • Que le pape de l’époque revendique la primauté.
  • Que Saint Cyprien ne dit pas qu’il est faux que Pierre ait la primauté, mais exhorte son successeur à agir avec humilité en acceptant les suggestions qui viennent de l’extérieur si elles sont vraies et justes, au lieu d’imposer toujours son avis au nom de la primauté. 

Saint Cyprien reste attaché à ses positions et convoque un concile des évêques d’Afrique, de Numidie et de Maurétanie en septembre 256, pour affirmer plus solennellement la doctrine du second baptême. Le concile s’ouvre sur une déclaration qui semble critiquer l’attitude du pape : “car nul d’entre nous ne se pose en évêque des évêques, nul ne tyrannise ses collègues ni ne les terrorise pour contraindre leur assentiment, vu que tout évêque est libre d’exercer son pouvoir comme il l’entend, et ne peut pas plus être jugé par un autre que juger lui-même un autre”. La critique n’est pas directe mais simplement suggérée, car le contexte de la déclaration est un propos plus général sur le fait que chaque évêque participant à ce concile local est amené à exprimer librement son opinion sans craindre d’être persécuté. Cependant le terme “évêque des évêques” et le vocabulaire de la “tyrannie” et de la contrainte sont probablement un écho du ressentiment de Cyprien contre les revendications du pape.

Saint Cyprien et les évêques africains étaient-ils alors dans une position analogue à celle de Photius, niant la primauté du pape et rejetant ses enseignements ? Ce n’est pas ce que nous apprend l’histoire de cette controverse. Saint Jérôme, écrivant environ un siècle et demi plus tard[1], nous apprend que :

  • Saint Cyprien et le concile de Carthage ont envoyé leur décret conciliaire au pape.
  • Que le pape (Sixte II, successeur d’Etienne) a refusé leur doctrine.
  • Que ces évêques rétractèrent leur opinion suite à la condamnation du Pape, pour accepter la doctrine de la validité du baptême conféré en dehors de l’Eglise.

La controverse s’est donc terminée, après plusieurs remous, par une acceptation de l’enseignement du pape de Rome. Nous avons conservé très peu de traces des interventions de Rome dans cette controverse, en dehors d’une citation du pape Etienne dans une épître de Saint Cyprien ; il est possible qu’à un moment donné, le pape – qui jusque là tentait de convaincre ceux de l’opinion adverse plutôt que de leur imposer une doctrine – a clairement usé de son autorité apostolique pour trancher le débat, et que Saint Cyprien – qui connaissait mieux que quiconque le principe de la primauté, exprimé dans son traité sur l’unité de l’Eglise – a fini par accepter de se rétracter.


3- La controverse arienne et le concile de Sardique (343)

Après la condamnation de l’arianisme par le concile de Nicée (325), un grand nombre d’évêques orientaux se sont malheureusement laissés séduire par des versions « modérées » de l’hérésie arienne et ont activement combattu les défenseurs de l’orthodoxie, dont le plus célèbre fut Saint Athanase, évêque d’Alexandrie entre 328 et 373.

L’empereur Constantin a légalisé le christianisme (313), soutenu l’Eglise et demandé la convocation du Concile de Nicée, mais il est cependant fort novice en théologie et n’est pas lui-même pas véritablement chrétien (il sera baptisé sur son lit de mort par un évêque arien). Pour des raisons non exactement élucidées, peut-être parce qu’il se préoccupe surtout de l’unité extérieure des chrétiens et que l’arianisme modéré est devenu la position majoritaire, il finit par renverser sa politique pour défendre les ariens. Ainsi dans les dernières années de la vie de Constantin (330-337), le parti des ariens devient le plus puissant dans la chrétienté.

Les ariens entreprennent de déposer Saint Athanase lors du concile d’Antioche (335), dirigé par Eusèbe de Nicomédie. A partir de ce moment, l’évêque de Rome entreprend, de sa propre autorité, de briser les décisions illégitimes des évêques d’Orient. Nous voyons le pape prendre fait et cause pour Saint Athanase, et agir véritablement comme s’il était l’autorité suprême dans l’Eglise ; qualité qui ne lui était contestée, en réalité, que par les sympathisants de l’arianisme.

L’historien Socrate de Constantinople (qui écrit son Histoire ecclésiastique vers 440) commente le conciliabule d’Antioche en disant qu’il est illégitime précisément parce que l’évêque de Rome n’était ni présent ni représenté :

Jules Evêque de Rome n’y assista point non plus, et n’y envoya personne en sa place, bien que selon un ancien Canon, il n’était pas permis de rien ordonner dans l’Eglise, sans le consentement de l’Evêque de Rome.

Socrate le Scholastique, Histoire ecclésiastique, Livre II, chapitre 8 dans PG, 67/195

De « l’ancien canon » mentionné par Socrate, nous ne savons rien de précis. Ce commentaire est simplement un témoignage supplémentaire que la primauté du pape était crue par les premiers chrétiens, au point d’être inscrite dans le droit ecclésiastique et ce avant le concile de Sardique dont nous discuterons bientôt. L’historien Sozomène (qui écrit aussi dans les années 440-450) rapporte substantiellement la même chose que Socrate, savoir que le pape a condamné le concile de Tyr et a rappelé qu’il était contraire aux canons de prendre une décision aussi grave pour l’Eglise que la déposition du patriarche d’Alexandrie sans son accord.

En 340, le pape tient un concile à Rome qui annule les décisions du concile de Tyr et rétablit Saint Athanase dans son droit. Pour donner un caractère plus solennel encore aux nouvelles définitions contre l’arianisme, les Occidentaux (surtout Saint Ossius de Cordoue, bras droit du pape ayant joué un rôle important lors du Concile de Nicée), appuyés par les empereurs Constant et Constance, souhaitent réunir un concile œcuménique. La localisation de Sardique (nom antique de Sofia, dans l’actuelle Bulgarie), entre Occident et Orient, est choisie pour permettre au plus grand nombre d’évêques de s’y rendre. La majorité des évêques d’Orient, sympathisants de l’arianisme, n’y participent malheureusement pas, ne supportant pas la présence de Saint Athanase, et multipliant les injures et les attaques contre Rome. C’est un véritable schisme entre l’Occident et la majeure partie de l’Orient qui s’en suit.

Le concile de Sardique rassemble néanmoins, d’après Sozomène, environ 300 évêques d’Occident et 76 d’Orient. D’autres historiens diminuent beaucoup le nombre d’évêques présents, mais cette question a peu d’importance. Les canons de ce concile relative à l’autorité du pontife de Rome (qui n’est par ailleurs même pas présent) témoignent de la foi des chrétiens de l’époque en une autorité suprême du successeur de Saint Pierre, contestée seulement par les sympathisants de l’arianisme :

3. (…) Si cependant un évêque pense qu’il fut condamné pour une affaire, qui à son avis n’est point mauvaise, mais bonne, en sorte que le jugement doive être révisé, s’il plaît à votre charité, honorons la mémoire de l’apôtre Pierre, et que les juges eux- mêmes écrivent à Jules, évêque de Rome, afin que le tribunal, le cas échéant, soit à nouveau constitué par les évêques de la province voisine et que lui-même envoie des arbitres; mais si un pareil tribunal ne peut être constitué -car c’est à lui de décider si l’affaire a besoin d’être révisée -, ce qui fut déjà décidé ne doit pas être remis en question et le décret rendu sera confirmé

Le 3e canon du concile de Sardique déclare que l’évêque de Rome a le pouvoir de réviser en appel la sentence d’un autre évêque, et que c’est « honorer la mémoire de l’apôtre Pierre » que de déclarer ce pouvoir. D’autres canons du même concile entrent dans le détail de ce thème de l’appel à Rome en cas de conflit de juridiction au niveau provincial.

Certains voudraient voir dans ces canons, et pourquoi pas dans la personne d’Ossius, l’origine de « l’invention de la papauté », dans le sens qu’un pouvoir de ce type n’existait pas auparavant et qu’il aurait été arbitrairement attribué à l’évêque de Rome par le concile de Sardique. Ces menteurs sont réfutés par le récit de Sozomène et de Socrate le Scolastique, qui témoignent que c’est en vertu d’un « ancien canon » que l’évêque de Rome proteste contre l’illégitimité du concile oriental réuni contre Athanase plusieurs années avant le concile de Sardique, et que ce pape Jules revendique à ce moment un droit de contrôle sur ces décisions qui pourtant ne relèvent pas de sa province ecclésiastique ou de son « patriarcat occidental ». Nous avons vu, dans les exemples précédents, que cette revendication du pape à réguler les affaires de l’Eglise universelle s’est déjà manifestée aux IIe et IIIe siècles. Le concile de Sardique ne fait donc que confirmer des notions déjà existantes dans la mentalité chrétienne et dans le droit canon. 

Nous voyons dans cette affaire que Saint Athanase et tous les orthodoxes acquiescent, tacitement par leur silence, ou explicitement par leur ratification, au pouvoir suprême de l’évêque de Rome dans l’Eglise, un pouvoir tel que celui-ci peut briser en appel n’importe quelle sentence prononcée à un niveau inférieur de la hiérarchie ecclésiastique.


4- L’affirmation de la papauté par le concile de Rome (382)

Peu de temps après le Ier concile de Constantinople (381), l’empereur Théodose Ier réunit un autre synode à Constantinople, auquel le pape ne participe pas : Damase Ier réunit plutôt un concile à Rome, qui est surtout célèbre pour avoir été l’occasion de la définition du canon des Saintes Ecritures. Le concile déclare en outre :

La sainte Église romaine n’a pas été placée en avant des autres par quelque décision synodale mais a obtenu le premier rang par la voix évangélique de notre Seigneur et Sauveur, puisqu’il dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur elles, et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux et tout ce que tu auras lié sur terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur terre sera aussi délié dans les cieux » (Matthieu 16, 18). La société du très bienheureux Paul, le vase d’élection, lui a été ajoutée, lui qui, combattant, n’a pas été couronné à un (moment) différent, comme les hérésies (le) coassent, mais (l’a été) au même moment, en un seul et même jour, par une mort glorieuse, avec Pierre, dans la ville de Rome, sous le César Néron. Ils consacrèrent également la susdite sainte Église romaine au Seigneur Christ et la placèrent devant toutes villes dans le monde entier par leur puissance (praesentia) et leur triomphe à vénérer. Le premier rang de l’apôtre Pierre revient donc à l’Église romaine, qui n’a ni tache, ni ride, ni rien de ce genre (voir Éphésiens 5, 27). Le deuxième siège a été consacré au nom du bienheureux Pierre par son disciple et évangéliste Marc à Alexandrie, lui qui, envoyé par l’apôtre Pierre, a prêché la parole de vérité et a consommé le glorieux martyre en Égypte. Et c’est du bienheureux Pierre qu’à Antioche on tient l’honorabilité du troisième siège, parce que c’est là-bas qu’il s’était rendu avant d’habiter à Rome et (parce que) c’est là-bas que pour la première fois le nom de chrétiens s’est manifesté (Actes 11, 26) (comme celui d’) une nouvelle nation

Texte tiré du Decretum Gelasianum, 3, éd. E. von Dobschütz, Leipzig, 1912, p. 7 ; “Latin Lists of the Canonical Books. I. The Roman Council under Damasus, A.D. 382”, introd. et éd. C. H. Turner, Journal of Theological Studies, 1, 1899, p. 560.

Il apparaît donc que dès le IVème siècle, les papes énoncent ouvertement la doctrine finalement rejetée par Photius au IXème siècle, et par ses héritiers du XIème siècle, en déclarant que la primauté de Rome provient du premier rang de l’apôtre Pierre, et des paroles prononcées par le Christ sur « les clés du royaume des cieux ».


Conclusion

Ces différents épisodes de l’histoire de l’Eglise nous apprennent   :

  • Que la prétention à la primauté de la part de Rome existe depuis l’antiquité la plus reculée (exemples des IIème, IIIème et IVème siècles).
  • Que cette prétention n’a rien à voir avec la place de la ville dans l’empire romain, mais est explicitement reliée aux paroles de l’évangile sur Saint Pierre.
  • Que cette prétention à la primauté n’a pas suscité, parmi les Pères de l’Eglise et plus généralement parmi les orthodoxes, de condamnation ou de réfutation.
  • Que les protestations des premiers chrétiens contre les actions de Rome
    • Ne portent pas sur le principe même de la primauté.
    • Se plaignent de la sévérité de certains papes, mais sans nier leur droit à agir pour réguler les affaires des Eglises à travers le monde.
    • Ont tendance à cesser une fois que Rome a exprimé sa volonté de manière suffisamment ferme, et que ceux qui entendent cette volonté sont suffisamment pieux et orthodoxes.

Nous avons donc une affirmation au moins négative de la papauté de la part des Pères qui ne protestent pas contre ces revendications continuelles à la primauté de juridiction et même à l’autorité doctrinale suprême de la part de Rome. Nous verrons, dans la partie suivante, que plusieurs Pères ont plutôt explicitement soutenu ces revendications.

Jean-Tristan B.


[1] Blessed Cyprian… condemning the baptism of heretics, sent [the acts of] an African Council on this matter to Stephen, who was then bishop of the city of Rome, and the twenty-second from Blessed Peter; but his attempt was in vain. Eventually the very same bishops, who had laid down with him that heretics were to be rebaptized, returning to the ancient custom, published a new decree. [Contra Lucif., 23. PL 23: 186]

Arguments tirés de la Sainte-Ecriture en faveur de la Papauté et contre les orthodoxes (Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (1/7))

12 raisons de rejeter le schisme oriental

Il se manifeste ces derniers temps une étrange sympathie pour les “orthodoxes” dans les milieux catholiques conservateurs ou traditionalistes, ce qui est un grave paradoxe quand on considère que la raison d’être du traditionalisme est principalement le rejet de l’œcuménisme de Vatican II, de cette sympathie excessive pour les “frères séparés” qui pousse à rejeter la doctrine catholique sur la nature de l’Eglise et la nécessité d’être en communion avec le Saint-Siège pour être un véritable chrétien et sauver son âme. 

On considère qu’il y a “peu de différences” entre ces “orthodoxes” et les catholiques, qu’ils sont plus proches de notre foi que ne l’est Vatican II, qu’ils sont dignes d’admiration. Cette sympathie grandit chez certains jusqu’au point de provoquer une apostasie : un rejet du catholicisme pour rejoindre la soi-disant orthodoxie, car l’orthodoxie aurait “conservé la vraie foi” tandis que Rome s’égare non seulement depuis Vatican II, mais même depuis le Moyen-Age ou la fin de l’empire romain.

Face à cette dangereuse tendance, qui procède de l’ignorance des choses de la foi et de l’affaiblissement de la charité, nous avons souhaité rappeler pourquoi, en présence de Dieu, nous devons absolument être catholiques et pas “orthodoxes” si nous voulons sauver notre âme. 

Nous prions Dieu et ses saints de dissiper les mensonges des schismatiques, qui cachent sous milles arguties et sophismes subtils leur orgueil et leur nationalisme, qui sont la seule cause de leur rejet de l’autorité bienfaisante et sanctifiante du bienheureux Pierre : car en effet, ni les saintes écritures, ni la lecture des saints Pères, ni la considération de l’histoire de l’Eglise, ni la raison et la logique ne permettent de rejeter l’autorité de Pierre et de ses successeurs sur l’ensemble de l’Eglise.

Comme nous aurons l’occasion de le voir, les schismatiques ont pour procédé de refuser le sens évident des textes polémiques ou problématiques, et de complexifier excessivement le sujet afin de le faire apparaître comme plus embrumé qu’il ne l’est réellement, et prétendre que les Ecritures ou les Pères parlent d’un tout autre sujet que ce qui est immédiatement apparent. Les catholiques pour leur part se contentent d’interpréter ces citations suivant leur sens évident et en lien avec leur contexte immédiat et éloigné, suivant les règles classiques de l’interprétation, puisqu’ils ne cherchent pas à cacher dans l’obscurité les vérités que contiennent ces citations. 

Puissent les chrétiens ne pas tomber dans les pièges des schismatiques, ne pas se laisser détourner par les quelques apparences de piété et de tradition qu’ils mettent en avant, et rester ou revenir dans le giron de l’unique et véritable Église, hors de laquelle il n’y a point de salut, celle que Jésus-Christ a fondé sur Pierre. Ainsi soit-il.  


SOMMAIRE

  • I- Raisons scripturales
    • 1- La papauté est affirmée dans les Évangiles
    • 2- La papauté est visible dans les Actes des Apôtres
  • II – Raisons patristiques
    • 3- Les Pères affirment négativement la papauté, en ne protestant pas contre Rome
    • 4- Les Pères affirment positivement la papauté, en défendant Rome
    • 5- Les Pères affirment le Filioque
  • III – Raisons historiques
    • 6- La bienfaisance de Rome dans l’histoire de la chrétienté
    • 7- Les saints affirment la papauté
    • 8- Les miracles se produisent dans la communion catholique
    • 9- La soumission des schismatiques au pouvoir temporel
  • IV – Raisons intrinsèques
    • 10- La monarchie est le gouvernement le plus parfait
    • 11- Les chrétiens ont besoin d’une autorité juridictionnelle suprême
    • 12- Les chrétiens ont besoin d’une autorité doctrinale suprême

Raisons scripturales : les Écritures affirment la papauté

Saint Pierre et Jésus, Eglise Saint-Germain-l’Auxerrois (Paris)

1- La papauté est affirmée dans les Évangiles

Les Évangiles comportent deux principaux passages relatifs au primat de Saint Pierre. Le premier est celui de la promesse du primat, ou de la désignation de Pierre, comme devant recevoir une autorité suprême (Mt XVI, 13-20). Le second est l’imposition du primat, après la Résurrection, suite à la triple profession de Pierre (Jn XXI, 15-17).

Les protestants et les schismatiques veulent prétendre que ces textes, surtout Matthieu XVI, sont purement symboliques et n’ont aucun rapport avec la personne de Pierre spécifiquement. Pourtant tous les passages de la Bible, même ceux qui ont le sens symbolique le plus riche, ont aussi un sens littéral qui n’est pas contradictoire avec le sens symbolique. Il appartient en dernière instance à l’Église d’interpréter authentiquement les Saintes Écritures, mais même en l’absence du jugement de l’Église, il existe des règles ordinaires d’interprétation, et celles-ci n’excluent pas par défaut le sens littéral ou apparent.  

Une lecture honnête de ces passages, sans a priori, suffit à comprendre qu’il y a plus qu’un symbole, et que le Christ a un dessein particulier sur Pierre qui n’est pas le même dessein que pour les autres apôtres. Notre Seigneur impose certains pouvoirs aux apôtres collectivement, mais impose certains pouvoirs à Pierre spécifiquement à l’exclusion des autres, ainsi qu’il est visible dans ces deux passages des Évangiles. 

On peut voir dans le premier texte : 

  1. La raison pour laquelle Jésus donne à Simon cet étrange surnom de Cephas (“pierre” en araméen). Jusqu’ici, l’Évangile dit simplement que le Christ a imposé ce surnom à Simon fils de Jean, sachant qu’il ne s’agit pas d’un prénom à l’époque, mais bien d’un surnom qui évoque la pierre physique (Jn I, 42). Par ailleurs, dans la culture juive, le changement de nom n’est pas anodin : il signifie par exemple l’accession à une nouvelle fonction, ou un changement radical de vie, comme lorsque Saul devient Paul. Aucun autre apôtre n’a reçu du Christ un tel changement de nom : il y a donc une raison spéciale à cette particularité du nouveau nom de Simon. Dans ce passage, le Christ dévoile la raison de ce changement de nom, qu’il a décidé de sa propre autorité, et la nature de la fonction associée : il destine “Pierre” à être le fondement de son Église.
  1. Que la fonction de Pierre a un lien spécial avec la foi : en effet, le Christ déclare que Pierre sera le fondement de son Église après avoir obtenu de lui une profession de foi éclatante, que les autres apôtres n’ont pas été en mesure de fournir : “Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant”.  Notre Seigneur répond : “Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais Mon Père qui est dans les Cieux” : ainsi le Christ dit à Pierre qu’il a professé la foi exacte par l’inspiration directe de Dieu, et non pas par ses propres forces. Il s’agit d’une préfiguration de l’infaillibilité pontificale. 
  1. Que Jésus promet de donner à Pierre une forme d’autorité suprême sur l’Église : “je te donnerais les clés du royaume des Cieux”. Le sens de cette expression s’éclaire assez naturellement lorsqu’on la compare à d’autres passages des Écritures. Tout d’abord les clés, lorsqu’elles sont en lien avec une entité politique telle qu’une ville ou un royaume, symbolisent dans la Bible (et plus généralement dans les civilisations qui ont connu des cités fortifiées) l’autorité suprême sur cette entité. Ensuite, le royaume des Cieux doit s’entendre ici comme l’Église, et non comme le paradis, bien que le folklore chrétien représente Saint Pierre comme ayant les clés des “portes du paradis”, ce qui relève du symbole. Le contexte nous permet de comprendre que le Christ parle ici d’une société humaine (puisqu’elle est sujette à des “clés”, comme une cité qui possède des portes), c’est-à-dire l’Église qu’il projette d’instituer. L’interprétation la plus simple et évidente de ce passage est donc : Jésus promet de donner à Pierre l’autorité suprême sur l’Église. Il n’y a pas d’autre manière cohérente d’interpréter cette phrase, surtout en considérant sa seconde partie sur le fait de “lier” et de “délier”, qui évoque dans la phraséologie juive les actes de gouvernement et de législation.
  1. Que l’autorité que Jésus promet à Pierre est spécialement étendue et universelle : “tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans le Ciel, tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans le Ciel”. Qu’on médite un instant cette phrase : prise dans son sens littéral, il n’y a aucune limitation posée à cette autorité des clés. Nous lisons bien “tout” serait susceptible d’être lié ou délié, selon le pouvoir qui lui a été donné. Ainsi on peut dire que la théocratie pontificale (qui n’est pas un dogme de foi) trouve son origine dans une lecture littérale de la Bible : les catholiques du Moyen Âge n’ont pas tiré de nulle part l’idée que le Saint Père possède un pouvoir suprême sur “tout”, même en matière temporelle. Même si l’on ne voulait limiter cette autorité qu’à la sphère ecclésiastique, qu’au “royaume des Cieux”, on voit qu’elle est absolument suprême dans ce domaine. 

On peut voir dans le second :

  1. Que le Christ prend à part Pierre spécifiquement, dans une scène où tous les apôtres sont présents, pour demander de lui des sacrifices et un dévouement supplémentaire : m’aimes-tu plus que ceux-ci
  1. Que le Christ demande spécifiquement le consentement de Pierre à sa volonté, en réitérant la même question à trois reprises : m’aimes-tu ? L’amour, dit Saint Thomas, consiste à vouloir le bien de la personne aimée, et à le poursuivre et le procurer autant qu’il est possible. Le Christ demande donc à Pierre s’il est prêt à poursuivre son bien, et par extension le bien de son Église : à la profession de Pierre, le Christ répond en lui commandant de “paître”, de prendre soin de son troupeau. L’un des effets de l’amour entre deux êtres est l’union des volontés : le Christ demande à Pierre cette union de sa volonté à la sienne, concernant le bien du troupeau à paître. Nous trouvons donc dans l’Évangile le principe de l’acceptation de l’élection par le pape, par l’adhésion de sa volonté au bien de l’Église et à la fin pour laquelle elle a été instituée. 
  1. Que le Christ commande spécifiquement à Pierre de paître son troupeau, ce qui est une manière symbolique, et néanmoins non équivoque, de désigner l’ensemble de ceux qui croient en lui, tous les fidèles réunis dans l’Église : il ne fait pas de doute que c’est à ce moment que le Christ réalise la promesse faite à Pierre en Matthieu XVI ; après avoir promis à Pierre “les clés du royaume des Cieux”, le pouvoir de lier et de délier, voilà à présent qu’il commande à Pierre de “paître” son troupeau (c’est-à-dire son Église, le royaume des Cieux précédemment mentionné), peu de temps avant de quitter la terre dans sa glorieuse Ascension. L’Évangile relate donc le moment où Pierre a effectivement reçu du Christ l’autorité qu’il lui avait promise avant sa Crucifixion. 
  1. Que le Christ distingue les agneaux et les brebis, ce qui pourrait sembler à première vue comme une distinction anodine. Mais nous savons que chaque parole du Christ est pesée, et que les mots qu’il prononce ne sont pas employés au hasard. Ainsi, cette distinction entre “agneaux” et “brebis” est traditionnellement interprétée comme une distinction entre les simples fidèles (les agneaux, qui sont plus petits et moins forts) et le clergé, spécialement les évêques (les brebis, qui sont la partie mûre et forte du troupeau). L’Évangile suggère donc également que l’autorité de Pierre ne s’étend pas seulement aux simples fidèles, mais également aux évêques, aux “brebis” fortes qui ont néanmoins elles aussi besoin d’être soignées par le pasteur. 

Jésus-Christ n’a pas dit : je te donnerais un primat honorifique entre les apôtres tes pairs ; mais : je te donnerais les clés du royaume des Cieux. Il n’a pas dit : ta parole a une valeur honorifique supérieure entre les apôtres, qui sera de nature à apaiser les conflits ; mais : tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans le Ciel, tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans le Ciel, ce qui signifie en des termes particulièrement solennels l’imposition d’une autorité suprême : comme si le Ciel lui-même obéirait aux commandements de Pierre, tant l’autorité que le Christ lui promet est grande. Le Christ n’a pas dit à tous les apôtres ensemble : paissez mes agneaux, paissez mes brebis ; mais à Pierre seul : pais mes agneaux, pais mes brebis.

Il se trouve des protestants assez obtus pour reconnaître que Pierre a reçu l’autorité suprême du Christ, mais que cela devait servir uniquement à l’établissement de l’Église, et qu’à la mort de Pierre il n’y avait plus besoin d’un tel pouvoir et qu’il s’est éteint. Les “orthodoxes” contrairement aux protestants sont censés reconnaître le principe de la succession apostolique : le Christ donne aux apôtres certains pouvoirs qu’ils transmettent à leurs successeurs, dont la légitimité est attestée par l’unanimité des premiers chrétiens qui parlent des évêques comme les successeurs des apôtres. Ils devraient donc logiquement reconnaître le principe de la transmission du pouvoir de Pierre à ses successeurs ; et nous verrons plus tard que cette transmission a été effectivement reconnue par plusieurs Pères de l’Eglise.


2- La papauté est visible dans les Actes des apôtres

On trouve également dans les actes des apôtres certains signes des pouvoirs spéciaux de Saint Pierre par rapport aux autres Apôtres.

  1. Lors du premier concile de l’histoire de l’Église, qui se tient à Jérusalem pour trancher la question du maintien des pratiques judaïques dans les communautés chrétiennes (Actes XV), on constate que 1) Pierre est le premier à s’exprimer entre tous les apôtres, 2) Il s’exprime pour mettre fin à une dispute, 3) Tous les assistants se taisent suite à l’intervention de Pierre, 4) Jacques intervient dans un second temps pour soutenir le propos de Pierre. L’intervention de Jacques est souvent interprétée par les modernistes ou autres négateurs de la primauté pontificale comme une “preuve de la collégialité” et de l’égalité entre les apôtres : ce n’est pourtant pas ce que l’on voit dans le texte des Actes, puisque c’est bien Pierre qui condamne les judaïsants d’abord, et Jacques intervient pour confirmer le propos de Pierre, ce qui ressemble au déroulement des autres conciles œcuméniques dans lesquels le pape donne la direction avec la participation des différents évêques. 
  1. Saint Paul, après sa conversion et son séjour en Arabie, s’est rendu auprès de Saint Pierre spécifiquement avant de commencer son apostolat : Ensuite, trois ans plus tard, je vins à Jérusalem pour voir Pierre, et je demeurai auprès de lui quinze jours ; mais je ne vis aucun autre des Apôtres, sinon Jacques, le frère du Seigneur. (Gal I, 18-19). Notons bien le “pour voir Pierre”, qui n’est pas “pour voir les apôtres” ou “un apôtre”, il y a donc une raison qui l’a poussé à se recommander à Pierre spécifiquement. C’est seulement à partir de ce séjour à Jérusalem auprès de Pierre que Paul commence sa mission auprès des Gentils. 
  1. Dans la même Épître, Saint Paul évoque deux choses qui sont souvent interprétées à tort comme des arguments pour diminuer l’autorité pontificale : 1) le fait que sa mission a été confirmée par les “colonnes de l’Église”, Pierre, Jacques et Jean (Gal II, 9) ; 2) le fait qu’il s’est opposé de front à Pierre en critiquant vivement sa conduite à l’égard des judaïsants (Gal II, 11-14). Quant au premier point, il n’y a rien qui soit contradictoire avec la primauté pontificale d’appeler certains évêques et apôtres des “colonnes de l’Eglise”, ce genre d’expression a pu être employé à d’autres époques pour désigner des théologiens et des saints éminents. On voit par ailleurs dans les Actes et dans l’histoire de l’Église primitive qu’il y a bien une hiérarchie entre ces “colonnes”, et que Pierre est le premier et le seul qui a manifestement une primauté sur les autres. Quant au second point, saint Paul n’a pas critiqué un enseignement de Pierre, mais une action pratique et un problème disciplinaire : Il serait donc ridicule de fonder un prétendu “droit de s’opposer au pape” (sous-entendu, de s’opposer à ses enseignements et de refuser ses ordres) sur le fait que Paul a critiqué la politique de Pierre à l’égard des judaïsants. On peut être en désaccord avec les actes prudentiels du pape, sa manière de gérer tel ou tel problème ; cela n’a rien à voir avec le fait de corriger ses enseignements ou de refuser les lois qu’il a promulguées.

Jean-Tristan B.

Saint François de Sales : précurseur de l’œcuménisme ?


saint François de Sales 6

Paul VI a affirmé, à l’occasion de la publication de sa lettre Sabaudiae Gemma (1967), lors du 400ème anniversaire de la naissance de Saint François de Sales :

Vous connaissez certainement ce saint. C’est l’une des plus grandes figures de l’Église et de l’Histoire. Il est le protecteur des journalistes et des publicistes parce qu’il rédigea lui-même une première publication périodique. Nous pouvons qualifier d’« œcuménique » ce saint qui écrivit les controverses afin de raisonner clairement et aimablement avec les calvinistes de son temps. Il fut un maître de spiritualité qui enseigna la perfection chrétienne pour tous les états de vie. Il fut sous ces aspects un précurseur du IIe concile œcuménique du Vatican. Ses grands idéaux sont toujours d’actualité. 

Cette proclamation est évidemment fallacieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer l’enseignement de Vatican II sur l’œcuménisme avec l’enseignement de l’Église catholique prêché et suivi par saint François de Sales.

Vatican II et l’oecuménisme

Le document Unitatis Redintegratio (1964), ou Décret sur l’Œcuménisme, contient une hérésie flagrante contre le dogme catholique qui enseigne que hors de l’Eglise il n’y pas de salut. Le Concile affirme :

En conséquence, ces Églises et communautés séparées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique.

Unitatis Redintegratio, n. 3

L’Eglise catholique enseigne comme un dogme qu’il n’y a pas de salut hors de l’Eglise. Le Concile affirme la proposition exactement contradictoire au dogme catholique, à savoir qu’il y a un salut hors de l’Eglise catholique, que ces religions non-catholiques peuvent procurer le salut à leurs adhérents, et sont en effet le moyen par lequel ceux-ci sont sauvés.

L’Œcuménisme découle donc essentiellement d’une erreur sur la nature de l’Église. Selon cette fausse théorie, les « églises séparées » (schismatiques et hérétiques) font encore partie de l’unique Église du Christ et participent à ce titre à la communion des saints. Ces communautés séparées, imparfaitement unies à l’Église catholique, n’en seraient pas moins porteuses de grâces et de vérités pour le salut. Par conséquent, elles procureraient aussi le salut. En réalité, L’Église catholique est l’unique et véritable Église de Jésus Christ, seule détentrice et dispensatrice de la doctrine et des moyens du salut. Il est impossible de se sauver en dehors d’elle. Certaines personnes de bonne volonté, sans être des membres visibles de l’Eglise catholique, peuvent être implicitement membre de l’âme de l’Église. Pour cela, il doivent avoir une volonté droite et ignorer de manière non-coupable les vérités de la foi, comme l’enseigne Pie IX. Mais alors ils se sauvent malgré leur religion et pas grâce à celle-ci, comme si elle contenait des « moyens de salut ».

Il existe, bien sûr, ceux qui se trouvent dans une situation d’ignorance invincible concernant notre très sainte religion. Observant avec sincérité la loi naturelle et ses préceptes que Dieu inscrit sur tous les cœurs, prêts à obéir à Dieu, ils mènent une vie honnête et droite, et peuvent, avec l’aide de la lumière et de la grâce divine, acquérir la vie éternelle. Car Dieu voit parfaitement, il scrute, il connaît les esprits, les âmes, les pensées, les habitudes de tous, et dans sa bonté suprême et sa clémence il ne permet point qu’on souffre les châtiments éternels sans être coupable de quelque faute volontaire.

Pie IX, Quanto conficiamur, encyclique à l’épiscopat italien, 10 août 1863 ; DENZINGER (1957) 2865

L’œcuménisme a par exemple conduit à la déclaration doctrinale de Balamand (1993) signée par Jean-Paul II, dans laquelle on peut lire :

L’Église catholique et l’Église orthodoxe se reconnaissent mutuellement comme Églises sœurs et responsables ensemble du maintien de l’Église de Dieu dans la fidélité au dessein divin, tout particulièrement en ce qui concerne l’unité.

Documentation Catholique 90, 1993, 711-714

C’est ce qui faisait dire à ce même Jean-Paul II, apôtre zélé de l’œcuménisme :

Par la grâce de Dieu, ce qui appartient à la structure de l’Eglise du Christ n’a pourtant pas été détruit, ni la communion qui demeure avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales

Ut Unum Sint, 1995, n.11

S’il y a plus d’éléments d’unité que d’éléments de division entre l’Église catholique et les groupes hérétiques et schismatiques, pourquoi se faire la guerre ? Si ces groupes procurent aussi les moyens de salut aux âmes, pourquoi être catholique ? Pourquoi se convertir ? Rien ne presse en effet, il suffit de faire le vœu pieux que dans un lointain futur, si par miracle les volontés et les cœurs s’y résolvent, ces « Églises sœurs » se réuniront toutes un jour ! En attendant, chacun est libre de choisir celle qui lui plaît le plus, pourvu qu’il ne lance aucun anathème sur ses frères et qu’il se refuse à tout prosélytisme, quand bien même il serait bien intentionné et convaincu d’avoir raison. C’est une forfaiture empreinte de lâcheté faite sous couvert de bienveillance et d’amour. C’est un refus de prendre en compte la réalité (nous avons une fin dernière objective, il faut l’atteindre par les bons moyens), ce qui exigerait trop de responsabilité. C’est se complaire dans une union factice et hypocrite qui apaise la conscience et permet de se reposer en abandonnant l’effort pour le bien et le zèle pour le salut des âmes. Ce fût exactement l’attitude du « bon pape »… Jean XXIII alors qu’il était encore Mgr Roncalli (extrait de « Un œcuméniste dans les Balkans (1925-1939)  », par M. l’abbé Francesco Ricossa) :

Le Père Tanzella rapporte le cas du journaliste bulgare Etienne Karadgiov. “Orthodoxe”, il s’était présenté à Mgr. Roncalli pour être aidé à poursuivre ses études. Karadgiov nous dit :

« II m’accueillit avec beaucoup de bonté, m’écouta attentivement, et me dit : “très bien, mais on ne doit pas heurter la susceptibilité des orthodoxes. Ils ne doivent pas penser que nous autres les catholiques nous venons ici dans le but de faire du prosélytisme, de vouloir attirer la jeunesse. Les orthodoxes sont nos frères, et nous voulons vivre en harmonie avec eux. Nous nous trouvons dans ce pays pour montrer notre amitié à ce peuple et l’aider. Si tu veux donc étudier en Italie, tu dois d’abord demander l’autorisation à l’Église orthodoxe à laquelle tu appartiens”. J’écrivis, et la réponse fut négative. Mgr. Roncalli jugea opportun de m’envoyer en Italie par l’intermédiaire de l’œuvre Pro Oriente qu’il avait lui-même fondée avec Mgr. Francesco Galloni. L’œuvre avait pour but de financer le séjour en Italie des jeunes catholiques bulgares désirant acquérir des diplômes en ce pays. Moi, j’étais orthodoxe, et Mgr. Roncalli, qui de par sa position ne figurait pas comme fondateur de l’œuvre, fit pour moi une exception. “Un jour viendra, où les diverses Églises seront unies ; ce n’est qu’en s’unissant pour combattre les maux du monde, me dit-il, qu’elles pourront espérer gagner”.

J’ai ensuite étudié en Italie, où j’eus comme camarades d’études et d’internat les parlementaire Bettiol et Fanfani. Mgr. Roncalli suivait de loin mes études, comme si j’avais été son propre fils. Lorsque je parvins à la dernière année, il m’écrivit : “Si tu reviens en Bulgarie avec le diplôme d’une université catholique, comment vas-tu faire pour trouver un emploi ? Tes concitoyens sont presque tous orthodoxes, et ils ne vont pas avoir une grande sympathie pour toi. Je te conseille par conséquent de te présenter dans une Université laïque”. II écrivit au Père Gemelli, recteur de l’Université catholique de Milan, et je passai à Pavie où j’obtins le diplôme.

Entre-temps, j’avais décidé de devenir catholique. Je lui fis part de ma décision, et il me dit : “Mon fils, ne sois pas pressé. Réfléchis. Tu auras toujours le temps de te convertir. Nous ne sommes pas venus en Bulgarie pour faire du prosélytisme” »

Le Père Tanzella rapporte cet épisode comme s’il s’agissait de nouveaux fioretti de St. François. Des fioretti, certes, mais au contraire, dans lesquels la dernière recommandation du Christ : « Allez, enseignez toutes les nations… » n’est pas considérée comme valide. “Il y a toujours le temps” pour entrer dans l’Église, vivre en grâce de Dieu, quitter le schisme et l’hérésie… car un successeur des Apôtres n’est pas envoyé dans le monde “pour faire du prosélytisme” (c’est-à-dire pour convertir), mais pour laisser les âmes dans les ténèbres de l’erreur : voici le nouveau credo œcuméniste de Mgr. Roncalli.

Fidèle à cette lâcheté et infidèle à Jésus-Christ, Bergoglio, quelques années avant d’installer une statue de Luther au Vatican (en 2017, à l’occasion des 500 ans de la réforme), s’exprimait en ces termes auprès de son ami Eugenio Scalfari (journaliste athée du journal La Reppublica) qui retranscrit l’entretien (numéro du 1er octobre 2013) :

Le Pape entre et me serre la main, nous nous asseyons. Le Pape sourit et me dit : « Certains de mes collaborateurs qui vous connaissent m’ont averti que vous allez essayer de me convertir. »

A ce trait d’esprit, je réponds : mes amis vous prêtent la même intention à mon endroit.

Il sourit et répond : « Le prosélytisme est une pompeuse absurdité, cela n’a aucun sens. Il faut savoir se connaître, s’écouter les uns les autres et faire grandir la connaissance du monde qui nous entoure. Il m’arrive qu’après une rencontre j’ai envie d’en avoir un autre car de nouvelles idées ont vu le jour et de nouveaux besoins s’imposent. C’est cela qui est important : se connaître, s’écouter, élargir le cercle des pensée. Le monde est parcouru de routes qui rapprochent et éloignent, mais l’important c’est qu’elles conduisent vers le Bien« .


L’exemple de saint François de Sales

L’œcuménisme tel que défendu par Vatican II a été condamné par Pie XI dans l’encyclique Mortalium Animos (1928). Mais il n’a pas fallu attendre Pie XI pour que les catholiques croient qu’il n’y a point de salut hors de la communion de l’Eglise catholique et romaine, pour qu’ils croient que l’hérésie est une peste mortelle à extirper par tous les moyens, et que pour convertir les hérétiques et les schismatiques il était erroné et dangereux « d’insister sur ce qui nous unit au lieu de parler de ce qui nous divise » : voyons comment saint François de Sales vivait sa foi sur ce point là.

Alexandre VII, dans sa bulle de canonisation rédigée en 1665, écrit :

« En outre, armé du glaive de la parole divine, il attaqua, par ordre de l’évêque, l’hérésie de Calvin qui régnait dans le Chablais et les pays circonvoisins. Il est impossible d’exprimer avec quelle ardeur, quelle constance, quelle allégresse, quelle ferme confiance en Dieu, quelle inébranlable charité pour le prochain, il a combattu l’hérésie et soumis les errants au joug de la vraie foi. »

(IX)

« Jamais il ne prit conseil de la politique mondaine, ni du respect humain; mais se ressouvenant du conseil de l’Evangile, lorsqu’il ne pouvait pas paraître au grand jour et rendre un témoignage public à la foi, il s’abritait quelques instants dans sa solitude, pour reparaître, après un peu de silence, et s’élever plus vivement que jamais contre l’hérésie. »

(XIII)

« il s’appliqua à la défense de l’Eglise avec plus de soin et de zèle que jamais; et, comme on avait mis des obstacles à ce qu’il travaillât à la conversion des hérétiques par le ministère de la prédication, il se mit à les instruire par écrit, et composa plusieurs petits ouvrages de controverse où il attaquait l’hérésie jusque dans ses derniers retranchements. Il fit tant qu’il parvint à ériger une paroisse à Thonon, et que, peu après, il ramena à la lumière de la vérité plusieurs hommes distingués par leur science, dont l’autorité servait d’un grand appui au mensonge, et dont la conversion contribua beaucoup à la propagation de la religion catholique dans ces contrées. »

(XVIII)

« Elevé à cette nouvelle dignité, qui donnait un surcroît d’autorité à son zèle, il se livra tout entier au soin d’augmenter la religion catholique et de diminuer l’hérésie. »

(XXIII)

Pie IX, en 1877, en élevant saint François de Sales au rang de docteur de l’Eglise, écrit :

« Que la doctrine de François ait été très grandement appréciée de son vivant on le peut encore déduire de ceci : de tous les courageux défenseurs de la vérité catholique qui fleurissaient en ce temps-là, Clément VIII, Notre Prédécesseur de sainte mémoire, ne choisit que le seul Evêque de Genève. Il lui ordonna d’aller trouver Théodore de Bèze, propagateur passionné de la peste calviniste, et d’agir avec celui-ci dans le seul but qu’une fois cette brebis ramenée au bercail du Christ, il en reconduisit beaucoup d’autres. François, non sans péril pour sa vie, s’acquitta si bien de sa mission que l’hérétique, troublé dans son bon droit, confessa la vérité. Pourtant, au regard de son crime et, le jugement de Dieu lui demeurant impénétrable, il s’estima indigne de revenir dans le giron de l’Eglise. »

« Il est également manifeste que lui-même résolut beaucoup de questions avec une abondance de doctrine auprès des Pontifes Romains, des Princes, des Magistrats et de Prêtres, ses coopérateurs dans le ministère sacré. Son succès fut tel que grâce à son zèle, ses exhortations et ses avertissements, ses conseils furent souvent mis en œuvre et c’est ainsi que des contrées entières furent purgées de la corruption hérétique, le culte catholique rétabli et la religion accrue. »

« En outre, pour vaincre l’obstination des hérétiques de son époque et encourager les catholiques il écrivit, avec non moins de bonheur que sur l’ascétisme, le livre des « Controverses » qui contient une parfaite démonstration de la Foi catholique ; puis il écrivit d’autres traités et discours sur des vérités de Foi et aussi son « Vexillum Crucis. »  Par de tels écrits il combattit si énergiquement pour la cause de l’Eglise qu’il ramena en son sein une multitude innombrable d’égarés et restaura le Foi de fond en combles sur toute la province du Chablais. »

Il n’y a donc rien de commun entre l’œcuménisme de Vatican II fermement condamné par Pie XI et le zèle tout apostolique dont fit preuve saint François de Sales. L’œcuménisme est une démolition de la vérité et de la foi catholique. Pour ses défenseurs, toutes les confessions chrétiennes ont une certaine légitimité, et donc un droit à prendre place, malgré leurs divergences doctrinales, au sein d’une grande et unique église. L’œcuménisme suppose donc une certaine égalité des différentes confessions. D’un point de vue pratique, c’est renoncer à convaincre et à convertir. « Au mieux » (et c’est déjà terrible), c’est renoncer aux droits de la vérité objective sur tous et s’accommoder d’une union purement extérieure. Au pire, c’est renoncer entièrement à la vérité en retranchant des pans entiers de la doctrine pour créer une nouvelle religion convenable pour tous. L’œcuménisme fait  primer l’accord subjectif des hommes ici-bas sur l’adhésion aux vérités objectives de la révélation divine. C’est une forme de naturalisme : refuser notre dépendance envers Dieu et rejeter ses droits pour exalter une union humaine naturelle prétendument suffisante pour le salut. Il se traduit donc nécessairement par le relativisme. En effet, il juge légitimes des vérités contradictoires, en même temps et sous le même rapport. De plus, il nie la possibilité de s’affirmer comme l’unique et véritable Église de Jésus-Christ. Il mène à l’indifférence à l’égard des diverses religions, faisant croire que le salut est possible dans chacune d’elle. A l’inverse, saint François de Sales désirait ramener toutes les âmes égarées dans le giron de l’Église catholique. Il savait que l’Église catholique était l’Église de Jésus-Christ et qu’en dehors d’elle nul ne pouvait se sauver. Il savait que la foi est le socle fondamental sur lequel se bâtit tout l’édifice des vertus surnaturelles qui mènent au vrai Dieu. Il n’a jamais fait d’accommodements sur les principes de la foi, il les a exposés avec zèle et charité. Il n’a jamais jugé qu’un hérétique fût dans son bon droit, encore moins que sa secte était une partie de l’Église de Jésus-Christ. Il n’a jamais, comme Mgr. Roncalli, Wojtyla (Jean-Paul II) ou Bergoglio, refusé de faire du prosélytisme. Il aimait trop les âmes pour cela, il avait un désir trop ardent de leur salut pour accepter qu’elles se perdissent dans la voie de l’erreur et le chemin de la damnation. Il a donc placardé ses écrits contre les protestants sur les murs de Chablais, a fini par convertir la population et a été loué par l’Église pour cela.

Mathis C.


Vie de saint François de Sales

SOMMAIRE

. Vie de saint François de Sales
. Canonisation
. Docteur de l’Église
. Méditations sur saint François de Sales
. Un précurseur de l’œcuménisme et de Vatican II ?


Vie de saint François de Sales, évêque et docteur de l’Eglise (R.P. René Moreau, S. J.)

Prime enfance (1567-1573)

François de Sales, seigneur de Nouvelles, homme de guerre et diplomate habile, avait épousé la fille unique de Melchior de Sionnaz, qui lui avait apporté en dot la seigneurie de Boisy, à condition qu’il en prît le nom. Il habitait cependant au château de Sales, près de Thorens, dans le duché de Savoie, que gouvernait alors Charles-Emmanuel. C’est là que, six ans après son mariage, Dieu lui donna un premier fils, qui devait être le saint évêque de Genève. L’enfant, nommé François, comme son père, naquit le 21 août 1567. Dès sa toute petite enfance, il montra de singulières dispositions pour la piété. Les premiers mots qu’il prononça de lui-même furent : « Le bon Dieu et maman m’aiment bien. » Il avait joie à être porté à l’église, où il semblait ne s’ennuyer jamais, à imiter les cérémonies de la messe, à réciter des prières. Il chérissait aussi les pauvres et leur donnait, comme d’instinct, ce qu’il avait en mains. Et cependant il avait ses défauts, contre lesquels ses parents, excellents chrétiens l’un et l’autre, réagirent vigoureusement : la vanité, qui l’entraîna un jour à un petit vol, châtié immédiatement par son père, malgré l’aveu spontané du coupable ; la gourmandise, dont ses historiens citent un assez beau trait ; surtout une fougue et une impétuosité qui ressemblaient bien à la colère, mais qu’il combattit si bien et si longtemps, qu’il devint le modèle de la douceur et de la patience. Un jour, Mme de Chantal le priait « de s’émouvoir un peu sur le sujet de quelque traverse que l’on faisait à ce monastère de la Visitation. Il me répondit, raconte-t-elle : « Voudriez-vous que je perdisse en « un quart d’heure ce que j’ai eu bien de la peine à acquérir « en vingt ans? » Il ne devint donc un saint, comme il enseigna plus tard à faire, que par une correspondance exacte et généreuse aux grâces que Dieu lui donnait avec abondance et une lutte persévérante contre lui-même.

Les études et les premiers germes de sainteté (1573-1592)

Dès l’âge de six ans, François fut mis au collège, d’abord à la Roche, puis à Annecy jusqu’à treize ans ; il s’y montra aussi intelligent et ardent au travail que pieux et charitable. Ses humanités achevées, M. de Boisy résolut d’envoyer son fils terminer ses études à Paris, où la jeune noblesse savoyarde fréquentait le collège de Navarre. Mais François, qui avait entendu dire qu’on formait mieux dans ce collège à briller dans le monde qu’à plaire à Dieu, obtint par ses instances d’aller de préférence au collège de Clermont, — devenu plus tard Louis-le-Grand, — où professaient les Jésuites. II y passa six ans, deux en rhétorique, où il eut pour professeur le Père Sirmond, et quatre en philosophie. Dans le temps qu’il étudiait, Dieu, pour perfectionner sa vertu, permit qu’il fût en butte à une terrible tentation de désespoir. Ce jeune homme, si pur et si pieux, s’imagina qu’il se méprenait sur l’état de son âme, qu’il était destiné à la damnation éternelle. Cette affreuse persuasion ruina même ses forces physiques ; il tomba gravement malade. Mais sa charité héroïque et sa dévotion à la sainte Vierge le sauvèrent.

Aux pieds de Notre-Dame, dans l’église de Saint-Étienne-des-Grès, tandis qu’il récitait le Souvenez-vous avec toute la dévotion de son cœur et faisait vœu de chasteté perpétuelle, son âme et son corps furent subitement guéris. Sa philosophie était achevée ; sur l’ordre de son père, François  partit alors pour l’université de Padoue, renommée dans toute l’Europe à cause de ses cours de jurisprudence. Il s’en réjouit : depuis l’âge de onze ans, il avait obtenu la permission, accordée par M. de Boisy, comme à un désir enfantin et sans conséquence, de recevoir la tonsure. Mais ce n’était pour lui qu’un premier pas vers un but que de plus en plus il aspirait à atteindre. Il savait quelle opposition il rencontrerait dans son père, qui fondait sur son fils aîné toutes ses espérances mondaines. Mais à Padoue du moins, il lui serait possible de commencer, avec l’étude du droit, celle de la théologie. C’est ce qu’il fit, en même temps que, sous la direction du Père Possevin, il faisait de grands progrès en sainteté. Reçu docteur avec les plus grands éloges du célèbre jurisconsulte Pancirole, François revint en Savoie en 1592.

Retour en Savoie et ordination (1593)

M. de Boisy songea immédiatement à établir le fils dont il était si justement fier. Mais celui-ci déclina les projets de mariage et les offres d’un siège au sénat de Chambéry, et par ces refus fut amené à révéler sa résolution d’être à Dieu par le sacerdoce. Alors commença une lutte pénible entre le père et le fils; enfin la foi profonde de M. de Boisy fut victorieuse de son ambition paternelle. Il donna son consentement sans réserve avec sa bénédiction. François, qui à son insu avait été pourvu, grâce à Mgr de Granier, évêque de Genève, de la haute dignité de prévôt, — ou doyen, — du chapitre cathédral, fut rapidement ordonné prêtre (le 18 décembre 1593). Dès le premier moment, il se montra non seulement digne de ses fonctions, mais, — par sa science, sa profonde et touchante piété, son zèle infatigable, sa tendre et compatissante charité, son éloquence simple, chaude et prenante, — l’honneur et le modèle de tous ses confrères.

La conversion du Chablais (1594-1598)

Il ne tarda pas à donner la mesure de toutes ses vertus dans une circonstance qui les mit en pleine valeur. Le duc de Savoie venait de reconquérir, sur les Bernois, le pays du Chablais, qu’ils lui avaient enlevé depuis 1536 et qu’ils avaient presque entièrement gagné au protestantisme. Pour le convertir, il fallait des apôtres prêts à tout, et même au martyre. François s’offrit à cette tâche ; il la remplit avec un dévouement que ne rebuta pas un insuccès de sept mois, avec un courage qui, à plusieurs reprises, affronta une mort certaine, avec une apostolique habileté qui multiplia les industries et surtout les marques de dévouement désintéressé. Enfin il eut raison des résistances les plus acharnées ; au bout de quatre ans il remettait aux mains de son évêque le pays ramené par lui à la foi. Et le vieux prélat, au comble du bonheur, salua en lui le coadjuteur que Rome lui accordait et aux mains de qui il remettrait avec confiance le gouvernement de son peuple.

Évêque de Genève (1602), prédicateur doux, charitable et zélé

Le jour vint bientôt, de fait, où François lui succéda. Mgr de Granier mourait le 17 septembre 1602, laissant le souvenir de belles vertus et particulièrement de la plus sainte pauvreté. Sacré le 8 décembre suivant, fête de l’Immaculée Conception, son coadjuteur donnerait des exemples plus admirables encore. Il ne vécut que pour son église et spécialement pour  les plus petits, les plus malheureux et les plus misérables enfants de cette église. Il avait enjoint aux prêtres et aux religieux d’Annecy, sa résidence, d’envoyer à son confessionnal non seulement les pauvres et les misérables pour qu’il les consolât et les secourût, mais encore les personnes atteintes de quelque maladie infecte qui blessait la vue ou l’odorat. « Ce me sont roses, » disait-il. Mais ce n’était pas seulement à l’église qu’il recevait ceux qui désiraient une audience : sa demeure était toujours ouverte à tous les visiteurs, quels qu’ils fussent. Un gentilhomme était venu de Normandie lui proposer quelques cas de conscience. Il frappa à la porte au moment où l’évêque se mettait à table ; sans retard il fut admis ; il fut écouté pendant dix, heures d’horloge. En vain le moment (du souper arrive, on avertit l’évêque, on lui envoie message sur message : « Nonne anima plus est quam esca? Une âme ne vaut-elle pas plus qu’un souper? » répond-il aimablement. Et rien ne trahit en lui l’impatience ou la lassitude. Il ne se donnait pas moins aux foules, distribuant la parole divine avec une sorte de prodigalité. Déjà, à peine était-il prêtre, son père lui en faisait un reproche.

« Un jour, racontait-il, mon bon père me prit à part et me dit : « Prévôt, tu prêches trop souvent! J’entends, même en des jours ouvriers, sonner le sermon et toujours on me dit : C’est le prévôt, c’est le prévôt… Tu rends cet exercice si commun, qu’on n’en fait plus de cas et on n’a plus autant d’estime de toi. » Mais non, l’estime au contraire s’augmentait. Partout, en Savoie, en France, à Chambéry comme à Paris, où il passa l’année 1618 et prêcha trois cent soixante-cinq fois, on demandait à entendre cette parole qui par sa simplicité, sa grâce comme par sa forte et solide doctrine et sa persuasive piété, tranchait sur l’éloquence emphatique et subtile à la mode en ce temps. On ne se lassait pas de l’entendre, mais surtout à l’entendre on devenait meilleur.

Rencontre avec sainte Jeanne de Chantal (1604)

C’est au cours d’une station de Carême qu’il donnait à Dijon en 1604 que Dieu le mit en rapports avec celle qui devait être sa fille d’élection et, avec lui, fonder l’ordre de la Visitation. Il la reconnut au pied de sa chaire, sans l’avoir jamais vue, car une vision lui avait montré les traits de Jeanne-Françoise de Chantal (1572 – 1641) en lui révélant les desseins de Dieu sur elle. Avec une prudence toute céleste, une pitié attentive aux premières faiblesses, une énergie toute détrempée de tendresse, un zèle qui ne tolérait aucune défaillance, enfin dans une paix suave qui réprimait tout empressement et se nourrissait d’indifférence sereine, il la mena doucement et vigoureusement à la perfection où Dieu  l’appelait. Tels furent toujours, et pour tous et toutes, les caractères de sa direction. Hommes de cour ou de guerre, grandes dames ou religieuses ou femmes du peuple, il leur dépensait les trésors de sa pensée et de son cœur, fort dans sa tendresse et tendre dans ses plus rigoureuses exigences. Selon sa comparaison, il excelle à présenter aux lèvres la coupe la plus amère en parfumant ses bords d’un miel embaumé. Dans sa correspondance infinie, dans le Traité de l’Amour de Dieu, écrit pour ses chères filles de la Visitation, dans l’Introduction à la Vie dévote, composée d’abord de lettres adressées à Mme de Charmoisy, et véritable code de la piété dans le monde, c’est toujours par la séduction de son sourire paisible qu’il appelle, qu’il engage, qu’il force aux plus vaillantes résolutions.

Mort en odeur de sainteté (1622)

Au mois de novembre 1622, le duc de Savoie convoqua le saint évêque à l’accompagner à Avignon, où il voulait saluer le roi Louis XIII. Saint François de Sales partit, quoiqu’il se sentît bien fatigué ; il pensait obéir à Dieu en obéissant à son souverain. Mais quand il revenait de ce voyage, où la vénération des peuples lui avait partout fait cortège, à Lyon, le 27 décembre, il fut frappé soudain d’apoplexie ; néanmoins la connaissance ni la parole ne lui furent point enlevées. Jusqu’au dernier moment il supporta avec sa patience ordinaire les tourments qu’inventèrent les médecins dans l’espoir de l’arracher à l’envahissement du mal. Enfin, au soir de la fête des Saints Innocents, dont son âme, pure comme la leur, avait toujours eu la grâce, il rendit dans la paix son âme à Dieu, en disant : « Jésus ! »

Notice récapitulative


Canonisation

Bulle ou décret de la canonisation de saint François de Sales, prince et évêque de Genève, du pape Alexandre VII (19 avril 1665).


Docteur de l’Eglise

Décret Urbis et Orbis de la sacrée congrégation des rites : Première déclaration du Doctorat de saint François de Sales (19 juillet 1877).

Bref du pape Pie IX élevant saint François de Sales à la dignité de docteur de l’Eglise (1877)


Méditations sur saint François de Sales

Méditation du Père Hamon

Méditation de saint Alphonse de Liguori


Un précurseur de l’œcuménisme et de Vatican II ?

Comparaison entre l’exemple de saint François de Sales et la fausse doctrine de Vatican II sur les « chrétiens séparés » et le prosélytisme.

Saint Denis de Paris

Saint Denis

Pour nous qui sommes Parisiens, et nous sentons spécialement attachés au souvenir et à l’intercession du martyr saint Denis, premier évêque de Paris, il nous semble important de tirer au clair la question de sa véritable identité, au regard de ce que l’histoire peut nous apprendre :  pendant très longtemps, les Français et même les catholiques du monde entier à leur suite ont cru que Denis de Paris était l’aréopagite Denys cité dans les Actes des Apôtres, un des Athéniens qui s’est converti au Christ à la suite de la prédication de saint Paul. Il nous semble qu’il s’agit d’une erreur, et qu’il n’y a pas à craindre de verser dans le rationalisme en l’affirmant.

C’est l’occasion pour nous de parler d’un thème qui a son importance dans l’époque actuelle de recul de la foi et de confusion universelle des esprits : il serait à notre avis une erreur, plus ou moins grave et dangereuse, de réagir au rationalisme et au relativisme ambiant par le fidéisme, c’est-à-dire par la séparation étanche entre le domaine de la raison et celui de la foi, en dépréciant excessivement la raison  et toute sorte de connaissance scientifique. Une des manifestations du fidéisme peut être, pour ce qui se rapporte à la vie des saints, de croire sans examen à tous les récits populaires ou traditionnels (pas au sens de la Tradition ecclésiastique, mais d’une tradition humaine) se rapportant auxdits saints.

S’il n’est pas rationnel de remettre en cause sans raison, par principe, un récit traditionnel comportant des miracles ou des faits extraordinaires et glorieux (comme si les chrétiens des générations précédentes étaient par défaut des menteurs ou des rêveurs), il peut être rationnel de le faire s’il y a une preuve interne ou externe au récit qui le rend difficile ou impossible. Le fait qu’un « consensus » des chrétiens à l’échelle de plusieurs siècles adhère à ce récit, ou que le martyrologe romain lui-même le rapporte, n’est pas de nature à engager l’infaillibilité de l’Eglise : l’infaillibilité nous garantit qu’un document comme le martyrologe ne contient rien de contraire à la foi et aux mœurs, mais ne garantit pas l’absence d’erreur historique ou relevant d’un autre domaine contingent.

Il nous apparaît donc que saint Denis de Paris n’est pas l’Athénien disciple de saint Paul, mais un évêque missionnaire envoyé en Gaule par le Pape au IIIe siècle, aux côté de 6 autres compagnons que l’histoire a aussi retenus comme fondateurs de diocèses français : Saturnin de Toulouse, Gatien de Tours, Trophime d’Arles, Paul de Narbonne, Austremoine de Clermont, Martial de Limoges. D’autres évêques semblent avoir été envoyés de Rome à la même époque : Lucien de Beauvais et Rieul de Senlis entre autres. C’est le récit de saint Grégoire de Tours, et il nous semble plus fiable que celui de l’abbé Hilduin de Saint-Denis, qui est à l’origine de la tradition d’identifier Denis de Paris et Denys l’Aréopagite. Nous présenterons brièvement différents éléments à l’appui de cette opinion

Grégoire de Tours : Saint Denis envoyé en Gaule à l’époque de la persécution de Dèce (250)

Voici le passage des Histoires de saint Grégoire de Tours, le célèbre historien des Francs, concernant les sept évêques missionnaires :

« Sous l’empereur Dèce il s’éleva contre le nom chrétien un grand nombre de persécutions, et on fit un si grand carnage des fidèles qu’on ne pourrait les compter. Babylas, évêque d’Antioche, avec trois petits enfants, Urbain, Prilidan et Épolone ; Sixte, évêque de la ville de Rome ; Laurent, archidiacre, et Hippolyte, reçurent le martyre pour avoir confessé le nom du Seigneur. Valentinien et Novatien, alors les principaux chefs des hérétiques, à l’insinuation de l’ennemi de Dieu, attaquèrent notre foi. Dans ce temps sept hommes, nommés évêques, furent envoyés pour prêcher dans les Gaules, comme le rapporte l’histoire de la passion du saint martyr Saturnin. « Sous le consulat de Décius et de Gratus, comme le rappelle un souvenir fidèle, la ville de Toulouse eut pour premier et plus grand évêque, saint Saturnin. » Voici ceux qui furent envoyés : Gatien, évêque à Tours ; Trophime à Arles ; Paul à Narbonne ; Saturnin à Toulouse ; Denis à Paris, Strémon [Austremoine] en Auvergne et Martial à Limoges. Parmi ces pontifes, Denis, évêque de Paris, subit divers supplices pour le nom du Christ, et, frappé du glaive, termina sa vie en ce monde. Saturnin, déjà assuré du martyre, dit à deux prêtres : « Voici que je vais être immolé, et le temps de ma destruction approche ; je vous prie, jusqu’à ce que je termine ma vie, de ne pas m’abandonner. » Ayant été pris, on le conduisit au Capitole, et, abandonné par les deux prêtres, il fut emmené seul. Se voyant ainsi délaissé, on raconte qu’il fit cette prière : « Seigneur Jésus-Christ, exauce-moi du haut de ta sainte demeure ; que cette Église n’obtienne jamais d’avoir un évêque pris entre ses citoyens. » Nous savons que jusqu’à présent sa prière a été exaucée. Attaché à la queue d’un taureau en fureur, et précipité du haut du Capitole, il termina sa vie. Gatien, Trophime, Strémon, Paul et Martial, vivant dans une éminente sainteté, après avoir gagné les peuples à l’Église et répandu partout la foi chrétienne, moururent en confessant paisiblement le Seigneur. Ceux qui sont sortis du monde par la voie du martyre, et ceux qui sont morts sans trouble dans leur foi sont unis dans le royaume des cieux. »

Premier livre des Histoires [1]

La liste traditionnelle des évêques de Paris : 4 évêques entre Denis et Victorinus

L’abbé Jean Lebeuf (1687-1760), auteur d’une histoire de la ville et du diocèse de Paris, mentionne un Catalogue ou liste des évêques de Paris établie vers l’an 940. Il n’en a pas trouvé de plus ancienne, on peut considérer par défaut qu’il s’agit de la liste traditionnelle, retenue par tradition orale. Dans cette liste, succèdent immédiatement à saint Denis : Mallon, Maxe, Marcus, Adventus, Victorinus. Ce dernier, Victorinus, était évêque de Paris en 346, date à laquelle il témoigne en faveur de Saint Athanase dans la querelle qui l’oppose aux sympathisants de l’arianisme qui l’on chassé d’Alexandrie. Entre saint Denis et Victorinus la liste traditionnelle des évêques de Paris ne mentionne que quatre évêques. Il est a priori invraisemblable de penser que presque trois siècles se soient écoulés et qu’ils n’aient comptés que six évêques pendant ce temps (dans l’hypothèse d’un Denis vivant à l’époque apostolique) : une fois qu’une église est établie par un évêque, et malgré les persécutions et mises à mort récurrente des évêques en ces temps-là, il est rare qu’il y ait eu des périodes de vacance qui s’étendent sur plus de quelques années. Il serait plus vraisemblable que les évêques de Paris se soient succédés de de manière continue pour des périodes allant d’une dizaine à une trentaine d’années. L’abbé Lebeuf ne fait d’ailleurs pas de difficulté d’admettre que Denis est venu à Paris vers le milieu du IIIème siècle. [2]

La première vita de Sainte Geneviève (520)

Sainte Geneviève est connue pour avoir eu une grande dévotion à l’évêque martyr de Paris, elle a notamment fait construire une chapelle sur l’emplacement de son tombeau. La première « vie de sainte Geneviève » dont on ait la trace, écrite 18 ans après sa mort (que l’on situe généralement le 3 janvier 502), évoque brièvement saint Denis comme un évêque envoyé par le Pape pour évangéliser la Gaule. Le pape mentionné dans cette première vita est saint Clément, qui règne entre 92 et 99 selon Eusèbe de Césarée : il y a discordance avec la version de Grégoire de Tours, mais cela ne concorderait pas vraiment non plus avec la version d’un Denis disciple de saint Paul. Saint Clément, quatrième Pape de l’Eglise catholique, appartient bien à l’époque apostolique : les témoignages de saint Irénée et de Tertullien (IIème siècle) concordent pour dire qu’il a connu personnellement saint Pierre et qu’il a reçu de lui les ordres sacrés. Mais si Denis l’Aréopagite pouvait encore être vivant à la fin du Ier siècle, il aurait été un vieillard (la prédication de saint Paul à Athènes a lieu entre 50 et 52), et on pourrait se demander pourquoi le Pape enverrait un homme de cet âge fonder un diocèse en terre étrangère, d’autant que ce saint Denys est considéré en Orient comme le premier évêque de l’Eglise d’Athènes : c’est dans l’ordre du possible, mais la concordance n’est pas idéale

Les philologues estiment généralement que cet alinéa sur l’origine romaine de la mission de saint Denis est une interpolation tardive d’un copiste, car il n’est pas présent dans d’autres vitae de sainte Geneviève de la même époque. Interpolation ou non, le texte ne fait pas mention du lien entre saint Denis et saint Paul, qui mériterait pourtant d’être relevé dans le cas où la tradition de l’époque en ferait état. Il est possible que cette mention sur la mission de Saint Denis soit un souvenir authentique de son origine romaine (envoyé par le Pape pour évangéliser la Gaule), et que le nom précis du Pape de l’époque ait été oublié et confondu avec une figure mieux connue comme celle de saint Clément.

La première Passion de Saint Denis (c. 490)

La toute première vie ou « Passion » de saint Denis (Gloriosae martyrum passiones) a visiblement été écrite peu de temps avant la première vita de Sainte Geneviève,  étant donné que l’auteur de cet écrit mentionne la « Passion de Saint Denis » comme une de ses sources. D’après son incipit, elle a été rédigée à la fin du Ve siècle, du vivant de sainte Geneviève donc et peut-être sous l’impulsion de celle-ci (on estime que c’est en 475 que sainte Geneviève fit construire une église sur le tombeau de saint Denis). Cette première Passion, plus ancienne trace écrite des traditions concernant saint Denis, ne fait aucun lien entre ce Denis et le disciple de saint Paul : c’est un argument assez fort en la défaveur de cette idée.

L’auteur dit lui-même dans un long préambule qu’il est obligé de se fier à des traditions orales assez imprécises, en l’absence de documentation écrite. A notre avis, comme nous le disions plus haut, la tradition orale a retenu l’origine romaine de la mission de saint Denis, et oublié le Pape de l’époque en l’amalgamant à un autre pape plus connu, sans souci de concordance chronologique. L’auteur de cette première Passion ne mentionne d’ailleurs ni Clément ni aucun autre nom : il ne sait pas qui était le Pape de l’époque. Ce serait donc l’auteur de la vita de sainte Geneviève, ou bien le copiste de l’époque carolingienne, qui est à l’origine de cette attribution, et pas l’auteur de la première vie de saint Denis. [3]

Cette vie mentionne un détail intéressant qui fait référence au contexte du IIIe siècle bien plus qu’à celui du premier siècle : la ville de Paris aurait été occupée à l’époque par des Germains, et saint Denis a concentré sa prédication sur cette population. On sait en effet qu’au début de la deuxième moitié du IIIème siècle, soit précisément à l’époque de la mission des sept évêques mentionnés par Grégoire de Tours, a lieu une invasion de la Gaule par les Alamans et les Francs. Repoussés une première fois par l’empereur Gallien, les Francs reviennent en Gaule dans les années 260. En 275, les Francs gagnent de nouvelles positions en Gaule, et c’est en 277 qu’ils sont « définitivement » repoussé par l’empereur Probus. Durant cette période allant grossièrement de 250 à 275, qui est a priori l’époque de la mission de saint Denis, une occupation de Paris par les Francs est un fait historique tout à fait vraisemblable.

Une association tardive (VIIIe-IXe siècle)

Pour autant que l’on puisse en juger, il n’existe pas de trace d’une association entre Denis de Paris et le disciple athénien de saint Paul avant le VIIIe siècle au plus tôt. La deuxième Passion de saint Denis, qui est une réécriture de la première, date du milieu du VIIIe siècle ou du début du IXe siècle selon les avis, et est le premier document à mentionner l’association. Peu de temps après, l’abbé Hilduin de Saint-Denis écrit aussi une vie du saint tutélaire de son abbaye, à la demande de l’empereur Louis le Pieux, et abonde particulièrement dans le sens de l’identification entre Denis de Paris et l’Aréopagite. Hilduin n’est pas l’auteur de l’association, puisqu’il reprend à son compte une tradition qui a déjà cours à son époque, mais il en sera le principal illustrateur et propagateur.

Par ailleurs il est établi désormais que les écrits attribués à Denys l’Aréopagite ne peuvent pas dater de l’époque apostolique : entre autres choses, ils contiennent un extrait des écrits du néoplatonicien Proclus (412-485), on fixe à présent leur rédaction entre la fin du Ve siècle et le début du VIème. A partir de l’époque d’Hilduin, l’hagiographie confonds peu à peu trois Denis en une seule personne, et l’abbaye ainsi que la ville de Paris retirent un prestige particulier de l’aura des écrits du Pseudo-Denys. Dans la suite des siècles les Français resteront attachés à cette tradition, étant donné le lien particulier qui unit saint Denis à la monarchie française (comme en atteste le cri de guerre des armées du roi de France : Montjoie ! Saint-Denis !). Cependant dès le XVIIe siècle, dans une époque de progrès de la méthode historique [cf. Dom Mabillon et les Mauristes], cette identité est mise en doute et l’opinion savante se rattache de plus en plus à celle du récit de saint Grégoire de Tours, faisant de saint Denis un compagnon du glorieux martyr saint Saturnin, envoyés en mission depuis Rome au milieu du IIIème siècle.

Ce ne serait pas déshonorer la France et son histoire glorieuse que d’admettre qu’il y ait pu avoir une erreur sur l’identité du premier évêque de Paris et protecteur particulier des rois de France. Sachons plutôt réconcilier cet héritage français avec la vérité historique telle que nous pouvons le connaître aujourd’hui, sans chercher à augmenter par des mythes sans fondement une gloire et des mérites qui sont déjà bien réels. L’évêque Denis est venu sur nos terres pour prêcher aux peuples la Vérité, et il est mort pour le témoignage de la Vérité : soyons ses vrais disciples en plaçant la Vérité au-dessus de tout, y compris de l’attachement à des traditions ou à des opinions qui flattent nos affections, mais ne sont pas faites pour l’honneur de Dieu si elles ne sont pas conformes à la réalité.

Jean-Tristan B.


[1] Disponible en ligne à cette adresse : https://fr.wikisource.org/wiki/Histoires_(Gr%C3%A9goire_de_Tours)/1

[2] Le livre de l’abbé Lebeuf sur la ville et le diocèse de Paris : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k751079/f30.item

[3] Une étude sur les différentes Passions de saint Denis est disponible dans ce mémoire d’Angélique Monnier : https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_S_31132.P001/REF

40ème anniversaire de Mgr Guérard des Lauriers

C’est aujourd’hui le 40ème anniversaire du sacre de Mgr Michel-Louis Guérard des Lauriers par Mgr Ngo Dinh Thuc :
Ce sacre du 7 mai 1981 fut un événement dans l’histoire de la résistance à Vatican II et au modernisme, un événement dont nous sommes chaque jour les témoins par notre fidélité à la foi et aux sacrements. Prions pour ces deux pionniers, nous leur devons beaucoup (nous leur devons notamment tous les sacrements conférés dans les chapelles de l’IMBC, comme à Paris, nous devons à Mgr Guérard sa vision claire et précise sur la situation de l’Eglise aujourd’hui).

— Quelques images et quelques dates sur Mgr Guérard des Lauriers (vidéo 6 min) : https://www.youtube.com/watch?v=QaqvjvF4QeU&t=37s

— Quelques mots de Mgr Guérard des Lauriers sur l’una cum (audio 4 min) : https://www.dropbox.com/s/88ldtseaiohn937/PbUnaCumTeIgiturGUERARD1980.m4a?dl=0

— Pour mieux comprendre l’enjeu à l’époque (audio du Père Barbara 22 min) : https://www.dropbox.com/s/ccw3tg7w9782jqh/1976%2010%2020%20Barbara%20Mutualite%20Paris.m4a?dl=0

— Le (dernier) sermon de Mgr Guérard des Lauriers à Saint-Nicolas du Chardonnet en 1977 (4 pages) : https://www.sodalitium.eu/sermon-du-r-p-guerard-des-lauriers/

— Pour aller plus loin sur Mgr Guérard des Lauriers (journée de conférences audio à Paris) : https://www.youtube.com/watch?v=ULgNQqEckNc

— Pour aller plus loin sur cette consécration de 1981 (article par l’abbé Cekada, 22 pages) : http://www.etudesantimodernistes.fr/2016/12/la-validite-des-consecrations-de-mgr-thuc.html

Qu’ils reposent en paix !

Requiem æternam dona eis Domine, et lux perpetua luceat eis. Requiescant in pace, amen.