6 décembre 2021, Paris. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la « conférence des évêques de France » et « archevêque de Reims », reçoit des mains du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’insigne de la légion d’honneur. [1]
Moins de deux mois plus tôt, le 12 octobre 2021, Moulins-Beaufort était convoqué par le même Darmanin, sommé de s’expliquer à la suite de ses propos jugés « choquants » sur le secret de la confession, tenus à l’antenne de France Info le 6 octobre : « le secret de la confession s’impose à nous … en cela, il est plus fort que les lois de la république. » [2]
La haine anticléricale des élites de notre pays, habituellement apaisée par les compromissions de Vatican II et de ses défenseurs, a aussitôt resurgi bruyamment. « Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays », déclare sèchement le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal [3]. Moulins-Beaufort est aussitôt convoqué par le ministre de l’Intérieur pour clarifier ses propos. Un véritable déluge de condamnations et d’anathèmes a plu sur les propos du président de la conférence épiscopale : beaucoup de personnalités publiques prennent la parole, à commencer par le ministre de la justice Éric Dupont-Moretti qui déclare que le prêtre « doit être condamné » en cas de non-dénonciation de crimes entendus en confession. [4] Des condamnations fermes, malgré le caractère relativement anodin des propos, qui seraient compréhensible même pour des non-chrétiens : est-ce choquant de dire que les chrétiens, en tant que chrétiens, s’estiment tenus de respecter des lois et des obligations qui sont perçues comme supérieures aux simples lois civiles ? Où est donc passé le relativisme et le subjectivisme de ces braves gens ?
Moulins-Beaufort a dans un premier temps tenté d’expliquer que le secret de la confession était reconnu par la loi française comme un secret professionnel, qu’il n’était en rien attentatoire aux lois de la république. Mais cela ne fut pas suffisant pour contenter le gouvernement. S’en est suivi un odieux témoignage de lâcheté et de compromission. Cet homme, qui est censé être la première autorité morale de l’Église de France, n’a même pas été capable de soutenir publiquement cette évidence, qui est que les lois de Dieu et de son Église sont supérieures aux lois de la république. Que sont au juste les lois de la république ? Depuis quand existent-elles ? Qui les a établies, au nom de quoi ? Si l’on veut les rattacher à la Révolution française et à la déclaration des droits de l’homme, elles n’ont que 230 ans et quelques. Que sont en comparaison les lois de Dieu, qui est le créateur tout-puissant et éternel, et de son Église, qui a été fondée par Jésus-Christ il y a presque 2000 ans ? Est-ce qu’un chrétien sincère peut hésiter un seul instant, si on lui demande ce qui est le plus important entre les lois de la république et les lois de l’Église (en l’occurrence le secret de la confession), à répondre que la loi de l’Église est supérieure, et à le répondre une deuxième fois si on le somme de « clarifier ses propos » ? Encore faut-il avoir la vertu théologale de foi pour voir les choses ainsi. Voudrait-on se souvenir, en tant que catholiques, que le secret de la confession est si important dans la vie de l’Église qu’un prêtre l’a défendu au prix de sa vie, et est à présent honoré sur les autels comme un martyr de la foi ? Il s’agit de saint Jean Népomucène (v.1340-1393), torturé puis noyé à Prague sur ordre du roi de Bohême Wenceslas IV, pour avoir refusé de dévoiler les confessions de la reine.
Il aurait pourtant été simple d’expliquer, même de manière conciliante et sans apparaître nécessairement comme un « ennemi de la république », que la vie chrétienne est régie par des obligations morales et des lois qui sont supérieures aux lois terrestres, que les chrétiens sont attachés à respecter l’ordre public et les lois positives tant qu’elles n’entrent pas en conflit avec ces obligations morales supérieures. Parmi ces lois et ces obligations, le secret de la confession figure en bonne place. On ne peut pas demander à un chrétien de violer les lois de l’Église, ou demander autoritairement à l’Église de changer ses lois au gré des nécessités politiques du moment : ce serait, pour l’État, outrepasser ses prérogatives. Il aurait aussi été simple d’expliquer que l’abolition du secret de la confession ne serait pas une solution profitable au bien public et à la lutte contre la pédophilie, car un coupable n’irait jamais se confesser de crimes aussi graves s’il savait qu’il ne peut pas avoir confiance envers le prêtre pour la sauvegarde de sa réputation. De plus, l’absolution d’un péché de cette nature ne peut être donnée que si le pénitent accepte de procéder à une réparation et à une expiation proportionnée à sa faute : il faudrait, en clair, que le pénitent manifeste sa volonté de se livrer aux autorités pour purger la peine qu’il mérite, pour qu’il soit absout de son péché. Cette question du secret de la confession est complètement anecdotique dans la lutte contre les abus sexuels. Si l’on commençait par rappeler clairement à tous ceux qui s’engagent dans le clergé, ou même simplement aux fidèles à qui on n’enseigne bien peu de choses à ce sujet, les exigences rigoureuses de la loi morale concernant le VIème commandement et la pureté des mœurs, ainsi que les châtiments de l’enfer éternel qui menacent ceux qui se comportent suivant leurs goûts dépravés au lieu d’obéir à la loi de Dieu, il y aurait beaucoup moins de scandales de cette nature. Si l’on évitait de faire entrer au séminaire et d’ordonner des hommes notoirement homosexuels ou efféminés, cela changerait aussi les choses étant donné qu’environ 80% des abus sexuels recensés dans le clergé conciliaire sont commis sur des adolescents mâles et pubères. Il y a certainement beaucoup de choses à faire pour empêcher les abus, et abolir le secret de la confession ne fait pas partie des moyens qui seraient utiles dans cette lutte.
Moulins-Beaufort n’a pas tenu un tel discours, pas publiquement en tout cas. Après avoir tenté de jouer la carte du secret professionnel, et avoir essayé d’expliquer que le secret de la confession était ce qui mettait le pénitent en confiance, il s’est couché tout de son long. Il n’a pas eu le courage d’assumer ses propos sur le fait que le secret de la confession est supérieur aux lois de la république. Il s’est plutôt répandu dans des excuses accompagnées de propos évasifs et consensuels, qui laissent entendre aux antichrétiens que des aménagements seraient possibles concernant le secret de la confession. Voyons ces extraits du communiqué de presse de la CEF, consécutif à l’entrevue du 12 octobre :
« Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »
« Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu évoquer avec M. Gérald Darmanin la formulation maladroite de sa réponse sur France Info mercredi dernier matin. L’état a pour tâche d’organiser la vie sociale et de réguler l’ordre public. Pour nous chrétiens, la foi fait appel à la conscience de chacun, elle appelle à chercher le bien sans relâche, ce qui ne peut se faire sans respecter les lois de son pays. L’ampleur des violences et agressions sexuelles sur mineurs révélées par le rapport de la CIASE impose à l’Église de relire ses pratiques à la lumière de cette réalité. Un travail est donc nécessaire pour concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants. Mgr Éric de Moulins-Beaufort a tenu à redire la détermination de tous les évêques et, avec eux, de tous les catholiques, à faire de la protection des enfants une priorité absolue, en étroite collaboration avec les autorités françaises. »
Communiqué de presse de la CEF, 12 octobre 2021 [5]
Il n’y a là, chacun en conviendra, aucune réaffirmation claire de l’inviolabilité du secret de la confession. Le fait que cette loi de l’Église soit « supérieure à la loi de la république » est à présent une « formulation maladroite ». L’Église doit « relire ses pratiques » à la lumière de la crise des abus sexuels, et faire un travail pour « concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants ». Faut-il avoir l’esprit mal tourné pour lire : nous, évêques de France, serions éventuellement prêts à transiger sur le secret de la confession si l’état le demandait ? Dans le meilleur des cas, les évêques ne comptent pas transiger sur le secret de la confession, mais veulent laisser croire le contraire aux autorités de la république pour avoir temporairement la paix. Quelle veulerie.
Une telle décoration, dans ce contexte, a véritablement quelque chose de honteux. Légion du déshonneur, venant adouber la lâcheté et la trahison de ceux qui usurpent les institutions ecclésiastiques pour diffuser la fausse religion relativiste et laïciste de Vatican II : des hommes mous, sans force, qui ne défendent ce qui reste du catholicisme que lorsque cela n’engage pas leur confort ou leur réputation auprès des antichrétiens, qui sont incapables d’affirmer clairement leur altérité par rapport au monde sans religion, et leur intégrité dans la foi en Jésus-Christ et la défense des droits de son Église (alors que, disait saint Pie X, ce serait le meilleur moyen de gagner le respect des incrédules, et peut-être de les intéresser à la religion, que d’affirmer clairement nos convictions et de montrer à quel point elles sont pour nous un principe de vie). Nous pouvons remercier le gouvernement français et monsieur de Moulins-Beaufort de contribuer à rendre toujours plus évidente la réalité de la situation actuelle de l’Église. Chacun remarquera l’absence totale de commentaire du côté de Rome à propos de cette affaire touchant au secret de la confession, pourtant très lourde d’implications pour l’Église de France et au-delà pour l’Église universelle. Ce n’est pas à l’ordre du jour : on se contente de répéter, à tort et à travers, en demandant pardon à tout le monde, que la lutte contre la pédophilie est une priorité absolue pour l’Église (alors que les témoignages de faiblesse et de lâcheté – nous restons dans le même thème ! -, ou bien de complicité pure et simple, du haut clergé conciliaire dans la gestion des dossiers de pédophilie continuent de se multiplier). François continue de faire le contraire de ce que devrait faire un pape : ou bien en actions, ou bien en paroles, ou bien – comme ici – en omissions. Considérons seulement le contraste entre l’attitude de saint Pie X à l’égard des lois de 1905 en France, et l’attitude de François à l’égard de la persécution ouverte du secret de la confession dans ce même pays : ce n’est manifestement plus le même Esprit, ni la même foi que celle qui animait saint Pie X, qui anime François et ses subordonnés.
C’est une information qui est apparemment passée en faisant peu de bruit dans le monde médiatique occidental : en mai 2005, la Congrégation pour la cause des Saints émets un décret d’héroïcité des vertus en faveur de Julius Nyerere (1922-1999), président de la république de Tanzanie entre 1964 et 1985.
Il s’agit de la deuxième étape de la procédure devant mener à la canonisation : dans un premier temps, le fidèle dont on ouvre la cause de béatification et de canonisation est appelé « serviteur de Dieu ». Après une première phase d’étude, un premier décret établissant de la vie exemplaire de l’intéressé est émis, qui lui donne droit au titre de « vénérable », la cause de béatification proprement dite commence ensuite d’être instruite : vu les procédures actuelles, il ne manque plus, pour passer à l’étape suivante, qu’un miracle soit attribué à la personne, ou qu’on établisse qu’un miracle a eu lieu par son intercession, pour que le titre de bienheureux lui soit accordé et que son culte soit autorisé canoniquement. Ce « décret d’héroïcité des vertus » n’est pas du tout émis à la légère, il fait suite à des enquêtes sévères impliquant l’intervention de théologiens, d’évêques et de cardinaux.
Autrement dit, Julius Nyerere est déjà quasiment béatifié, ce n’est qu’une question de temps. Mais il sera, et il est déjà très difficile, pour quelqu’un qui veut croire que les « papes » de Vatican II sont la véritable autorité de l’Eglise catholique, d’admettre que cet homme puisse être un saint. Il est déjà proprement incroyable que le décret d’héroïcité des vertus ait pu être émis, car l’intéressé n’est rien de moins qu’un des principaux leaders socialistes de l’histoire de l’Afrique, et pas seulement sur un plan purement politique mais aussi sur un plan idéologique. Julius Nyerere, surnommé dans son pays « l’instituteur » (mwalimu) était un homme instruit et lettré, qui a laissé à la postérité des livres et des discours : il a théorisé pour la Tanzanie le Ujamaa, socialisme à l’africaine, comme Kim Il-Song a théorisé pour la Corée le Juche. Nous présenterons quelques extraits de ses discours pour mesurer le degré d’opposition et de contradiction de sa pensée avec celle de l’Eglise catholique.
La cause de béatification est portée par ses compatriotes qui le considèrent comme le « père de la nation » et se souviennent avec émotion de son désintéressement, de sa générosité, de sa simplicité malgré les responsabilités qu’il occupait. C’est oublier que ce « père de la nation » a précipité leur pays dans une ruine insondable pour avoir voulu y appliquer une sorte de communisme à la chinoise, et que le pays ne s’est relevé un tant soit peu qu’après avoir renié entièrement ces doctrines économiques absurdes, injustes et contre-nature. La propagande du régime tanzanien en faveur du « culte de la personnalité » de Nyerere doit jouer pour beaucoup dans cette amnésie. Qu’il ait pu être un homme simple et désintéressé, respectueux dans sa vie privée des pratiques de l’Eglise catholique, n’est pas suffisant pour en faire un saint, ni même un vénérable : voyez ce qui suit, pour vous en convaincre.
Il est impossible d’être catholique et socialiste
En plusieurs endroits la doctrine socialiste a été explicitement condamnée par le magistère de l’Eglise catholique, comme contraire à la loi naturelle : c’est un enseignement infaillible relatif aux mœurs. L’encyclique Rerum novarum du Pape Léon XIII (1891), portée sur la question sociale, condamne fermement le socialisme comme un remède pire que le mal en présence (la misère ouvrière et les pratiques injustes des magnats de la finance et de l’industrie). Nous ne citons qu’un passage qui prouve suffisamment combien la condamnation est explicite et circonstanciée :
« De tout ce que Nous venons de dire, il résulte que la théorie socialiste de la propriété collective est absolument à répudier comme préjudiciable à ceux-là mêmes qu’on veut secourir, contraire aux droits naturels des individus, comme dénaturant les fonctions de l’Etat et troublant la tranquillité publique.»
Léon XIII, Rerum Novarum (1891)
Dans l’encyclique Quadragesimo Anno (1930), le Pape Pie XI se fait encore plus précis, et parle de formes atténuées ou mitigées de socialisme qui ne sont pas non plus acceptables. Entre l’époque de Léon XIII et celle de Pie XI, le mouvement socialiste s’est scindé en une branche réformiste (ceux que nous appelons aujourd’hui socialistes) et une branche révolutionnaire (les communistes). Pie XIexplique bien, à l’intention de qui voudrait prétendre que le socialisme réformiste est une voie acceptable pour les catholiques, que le poison de l’erreur est toujours présent dans cette forme atténuée, et qu’il n’est pas possible pour un catholique de marcher de front avec ces socialistes, et encore moins de se déclarer socialiste.
« Mais que dire, si, pour ce qui est de la lutte des classes et de la propriété privée, le socialisme s’est véritablement atténué et corrigé au point que, sur ces deux questions, on n’ait plus rien à lui reprocher ? S’est-il par-là débarrassé instantanément de sa nature antichrétienne ? Telle est la question devant laquelle beaucoup d’esprits restent hésitants. Nombreux sont les catholiques qui, voyant bien que les principes chrétiens ne peuvent être ni laissés de côté, ni supprimés, semblent tourner les regards vers le Saint-Siège et Nous demander avec insistance de décider si ce socialisme est suffisamment revenu de ses fausses doctrines pour pouvoir, sans sacrifier aucun principe chrétien, être admis, et en quelque sorte baptisé. Voulant, dans Notre sollicitude paternelle, répondre à leur attente, Nous décidons ce qui suit : qu’on le considère soit comme doctrine, soit comme fait historique, soit comme « action », le socialisme, s’il demeure vraiment socialisme, même après avoir concédé à la vérité et à la justice ce que Nous venons de dire, ne peut pas se concilier avec les principes de l’Église catholique : car sa conception de la société est on ne peut plus contraire à la vérité chrétienne.
Selon la doctrine chrétienne, en effet, le but pour lequel l’homme, doué d’une nature sociale, se trouve placé sur cette terre, est que, vivant en société et sous une autorité émanée de Dieu, il cultive et développe pleinement toutes ses facultés à la louange et à la gloire de son Créateur, et que, remplissant fidèlement les devoirs de sa profession ou de sa vocation, quelle qu’elle soit, il assure son bonheur à la fois temporel et éternel. Le socialisme, au contraire, ignorant complètement cette sublime fin de l’homme et de la société, ou n’en tenant aucun compte, suppose que la communauté humaine n’a été constituée qu’en vue du seul bien-être. »
Pie XI, Quadragesimo Anno (1930)
Plus loin Pie XI donne une formule qui rends impossible tout équivoque, suivant laquelle catholique et socialiste sont des termes définitivement contradictoires :
« Que si le socialisme, comme toutes les erreurs, contient une part de vérité (ce que d’ailleurs les Souverains Pontifes n’ont jamais nié), il n’en reste pas moins qu’il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. Socialisme religieux, socialisme chrétien, sont des contradictions : personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste. »
Le souverain pontife récapitule ensuite ses propos sur le socialisme et dit :
« Nous avons fait ensuite l’examen du communisme et du socialisme, et toutes leurs formes, même les plus mitigées, se sont révélées très éloignées de l’Évangile. »
Voilà le cœur du problème en somme : si « personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste », si le socialisme est irrecevable parce que « sa conception de la société est on ne peut plus contraire à la vérité chrétienne », s’il n’est pas permis même de soutenir une forme atténuée et mitigée de socialisme, n’importe quelle forme de socialisme, à plus forte raison il n’est pas possible d’avoir pratiqué héroïquement les vertus surnaturelles en ayant milité toute sa vie en faveur d’un socialisme décomplexé et destructeur.
Le socialisme de Julius Nyerere
Il serait vain de prétendre que le socialisme de Julius Nyerere est autre que le socialisme condamné par Pie XI, qu’il y a eu entre temps des évolutions significatives qui rendent le socialisme « baptisable ». Le socialisme de Nyerere entre dans la catégorie du « socialisme mitigé », dont les pires énormités sont tempérées par un semblant de bon sens et de sentiments humains, mais restant toujours irrecevable car contraire à la justice, à certains principes de la loi naturelle, et reposant en dernière instance sur une conception de la vie humaine qui est incompatible avec la doctrine chrétienne. Pour s’en convaincre, nous pouvons étudier quelques extraits de la « déclaration d’Arusha » de 1967, discours-programme de Nyerere et du TANU (Tanganyika African National Union), dont la première partie prends la forme d’un « credo socialiste » et inclus les déclarations suivantes :
« 5. That all citizens together possess all the natural resources of the country in trust for their descendants
6. That in order to ensure economic justice the State must have effective control over the principal means of production; and
7. That it is the responsibility of the State to intervene actively in the economic life of the Nation so as to ensure the well being of all citizens and so as to prevent the exploitation of one person by another or one group by another, and so as to prevent the accumulation of wealth to an extent which is inconsistent with a classless society »[1]
Ce que
nous pouvons traduire par :
5. Que les citoyens, tous ensemble, ont la possession de toutes les ressources naturelles du pays en fiducie [2] pour leurs descendants ;
6. Que
pour assurer la justice économique, l’Etat doit avoir le contrôle effectif sur
les principaux moyens de production ;
7. Qu’il
est de la responsabilité de l’Etat d’intervenir activement dans la vie
économique de la Nation, afin d’assurer le bien-être de tous les citoyens,
d’empêcher l’exploitation d’une personne par l’autre ou d’un groupe par
l’autre, et d’empêcher l’accumulation de richesse dans une mesure qui serait
incompatible avec une société sans classes.
Il y a
dans ces déclarations plusieurs erreurs condamnées ou réfutées par Léon XIII et
Pie XI :
Le principe suivant lequel l’ensemble des ressources naturelles appartiennent confusément à l’ensemble des citoyens : ce qui est une négation pratique du droit de propriété sur les terrains agricoles et autres surfaces susceptibles de procurer des ressources exploitables par l’homme [3] ;
Le principe suivant lequel les principaux moyens de production économique doivent se placer sous le contrôle direct de l’Etat : c’est une des erreurs les plus ruineuse du socialisme au point de vue de l’efficacité économique, et celle-ci n’est nullement atténuée dans le « socialisme africain » de Nyerere.
Le principe suivant lequel il y aurait des limites, qui seraient comme fixées par la loi naturelle, à l’enrichissement légitime de certains individus plus travailleurs, plus doués, plus intelligents ou plus chanceux que d’autres : il faut que l’Etat leur empêche de poursuivre leur réussite économique, qu’ils ne puissent pas s’enrichir au-delà d’un certain montant de richesses. Les seules limites fixées par la loi naturelle sont en réalité celles de la manière dont la richesse est obtenue : il n’est jamais permis de s’enrichir en employant des moyens immoraux, qui porteraient un préjudice au prochain, à soi-même, au bien public ou à la loi de Dieu d’une manière générale. D’un point de vue spirituel, celui est attaché de manière immodérée à la poursuite de l’enrichissement, même purement légitime, court des risques de commettre des péchés et de se couper des sources de la grâce : c’est le problème de la mondanité, de l’attachement excessif aux choses créées et de la diminution proportionnelle de l’attachement à Dieu. Mais l’Etat ne peut pas interdire à quelqu’un de continuer à s’enrichir s’il le fait par des moyens licites, sous le prétexte que sa réussite ferait ombrage aux autres : il serait contraire à la justice de priver un individu du fruit légitime de ses efforts [4].
Enfin le principe suivant lequel il ne doit pas exister de classes sociales : « a classless society », c’est le projet final du socialisme. Là non plus le « socialisme africain » de Nyerere ne comporte pas d’atténuation par rapport au socialisme originel. Il relève pourtant du simple bon sens de dire que l’existence de différentes classes sociales au sein des nations, l’existence d’une élite dans une société, est non seulement une « nécessité historique », dans le sens que même les sociétés qui ont tenté d’abolir l’aristocratie ont mécaniquement recréé une autre aristocratie [5] ; mais c’est aussi et surtout une véritable « nécessité naturelle » harmonieuse et ordonnée au bien commun : pas simplement une « usurpation » de certains individus mal intentionnés, un mécanisme qui serait dû au fond corrompu de la nature humaine, mais un ordre naturel ordonné à la vertu[6]. Un projet de société « sans classe » est formellement contraire à la doctrine sociale de l’Eglise catholique.
Ces déclarations font-elles de Nyerere un « vrai socialiste » ? Ou bien simplement un honnête homme trompé par une vague apparence de bien, et employant de mauvais mots pour désigner des projets et des désirs qui relèvent du christianisme ? Si l’engagement socialiste de Nyerere pouvait encore faire l’objet d’un doute, la déclaration d’Arusha comporte un passage intitulé « Le socialisme est une foi » (Socialism is a Belief), et disant en substance que le socialisme n’était pas simplement une idéologie abstraite, ou un ensemble de mesures pragmatiques décorrélées les unes des autres, mais bien un système complet qui devait se vivre, et se vivre d’abord à l’échelle individuelle comme une croyance religieuse :
«Socialism is a way of life, and a socialist society cannot simply come into existence. A socialist society can only be built by those who believe in, and who themselves practice, the principles of socialism. (…) The first duty of a TANU member, and especially of a TANU leader, is to accept these socialist principles, and to live his own life in accordance with them. (…) The successful implementation of socialist objectives depends very much up the leaders, because socialism is a belief in a particular system of living, and it is difficult for leaders to promote its growth if they do not themselves accept it.»
Voilà ce qui s’appelle de la dévotion.
Julius Nyerere fut donc un vrai socialiste, en paroles, en pensées et en actes. Il a été le principal artisan de la ruine de son pays, et tandis que le peuple se montrait récalcitrant face à la mise en place de la collectivisation, qui est nécessairement synonyme de spoliation, et de la politique de « villagisation » forcée des habitants des campagnes (il s’agissait d’arracher les populations de leurs habitats ordinairement très dispersés pour les placer dans des villages centraux, construits de toutes pièces et plus faciles à gérer), le régime tanzanien a fait recours à la force armée dans le cadre de « l’opération Dodoma » en 1974. Les belles paroles pacifistes et même « respectueuses de la propriété individuelle » de la déclaration d’Arusha laissent place à la réalité destructrice du socialisme : vols et spoliations, déplacements forcés de populations avec recours à la force, puis effondrement de l’économie.
Se peut-il qu’un vrai socialiste soit un bon chrétien ? Ce n’est pas moi, mais Pie XI qui réponds : c’est impossible.
Le laïcisme de Julius Nyerere
Plus intéressant encore que le sujet du socialisme, qui rends déjà impossible la cause de béatification de Nyerere et son statut de « vénérable », il apparaît que l’intéressé adhérait à d’autres erreurs plus graves encore, également condamnées par le magistère de l’Eglise catholique. Julius Nyerere défends sans aucun filtre toutes les erreurs contenues dans Vatican II, sans le « vernis protecteur » d’une pseudo-orthodoxie destinée à calmer les inquiétudes des catholiques conservateurs : liberté religieuse, liberté de pensée et d’expression, laïcisme, vision humanitaire et naturaliste du rôle social de l’Eglise catholique. Peut-être est-ce principalement pour cela que l’on instruit actuellement sa cause de béatification : il est un parfait zélateur de la nouvelle religion conciliaire, qui a rigoureusement mis en pratique en tant que chef d’Etat la véritable doctrine sociale de Vatican II.
Une des particularités du « socialisme à l’africaine » de Nyerere est qu’il n’est pas hostile à la religion. Le régime autorise toutes les religions, et utilise dans ses discours et ses procédures officielles un registre religieux « œcuménique » capable de mettre d’accord les chrétiens, les musulmans et les païens animistes : partout l’on fait référence à Dieu [7], à des principes et des valeurs communes aux grandes religions. En cela le modèle de société proposé par Nyerere a quelque chose de très ressemblant avec le système américain : il existe en Tanzanie comme aux Etats-Unis une sorte de « religiosité civique » qui ne relève d’aucune obédience religieuse en particulier, mais est susceptible de les mettre toutes d’accord. C’est le « paradis terrestre » que poursuit Vatican II, la « bonne laïcité » qui fait marcher main dans la main toutes les religions dans la poursuite du bien-être de l’humanité.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat et la laïcité sont au cœur de la constitution promulguée par Nyerere pour l’état tanzanien, et des principes du TANU d’une manière générale. Dans le quotidien de ce parti unique The Nationalist, en 1965 un éditorial intitulé « Religion and Politics » exprime la même conception de l’union de l’Eglise et de l’Etat que celle du « pape » François, qui dit que les états confessionnels vont « contre l’histoire » et qu’un état doit être laïc [8] :
« History has shown how disastrous it is to mix politics and religion. (…) That is why it is imperative that religion must be isolated from the political life of our country » « L’histoire a montré combien il est désastreux de mélanger politique et religion. (…) C’est pour cela qu’il est impératif que la religion soit tenue à l’écart de la vie politique de notre pays.» [9]
Pour Nyerere donc, il est inconcevable que l’Eglise se mêle des affaires de l’Etat. Mais qu’en est-il de l’inverse ? L’Etat doit-il laisser l’Eglise tout à fait autonome dans la formation de ses prêtres, dans l’enseignement de la doctrine chrétienne ? Apparemment, non … Julius Nyerere s’est personnellement impliqué pour que l’église de Tanzanie soutienne sa politique socialiste, et pour que les séminaristes soient formés au socialisme. Selon le politologue David Westerlund, Nyerere aurait déclaré dans une discussion avec des supérieurs catholiques au palais présidentiel : « Je serais très heureux si les séminaires pouvaient produire des prêtres socialistes », « I should be very happy if the Seminaries could turn out socialist priests ».
Mais il y a plus encore. De manière autonome par rapport à l’Amérique latine, Nyerere semble avoir développé une sorte de « théologie de la libération » qui fait de l’Eglise un instrument de l’émancipation temporelle des peuples contre les classes supérieures, comme s’il s’agissait de la principale raison de l’Incarnation du Dieu éternel et du principal message de l’Evangile. Il prononce en 1970 un discours ahurissant, d’autant plus ahurissant qu’il est prononcé en dehors du cadre de la politique tanzanienne et dans un contexte purement « catholique », à New York devant les membres de la société missionnaire Mary Knoll :
« Only by activities in these fields can the church justify its relevance in the modern world. For the purpose of the church is Man—his human dignity and his right to develop himself in freedom. For all human institutions including the church, are established in order to serve man. And it is the institution of the church, through its members, which should be leading to attack on any organization, or any economic, social, or political structure which oppresses men, and which denies to them the right and power to live as the sons of a loving God »
« C’est seulement par ses activités dans ces domaines [l’action sociale humanitaire] que l’ Église peut justifier de sa pertinence dans le monde moderne. Car l’objectif de l’Église est l’homme – sa dignité humaine et son droit à se développer dans la liberté. Car toutes les institutions humaines, l’Église incluse, sont établies pour servir l’homme. Et c’est l’institution de l’Église qui, à travers ses membres, devrait pousser pour attaquer toute organisation, ou toute structure économique, politique, sociale qui oppresse les hommes, et qui leur dénie le droit et le pouvoir de vivre comme les fils d’un Dieu d’amour). »
On ne saurait formuler plus clairement le fond de la religion conciliaire. Le but de l’Eglise est l’homme, sa dignité humaine, son droit à se développer dans la liberté : le but de l’Eglise est le développement naturel de l’homme. L’Eglise ne justifie sa « pertinence » dans le monde moderne que par des activités dans ce champ humanitaire. Ce que par, « only by », est proprement incroyable dans la bouche d’un supposé catholique. Comme si la fin surnaturelle de l’Eglise avait soudainement disparu avec l’entrée dans le monde moderne, et que tout d’un coup cette Eglise n’avait plus de « pertinence » que sur le terrain de l’instauration du socialisme. Comme si le but de l’Eglise n’était pas d’abord et avant tout Dieu et sa gloire, la mise en relation de l’humanité avec Dieu, la glorification de Dieu par le salut des âmes. Nyerere révèle qu’il considère l’Eglise en tant qu’« institution humaine » comme les autres. Et comme toutes les institutions fondées par l’homme, elle doit servir l’homme… «for all humain institution including the Church, are established to serve man ». L’aspect surnaturel de l’Eglise ici occulté :
Dans son origine (l’Eglise est fondée par Jésus-Christ en tant que Dieu et en vertu de son autorité divine souveraine, elle est d’institution divine et non point humaine),
Dans sa nature actuelle (elle est une société divine et humaine, principalement divine par nature en tant que vivifiée par le Saint-Esprit, et non point simplement divine par origine),
Dans sa finalité (elle a pour fin le salut des âmes et la gloire de Dieu, et non point la poursuite du bien-être humain, bien qu’accidentellement l’action de l’Eglise dans le monde est un bienfait objectif pour l’humanité sur un plan purement naturel).
Ce sont bien ces tendances et ces idées que l’on retrouve chez les partisans les plus zélés de Vatican II. La « pertinence » de l’Eglise à notre époque, c’est de s’occuper des migrants, de la dégradation de l’environnement, de la persécution des Yézidis ou des Rohingyas, et de la construction de la « paix mondiale » par la coopération de toutes les religions. Sauver les âmes de l’enfer éternel, promouvoir la restauration de toutes choses en Jésus-Christ en vue de la vie éternelle, c’est apparemment une préoccupation d’intégriste figé dans le passé. Il serait pourtant bien difficile de lire honnêtement les évangiles et d’en conclure que le Christ s’est incarné, est mort sur la Croix et a institué l’Eglise pour l’établissement d’une société sans classes ou la lutte contre le réchauffement climatique !
Conclusion : de nouveaux saints pour une nouvelle religion
A notre avis, le décret sur l’héroïcité des vertus émis en faveur de Julius Nyerere n’a rien d’une bizarrerie ou d’une irrégularité venant de la part des conciliaires. Contenter le patriotisme des tanzaniens ne peut pas constituer en soi un motif proportionné pour que des théologiens, « cardinaux » et « évêques » déclarent qu’un leader socialiste est un modèle de vertu pour l’Eglise universelle et qu’il faut poursuivre son procès en béatification. C’est parce que Nyerere a parlé et agi en conformité avec leurs propres principes, principes faux et condamnés par le magistère de l’Eglise, qu’il est question d’en faire un modèle. Ce ne serait point la première fois que les conciliaires béatifient ou canonisent des personnes qui ne peuvent pas être des saints, en raison de leur vie scandaleuse et indépendamment de leurs possibles bonnes intentions, mais qui ont été des défenseurs zélés de la nouvelle religion conciliaire, religion humanitaire et œcuméniste. En premier lieu bien sûr, tous les « papes » depuis Vatican II : Jean XXIII, Paul VI, et Jean-Paul II sont déjà « saints », Jean-Paul Ier est « bienheureux » et Benoît XVI et François sont « sur la liste d’attente » d’après le propos à peine ironique dudit François [10]. A présent, nous nous demandons quelle sera l’excuse des herméneutes de la continuité lorsque ce qui est pour eux l’autorité de l’Eglise portera sur les autels un socialiste laïciste qui estime que la place de l’Eglise dans le monde moderne ne se justifie que par ses œuvres humanitaires : s’agira-t-il de dire que la condamnation du socialisme par Pie XI n’était pas infaillible ? Ou bien de prétendre avec la FSSPX que les béatifications et canonisations ne sont pas des faits dogmatiques qui exigent l’assentiment absolu de la foi ? Puissent-ils plutôt réaliser qu’il est impossible, sous tout rapport, que l’Eglise canonise un socialiste. Le fait qu’un socialiste soit déclaré « vénérable » est déjà, présentement, un problème grave. Nous prions pour que le peuple chrétien ouvre les yeux, et réalise l’immense supercherie qui est en train de se réaliser sous leurs yeux et sous les apparences de la légitimité hiérarchique catholique : si cette « béatification » pouvait aider à lever le voile qui aveugle tant de catholiques, faute de mieux nous l’appelons de nos souhaits.
Jean-Tristan B.
[1] Le texte complet est disponible ici : https://www.marxists.org/subject/africa/nyerere/1967/arusha-declaration.htm
[2] La fiducie (trust) est un concept juridique anglo-saxon désignant une opération par laquelle une personne (le constituant) confie une propriété de biens ou de droits à un tiers (le fiduciaire) qui emploie ces propriétés ou ces biens au bénéfice d’autres personnes. Dans ce contexte, il s’agirait de dire que « l’ensemble des citoyens » aurait reçu (de qui ?) les ressources naturelles en fiducie, pour les gérer au bénéfice des générations futures.
[3] Léon XIII dit la chose suivante dans l’encyclique Rerum novarum que Dieu, qui a « donné la terre aux hommes », ne la leur donne pas sous la forme d’une propriété diffuse universelle, mais il laisse les hommes libres de délimiter des propriétés : « Qu’on n’oppose pas non plus à la légitimité de la propriété privée le fait que Dieu a donné la terre au genre humain tout entier pour qu’il l’utilise et en jouisse. Si l’on dit que Dieu l’a donnée en commun aux hommes, cela signifie non pas qu’ils doivent la posséder confusément, mais que Dieu n’a assigné de part à aucun homme en particulier. Il a abandonné la délimitation des propriétés à la sagesse des hommes et aux institutions des peuples.» Il est donc erroné de prétendre que l’ensemble des citoyens a un droit de propriété (inhérent ou délégué, comme dans le cas d’une fiducie) sur l’ensemble des ressources naturelles.
[4] C’est précisément en cela que le système de « l’état-providence », émanation du socialisme, qui préconise des taux de taxations incroyablement élevés et toujours plus élevés à mesure de l’importance des revenus générés par une personne en situation de « réussite économique », est d’une grande injustice. Par ces mesures, l’entreprenariat est découragé et quasiment criminalisé : comme si ceux qui parvenaient à s’enrichir devaient en avoir honte, et payer à la société une sorte d’amende toujours plus grande à mesure qu’ils arrivent à s’extraire de la condition du commun.
[5] Ce phénomène est désigné par le sociologue Robert Michels, désabusé du socialisme, comme la « loi d’airain de l’oligarchie » : toute organisation quelle qu’elle soit, qu’elle prétende prendre la forme d’une autocratie ou d’une démocratie, aura toujours une minorité de personnes puissantes à sa tête. Elle pourra avoir un point de départ égalitaire utopique : au bout d’un certain temps de développement, une aristocratie se formera. Cette vérité s’applique aussi bien à la pseudo-démocratie occidentale actuelle qu’aux régimes monarchiques de l’Europe chrétienne : même l’absolutisme de Louis XIV repose sur un réseau complexe d’élites sans lesquelles le roi ne peut pas exercer son pouvoir, ou que le roi ne saurait contrarier sans qu’il s’en suive des conséquences fâcheuses pour le bien public. L’absolutisme d’ailleurs doit beaucoup à une caste de légistes et de magistrats qui depuis le XIIIe siècle ont conseillé les rois et défini le cadre conceptuel de cet absolutisme. La nature sociale de l’homme inclut cette nécessité de l’aristocratie, aussi bien à petite échelle dans n’importe quelle groupe humain (entreprise, association) qu’à l’échelle d’une nation entière.
.[6] Toujours Léon XIII dans Rerum novarum : « Dans le corps humain, les membres malgré leur diversité s’adaptent merveilleusement l’un à l’autre, de façon à former un tout exactement proportionné et que l’on pourrait appeler symétrique. Ainsi, dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s’unir harmonieusement dans un parfait équilibre. Elles ont un impérieux besoin l’une de l’autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. La concorde engendre l’ordre et la beauté. Au contraire, d’un conflit perpétuel il ne peut résulter que la confusion des luttes sauvages. Or, pour dirimer ce conflit et couper le mal dans sa racine, les institutions chrétiennes ont à leur disposition des moyens admirables et variés. »
[7] Les peuples animistes d’Afrique croient tous en l’existence d’un Dieu unique, Créateur Tout-puissant, bien qu’ils ne l’adorent pas et qu’ils se préoccupent au quotidien d’autres « entités » (esprits, ancêtres). Les références à Dieu dans l’hymne national ou dans les discours du régime ne devraient pas choquer les animistes tanzaniens.