2. Rosaire et âme de Jésus : sa science

Livre du R.P. Hugon

Tous les chapitres de Rosaire et Sainteté ->

Le rosaire nous met en présence de l’âme de Jésus et nous fait entrer dans l’âme de Jésus. Le rosaire nous fait acquérir la vraie science : celle de Dieu et de son plan d’amour pour nous, celle de la croix.


Jésus est plein grâce et de vérité, Plenum gratiae et veritatis, la plénitude de la sainteté et la plénitude de la science sont en son âme.

Dans les mystères et les scènes vivantes que le rosaire met sous nos yeux, Jésus connaissait déjà tout, passé présent futur, il pensait à nous, lisait dans notre esprit toutes nos pensées, dans nos cœurs tous nos sentiments, il savait d’avance nos ingratitudes, nos faiblesses, nos lâchetés. Malgré cela, il nous aimait, il s’offrait pour nous en pensant à chacun de nous (dans le sein de la sainte vierge, dans la crèche, au temple, jusque dans sa passion, sa résurrection, son ascension). Il connaissait aussi nos efforts, nos prières, nos désirs, notre dévotion au rosaire et la manière dont nous le récitons. Y pensons-nous ? Sommes-nous conscient que l’âme vivante de Jésus est omnisciente, présente lorsque nous prions ? Ayons un cœur pur, plein de confiance et d’amour envers Jésus.

Le rosaire nous fait participer à la science de l’âme de Jésus en nous y faisant entrer. Il est le résumé du plan de Dieu pour nous, de tout l’ordre surnaturel. Nous en goûtons la bonté, la gratuité, la grandeur et les sacrifices qu’il exige, accompagnés et éclairés par les enseignements de Jésus, ses jugements, ses volontés et sa compréhension totale de toutes les actions qu’il réalise (la vie cachée, 30 ans!! et comme nous sommes pressés, bornés, susceptibles, trop humains… le portement de la croix…) et qu’il a prévues par amour pour nous, pour nous sauver. Suivons-nous ces enseignements et posons-nous les mêmes jugements ? Comment vivons-vous les contrariétés, les manques d’égards, les souffrances ? Laissons-nous éclairer et porter par la science de Jésus. 


1. Le Rosaire est comme la révélation du Sacré-Cœur

Livre du R.P. Hugon

Dieu est la perfection infinie, la sainteté même, la beauté dans sa plénitude. Il a communiqué aux créatures des traits de ses divins attributs.


Tous les chapitres de Rosaire et Sainteté


Cette beauté divine se retrouve de la meilleure manière dans le Cœur de Jésus, idéal à l’image duquel Dieu a créé le nôtre. Contempler, admirer et comprendre le Cœur de Jésus tel qu’il est réellement et objectivement pour y mouler le nôtre, c’est comprendre les merveilles de la création et de la rédemption, de la grâce et du salut données gratuitement par les amoureuses libéralités du Sacré-Cœur malgré notre profonde et continuelle misère, c’est les accepter et les embrasser généreusement.

Le Rosaire nous révèle de la meilleure des manières ces beautés du Sacré-Cœur. Il nous montre le cœur de Jésus vivant, battant, agissant, avec ses sentiments et ses jugements (sur Dieu, sur les hommes, sur les autres créatures : les nôtres sont-ils conformes aux siens?)

Qu’il soit épanoui de tendresse et de joie (Mystères joyeux), abreuvé d’amertume (douloureux) ou triomphant (glorieux), il est toujours enivré d’amour.

La beauté se manifeste dans le Cœur de l’Enfant-Dieu, pur, tendre, livré tout entier pour notre salut, prêt dès les premiers instants de sa conception à souffrir par amour pour nous, pour racheter nos péchés et soutenir notre faiblesse. On y voit l’ami fidèle qui sourit à nos joies, répond à nos pleurs, essuie nos larmes. Comment répondons-nous à tant d’amour ? Saisissons-nous dans les mystères du rosaire cette immensité d’amour du Sacré-Cœur ? Ne sommes-nous pas ingrat, aveugle ?

Dans sa passion, Jésus manifeste une force et un héroïsme d’amour qui le fait se livrer tout entier aux douleurs et aux humiliations les plus terrifiantes pour le moindre des hommes : et un Dieu vit cela volontairement pour nous ? En sachant cela dès l’origine, en s’y préparant patiemment ? Mystère insondable qui  nous révèle l’immolation totale de Dieu pour nous, l’agonie du Cœur débordant d’un amour incompréhensible à l’œil terrestre et qui se vide jusqu’à la dernière goutte pour nous sauver.

Sacré-Cœur de Jésus, faites que je vous connaisse mieux, faites que je réponde généreusement à vos appels pressants, faites que je me détache de tout ce qui n’est pas vous et que je ne désire que vous.

R.P. Édouard Hugon : Le Rosaire est comme la révélation du Sacré-Cœur

Le Rosaire et la Sainteté – Avant propos

Livre du R.P. Hugon

« Le rosaire est la dévotion distinctive des vrais catholiques »

Tous les chapitres de Rosaire et Sainteté ->


Le rosaire est né dans l’ordre de saint Dominique (les frères prêcheurs ou « dominicains ») au XIIIe siècle. Il est une invention de Marie, donc une invention d’amour de Dieu, un moyen de mieux connaître et aimer Dieu, Marie étant comme une « relation à Dieu » nous dit saint Louis Marie Grignon de Montfort.

Il y a une analogie entre les sacrements, invention de Jésus, et le rosaire, invention de Marie : les deux unissent intimement et inséparablement un aspect sensible (pour le rosaire, la récitation vocale) adapté à notre nature corporelle, et un aspect divin, surnaturel qui élève et sanctifie nos âmes en les unissant à Dieu.

Le rosaire embrasse le temps et l’éternité : il contient les insondables mystères qui sont le centre de tous les siècles et de toute l’histoire du salut : il commence au ciel et dans l’éternité par le mystère de l’incarnation, il se termine au ciel et dans l’éternité par les mystères de l’ascension de Jésus et du couronnement de Marie.

Le rosaire est comme le résumé de tout le christianisme : la trinité, l’incarnation, la sainte vierge, la vie cachée, la vertu, la passion, la souffrance, les fins dernières : le dogme, la théologie, la morale qui prient et qui adorent, une école d’intelligence et de sainteté, accessible aux plus humbles.

La question sociale elle-même est résolue par le Rosaire, comme Léon XIII le prouve éloquemment. Pourquoi les nations ont-elles frémi, pourquoi ces secousses qui troublent la paix des sociétés ? A cela il y a trois causes, dit le Souverain Pontife. La première, c’est l’aversion pour la vie humble et laborieuse, et le remède à ce mal se trouve dans les Mystères joyeux ; la seconde, c’est l’horreur de tout ce qui fait souffrir, et lé remède à ce mal se trouve dans les Mystères douloureux ; la troisième, c’est l’oubli des biens futurs, objet de notre espérance, et le remède à ce mal se trouve dans les Mystères glorieux.

Le rosaire nous révèle l’auteur de la sainteté, les modèles de la sainteté, et nous enseigne la pratique de la sainteté.

D’où le plan du livre :

  1. Le Rosaire et l’auteur de la sainteté : Jésus.
  2. Le Rosaire et les modèles de la sainteté : Marie et Joseph.
  3. Le Rosaire et la pratique de la sainteté.
R.P. Édouard Hugon : Le rosaire et la sainteté

L’importance du sport selon Pie XII

DISCOURS DE PIE XII AUX SPORTIFS ITALIENS Solennité de Pentecôte, 20 mai 1945

Thomas Eakins – The Biglin Brothers Racing

Vous nous apportez, très chers jeunes, parmi tant de motifs de tristesse et d’angoisse, qui nous affligent profondément, une grande joie, une grande espérance, cette joie, cette espérance, dont était rempli le cœur de Jean, l’Apôtre bien-aimé de Jésus, l’ardent vieillard à l’âme inaltérablement jeune, quand il s’exclamait : « Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le Mauvais » (1Jn 2,14). De cette joie qui est la Nôtre, de ce magnifique spectacle d’une vaillante, franche, généreuse et audacieuse jeunesse, qui dans la « Pâques du Sport » a renouvelé avec l’accomplissement des devoirs religieux ses énergies spirituelles et maintenant, réunie ici, démontre avec un chaleureux (et en partie aussi, nous voudrions dire, bruyant) enthousiasme sa fidélité au Christ et à l’Eglise, nous sommes redevables à la méritante Présidence du Centre Sportif Italien, qui en union avec le Comité Olympique National Italien et avec les Fédérations Nationales, est devenue l’active promotrice de cette opportune manifestation, sur laquelle nous invoquons du Ciel les plus abondantes faveurs et secours.

Autant est loin de la vérité celui qui blâme l’Eglise de ne pas prendre soin des corps et de la culture physique, que celui qui voudrait restreindre sa compétence et son action aux choses « purement religieuses », « exclusivement spirituelles ». Comme si le corps, créature de Dieu à l’égal de l’âme, à laquelle il est uni, ne devait pas avoir sa part à l’hommage à rendre au Créateur ! « Soit que vous mangiez –écrivait l’Apôtre des Gentils aux Corinthiens – soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1Co 10,31) Saint Paul parle ici de l’activité physique ; le soin du corps, le « sport », entre donc bien dans les paroles « quoi que vous fassiez ». Bien plus même il en parle souvent explicitement : il parle des courses, des combats non pas avec des expressions critiques ou de réprobation, mais en connaisseur qui en élève et en ennoblit chrétiennement le concept.

Car, enfin, qu’est-ce que le sport, sinon une des formes d’éducation du corps ? Maintenant cette éducation est en rapport étroit avec la morale. Comment donc l’Eglise pourrait-elle s’en désintéresser ?

Et en réalité elle a toujours eu envers le corps une sollicitude et une attention, que le matérialisme, dans son culture idolâtre, n’a jamais manifesté. Et c’est bien naturel, car celui-ci ne voit et ne connait du corps que la chair matérielle, dont la vigueur et la beauté naissent et fleurissent pour ensuite rapidement se faner et mourir, comme l’herbe des champs qui finit dans les cendres et la boue. Très différente est la conception chrétienne. Le corps humain est, en lui- même, le chef d’œuvre de Dieu dans l’ordre de la création visible. Le Seigneur l’avait destiné à fleurir là-haut, pour éclore immortel dans la gloire du ciel. Il l’a unit à l’esprit dans l’unité de la nature humaine, pour faire gouter à l’âme l’enchantement des œuvres de Dieu, pour l’aider à regarder dans ce miroir leur commun Créateur, à le connaître, à l’adorer, à l’aimer ! Ce n’est pas Dieu qui a rendu le corps humain mortel, mais le péché ; mais si à cause du péché le corps, tiré de la poussière, doit retourner un jour en poussière, de celle-ci cependant le Seigneur le tirera de nouveau pour le ramener à la vie. Ainsi réduits en poussière, l’Eglise respecte et honore les corps, morts pour ensuite ressusciter. Mais l’Apôtre Paul nous conduit à une vision encore plus haute : « Ne savez-vous pas, -dit-il – que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été bel et bien achetés ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Co 6,19-20).

Glorifiez Dieu dans votre corps, temple du Saint Esprit ! Ne reconnaissez-vous pas là, très chers fils, les mêmes paroles qui résonnent si souvent dans les psaumes ! Louez Dieu et glorifiez-Le dans son temple saint ! Mais alors il faut dire encore du corps humain : Domum tuam decet sanctitas, Domine (Ps 92,5). A ton temple s’ajoute la sainteté, ô Seigneur ! Il faut aimer et cultiver la dignité, l’harmonie, la beauté chaste de ce temple : Domine, diligo habitaculum domus tuae et locum tabernaculi gloriae tuae (Ps 25,8).

Glorifiez Dieu dans votre corps, temple du Saint Esprit !
Il faut aimer et cultiver la dignité, l’harmonie, la beauté chaste de ce temple.

Maintenant quel est, en premier lieu la fonction et la finalité du « sport », entendues sainement et chrétiennement, sinon justement de cultiver la dignité et l’harmonie du corps humain, de développer la santé, la vigueur, l’agilité et la grâce ?

Et ne reproches pas non plus à saint Paul son expression énergique : Castigo corpus meum ei servitutem redigo : « Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage » (1 Co 9,27), lui qui dans le même passage s’appuie sur l’exemple des fervents amateurs du « sport », qui, exercé modérément et consciencieusement, fortifie le corps, le rend sain, frais et vigoureux, mais pour accomplir cette œuvre éducative, le soumet à une discipline rigoureuse et souvent dure, qui le domine et le réduit vraiment en servitude ; en l’entraînant à la fatigue, à la résistance, à la douleur, à l’habitude de continence et de sévère tempérance, toutes conditions indispensables à celui qui veut remporter la victoire.

Le « sport » est un antidote efficace contre la mollesse et la vie facile, il réveille le sens de l’ordre et éduque à l’épreuve, à la maîtrise de soi, au mépris du danger sans fanfaronnade ni pusillanimité. Vous voyez bien comment cela dépasse déjà la seule robustesse physique, pour mener à la force et la grandeur morales. C’est ce que Cicéron dans son incomparable limpidité de style exprimait en disant : Exercendum…corpus et ita afficiendum est, ut oboedire consilio rationique possit in exsequendis negotiis et in labore tollerando (De Off , I,XXIII, 1). Du pays natal du « sport » provint le proverbial « fair-play », cette émulation chevaleresque et courtoise qui élève les esprits au-dessus de la mesquinerie des tricheries, des manigances d’une vanité susceptible et vindicative, et les préserve des excès d’un nationalisme fermé et intransigeant.

Le « sport » est une école de loyauté, de courage, d’endurance, de décision, de fraternité universelle, toutes vertus naturelles, mais qui fournissent aux vertus surnaturelles une base solide, et préparent à soutenir sans faiblesse le poids des plus lourdes responsabilités. Comment pourrions-nous Nous-même en cette occasion ne pas rappeler l’exemple de Notre grand prédécesseur Pie XI, qui fut aussi une Maître du « sport » alpin ? Relisez le récit, si impressionnant dans sa tranquille simplicité, de cette nuit toute entière passée, après une difficile ascension de vingt heures, sur une étroite arête de rocher du Mont Rose, à 4600 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer, par un froid glacial, debout, sans pouvoir faire un pas dans aucun sens, sans pouvoir se laisser vaincre un seul instant par le sommeil, mais au centre ce très grandiose théâtre alpin parmi les plus grandioses, devant cette très imposante révélation de la toute puissance et de la majesté de Dieu (CF A.Ratti, Scritti alpinistici, Milan 1923, p. 42- 43). Quelle résistance physique, quelle ténacité morale suppose un tel comportement ! Et quelle préparation, ces aventures audacieuses durent être pour lui donner son courage intrépide dans l’accomplissement des formidables devoirs qui l’attendaient, pour la solution des problèmes apparemment inextricables, devant lesquels il allait se trouvait un jour comme Chef de l’Eglise !

Fatiguer sainement le corps pour reposer l’esprit et le disposer à de nouveaux travaux, affiner les sens pour acquérir une plus grande intensité de discernement des facultés intellectuelles, exercer ses muscles et s’habituer à l’effort pour tremper le caractère et se former une volonté forte et souple comme l’acier : telle était l’idée que le prêtre alpiniste s’était fait du « sport ».

Fatiguer sainement le corps pour reposer l’esprit et le disposer à de nouveaux travaux, affiner les sens pour acquérir une plus grande intensité de discernement des facultés intellectuelles, exercer ses muscles et s’habituer à l’effort pour tremper le caractère et se former une volonté forte et souple comme l’acier.

Comme cette idée est donc loin du matérialisme grossier, pour qui le corps est tout ! Mais comme elle est aussi contraire à cette folie d’orgueil, qui ne se retient pas de ruiner par un surmenage insensé les forces et la santé du « sport », pour conquérir la palme dans une compétition de boxe ou de vitesse, et l’expose même parfois témérairement à la mort ! Le « sport » digne de ce nom, rend l’homme courageux en face du péril du présent, mais n’autorise pas à s’exposer sans une raison proportionnée à un risque grave : ce qui serait moralement illicite. A ce propos Pie XI écrivait : « Par ces mots – vrai danger – je veux dire…, il n’est pas possible qu’on puisse affronter cet état de chose soit en lui-même soit par les dispositions du sujet qui s’y engage sans qu’un malheur n’arrive » (Ibid. p.59). Pour cela il observait au sujet de son ascension sur le Mont Rose : « L’idée de tenter, comme on le dit d’habitude, un coup dangereux, ne nous passait même pas par la tête. L’alpinisme véritable n’est pas en effet une affaire de casse-cous, mais au contraire tout est seulement question de prudence et d’un peu de courage, de force et de constance, d’amour de la nature et de ses beautés plus secrètes » (Ibid. p.22).

Sir John Lavery – Tennis under the orange trees, Cannes – 1856 – 1941

Ainsi compris, le « sport » n’est pas une fin, mais un moyen ; il doit être comme cela et rester ordonné au but, qui consiste à former et éduquer de manière parfaite et équilibrée tout l’homme, pour qui le « sport » est une aide dans l’accomplissement rapide et joyeux du devoir, tant dans la vie de travail que dans celui de la famille. Par un renversement lamentable de l’ordre naturel quelques jeunes consacrent avec passion tout leur intérêt et toute leurs activités aux réunions et aux manifestations sportives, aux exercices d’entrainement et aux compétitions, mettent tout leur idéal dans la conquête d’un « championnat », mais ne prêtent qu’une attention distraite et ennuyée aux nécessités fastidieuses de l’étude ou de la profession. Le foyer domestique n’est plus pour eux qu’un hôtel où ils font halte en passant comme des étrangers.

Vous êtes, vous, grâce au ciel, bien différents, très chers fils, quand, après une belle compétition, vous vous remettez, rapidement et avec une ferveur renouvelée, au travail, lorsque rentrés à la maison, vous réjouissez la famille avec vos récits exubérants et enthousiastes.

Au service de la vie saine, robuste, ardente, au service d’une activité plus féconde dans l’accomplissement de vos devoirs d’état, le « sport » peut et doit être au service de Dieu. A cette fin de fait celui-ci incline les âmes à diriger les forces physiques et les vertus morales, qu’il développe ; mais tandis que le païen se soumet au régime sportif sévère pour obtenir seulement une couronne éphémère, le chrétien s’y soumet pour un but plus haut, pour un prix immortel (Cf. 1Co 9,25).

Avez-vous remarqué le nombre considérable de soldats parmi les martyrs que vénère l’Eglise ? Aguerris dans leur corps et leur caractère par les exercices inhérents au métier des armes, ceux-ci étaient pour le moins semblables à leurs frères d’armes pour le service de la patrie, pour la force, pour le courage ; mais ils se montraient incomparablement supérieurs à ceux-ci, prêts comme ils étaient au combat, aux sacrifices pour le service loyal du Christ et de l’Eglise. Animés de la même foi et du même esprit, soyez, vous aussi, disposés à tout subordonner à vos devoirs de chrétiens.

Ainsi compris, le « sport » n’est pas une fin, mais un moyen ; il doit être comme cela et rester ordonné au but, qui consiste à former et éduquer de manière parfaite et équilibrée tout l’homme, pour qui le « sport » est une aide dans l’accomplissement rapide et joyeux du devoir, tant dans la vie de travail que dans celui de la famille.

A quoi serviraient en effet le courage physique et l’énergie du caractère, si le chrétien en usait seulement à des fins terrestres, pour gagner une « coupe » ou pour se donner des airs de surhomme ? Si on ne sait pas, quand cela arrive, réduire d’une demi-heure le temps de sommeil ou retarder un rendez-vous au stade, plutôt que négliger d’assister à la Messe dominicale ; si on ne réussit pas à vaincre le respect humain pour pratiquer la religion et la défendre ; si on ne se sert pas de sa prestance et de son autorité pour arrêter ou réprimer du regard, par la parole ou le geste, un juron, un propos obscène, une malhonnêteté, pour protéger les plus jeunes et les plus faibles contre les provocations et les assiduités douteuses ; si on ne s’habitue pas à terminer ses heureux succès sportifs en louant Dieu, Créateur et Seigneur de la nature et de toutes ses forces ? Soyez toujours conscients que l’honneur le plus haut et le destin le plus saint du corps est d’être la demeure d’une âme, qui resplendit de pureté dans la société et soit sanctifiée par la grâce divine.

Ainsi, très chers fils, est dessiné et tracé le but du « sport ». Accomplissez résolument cette œuvre, conscients que dans le champ de la culture physique la conception chrétienne n’a rien à recevoir d’autrui, mais plutôt à donner. Celui qui dans les diverses sortes de manifestations sportives s’est montré comme vraiment bon, vous pouvez l’accepter et l’adopter autant que les autres.

Mais pour ce qui regarde la place que le « sport » doit avoir dans la vie de l’homme, pour chacun, pour la famille, pour tout le monde, l’idée catholique est simplement salvatrice et éclairante.

L’expérience des dernières décennies est en ce sens hautement instructive ; celle-ci a démontré comment seule l’évaluation chrétienne du « sport » est capable de s’opposer efficacement aux fausses idées et aux tendances pernicieuses et d’en éliminer l’influence néfaste ; en contrepartie celle-ci enrichit la culture physique de tout ce qui concourt à élever la valeur spirituelle de l’homme et, ce qui compte le plus, l’oriente vers une noble exaltation de la dignité, de la vigueur et de l’efficacité d’une vie pleinement et fortement chrétienne. C’est en cela que le sportif exerce son apostolat, quand il reste fidèle aux principes de sa foi.

Il est assez remarquable de voir combien l’Apôtre Paul utilise souvent l’image du « sport » pour représenter sa mission apostolique et la vie du combat chrétien sur terre, surtout dans la première Lettre aux Corinthiens. « Ne savez-vous pas – écrit-il – que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter ». Et là il ajoute les paroles auxquelles nous avions déjà fait allusion : « Tout athlète se prive de tout ; mais pour eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable. Et c’est bien ainsi que je coure, moi, non à l’aventure ; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. Je meurtris mon corps au contraire, et le traîne en esclavage, de peur qu’après avoir été celui qui proclame aux autres, je ne sois moi-même disqualifié » (1Co 9,24-27).

Ces quelques mots jettent sur le « sport » des rayons de lumière mystique. Mais ce qui importe à l’Apôtre, c’est cette réalité supérieure, dont le « sport » est la représentation symbolique : le travail incessant pour Christ, la comparaison et l’assujettissement du corps à l’âme immortelle, la vie éternelle comme prix de ce combat. Pour le sport chrétien aussi, pour vous aussi, très chers fils, le « sport » ne doit pas être l’idéal suprême, le but ultime, mais doit servir à tendre vers cet idéal, à atteindre cette fin. Si un exercice sportif est pour vous une récréation et un stimulant pour accomplir avec fraîcheur et ardeur vos devoirs dans le travail ou l’étude, on peut bien dire que celui-ci montre sa vraie signification et sa réelle valeur, et obtient heureusement son propre but. Et si, outre cela, le « sport » est pour vous non seulement une image, mais en quelque sorte aussi la réalisation de votre devoir le plus haut, c’est-à-dire, si vous faites tout votre possible au moyen de l’activité sportive pour rendre le corps plus docile et obéissant à l’esprit et à vos obligations morales, si en outre par votre exemple vous contribuez à donner à l’activité sportive une forme qui correspond mieux à la dignité humaine et aux préceptes divins, alors votre culture physique acquiert une valeur surnaturelle, alors vous réalisez dans le même temps et en une seule action le symbole et la chose symbolisée dont parle Saint Paul, alors vous vous préparez à pouvoir une jour proclamer comme le grand combattant apostolique : « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice, qu’en retour le Seigneur me donnera en ce jour-là, lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition » (2Tim 4, 7-8).

Afin que le Tout-Puissant, créateur de vos corps et de vos âmes, le Saint Esprit, dont votre corps est le temple, Marie, la Vierge forte et la Mère sans tâche, vous gardent, vous protègent, vous accordent de « jouir toujours de la santé de l’esprit et du corps », Nous, vous plaçant sous leur protection, nous vous donnons de tout cœur à vous, à vos compagnons, à vos familles, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

(Cf. Pie XII 23-V-1945 dans Discours et Radiomessages de Pie XII, Vol. VII p ; 54-63)

L’erreur du salut par la piété seule


Nous publions ici la traduction d’un article du blog de Mgr Sanborn [1] contre la culture moderne et l’idée qu’il suffit d’être « pieux » pour sauver son âme, qu’il suffit de transmettre à ses enfants la piété pour en faire de parfaits chrétiens. En effet il ne suffit pas d’entretenir de multiples pratiques de piété, même très sincères, pour être un bon chrétien qui vit loin du péché : il faut aussi être prudent vis-à-vis de la perversion omniprésente de la société, perversion qui se véhicule partout par la culture. Il n’est pas normal que la culture moderne s’invite dans les foyers catholiques comme une chose banale et sans conséquence. La nécessité de la mortification, principe central de la spiritualité catholique, doit s’appliquer en premier lieu, dans le monde actuel, à la fuite des occasions de péché données par la culture moderne : si les enfants ne sont pas élevés dans cet esprit de mortification, il ne faut pas s’étonner qu’ils abandonnent la religion ensuite.


Tout le monde a entendu parler de l’enseignement hérétique de Luther du « salut par la foi seule ». Il consiste à dire que l’unique acte nécessaire au salut est l’acte de foi, ce qui signifie pour lui et pour les protestants d’une manière générale la « confiance en Dieu ». Pour les catholiques, la foi veut dire l’assentiment de l’intelligence, par le moyen d’une vertu surnaturelle infusée par Dieu, aux vérités révélées par Dieu et proposées comme telles par l’autorité enseignante de l’Eglise catholique romaine. Ainsi, pour Luther et ses partisans, les péchés ne sont pas retenus contre vous dans l’ordre du salut. Il n’y a aucune nécessité de se mortifier. Aucune nécessité de faire pénitence. Luther disait : « Soyez un pécheur et péchez effrontément, mais croyez et réjouissez-vous en Christ encore plus effrontément … Aucun péché ne nous séparera de l’Agneau, même si l’on commettait mille fois par jour la fornication et l’adultère » [2].

Aucun catholique ne dirait cela. Tout catholique sait qu’il sera jugé sur ses actions au moment de sa mort, et pas simplement sur sa confiance en Dieu. Néanmoins, de nombreux catholiques, et je veux parler ici de ceux qui ont rejeté Vatican II et adhèrent à la foi traditionnelle, tiennent une formule similaire, que je décris comme le salut par la piété seule.

Voici le cas typique. Un tel catholique croit en tout ce que l’Eglise enseigne, récite fréquemment et fidèlement son chapelet, peut-être tous les jours, va à la messe tous les dimanches, participe éventuellement à des pratiques dévotionnelles au cours de la semaine, se confesse souvent, et possède chez lui de nombreuses images de Notre Seigneur, de Notre-Dame et des saints. Peut-être même qu’il dirige chaque soir la récitation du chapelet en famille.

De l’autre côté, ce même catholique vivra selon tous les standards de la culture moderne. Il regarde des productions impures à la télévision, au théâtre ou sur internet. Il écoute de la musique rock. Il élève ses enfants suivant toutes les idées modernes, c’est-à-dire qu’il les laisse suivre leurs instincts sans discipline, ou dans le cadre d’une discipline inefficace. S’il est un homme, il échoue à affirmer son autorité dans le foyer. Si elle est une femme, elle est fortement influencée par le féminisme, et échoue à comprendre son rôle dans la maison.

Ils se vêtissent suivant la mode moderne, aussi immodeste soit-elle. Ils fréquentent des plages bondées où il y a partout une grave impudicité. Ils vont dans des endroits tels que Disneyland : sans commentaire.

Ils acceptent dans leurs familles ceux qui sont « divorcés et remariés », ou qui vivent en concubinage.

Ils envoient leurs enfants dans des écoles qui ont été inventées pour détruire la foi catholique et les bonnes mœurs de leurs enfants. Ils se réjouissent de leurs accomplissements lorsqu’ils en ressortent diplômés, sans se soucier de la destruction spirituelle de leur enfant.

Ils approuvent pour leurs enfants des conjoints qui sont hérétiques, impies, et/ou impurs.

Et lorsqu’enfin leurs enfants, une fois parvenus à l’âge adulte, sont devenus des athées et des gauchistes, ces mêmes catholiques viennent demander au prêtre : « en quoi me suis-je trompé ? »

Ils se sont trompés de la même manière que Luther s’est trompé. Ils pensaient que la piété seule suffirait à faire de leurs enfants des catholiques, et les protégerait des mauvaises influences du monde moderne. Pour Luther, c’était la foi seule ; pour ces catholiques, c’est la piété seule.

Contemplons la Sainte Croix. Il y a deux grandes leçons dans la Croix du Christ : 1- l’amour de Jésus pour Son Père ; 2- la mise à mort du vieil Adam du péché.

Notre Seigneur sur la Croix a obtenu notre salut en donnant à Son Père, au nom de l’humanité qu’il avait lui-même prise, l’obéissance à Sa volonté jusqu’à la mort de la Croix.

Cette obéissance du Christ fut le remède à la désobéissance d’Adam et, en définitive, à la désobéissance de tout homme qui commet un péché. L’agréable odeur de l’obéissance de Son Fils l’emportait de loin sur la puanteur du péché humain. Ceci est un des aspect de la rédemption du genre humain.

L’autre aspect est la mortification de l’homme de péché. Il y avait une peine de mort à payer pour les péchés des hommes, et Notre Seigneur l’a payée. La vie spirituelle catholique est basée sur ces deux aspects de la Croix. D’un côté se trouve l’amour de Dieu, qui inclut l’obéissance aux commandements de Dieu et la piété, c’est-à-dire tous les actes d’adoration et de prière que nous offrons à Dieu. De l’autre côté se trouve la mortification, c’est dire la mise à mort dans nos âmes des effets du péché originel et des péchés actuels. La mortification consiste entre autres choses à éviter les occasions de péché.

La culture moderne est un produit du diable, et constitue une énorme occasion de péché. La piété ne sera pas agréable à Dieu, et ne produira pas de bons effets, si les catholiques boivent chaque jour le poison de la culture moderne.

Si les parents catholiques veulent avoir des enfants catholiques plutôt que des enfants païens, et s’ils veulent avoir des petits-enfants catholiques, il est nécessaire qu’ils se coupent du monde moderne. Cela demande beaucoup de sacrifices : ils ne pourront pas participer aux amusements et aux réjouissances du plus grand nombre. Les enfants doivent comprendre cette nécessité de la mortification et du sacrifice.

Je suis certain que les catholiques qui vivaient dans l’empire romain dans les premiers temps de l’Eglise ont eu le même problème [3]. Rome était un lieu de débauche gratuite, de jeux cruels, d’impudicité grossière, d’idolâtrie et de superstition. L’Eglise a pourtant resplendi dans ces temps anciens : c’est parce que les catholiques s’étaient coupés de la culture païenne de leur temps.

Mgr Donald Sanborn


[1] https://inveritateblog.com/2022/08/29/salvation-through-piety-alone/

[2] Weimar ed. vol. 2, p. 372; Letters I, Luther’s Works, American ed., vol. 48, p. 282.

[3] N.D.T : au IIIe siècle, l’évêque Saint Cyprien de Carthage (mort martyr en 258 sous la persécution de Valérien) écrit un traité contre les spectacles, répondant aux arguments de certains chrétiens tièdes qui, pour ne pas avoir à sacrifier leur sociabilité, leurs habitudes et leur soif de divertissement, prétendaient qu’il était possible d’assister aux jeux du cirque et au théâtre malgré l’infestation du paganisme dans ces divertissements. C’était, en effet, une situation semblable à la nôtre. Ces jeux et ces scènes de théâtre avaient une relation explicite avec l’idolâtrie, ce qui rendait toute participation impossible pour un chrétien – mais saint Cyprien précise bien que même sans ce caractère idolâtre, l’immoralité de ces spectacles devaient suffire à l’en éloigner absolument.

Mais se priver des spectacles infestés de paganisme, est-ce se priver de tout amusement et de tout émerveillement ? Saint Cyprien répond : 

« Ne croyez pas que les spectacles manquent au chrétien s’il sait se recueillir en lui-même, il trouvera des plaisirs vrais et utiles. Je ne parlerai pas de ces beautés qu’il ne nous est pas encore permis de contempler; mais combien d’autres se présentent à nos regards! La magnificence du monde, le lever et le coucher du soleil amenant l’alternative des jours et des nuits; le globe de la lune, marquant par ses diverses phases la fuite rapide du temps; les constellations qui brillent sur nos têtes, le cercle des saisons, la terre se balançant dans l’espace avec ses montagnes et ses fleuves; les mers avec leurs flots et leurs rivages; l’air répandu partout et nous donnant tour-à-tour la pluie et la sérénité; tous ces éléments divers alimentant chacun les habitants qui lui sont propres, l’air les oiseaux, l’eau les poissons. la terre les hommes, voilà les spectacles dignes d’un chrétien.

Quel théâtre, bâti par les hommes, pourra être mis en parallèle avec les œuvres du Créateur? supposez les pierres aussi grandes que vous le voudrez, ce n’est qu’un fragment de montagne, et les lambris dorés ne feront jamais pâlir l’éclat des astres. On admire bien peu les œuvres humaines quand on se reconnaît fils de Dieu; et d’ailleurs se serait manquer à sa noblesse que de ne pas réserver au Créateur toute son admiration.

Que le chrétien étudie les saintes Écritures : là encore il trouvera des spectacles dignes de sa foi. II verra Dieu créer le monde ainsi que les animaux et les soumettre au pouvoir de l’homme. Il verra les méchants engloutis dans un naufrage commun et les justes miraculeusement sauvés. Il verra la mer se dessécher pour offrir un chemin au peuple de Dieu et les rochers s’ouvrir pour le désaltérer. Il verra la nourriture descendre du ciel pour le nourrir, les fleuves enchaîner leurs eaux, les justes sauvés d’une fournaise ardente, les bêtes féroces domptées par la foi, les morts sortir de leurs tombeaux, et pour couronner .le spectacle, le démon, qui avait soumis le monde à son empire, abattu sous les pieds du Christ. Quel spectacle mes frères! qu’il est magnifique! qu’il est agréable! qu’il est utile! Il renferme tout ce qui anime notre espérance et assure notre salut. On peut en jouir, même quand on a perdu l’usage de ses yeux. Ce spectacle, ce n’est pas un consul, un prêteur qui le donne, mais c’est le Créateur de toutes choses, le seul Dieu unique, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ glorifié et béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

http://jesusmarie.free.fr/cyprien_de_carthage_les_spectacles.html

La Prééminence de saint Joseph sur tout autre saint, par le Révérend Père Réginald Garrigou-Lagrange O.P. (1877 – 1964)

SOMMAIRE


La doctrine selon laquelle saint Joseph, après Marie, a été et est toujours plus uni à Notre-Seigneur que tout autre saint tend à devenir de plus en plus une doctrine communément reçue dans l’Église. Elle ne craint pas de déclarer l’humble charpentier supérieur en grâce et en béatitude aux Patriarches, à Moïse, le plus grand des prophètes, à saint Jean-Baptiste, et aussi aux Apôtres, à saint Pierre, à saint Jean, à saint Paul, à plus forte raison supérieur en sainteté aux plus grands martyrs et aux plus grands docteurs de l’Église.

Cette doctrine a été enseignée par Gerson[1], par saint Bernardin de Sienne[2]. Elle devient de plus en plus courante à partir du XVIe siècle : elle est admise par sainte Thérèse, par saint François de Sales, par Suarez[3], plus tard par saint Alphonse de Liguori et beaucoup d’autres[4]. Enfin S. S. Léon XIII, dans l’encyclique Quanquam pluries, a écrit : « Certes, la dignité de Mère de Dieu est si haute qu’il ne peut être créé rien au dessus. Mais comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les autres créatures. L’union conjugale est en effet la plus grande de toutes ; à raison de sa nature même, elle s’accompagne de la communication réciproque des biens des deux époux. Si donc Dieu a donné à la Vierge Joseph comme époux, bien certainement il ne le lui a pas seulement donné comme soutien dans la vie, comme témoin de sa virginité, gardien de son honneur, mais il l’a fait aussi participer par le lien conjugal à l’éminente dignité qu’elle avait reçue[5]. » – De ce que par cette dignité Marie « surpasse toutes les autres créatures », comme il vient d’être dit en cette Encyclique, s’ensuit-il que la prééminence de Joseph doive s’entendre non seulement sur tous les autres saints, mais encore sur les anges ? On ne saurait l’affirmer avec certitude. Contentons-nous d’exprimer la doctrine de plus en plus reçue dans l’Église en disant : De tous les saints, Joseph est le plus élevé au ciel après Jésus et Marie, il est parmi les anges et les archanges. Sa mission à l’égard de la sainte Famille a fait de lui le Patron de l’Eglise universelle, son protecteur et défenseur ; à lui, en un sens, est particulièrement confiée la multitude des chrétiens dans toutes les générations qui se succèdent, comme le montrent les belles litanies qui résument ses prérogatives.

Nous voudrions rappeler ici le principe sur lequel repose cette doctrine, de plus en plus admise depuis cinq siècles, de la prééminence de saint Joseph sur tout autre saint.


Une mission divine exceptionnelle requiert une sainteté proportionnée

Le principe général par lequel la théologie, expliquant la révélation, montre quelle devait être, dès ici-bas, la plénitude de grâce créée en la sainte âme du Sauveur, quelle devait être la sainteté de Marie et aussi la foi des Apôtres, repose sur la mission divine exceptionnelle qu’ils avaient reçue, mission qui demandait une sainteté proportionnée. Il y a quelque chose de semblable pour saint Joseph.

Les œuvres de Dieu sont parfaites, surtout celles qui relèvent immédiatement et exclusivement de Lui ; on ne saurait trouver en elles de désordre, de disproportion. Il en fut ainsi de l’œuvre divine dans son ensemble, au jour de la création[6]. Il en est encore ainsi des grands serviteurs de Dieu, exceptionnellement et immédiatement suscités par lui pour restaurer l’œuvre divine troublée par le péché. « Creavit Deus hominem ad imaginem suam » (Gen., I, 27). « Proposuitin dispensatione plenitudinis temporum, instaurare omnia in Christo » (Ephes., I, 10).

On saisit mieux la vérité et l’importance de ce principe révélé et de soi évident, en considérant par contraste ce qui arrive trop souvent dans la direction des choses humaines. Il n’est pas rare que des incapables et des imprévoyants y occupent de très hautes fonctions, au grand détriment de ceux qu’ils gouvernent. Ce serait même à certaines heures singulièrement irritant, si l’on ne pensait que le Seigneur compense ces choses par les actes souvent héroïques de la sainteté cachée, et si l’on ne se rappelait que chacun de nous doit faire son mea culpa au sujet de ses négligences dans l’exercice des charges ou emplois qui nous sont confiés. Ces manquements sont si fréquents, qu’on finit par n’y plus prendre garde. Mais enfin le désordre est le désordre, l’insuffisance est l’insuffisance, et il ne saurait se trouver rien de pareil en ceux qui sont immédiatement choisis par Dieu lui-même, et préparés directement par lui, pour être ses ministres exceptionnels dans l’œuvre de la rédemption. Le Seigneur leur donne une sainteté proportionnée, car il opère tout avec mesure, et le désordre ou la disproportion ne sauraient se trouver dans les œuvres proprement divines, dont lui seul est l’auteur.

C’est ainsi surtout que la sainte âme de Jésus a reçu, dès le premier instant de sa création, la plénitude absolue de grâce, parce qu’elle était unie aussi intimement que possible au Verbe de Dieu, source de toute vie surnaturelle, et parce qu’elle devait nous communiquer cette vie divine par la lumière de l’Évangile, et par les mérites infinis du sacrifice de la Croix : « De plenitudine ejus nos omnes accepimus… Deum nemo vidit unquam ; unigenitus Filius, qui est in sinu Patris, ipse enarravit » (Joan., I, 16-18). Saint Thomas voit dans ce texte de l’Évangile et en d’autres semblables non seulement la plénitude de grâce, mais la gloire ou la vision béatifique dont jouissait dès ici-bas le Sauveur, pour nous conduire, comme le Maître des maîtres, vers la vie éternelle[7].

En vertu du même principe, Marie, pour être la digne Mère de Dieu, devait être a pleine de grâce » (Luc, I, 28), préservée du péché originel, associée à toutes les souffrances et à toutes les gloires de Jésus. De par sa mission unique au monde de Mère de Dieu, elle devait approcher plus intimement que personne le Verbe de Dieu fait chair, dans les deux grands mystères de l’Incarnation et de la Rédemption. Plus près de la source de toute grâce, elle devait recevoir plus qu’aucune autre créature grâce sur grâce, plus que tous les saints et tous les anges[8].

C’est enfin pour la même raison que la théologie enseigne que les Apôtres, étant plus près de Notre-Seigneur que les saints venus dans la suite, ont plus parfaitement connu les mystères de la foi[9]. Aux yeux de saint Thomas, il serait téméraire de le nier, mais il compare seulement les Apôtres aux saints venus après eux, et non pas à saint Joseph, ni à saint Jean-Baptiste[10].

Or la mission de Joseph n’a-t-elle pas été supérieure à celle des Apôtres, supérieure aussi à celle du Précurseur ? Sa vocation n’est-elle pas unique au monde comme celle de Marie ? Et en vue de sa destinée exceptionnelle, n’a-t-il pas approché davantage de la source de toute grâce, n’a-t-il pas été uni plus intimement à Notre-Seigneur ?


La mission tout exceptionnelle de Joseph

Saint Jean-Baptiste était chargé d’annoncer la venue immédiate du Messie. On peut dire dès lors qu’il fut le plus grand précurseur de Jésus dans l’Ancien Testament. C’est ainsi que saint Thomas entend la parole de Jésus en saint Matthieu, XI, 11 : « En vérité, je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste[11]. »

Mais Notre-Seigneur ajoute aussitôt : « Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » Le royaume des cieux, c’est l’Église de la terre et du ciel : c’est le Nouveau Testament, plus parfait comme état que l’Ancien, quoique certains justes de l’Ancien aient été plus saints que beaucoup du Nouveau[12]. Et qui dans l’Église est le plus petit ? Paroles mystérieuses, qui ont été diversement interprétées. Elles font penser à celles-ci prononcées plus tard par Jésus : « Celui d’entre vous qui est le plus petit, c’est celui-là qui est le plus grand » (Luc., IX, 48). Le plus petit, c’est-à-dire le plus humble, le serviteur de tous[13], c’est, de par la connexion et la proportion des vertus, celui qui a la plus haute charité[14]. Et qui dans l’Église est le plus humble ? Celui qui ne fut ni Apôtre, ni Évangéliste, ni martyr extérieurement du moins, ni pontife, ni prêtre, ni docteur, mais qui connut et aima le Christ Jésus non moins certes que les apôtres, que les évangélistes, que les martyrs, que les pontifes et les docteurs, l’humble artisan de Nazareth, l’humble Joseph.

Les Apôtres étaient appelés à faire connaître aux hommes le Sauveur, à leur prêcher l’Évangile pour les sauver. Leur mission, comme celle de saint Jean-Baptiste, est de l’ordre de la grâce nécessaire à tous pour le salut. Nais il y a un ordre supérieur encore à celui de la grâce. C’est celui constitué par le mystère même de l’Incarnation, l’ordre de l’union hypostatique ou personnelle de l’Humanité de Jésus au Verbe même de Dieu. A cet ordre supérieur confine la mission unique de Marie, la maternité divine, et aussi, en un sens, la mission cachée de Joseph. Cette raison a été exposée sous diverses formes par saint Bernard[15], par saint Bernardin de Sienne[16], par le dominicain Isidore de Isolanis[17], par Suarez[18] et par plusieurs auteurs récents[19]. C’est ce que Bossuet exprime admirablement dans le premier panégyrique de ce grand saint (3e point) lorsqu’il nous dit : « Entre toutes les vocations, j’en remarque deux, dans les Écritures, qui semblent directement opposées : la première, celle des Apôtres, la seconde, celle de Joseph. Jésus est révélé aux Apôtres, pour l’annoncer par tout l’univers ; Il est révélé à Joseph pour le taire et pour le cacher. Les Apôtres sont des lumières, pour faire voir Jésus-Christ au monde. Joseph est un voile pour le couvrir ; et sous ce voile mystérieux on nous cache la virginité de Marie et la grandeur du Sauveur des âmes. Celui qui glorifie les Apôtres par l’honneur de la prédication glorifie Joseph par l’humilité du silence. » L’heure de la manifestation du mystère de Noël n’est pas en effet encore venue ; cette heure doit être préparée par trente ans de vie cachée.

La perfection consiste à faire ce que Dieu veut, chacun selon sa vocation, mais la vocation tout exceptionnelle de Joseph ne dépasse-t-elle pas dans le silence et l’obscurité celle même des plus grands Apôtres, ne touche-t-elle pas de plus près au mystère de l’Incarnation rédemptrice ? Joseph après Marie ne fut-il pas plus rapproché que personne de l’Auteur même de la grâce ? S’il en fut ainsi, il reçut dans le silence de Bethléem, pendant le séjour en Égypte et dans la petite maison de Nazareth, plus de grâces que n’en recevra jamais aucun saint.

Quelle fut sa mission spéciale par rapport à Marie ? Elle consista surtout à préserver la virginité et l’honneur de Marie, en contractant avec la future Mère de Dieu un mariage véritable, mais absolument saint. Comme le rapporte l’Évangile de saint Matthieu, I, 20 : L’ange du Seigneur qui apparut en songe à Joseph lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie, ton épouse ; car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint-Esprit. » Marie est bien son épouse. II s’agit d’un mariage véritable[20], mais tout céleste, et il devait avoir une fécondité toute divine[21]. La plénitude initiale de grâce donnée à la Vierge en vue de la maternité divine appelait en un sens le mystère de l’Incarnation[22]. Comme le dit Bossuet : « C’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus du ciel. Si c’est sa pureté qui la rend féconde, je ne craindrai plus d’assurer que Joseph a sa part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph[23]. »

C’était l’union sans tache la plus respectueuse avec la créature la plus parfaite qui fut jamais, dans le cadre le plus simple, celui d’un pauvre artisan de village. Joseph a ainsi approché plus intimement qu’aucun autre saint de celle qui est Mère de Dieu, de celle qui est aussi la Mère spirituelle de tous les hommes, de lui-même Joseph, de celle qui est Corédemptrice, Médiatrice universelle, distributrice de toutes les grâces. Joseph, à tous ces titres, a aimé Marie de l’amour le plus pur et le plus dévoué ; c’était même un amour théologal, car il aimait la Vierge en Dieu, et pour Dieu, pour toute la gloire qu’elle lui donnait. La beauté de tout l’univers n’était rien à côté de la sublime union de ces deux âmes, union créée par le Très-Haut qui ravissait les anges et réjouissait le Seigneur Lui-même.

Quelle fut la mission exceptionnelle de Joseph auprès du Seigneur ? En toute vérité le Verbe de Dieu fait chair lui fut confié, à lui Joseph, plutôt qu’à tout autre juste parmi les hommes de toutes les générations. Si le saint vieillard Siméon a tenu quelques instants l’enfant Jésus et a vu en lui le salut des peuples, « lumen ad revelationem gentium », Joseph a veillé toutes les heures, nuit et jour, sur l’enfance de Notre-Seigneur. Souvent il a tenu en ses mains celui en qui il a vu son Créateur et son Sauveur. II a reçu de lui grâces sur grâces pendant les longues années où il a vécu avec lui dans la plus grande intimité quotidienne. Il l’a vu grandir, il a contribué à son éducation humaine. Jésus lui a été soumis[24]. On l’appelle communément le « père nourricier du Sauveur », mais il fut en un sens plus encore, car, comme le note saint Thomas[25], c’est accidentellement que tel homme devient, après son mariage, « père nourricier » ou « père adoptif » d’un enfant ; tandis que ce n’est point du tout d’une façon accidentelle que Joseph fut chargé de veiller sur Jésus. Il a été créé et mis au monde dans ce but. Ce fut sa prédestination. C’est en vue de cette mission toute divine que la Providence lui avait accordé toutes les grâces reçues depuis son enfance, grâce de piété profonde, de virginité, de prudence, de fidélité parfaite. Surtout, dans les desseins éternels de Dieu, toute la raison d’être de l’union de Joseph avec Marie était la protection et l’éducation du Sauveur, et il reçut de Dieu un coeur de père pour veiller sur l’enfant Jésus. C’est là la mission principale de Joseph, celle en vue de laquelle il a reçu une sainteté proportionnée, proportionnée en un sens, à son rang, au mystère de l’Incarnation, qui domine l’ordre de la grâce et dont les perspectives sont infinies[26].

Ce dernier point a été bien mis en lumière par Mgr Sinibaldi dans son récent ouvrage La Grandezza di San Giuseppe, p. 33-36. Il montre que saint Joseph a été éternellement prédestiné à devenir l’époux de la sainte Vierge, et explique avec saint Thomas la triple convenance de cette prédestination.

Le Docteur angélique l’a établie en se demandant (IIIa, q. 29, a. 1) si le Christ devait naître d’une Vierge ayant contracté un véritable mariage. Il répond qu’il devait en être ainsi, pour le Christ lui-même, pour sa Mère et pour nous.

Cela convenait grandement pour Notre-Seigneur lui-même, pour qu’il ne fût pas considéré, avant l’heure de la manifestation du mystère de sa naissance, comme un fils illégitime, et pour qu’il fût protégé dans son enfance. Pour la Vierge ce n’était pas moins convenable, pour qu’elle ne fût pas considérée comme coupable d’adultère et à ce titre lapidée par les Juifs, comme l’a noté saint Jérôme, aussi pour qu’elle fût protégée elle-même au milieu des difficultés et de la persécution qui allait commencer avec la naissance du Sauveur. Ce fut aussi, ajoute saint Thomas, très convenable pour nous, car nous avons ainsi appris par le témoignage non suspect de Joseph la conception virginale du Christ ; selon l’ordre des choses humaines, ce témoignage appuie admirablement pour nous celui de Marie. Enfin c’était souverainement convenable pour que nous trouvions à la fois en Marie le parfait modèle des Vierges et celui des épouses et mères chrétiennes.

On s’explique ainsi que, selon plusieurs auteurs, le décret éternel de l’Incarnation, portant sur ce fait tel qu’il devait être réalisé hic et nunc en telles circonstances déterminées, comprenne non seulement Jésus et Marie, mais Joseph lui-même. De toute éternité en effet il était décidé que le Verbe de Dieu fait chair naîtrait miraculeusement de Marie toujours vierge, unie au juste Joseph par les liens d’un véritable mariage. L’exécution de ce décret providentiel est ainsi exprimée en saint Luc, I. 27 : « Missus est Angelus Gabriel a Deo, in civitatem Galileae, cui nomen Nazareth, ad virginem desponsatam viro, cui nomen erat Joseph, de domo David, et nomen Virginis Maria. »

Saint Bernard appelle saint Joseph « magni consilii coadjutorem fidelissimum ».

C’est pourquoi Mgr Sinibaldi, après Suarez et plusieurs autres, affirme, ibid., que le ministère de Joseph confine, en un sens, à son rang, à l’ordre de l’union hypostatique[27]. Non pas que Joseph ait intrinsèquement coopéré, comme instrument physique de l’Esprit-Saint, à la réalisation du mystère de l’Incarnation ; de ce point de vue son rôle est très inférieur à celui de Marie, Mère de Dieu ; mais enfin il a été prédestiné à être, dans l’ordre des causes morales, le gardien de la virginité et de l’honneur de Marie, en même temps que le protecteur de Jésus enfant. Il faut se garder ici de certaines exagérations qui fausseraient l’expression de ce grand mystère[28] ; le culte dû à saint Joseph ne dépasse pas spécifiquement celui de dulie rendu aux autres saints, mais tout porte à penser que ce culte de dulie, plus que tous les autres saints, il mérite de le recevoir[29]. C’est ainsi que l’Église, dans ses oraisons, le nomme immédiatement après Marie et avant les Apôtres, par exemple dans l’oraison A cunctis. Si saint Joseph n’est pas nommé dans le Canon de la messe, il a aujourd’hui une préface spéciale, et le mois de mars lui est consacré.

Récemment, en un discours prononcé dans la Salle Consistoriale[30], le jour de la fête de saint Joseph, 19 mars 1928, S. S. Pie XI comparait ainsi la vocation de saint Joseph à celle de saint Jean-Baptiste et à celle de saint Pierre : « Fait suggestif, que de voir surgir si voisines et briller, presque contemporaines, certaines figures si magnifiques : saint Jean-Baptiste, qui s’élève du désert avec sa voix tantôt grondante et tantôt suave, comme le lion qui rugit et comme l’ami de l’Époux, qui se réjouit de la gloire de l’Époux, pour offrir enfin à la face du monde la merveilleuse gloire du martyre ; Pierre, qui s’entend dire par le divin Maître ces sublimes paroles, prononcées elles aussi à la face du monde et des siècles : « Tu es Pierre, et sur « cette pierre je bâtirai mon Église ; allez et prêchez au « monde entier », mission grandiose, divinement éclatante. Entre ces deux missions, apparaît celle de saint Joseph, mission recueillie, tacite, presque inaperçue, inconnue, qui ne devait s’illuminer que quelques siècles plus tard, un silence auquel devait succéder sans doute, mais bien longtemps après, un retentissant chant de gloire. Et de fait, là où est plus profond le mystère, plus épaisse la nuit qui le recouvre, plus grand le silence, c’est justement là qu’est plus haute la mission, plus brillant le cortège des vertus requises et des mérites appelés, par une heureuse nécessité, à leur faire écho. Mission unique, très haute, celle de garder le Fils de Dieu, le Roi du monde, la mission de garder la virginité, la sainteté de Marie, la mission unique d’entrer en participation du grand mystère caché aux yeux des siècles et de coopérer ainsi à l’Incarnation et à la Rédemption ! Toute la sainteté de Joseph est précisément dans l’accomplissement, fidèle jusqu’au scrupule, de cette mission si grande et si humble, si haute et si cachée, si splendide et si entourée de ténèbres. »


Les vertus surnaturelles et les dons de saint Joseph

Ce sont surtout les vertus de la vie cachée et à un degré correspondant à celui de la grâce sanctifiante[31] : une profonde humilité, une foi pénétrante, qui ne se déconcerte jamais, une espérance inébranlable, par-dessus tout une immense charité, grandissant sans cesse au contact de Jésus, la bonté la plus délicate du pauvre, riche, en sa pauvreté, des plus grands dons de Dieu, des sept dons de l’Esprit-Saint, au même degré que sa charité. Les litanies disent : « Joseph très juste, très chaste, très prudent, très fort, très obéissant, très fidèle, miroir de patience, ami de la pauvreté, modèle des ouvriers, honneur de la vie domestique. »

Sa foi vive fut à certains jours douloureuse à cause de son obscurité, obscurité dans laquelle il pressentait quelque chose de trop grand pour lui : en particulier lorsqu’il ignorait encore le secret de la conception virginale, que l’humilité de Marie tenait caché[32]. La parole de Dieu transmise par l’ange fit la lumière, en annonçant la naissance miraculeuse du Sauveur. Joseph aurait pu hésiter à croire une chose si extraordinaire ; il y croit fermement dans la simplicité de son cœur, et cette grâce insigne, loin de l’enorgueillir, le confirme pour toujours dans l’humilité. Pourquoi, se dit-il, à moi Joseph, plutôt qu’à tout autre homme, le Très-Haut a-t-il donné ce trésor infini à garder ? Il voit avec évidence qu’il n’a certes pas pu mériter un pareil don. II comprend toute la gratuité de la prédilection divine à son égard, c’est le bon plaisir souverainement libre, qui est à lui-même sa raison ; en même temps s’éclairent les prophéties, et la foi du charpentier grandit dans des proportions prodigieuses.

Pourtant l’obscurité ne tarde pas à reparaître, Joseph doit cheminer à travers les rayons et les ombres. Il était déjà pauvre avant d’être l’objet des prédilections divines, avant d’avoir reçu le secret de Dieu ; il devient plus pauvre encore, remarque Bossuet, lorsque Jésus vient au monde. II n’y a point de place pour le Sauveur dans la dernière des auberges de Bethléem, il faut se retirer dans une étable. Dans la délicatesse de son cœur, Joseph dut souffrir de n’avoir rien à donner à Marie et à son fils. Lorsque Jésus vient dans une âme, disent les saints, il y entre avec sa croix, il la détache de tout pour l’unir à lui. Joseph et Marie le comprirent dès le premier jour, et la prophétie du vieillard Siméon vint confirmer leur pressentiment.

Déjà la persécution commence. Hérode cherche à faire mourir le Messie. Le chef de la sainte Famille, averti par un ange, est contraint de fuir en Égypte avec Marie et l’enfant Jésus. Pauvre artisan, sans autre ressource que son travail, il part pour ce pays lointain, où nul ne le connaît ; il part, fort de sa foi en la parole de Dieu transmise par l’ange. C’est là sa mission : il doit cacher Notre Seigneur, le soustraire aux persécuteurs, et il ne reviendra à Nazareth que lorsque le danger aura disparu. Joseph est le ministre et le protecteur de la vie cachée de Jésus, comme les apôtres sont les ministres de sa vie publique.

En cette vie cachée, au milieu même des épreuves, la nuit obscure de la foi s’éclaire à la lumière toujours plus radieuse et plus douce, qui vient de la sainte âme du Verbe fait chair. De retour à Nazareth, pendant les années qu’y vécut la sainte Famille, le recueillement et le silence ont régné dans la petite maison du charpentier, véritable sanctuaire, plus sacré que le saint des saints du temple de Jérusalem. C’était un silence plein de douceur, la contemplation toute aimante du mystère infini de Dieu venu parmi nous et encore ignoré de tous. De temps en temps quelques paroles traduisaient l’état profond des âmes ; mais dans cette atmosphère d’innocence et d’amour les âmes étaient transparentes l’une à l’autre et se comprenaient d’un regard sans avoir besoin de paroles.

Après la contemplation de la bienheureuse Vierge, y en eut-il ici-bas de plus simple et de plus aimante que celle de l’humble charpentier, lorsqu’il regardait Jésus ? Par grâce il avait reçu pour lui les sentiments du père protecteur le plus dévoué et le plus délicat, et il était aimé par Jésus, enfant et adolescent, avec une tendresse, une reconnaissance et une force qui ne se peuvent trouver que dans le cœur même de Dieu. Un regard de Joseph sur Jésus rappelait à l’humble artisan le mystère de Bethléem, l’exil d’Égypte, le grand mystère du salut du monde. L’action incessante du Verbe de Dieu fait chair sur Joseph était l’action créatrice, qui conserve la vie après l’avoir donnée : « amor Dei infundens et creans bonitatem in rebus[33] », l’action surnaturelle, féconde en grâces toujours nouvelles. Impossible de trouver plus de grandeur en une si parfaite simplicité. Comme dans le prophète Joseph de l’Ancien Testament, Joseph vendu par ses frères et figure du Christ, c’était la plus haute contemplation dans les formes les plus simples, la contemplation divine, toute pénétrée du pur amour de charité. Il portait en son cœur le secret le plus grand, celui de l’Incarnation rédemptrice ; l’heure n’était pas encore venue de le révéler. Les Juifs n’auraient pas compris, n’y auraient pas cru ; beaucoup d’entre eux attendaient un Messie temporel couvert de gloire, et non un Messie pauvre et souffrant pour nous. La présence de Joseph voilait ce mystère : on appelait Jésus le fils du charpentier. Le pauvre artisan avait dans sa maison le Verbe de Dieu fait chair, il possédait le Désiré des nations, annoncé par les prophètes, et il n’en disait mot. Il était témoin de ce mystère, et il le goûtait en secret en se taisant.

Cette contemplation très aimante était très douce pour Joseph, mais elle lui demandait aussi la plus grande abnégation, abnégation qui allait jusqu’au plus douloureux sacrifice, lorsqu’il se rappelait ces paroles de Siméon : « Cet enfant sera un signe en butte à la contradiction », et celles dites à Marie : « et vous un glaive vous transpercera la poitrine ». L’acceptation du mystère de la Rédemption par la souffrance apparaissait à Joseph comme la consommation douloureuse du mystère de l’Incarnation, et il avait besoin de toute la générosité de son amour pour offrir à Dieu, en sacrifice suprême, l’enfant Jésus et sa sainte Mère, qu’il aimait incomparablement plus que sa propre vie. Il n’a pas offert le sacrifice eucharistique, mais il a souvent offert l’enfant Jésus à son Père pour nous. Comme le dit l’abbé Sauvé, « ne voyant que la volonté de Dieu, saint Joseph reçoit d’elle, avec la même simplicité, et les joies les plus profondes et les épreuves les plus cruelles ».

A peine pouvons-nous soupçonner ce que furent en l’âme de Joseph les progrès admirables de la foi, de la contemplation et de l’amour. Autant l’humble charpentier a eu une vie cachée sur la terre, autant il est glorifié dans le ciel. Celui à qui le Verbe de Dieu a obéi ici-bas conserve au ciel sur le cœur sacré de Jésus une puissance d’intercession incomparable. Comme il veillait sur la maison de Nazareth, il veille aujourd’hui sur les foyers chrétiens, sur les communautés religieuses, sur les vierges consacrées à Dieu, il est leur guide, dit sainte Thérèse, dans les voies de l’oraison ; il est aussi, comme le disent les litanies, la consolation des malheureux, l’espoir des malades, le soutien des mourants, la terreur des démons, le Protecteur de la sainte Église, grande famille de Notre-Seigneur. Demandons-lui de nous faire connaître le prix de la vie cachée, la splendeur des mystères du Christ, et l’infinie bonté de Dieu, telle qu’il l’a vue lui-même dans l’Incarnation rédemptrice.

Rome. Angelicum.


Notes et références

  1.  Sermo in nativitatem Virginis Mariae, IVe Consideratio.
  2. Sermo I de S. Joseph, c. 3, Opera, Lyon, 1650, t. IV, p. 254.
  3.  In Summam S. Thomae, IIIa, q. 29, disp. 8, sect. 1.
  4.  Cf. Isidore ISOLANI, O. P., Summa de donis S. Joseph, nouv. édit. du P. Berthier, Rome, 1807 ; – Ch. SAUVÉ, Saint Joseph intime, Paris, 1920 ; – Cardinal LÉPICIER, Tractatus de Sancto Joseph, Paris, s. d. (1908) ; – article Saint Joseph de M. A. Michel, dans le Dictionnaire de Théologie catholique ; surtout Mgr SENIRALDI, La Grandezza di San Giuseppe, Rome, 1937, p. 36 sq.
  5. Epist. encyclica Quamquam pluries, 15 Aug. 1899 : « Certe matris Dei tam in excelso dignitas est, ut nihil fieri majus queat. Sed tamen quia intercessit Josepho cum Virgine beatissima maritale vinculum, ad illam praestantissimam dignitatem, qua naturis creatis omnibus longissime Deipara antecellit, non est dubium quia accesserit ipse, ut nemo magis. Est enim conjugium societas necessitudoque omnium maxima, quae natura sua adjunctam habet bonorum unius cum altero communicationem. Quocirca si sponsum Virgini Deus Josephum dedit, dedit profecto non modo vitae socium, virginitatis testem, tutorem honestatis, sed etiam excelsae dignitatis ejus ipso conjugali foedere participem. »
  6. Cf, S. Thomas, Ia, q. 94, a. 3.
  7. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 7, a. 9 : « Christus habuit gratiae plenitudinem… quia habuit eam in summo, secundumn perfectissimum modum quo haberi potest. Et hoc quidem apparet primo ex propinquitate animae Christi ad causam gratiae. Dictum est enim (a. 1) quod quanto aliquod receptivum propinquius est causae influenti, tanto abundantius recipit. Et ideo Christi anima, quae propinquius conjungitur Deo inter omnes creaturas rationales, maximam recipit influentiam gratiae ejus. Secundo ex comparatione ejus ad effectum. Sic enim recipiebat anima Christi gratiam, ut ex ea quodammodo transfunderetur in alios… Conferebatur ei gratia, tanquam cuidam universali principio in genere habentium gratiam. » IIIa, q. 9, a. 2 : « Illud quod est in potentia, reducitur in actum per id quod est in actu, oportet enim esse calidum id per quod alia calefiunt. Homo autem est in potentia ad scientiam beatorum quae in Dei visione consistit et ad eam ordinatur sicut ad finem… Ad hunc autem finem beatitudinis homines reducuntur per Christi humanitatem… Et ideo oportuit quod cognitio beata, in Dei visione consistens, excellentissime Christo homini conveniret : quia semper causam oportet esse potiorem causato. » Maître de toute l’humanité pour les choses de la vie éternelle, Jésus-Christ devait non pas seulement croire, mais voir le but suprême vers lequel il devait nous conduire.
  8. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 27, a. 5 : « Quanto aliquid magis appropinquat principio in quolibet genere, tanto magis participat effectum illius principii… Christus autem est principium gratiae, secundum divinitatem quidem auctoritative, secundum humanitatem vero instrumentaliter… Beata autem Virgo Maria propinquissima fuit Christo secundum humanitatem, quia ex ea accepit humanam naturam. Et ideo prae caeteris majorem debuit a Christo gratiae plenitudinem obtinere. » – Ibid., ad 3 : « non est dubitandum, quin B. Virgo acceperit excellenter donum sapientiae et gratiam virtutum et etiam gratiam prophetiae… secundum quod conveniebat conditioni ipsius. »
  9. Cf. IIa IIae, q. 1, a. 7, ad 4 : « Illi qui fuerunt propinquiores Christo, vel ante, sicut Joannes Baptista, vel post, sicut Apostoli, plenius mysteria fidei cognoverunt. »
  10. In Ep. ad Rom., VIII, 23, circa haec verba : « Nos ipsi primitias Spiritus habentes » : « Spiritum Sanctum et tempore prius et caeteris abundantius Apostoli habuerunt. » Item in Ep. ad Ephes., IV, 11, circa haec verba : « Et ipse dedit quosdam quidem apostolos, quosdam autem prophetas, alios vero evangelistas, alios autem pastores et doctores. »
  11. S. Thoams, In Mattheum, XI, 11, écrit : « Si (Joannes Baptista) dicitur major omnibus patribus veteris Testamenti, non est inconveniens. Ille enim major et excellentior est, qui ad maius officium est assumptus : Abraham enim major est inter patres quoad probationem fidei : Moyses vero quoad officium prophetiae, ut habetur in Deut., XXXIV, 10 : « Non surrexit propheta ultra in Israel sicut Moyses. » Omnes isti praecursores Domini fuerunt ; nullus autem fuit in tanta excellentia et favore ; ideo ad majus officium est assumptus. Cf. Luc, I, 15 : « Erit enim magnus coram Domino. » Il est le précurseur par excellence parmi tous les saints de l’Ancien Testament, cela suffit à expliquer que, dans les Litanies des Saints, il vienne immédiatement après Marie et les Anges. Il clôt l’Ancien Testament et annonce le Nouveau. Voir en faveur de cette interprétation du texte de saint Matthieu, XI, 11, Lagrange, Évangile selon S. Matt., p. 222 ; Évan. selon S. Luc, P. 221 ; Knabenbauer, Evangelium secundum Mattheum, t. 1, p. 429-431.
  12. S. Thomas, In Mattheum, XI, 11, dit à ce sujet : « Potest haec locutio « qui autem minor est in regno coelorum, major est illo » exponi tripliciter. – Primo, ut per regnum coelorum ordo beatorum intelligatur : et qui inter illos est minor, major est quolibet viatore… Et hoc verum est intelligendo de majoritate actuali : actu enim major est qui comprehensor est. Secus de majoritate virtuali, sicut una parva herba major dicitur virtute, licet alia major sit quantitale. – Aliter potest exponi, ita quod per regnum coelorum praesens Ecclesia designetur : et hoc est, quod minor non dicitur universaliter, sed minor tempore… Unde ille qui minor est, major est illo. – Vel aliter potest exponi, quod aliquis dicitur rnajor dupliciter : vel quantum ad meritum, et sic multi Patriarchae sunt majores aliquibus novi Testamenti…, aut comparando statum ad statum, sicut virgines meliores sunt conjugatis ; non tamen quaelibet virgo melior quolibet conjugale. » Indépendamment du mérite personnel des différents serviteurs de Dieu, le Nouveau Testament, tel surtout qu’il s’épanouit dans la gloire, est évidemment comme état spirituel plus parfait que l’Ancien. Or saint Jean Baptiste est aux confins des deux. – voir sur ce point les exégètes cités à la note précédente, et l’article de M. A. Michel sur saint Joseph, dans le Dictionnaire de Théologie catholique, col. 1515, où ces références sont indiquées avec plusieurs autres, par ex. Fillion, Évangile selon S. Matthieu, p. 222, et D. Busy, Saint Jean Baptiste, Paris, 1922, part. 3, c. 3.
  13. Cf. Luc, XXII, 26 : « Sed qui major est in vobis, fiat sicut minor ; et qui praecessor est, sicut ministrator. »
  14. Cf. S. Thomas, Ia IIae, q. 66, a. 2 : « Omnes virtutes unius hominis sunt aequales quadam aequalitate proportionis, in quantum aequaliter crescunt in homine ; sicut digiti manus sunt inaequales secundum quantitatem, seul sunt aequales secundum proportionem, cum proportionaliter augeantur. »
  15. S. Bernardus, Homil. 2, super Missus est, prope finem : « Fidelis, inquam, servus et prudens, quem constituit Dominus suae Matris solatium, suae carnis nutritium, solum denique in terris magni consilii coadjutorem fidelissimum. »
  16. S. Bernardinus Senensis, serm. 1 de S. Joseph : « Omnium singularium gratiarum, alicui rationabili creaturae communicatarum, generalis regula est : quod quandocumque divina gratia eligit aliquem ad aliquam gratiam singularem, seu ad aliquem sublimera statum, omnia charismata donet, quae illi personae sic electae et ejus officio necessariae sunt atque illam copiose decorant. Quod maxime verificatum est in sancto Joseph, putativo Patre Domini nostri Jesu Christi, et vero Sponso Beginae mundi et Dominae aagelorum, qui ab aeterno electus et fidelis nutritius atque custos principalium thesaurorum suorum scilicet Filii ejus et Sponsae suae : quod officium fidelissime prosecutus est… Si compares eum ad totam Ecclesiam Christi, nonne iste est homo electus et specialis, per quem et sub quo Christus est ordinale et honeste introductus in mundum ? Si ergo Virgini Matri tota Ecclesia sancta debitrix est, quia per eam Christum suscipere digna facta est ; sic profecto, post eam, huic debet gratiam et reverentiam singularem… Omnibus electis Panem de coelo, qui coelestem vitam tribuit, cura multa solertia enutrivit. »
  17. En 1522 Isidore de Isolanis, O. P., dans l’ouvrage très loué par Benoît XIV : Summa de donis sancti Joseph, a écrit, Pars IIIa, cap. XVIII « Sunt quatuor proprietates apostolicae dignitalis : annunciatio (Matthaei ultimo : Euntes praedicate Evangelium omni creaturae), illuminatio (Matthaei, 5 : Vos estis lux mundi), reconciliatio (Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis. Marci, ultimo), et per Spiritum Sanctum locutio (Jean., 15 : Non vos estis qui loquimini, sed Spiritus Patris mei qui loquitur in vobis). Hae autem proprietates dignissimae sunt, quia sunt immediate a et sub et propter Christum. – Proprietates vero sancti Joseph fuere desponsatio Reginae coelorum, nominatio patris Regis angelorum, defensio Messiae promissi in Lege Judoeorum, educatio Salvatoris omnium. Et hae proprietates sunt immediate super, ad et propter Christum. Quisquis ergo ingenio pollens, rerum divinarum praemissa veritate discurre, argue, conclude ab apostolicae comparatione majestatis ad coelestem Joseph dignitatem, quanta sit illius praestantia, dignitas, sanctitudo, ac virtutum inexplicabilis perfectio. Accede ad cor altum et non deprimetur aut humilior erit apud te majestas apostolici culminis ; sed exaltabitur Deus in latentibus donis patris sui putativi Joseph. » – Cf. ibid., cap. XVII : De dono plenitudinis gratiae (in S. Joseph), et Ia Pars, cap. IV : De donis admirabilium virtutum cognitarum in sancto Joseph propter conjugium beatissimae Virginis ; – cap. V : De dono praestantissimae justitiae ; – cap. IX : De dono privilegii amoris quo Joseph dilectus fuit a beata Virgine super caeteros mortales.
  18. SUAREZ, in Summam Theologicam, III, q. 29, disp. VIII, sect. 1.
  19. Mgr Sinibaldi, op. cit., p.36 sq., où l’argument relatif à l’ordre d’union hypostatique est admirablement développé et précisé.
  20. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 29, a. 2.
  21. Cf. S. Thomas, in IV Sent., dist. 30, q. 2, a. 2, ad 4 : « Proles non dicitur bonum matrimonii, solum in quantum per matrimonium generatur, sed in quantum in matrimonio suscipitur et educatur, et sic bonum illius matrimonii fuit proles illa, et non primo modo. Nec tamen de adulterio natus, nec filius adoptivus qui in matrimonio educatur, est bonum matrirnonii, quia matrimonium non ordinatur ad educationem illorum, sicut hoc rnatrinionium (Mariae et Joseph) fuit ad hoc ordinatam specialiter quod proles illa susciperetur in eo et educaretur. »
  22. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 2, a. 11, ad 3 : « Beata Virgo… meruit ex gratia sibi data illum puritatis et sanctitatis gradum ut congrue posset esse mater Dei. » – Ibid. : « Ex congruo meruerunt sancti Patres (Veteris Test.) incarnationem, desiderando et petendo. »
  23. Premier Panégyrique de saint Joseph, 1er point.
  24. « Erat subditus illis » (Luc, II, 5).
  25. Cf. IV Sent., loc. cit.
  26. On peut affirmer que Joseph fut confirmé en grâce dès l’instant de son mariage avec la sainte Vierge. Cf. Dict. Theol., art. cité, c. 1518.
  27. Cf. La Grandezza di San Giuseppe, par Mgr Giacomo Sinibaldi, Vescovo titolare di Tiberiade, Segretario della S. Congregazione del Seminari e delle Università, Roma, 1927, p. 36 sq. : « Il ministero di San Giuseppe e l’ordine della Unione ipostatica Per ministero si deve intendere un officio, una funzione, che impone e produce una serie di atti diretti a raggiungere une scopo determinato… Maria è nata per essere la Madre di Dio… Ma lo sposalizio verginale di Maria dipende da Giuseppe… Laonde il ministero di Giuseppe ha une stretto rapporte con la costituzione dell’ordine della Unione ipostatica… Celebrando il sue connubio verginale con Maria, Giuseppe prepara la Madre di Dio, come Dio la vuole ; e in ciò consiste la sua cooperazione nell’attuazione del grande mistero. – Da ciò appare che la cooperazione di Giuseppe non uguaglia quella di Maria. Mentre la cooperazione di Maria è intrinseca, fisica, immediata, quella di Giuseppe è estrinseca, morale, mediata (per Maria) ; ma è vera cooperazione. »
  28. Toute coopération physique, même instrumentale, est exclue du côté de Joseph ; les paroles du Credo : « conceptus est de Spiritu Sanclo », ont toujours été entendues de solo Spiritu Sancto. Cf. S. Thomam, C. Gentes, l. IV, c. 45. On pourrait citer de nombreux témoignages des Pères, en particulier ceux de saint Ephrem de Syrie que citaient le P. J.-M. Bover, S. J., dans les Ephemerides lheologicae Lovanienses, avril 1928 : « Filius David, Joseph, davidicam sibi desponsavit filiam, ex qua prolem sine semine habuit… Turpe profecto erat Christum ex viri semine procreari, nec honestum, ut idem ex femina titra conjugium nasceretur. Edidit Maria infantem, qui non sub ipsius, sed sub Josephi nomine scriptus est, licet ex hujus semine non derivatus. Ortus est sine Josepho Josephi filius, qui Davidis filius simul et parens exstitit » (édit. de Rome, 1732-1746, syr.-lat. III, 601). Les termes « sine semine », « ex hujus semine non derivatus », « sine Josepho », excluent toute action physique même instrumentale de la part de Joseph. L’effet propre du principe générateur est précisément la génération passive. Donc celle-ci ne peut être son effet instrumental, qui doit dépasser sa vertu propre, comme la grâce baptismale dépasse la vertu propre de l’eau. Saint Ephrem dit encore : « Evangelium illam (Mariam) matrem appellat et non nutricem. Sed et Joseplium quoque patrem vocat, cura nullarn in ea generatione partem haberet… Non appellatio naturam tribuit ; nam et nos crebro patres nuncupamus, non quidem genitores, verum senio conspicuos. Porro ipsi Joseph natura appellationem indidit… : quoniam Virginis et Joseph sponsorum arrhabones, ut hoc nomine vocaretur, effecerunt ; patrem autem, qui non genuerit. » Ibid., grec.-lat. II, 276-277 De même saint Augustin : « Non ergo de semine Joseph Dominus, quamvis hoc putaretur : et tamen pietati et caritati Joseph natus est de Maria virgine filius » (M. L., 38, 351). – La vraie pensée de l’Église est admirablement exprimée par saint François de Sales, sous un symbole qui se trouve déjà chez saint Ephrem (lot. cit., gr.-lat. II, 277) : « Saint Joseph donc fut comme un palmier, lequel ne portant point de fruit, n’est pas toutefois infructueux…, non que saint Joseph eût contribué aucune chose pour ceste sainte et glorieuse production, sinon la seule ombre du mariage, qui empêchait Nostre Dame et glorieuse Maîtresse de toutes sortes de calomnies… » Œuvres de saint François de Sales, t. VI, Annecy, 1895, pp. 354 sq.
  29. Mgr Sinibaldi, op. cit., p. 242 ; Card. Lépicier, op. cit., p. 287
  30. A l’occasion de la lecture du décret d’héroïcité des vertus de la Vénérable Jeanne-Elisabeth Bichier des Ages.
  31. Cf. S. Thomas, Ia IIae, q. 66, a. 2.
  32. Saint Thomas dit à ce sujet, in IV Sent., dist. 30, q. 2, a. 2, ad 5 : « Joseph noluit Mariam dimittere quasi aliam ducturus vel propter aliquam suspicionem, sed quia timebat tantae sanctitati cohabitare propter reverentiam, unde dictum est ei : Noli timere, Matth., I, 20. »
  33. S. Thomas, Ia q. 20, a. 2.

Connaître ses défauts pour les corriger · Mgr de Ségur

Extraits de ‘’La piété et la vie intérieure’’ de Mgr de Ségur

(ESR, p. 103-116)

«Les occasion de péché véniel sont, en nous, les défauts naturels, et, en dehors de nous, les vanités et les frivolités du monde.»

Les principaux obstacles à notre sanctification ne se trouvent ni dans les difficultés extérieures de la vie, ni dans un manque de grâces (pour un catholique qui assiste à la Messe et fréquente les Sacrements régulièrement, la grâce surabonde), ni dans l’ignorance des choses de Dieu en soi (puisqu’il n’est pas nécessaire de connaître beaucoup de choses pour être un saint), mais en nous-même, dans notre propre chair. En nous-même, non pas simplement en raison d’une tendance générale vers le mal due au péché originel, mais en raison de défauts naturels bien particuliers et propres à chacun. La faiblesse, dans la volonté, et l’ignorance, dans l’intelligence, sont des blessures communes à toute l’humanité, mais dans chaque individu elles auront des manifestations différentes, en fonction de la constitution du caractère.

Mgr de Ségur donne ainsi la définition du terme : «Un défaut naturel est une inclination fâcheuse qui influe d’une manière générale sur notre conduite, et y introduit mille manquements. Un défaut n’est pas un vice : le vice est dans le cœur, dans la volonté, tandis que le défaut est plutôt dans le tempérament, dans le caractère. Les vices sont opposés aux vertus, les défauts sont opposés aux qualités naturelles. Tous autant que nous sommes, nous avons des défauts ; ils viennent du péché originel comme les concupiscences, bien qu’ils soient beaucoup moins graves.»

Il donne ensuite une liste de ce qu’il définit comme étant les principaux défauts naturels. Cette liste (non-exhaustive) est ordonnée suivant la faculté naturelle de notre âme qui est blessée par ces défauts : soit l’intelligence, soit la volonté, soit les sentiments. Suite à cela viennent quelques considérations sur la manière dont on peut se corriger de ses défauts et s’en servir dans notre vie spirituelle.


Défauts de l’esprit

La légèreté

«La légèreté est un défaut de caractère, une disposition de l’esprit qui nous fait agir et parler sans réflexion, qui nous empêche de peser et de mûrir nos décisions. Les esprits légers ne comprennent pas l’importance de la vie et du temps ; ils ne pensent qu’à s’amuser, ils mettent le plaisir avant le devoir ; ils rient de tout, sont bavards, railleurs, inconsidérés, frivoles, inconséquents ; ils traitent étourdiment des affaires les plus sérieuses, n’approfondissent rien ; ils ne jugent que sur la forme, sur les apparences, et se laissent facilement éblouir par tout ce qui brille ; ils sont dissipés, capricieux, portés aux vanités mondaines. La légèreté fait un tord immense à la piété, surtout dans la jeunesse».

L’inconstance

«L’inconstance est un manque de règle et d’esprit de conduite qui nous fait tout entreprendre sans rien finir, et qui rend ainsi stériles les plus brillantes qualités de l’esprit et du cœur. Sans motif suffisant et avec une facilité déplorable, elle nous fait changer d’idées, de sentiments, de résolutions, d’affections, de goûts, etc… et abandonner par caprice les meilleurs projets, les positions les plus avantageuses et jusqu’aux œuvres les plus saintes. Au lieu d’agir par principes comme le demandent la foi et la raison, les esprits inconstants ne vivent que d’impressions, de sentiments, et tournent à tout vent comme une girouette.»

L’entêtement

«L’entêtement est l’extrême opposé de la légèreté et de l’inconstance. C’est une défectuosité naturelle de l’esprit, non moins fâcheuse que les deux autres [La légèreté et l’inconstance]. Les entêtés ont ordinairement des esprits étroits et peu ouverts, qui tiennent quand même à leurs idées personnelles, se buttant sans savoir pourquoi et opposant d’aveugles et sottes résistances aux avis des personnes les plus éclairées. L’entêtement, par une racine secrète, tient à l’orgueil et à la vanité ; aussi un entêté a-t-il grand peine à reconnaître son tord et le voit-on s’exposer à mille déboires plutôt que de revenir sur ses pas.»

La mélancolie

«La mélancolie est une tournure d’esprit très funeste à la piété ; une inclination naturelle à voir tout en noir et à tout faire avec un fond de désolation non raisonnée, avec un abattement, une gravité morne, taciturne, ennuyeuse et ennuyée, avec une humeur chagrine tout à fait contraire à l’esprit de Notre-Seigneur. Elle jette dans de tristes rêveries ; elle est misanthrope et morose, elle aime la solitude et partout elle est malheureuse. Ce défaut tient presque toujours au tempérament, ce qui ne doit pas nous empêcher de le combattre avec énergie.»

L’esprit faux

[Présenté par Mgr de Ségur comme un défaut dont il est quasiment impossible d’avoir conscience pour celui qui en souffre, avec la bêtise (manque d’intelligence). L’esprit faux se caractérise par un grave manque de bon sens, un jugement ordinairement bizarre et déconnecté de la réalité ou de la logique. Des personnes même sincèrement chrétiennes et pieuses peuvent défendre les théories les plus excentriques en matière de religion, de politique, de piété, d’éducation ou d’autres choses même directement relatives aux vérités de la Foi et de la morale en frisant
l’hérésie, non par esprit de rébellion mais parce qu’elles ne pensent pas droit. C’est un défaut extrêmement gênant car la vraie piété requiert un esprit juste, un jugement droit et équilibré et une intelligence au moins ordinaire. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut être très instruit et très doué intellectuellement pour progresser dans la piété, mais qu’il faut avoir du bon sens. Néanmoins il va de soi que Dieu ne demandera pas de comptes rigoureux à ceux qui sont affligés par ces défauts (l’esprit faux et la bêtise) sans faute de leur part].


Défauts de la volonté

La faiblesse de caractère

«On entend par faiblesse de caractère un manque d’énergie morale qui nous fait aisément sacrifier notre devoir et céder soit à la crainte, soit aux railleries, soit aux caresses et aux affections naturelles. La faiblesse vient souvent d’un désir exagéré de plaire à tout le monde, même à ceux à qui il faut savoir déplaire ; mais plus souvent encore elle vient d’un excès d’indulgence, d’un excès de bonté instinctive, ou, pour mieux dire, d’une bonté inintelligente, affadie, et privée du nerf que donne aux âmes la crainte de Dieu et la haine du mal. Les gens faibles sont de l’avis de tout le monde; ils plient devant les obstacles, et il leur devient très difficile de ne pas se laisser entraîner par ce courant du monde qui perd tant d’âmes. Dans les temps difficiles comme ceux où nous vivons [Mgr de Ségur écrit dans les années 1860-1870], ces caractères-là sont extrêmement exposés.»

La mollesse

«La mollesse est un laisser-aller, un amour de ses aises, une crainte immodérée detout travail et de toute fatigue, qui fait que nous ne sommes bons à rien. Elle engourdit toutes nos facultés, nous fait tomber de négligences en négligences, nous endort dans les délicatesses d’une vie sensuelle et efféminée, et nous rend immortifiés, douillets, indolents, lâches, apathiques, incapables des sacrifices journaliers qu’exigent le devoir, incapables de lutter contre les tentations. C’est l’opposé de la mortification chrétienne.»

L’indécision

«Le troisième défaut naturel qui affecte gravement notre volonté est l’indécision. L’indécision nous jette dans le vague, dans l’inutilité ; elle nous empêche de prendre les résolutions précises et fortes sans lesquelles la pratique du bien est impossible. Les caractères indécis sont fort à plaindre : toujours incertains, toujours suspendus entre deux volontés, ils compromettent leurs intérêts les plus chers à commencer par ceux de leur conscience ; de peur de ne pas assez bien faire, ils ne font rien ; de peur de ne pas assez gagner, ils perdent tout.

Il est inutile de faire remarquer l’opposition de tous ces défauts avec les règles évangélique du renoncement, imposées par Notre-Seigneur à quiconque veut être son disciple.»


Défauts du cœur (sentiments)

L’égoïsme

«L’égoïsme est une odieuse tendance, d’autant plus difficile à combattre qu’elle est plus secrète et plus cachée au fond du cœur. L’égoïsme est l’opposé du dévouement, d’est le culte du moi, la recherche continuelle du moi, et l’insouciance de tout ce qui n’est pas ce moi bien-aimé. L’égoïste pense à lui-même avant tout et par-dessus tout ;
il rapporte tout à lui, sans s’inquiéter du bien-être des autres ; il n’a de cœur et de soucis que pour lui-même. Ce détestable défaut dessèche le cœur ; malgré des formes parfois aimables, les égoïstes ne savent pas aimer et tous leurs instincts contredisent formellement la parole du Sauveur : «il vaut mieux donner que recevoir».
Pris en lui-même, et avant que la charité chrétienne soit venue le combattre, l’égoïsme est plus qu’un défaut, c’est un vice, un vice abominable, le pire de tous les vices. Aussi ne parlé-je ici que de la tendance à l’égoïsme, ou, si l’on veut, de ce qui reste de ce vice dans une âme vraiment pieuse, qui le réprime de son mieux.»

La dureté

«J’en dirais de même de la dureté. La dureté est une sécheresse de cœur qui nous empêche de compatir, comme nous le devons, aux infirmités et aux besoins de nos frères. Un naturel dur et sec ignore les ménagements de l’indulgence ; il froisse, il rudoie sans nécessité ; il applique les principes, les règles avec une rigueur inflexible que condamnent à la fois la raison, l’expérience, la charité. Dureté n’est pas méchanceté ; le méchant a mauvais cœur ; l’homme dur a le cœur sec et insensible. Il est froid ; il est roide. Autant la fermeté est une qualité louable, autant la dureté est un défaut répréhensible chez un chrétien.»

La passion

«Le défaut naturel qu’on appelle la passion est un excès de vivacité dans l’esprit, dans l’humeur, dans les manières, une sorte de fougue naturelle, qui nous fait habituellement dépasser la mesure et nous jette dans toutes sortes d’engouements et d’exagérations. Cette ardeur immodérée s’applique au bien comme au mal : elle compromet les meilleures intentions et les meilleurs causes ; comme un cheval fougueux, elle emporte et souvent brise le char, au lieu de le conduire. Les caractères passionnés sont impétueux, violents, injustes. Rien n’aveugle autant que la passion;
elle fait faire et dire mille choses regrettables et souvent fort mal édifiantes. Elle réfléchit peu et va de l’avant : elle enfante les discussions amères, les paroles aigres et blessantes ; elle fait sortir l’âme de cette sainte paix de Dieu, qui est la marque des vrais chrétiens et qui seule garde nos intelligences et nos cœurs en Notre-Seigneur
Jésus-Christ.»


Rapports avec le prochain

Le mauvais caractère

«On appelle mauvais caractère une désagréable propension à grogner, à bouder, à se piquer et à se fâcher pour des riens, à parler avec aigreur et à suivre les caprices d’une humeur bizarre, inégale et chagrine. Le mauvais caractère rend susceptible, maussade, grinchu, brusque, grossier, irascible, hargneux, querelleur. Rien ne fait plus de tord à la piété que ce fâcheux défaut : outre qu’il est directement opposé à la douceur et à la patience, il nous rend insupportables aux malheureux qui sont obligés de vivre avec nous. Quelles que puissent être d’ailleurs les bonnes qualités d’un homme acariâtre, et même ses vertus, il est impossible à vivre et on le fuit. On ne sait par quel bout le prendre ; c’est un fagot d’épines qui pique dès qu’on le touche.»

Autres défauts

«On pourrait signaler encore d’autres défauts naturels, par exemple le caractèreabsolu, dominateur ; le caractère romanesque, qui vit d’illusions et d’imaginations ; le caractère sentimental ; le caractère concentré etc, etc … Que chacun s’éprouve et se juge ; et surtout, avec la grâce de Notre-Seigneur, que chacun mette sans hésiter la cognée à la racine de l’arbre !»


Peut-on se corriger de ses défauts ?

«Pourquoi ne pourrions-nous pas corriger nos inclinations perverses pour devenir meilleurs ? Il n’y a point de si bon naturel qui ne puisse être rendu mauvais par les habitudes vicieuses ; il n’y a point de naturel si revêche qui, par la grâce de Dieu premièrement, puis par l’industrie et indulgence, ne puisse être dompté et surmonté.» (Saint François de Salles, Introduction à a vie dévote, Partie I, chap. XXIV)

«On ne peut pas déraciner tout à fait ses défauts naturels car ils tiennent à notre nature par des racines trop profondes ; mais on peut toujours les comprimer, et il le faut faire, parce qu’ils sont l’occasion immédiate de presque toutes nos fautes, et qu’ils empêchent Jésus de nous sanctifier comme il le voudrait. Ce travail est un travail de tous les jours ; les défauts naturels repoussent sans cesse comme la barbe de notre visage, comme l’herbe de nos jardins. Ce serait grandement s’abuser que de croire à une victoire définitive après un combat d’un an, de dix ans, de vingt ans ; et le Saint Évêque de Genève répondait un jour à quelques personnes qui lui reprochaient de n’avoir pas assez vertement réprimandé un jeune libertin : «A vous dire le vrai, le craignais d’épancher en un quart d’heures ce peu de liqueur de mansuétude que je tâche de recueillir depuis tantôt vingt-deux ans, comme une rosée, dans le vase de mon cœur. Les abeilles sont plusieurs mois à faire un peu de miel, que l’homme avale en une bouchée».»

Que faut-il faire pour se corriger ?

«Avant tout il faut travailler à les bien connaître (…) et pour arriver à les connaître, il faut examiner souvent et régulièrement notre conscience, ouvrir notre cœur avec une grande simplicité à notre confesseur et père spirituel, écouter les avertissements et avis charitables des gens de bien, et enfin tâcher de nous instruire le plus solidement possible des choses de Dieu par la lecture des livres de piété. Il est surtout important de bien connaître défaut dominant, c’est à dire notre principale inclination mauvaise, la défectuosité fondamentale de notre caractère.

En second lieu, nous devons combattre nos défauts naturels et principalement notre défaut dominant au moyen d’une vigilance continuelle, au moyen de la prière et des sacrements. N’attendons pas qu’ils ne soient enracinés dans notre âme : tuons l’ennemi tant qu’il est faible encore.»

Pourquoi si peu de gens se corrigent de leurs défauts ?

«Eh, mon Dieu ! Précisément parce que ces défauts sont naturels, parce qu’ils font partie de nous-même, parce qu’ils sont nous-mêmes. On combat facilement une maladie, parce que facilement on s’en aperçoit et on se rend compte de ses dangers : mais il arrive très souvent que l’on ne aperçoit pas d’un vice de tempérament, parce que ce vice de tempérament n’a guère de manifestations précises, de symptômes bien déterminés, et qu’il est à l’état vague dans l’organisme tout entier.

Il en est ainsi de nos défauts naturels : très facilement les chrétiens, même les plus zélés, même les prêtres, mêmes les religieuses et les religieux, peuvent se faire illusion sur l’existence de ces défauts, à plus forte raison sur leur gravité. On arrive souvent, le diable aidant en secret, à les prendre pour des qualités ; et dès lors, loin de s’en méfier, loin de les combattre comme on le devrait, on s’y attache par principe de conscience et pour ne pas manquer à son devoir.

Par exemple, on est léger : n’envisageant cette légèreté que par son côté aimable, on se persuade aisément qu’on a un heureux caractère, une humeur facile et avenante, de la vivacité d’esprit, de la gaieté, de l’entrain, etc. ; toutes choses très bonnes en effet. – On est entêté : on se croit ferme, énergique dans ses résolutions, on n’est pas comme celui-ci ou celle-là qui tourne à tout vent et change à tout propos. – On est inconstant : on prend cette inconstance pour un grand amour du bien qui nous fait aussitôt voler vers le mieux pour abandonner sans amour-propre nos projets, dès que nous voyons qu’ils ne valent rien . – On a un caractère passionné et impétueux: on se voit animé d’une ardeur excellente, d’un saint zèle pour le bien, d’une vertueuse indignation contre tout ce qui est mal. – On est mou, on est faible : on se dit tout bas : comme je suis bon ! comme je suis indulgent, condescendant, facile à vivre ! Quel cœur tendre ! Et ainsi de tous nos défauts naturels. L’illusion, voilà le principal obstacle de notre amendement.»

Comment nos défauts naturels peuvent servir à notre sanctification

«Quand nous les combattons généreusement, ils peuvent nous être très utiles, en devenant pour nous des occasions de mérite et de sanctification ; en ce sens, on peut dire que nos défauts naturels nous conduisent au ciel plus sûrement, je ne dis pas que nos vertus, mais que nos bonnes qualités, lesquelles, bien souvent, nous inspirent une funeste confiance en nous-même. Saint Augustin le disait jadis aux fidèles d’Hippone : «Suivons le Christ et montons au ciel après lui, au moyen même de nos défauts et de nos mauvais penchants. Pourvu qu’on s’applique à les surmonter, pourvu qu’on les domine, on s’en fait un marchepied pour monter plus haut. Ils nous élèveront, si nous les tenons sous nos pieds ; et, par ce moyen, de nos défauts eux-mêmes nous faisons une échelle pour nous rapprocher de Dieu.»


Que le nombre, que la ténacité de ces défauts ne découragent donc personne ! A qui aime Dieu, tout tourne à bien (Diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum, Rom. VIII). Ne nous lassons pas de combattre le vieil homme avec toutes ses misères ; car si nos mauvais penchants ne sont pas écrasés, ils nous écraseront.»


De la paix intérieure · synthèse par l’abbé Grimes

N.D.L.R : L’abbé Grimes a fait un travail utile à la piété et au progrès spirituel en reprenant succinctement les trois premières parties du Traité de la paix intérieure écrit par le Père Ambroise de Lombez. Nous espérons que son contenu permettra aux lecteurs soit d’acquérir la paix intérieure, soit de mieux la comprendre pour mieux la conserver. Les saints avaient tous en commun de conserver habituellement la paix intérieure, et cela même dans les plus dures épreuves. 


§ 1. Son excellence. 

Toute notre piété, dit le père Ambroise de Lombez, dans son excellent Traité sur la paix intérieure, ne doit tendre qu’à nous unir à Dieu par la connaissance et par l’amour, à le faire régner en nous par notre dépendance absolue et continuelle, par une fidèle correspondance à son attrait intérieur et à tous ses mouvements, en attendant qu’il nous fasse régner avec lui dans sa gloire. Or, sans la paix intérieure, nous ne pouvons posséder tous ces avantages que très imparfaitement. Le trouble interrompt nos méditations; alors notre âme affaiblie ne s’élève à Dieu qu’avec peine, et les violentes secousses qu’elle souffre altèrent beaucoup en nous la tranquillité et la solidité de son règne. Notre cœur est toujours son trône, mais c’est un trône chancelant, menacé d’une ruine prochaine; c’est son siège, mais un siège mal assuré, où il ne peut trouver le repos. Aussi, le prophète dit que Dieu habite dans la paix : Factus est in pace locus ejus (Ps. 75, f 2). Ce n’est pas, continue encore le même Père, qu’il n’habite aussi dans l’âme du juste agité ; mais il n’y est que comme étranger, parce que la confusion qui y règne ne lui permet pas de s’entretenir familièrement avec elle, et que l’agitation qu’elle souffre annonce que son séjour y sera de peu de durée. De là, il est aisé de conclure combien excellente et nécessaire est cette paix de l’âme, et combien on doit bannir l’agitation et le trouble que les scrupules y introduisent. 

1° La paix intérieure nous dispose aux communications divines, et dispose Dieu, en même temps, à nous les accorder, car  il aime à parler à l’âme, dans le calme, la solitude, la liberté. Alors, sa voix harmonieuse se fait mieux entendre, sa grâce opère, éclaire, enflamme, remue et conduit comme elle veut. Mais si le trouble forme comme un épais nuage qui nous dérobe une partie de cette céleste lumière, si le bruit confus des agitations et des perturbations intérieures empêche d’entendre la voix de l’Esprit divin, alors son action est neutralisée, et notre âme est privée, à son tour, de ces précieuses faveurs qui l’auraient tant aidée dans l’accomplissement du bien. 

Comment d’ailleurs discerner les mouvements que Dieu opère en nous de ceux qui ne viennent point de lui ? C’est dans la paix seulement que l’âme peut le faire, parce qu’alors elle est recueillie, attentive, et au point de vue véritable pour ce discernement. Tandis que, lorsque nous laissons entrer la dissipation, les angoisses, le trouble que l’esprit de malice y entretient, il est impossible d’y réussir. Oh ! que de scrupules levés, dit le P. Lombez, que d’illusions dissipées, que de fausses dévotions rectifiées, si l’on ne sortait jamais de cette paix qui nous porte à Dieu sans bruit et sans trouble ; et si l’on tenait, du moins, pour suspect tout ce qui peut en altérer la douceur ! 

De quel secours n’est pas encore la paix intérieure pour lutter avec avantage contre l’ennemi du salut et triompher des tentations ! Quand on veille dans l’intérieur de la maison, quand on a de la lumière, quand on est fort et armé, on ne craint point la surprise de l’ennemi ; de même, lorsque l’âme est recueillie , attentive sur son intérieur, lorsqu’elle se possède, qu’elle est éclairée par les lumières du Saint-Esprit, de la Sainte-Écriture et des sages avis du directeur, quand elle tient en main les armes du salut, ce glaive dont l’archange se servit contre Lucifer, c’est-à-dire la prière, l’âme ne peut être surprise par l’ennemi, ni vaincue par la tentation. Le trouble, au contraire, jetant la confusion en nous, comme au milieu d’une armée en désordre, nous déconcerte, ouvre les portes à l’ennemi, nous fait oublier les armes, et l’on est alors facile à vaincre. Le grand secret, dans les périls en général, et dans ceux-ci en particulier, c’est de se posséder. 

Mais c’est par le calme de l’âme qu’on peut surtout faire des progrès dans la connaissance de nous-même, indispensable pour avancer dans l’humilité et l’abnégation de soi. Or, cette étude ne peut se faire qu’à la faveur de la paix de l’âme : dans une eau tranquille et claire, on distingue les plus petits grains de sable ; et dans l’âme paisible, on aperçoit aussi les plus légères fautes. Alors on se voit tel que l’on est, on se connaît et on se méprise, car se connaître et se mépriser sont deux choses inséparables : de là naît l’humilité, fondement de tout édifice intérieur. 

Un autre avantage bien précieux de cette paix intérieure, c’est la facilité qu’on en retire pour se recueillir. Sans doute, la présence de Dieu, l’attention à la prière, les pensées graves et sérieuses contribuent puissamment à nous recueillir; mais la paix de l’âme est un moyen plus direct et plus efficace. Qui dit paix, calme, tranquillité intérieure, dit recueillement; car s’il est vrai que la dissipation provienne de l’esprit et du cœur, on ne peut attendre le recueillement que de la paix de l’âme. 

Disons enfin qu’elle produit dans nos cœurs d’inexprimables délices, qu’elle nous dégoûte des biens sensibles et des plaisirs fades de ce monde pour nous faire goûter les choses spirituelles et célestes, qu’elle nous fait savourer les douceurs que l’on respire au service de Dieu, nous donne une conduite égale, douce, modeste, paisible, ingénue, qui fait sentir le charme de la vertu aux hommes qui en sont les plus éloignés, les porte à l’aimer, à honorer   la piété, à respecter la religion et à glorifier Dieu. La paix de l’âme est donc quelque chose de tout divin ; c’est comme l’âme de la piété, la source des grâces et des consolations, la félicité de cette vie, le titre le plus sûr aux prédilections de Jésus-Christ, qui dit : Heureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés les enfants de Dieu. C’est un puissant moyen d’obtenir la paix future, car elle affermit en nous le règne de Dieu, dispose aux communications divines, favorise le discernement des mouvements surnaturels, rejette les tentations, nous aide à nous reconnaître, nous donne la simplicité, seconde le recueillement, nous remplit enfin d’ineffables douceurs, de mérites et de biens. 

Si tels sont les avantages et l’excellence de cette paix, il n’est pas étonnant que le démon s’acharne à la troubler et à la détruire en nous, et il serait étonnant, au contraire, que nous ne fussions pas prêts à tout surmonter pour l’obtenir et la posséder. Voyons donc, en peu de mots, les obstacles qui s’opposent à ce règne bien heureux de la paix dans nos âmes. 

§ 2. Obstacles à la paix de l’âme, et moyens de les vaincre. 

Joie excessive

Le premier obstacle à la paix intérieure consiste dans une joie inconsidérée qui nous dissipe au dedans, qui nous attire au dehors, qui disperse, pour ainsi dire, notre cœur çà et là, de toutes parts, et le laisse vide de recueillement. Celte joie bannit la retenue, détruit souvent la modestie, donne entrée à tous les objets extérieurs en ouvrant les portes des sens à tout ce qui vient les frapper. Il faut fuir cette joie excessive, car, en un instant, elle fait perdre les plus doux fruits d’un long recueillement. 

Noire tristesse

Mais, comme en toutes choses les extrêmes sont semblables, nous devons signaler un autre obstacle non moins grand à cette paix, qui est la tristesse ou la mélancolie, l’humeur sombre. Qui n’a pas éprouvé quelquefois combien elle fait perdre le calme dès qu’elle règne dans le cœur ! La tristesse dégoûte, rend impatient, ombrageux, turbulent, non moins insupportable aux autres qu’à nous-même. Dans cet état, on semble enseveli sous les ruines de l’édifice intérieur; plus d’amour, plus de zèle, plus de courage; on s’affaisse, on semble ramper, tout est émoussé dans les talents de la nature et de la grâce; un sombre voile de tristesse se répand partout en nous, sur notre physionomie comme sur notre cœur. Qui ne voit les effets pernicieux de cette noire tristesse ? Hâtons-nous de l’exiler loin de nous, de la combattre si elle s’obstine ; avec elle, on ne peut rien, et elle suffit pour gâter tout. Le sage milieu donc, en quoi consiste et par où se conserve la paix, c’est de modérer la joie excessive, et de réprimer la tristesse dès leur naissance ; car si on leur laisse faire des progrès, il sera difficile de recouvrer la tranquillité de l’âme. Réjouis sons-nous dans le Seigneur, selon l’exhortation de l’apôtre, mais que notre joie soit tranquille et modeste, plutôt à l’intérieur que dans le bruit des paroles, l’éclat des ris, la légèreté et la dissipation. Ayons la salutaire tristesse du péché, de notre exil, du progrès affligeant du mal; mais tempérons la noire tristesse qui vient du cœur par la douce gaieté qu’inspire la confiance, la tendresse, l’expérience de la bonté de Dieu, et qui rend la vertu si aimable à tous les yeux.

Zèle trop vif

Un autre obstacle à cette paix, c’est un zèle trop vif, trop chaleureux, trop impétueux, et qui ne suit pas assez la prudence et la réflexion. Il est prompt à entreprendre tout ce qui est bon ou paraît l’être, ardent à exécuter, impatient d’en voir la fin ; il se porte aux extrêmes avec la plus grande facilité. S’il veut prendre le parti de la solitude, c’est un hibou qu’on ne voit plus; s’il prend le goût de se produire pour faire de bonnes œuvres, il court, il erre sans cesse çà et là, sans s’accorder un instant de repos. Je ne poursuis pas l’énumération que je pourrais faire sur tous les autres points ; je ne dirai pas ce qu’est ce zèle quand les fautes du prochain l’allument, quand des scandales l’enflamment; mais ce que je dirai, c’est qu’il est loin d’être ce qu’il doit être pour servir à l’entretien de la paix de l’âme, et même souvent à l’édification du prochain. Zélateurs impatients et imprudents, réprimons donc les saillies, la précipitation, le trouble, l’agitation ; donnons un peu de temps et de place à la réflexion, à la sagesse, à la prudence, et prouvons, par un mouvement plus tranquille, que notre zèle discret et doux vient de Dieu.

Activité naturelle

L’activité naturelle, qu’on pourrait tout d’abord confondre avec le zèle impétueux, est cependant un obstacle d’un autre genre, quoique non moins digne d’être combattu. Suivez ces personnes d’un naturel ardent, vous les trouverez s’empressant, s’embarrassant elles-mêmes, ne faisant jamais assez tôt ni à leur gré, élevant la voix d’un ton décisif, ne louant ni ne blâmant rien, avec modération ; mais trouvant tout excellent ou détestable, courant enfin au lieu de marcher, et portant dans toute leur conduite les traces visibles d’une agitation toute opposée à la paix intérieure de l’âme. Que doivent-elles faire, ces âmes malheureuses, il est vrai, quoique très-estimables et nullement coupables ? Nous leur conseillerons d’amortir cet excès de vivacité, d’imiter saint Bernard et saint François de Sales, qui ont triomphé l’un et l’autre d’une semblable activité, de veiller sur leur imagination, d’en modérer les transports, de s’appliquer à un grand calme aussitôt qu’elles s’apercevront de leur emportement, et de ne point perdre courage si leur entreprise est difficile, car elle ne pourra être que plus méritoire. 

Indolence

Cependant il faut bien se garder ici, comme pour la joie excessive, de tomber dans une extrémité contraire, c’est-à-dire, dans la nonchalance et l’apathie; car on pourrait dire encore ici que le remède serait pire que le mal. A Dieu ne plaise que nous entendions conseiller l’indifférence stupide et la langueur dans le service de Dieu. Maudit au contraire, disent les livres saints, celui qui fait l’œuvre de Dieu négligemment ; nous parlons de la possession de soi-même, du sage équilibre des passions, de la régularité, du repos en Dieu, et non d’un sommeil honteux au sein de la paresse, de l’oisiveté ou de la volupté. Que les indolents se réveillent, mais que les trop actifs se modèrent : la paix se trouve dans le sage milieu de ces deux excès.  

Efforts excessifs

Un autre obstacle à la paix intérieure, c’est la manière de résister aux tentations qui nous poursuivent quelquefois. En effet, trop d’efforts, trop d’inquiétude, trop d’agitation pour se soustraire à certaines idées, pour combattre certaines suggestions de l’ennemi du salut, altèrent beaucoup la paix de l’âme. Il en est qui sont dans une telle tourmente, dans de telles convulsions, qu’on les croirait pris de fureur ou de folie. Ils ne savent pas que c’est une très-mauvaise manière de rejeter la tentation, et qu’au contraire ils ne font qu’augmenter le danger et produire le trouble et la désolation dans l’âme. La patience, le calme, la vigilance, la prière, la confiance en Dieu, la fuite des occasions, le mépris des impressions qu’on peut éprouver, l’oubli quand elle a disparu, sont, d’après tous les maîtres de la vie spirituelle, les meilleurs moyens et la plus grande ressource. La paix de l’âme n’est point troublée, et l’ennemi, se voyant repoussé avec un calme ferme, énergique et constant, se retire plus tôt.  

Autres obstacles

Il y a sans doute encore d’autres obstacles très-importants à signaler, mais que nous ne ferons que citer, ne pouvant donner ici une plus grande étendue à ce qu’on trouve très-amplement développé ailleurs. Nous voulons parler d’abord du scrupule, que nous avons déjà fait connaître dans tous ses rapports et ses dangers ; des amitiés trop humaines, qui nous attachent, nous dissipent et nous assujettissent à des égards excessifs contre l’attrait intérieur, souvent même contre la conscience du petit amour-propre qui nous remplit d’idées importunes, de désirs impatients, de réflexions tristes, de délicatesses outrées, etc.; de certaines dévotions qui ne donnent rien moins que la paix de l’âme, de la manière dont on les entend; d’une légèreté qui nous fait souvent sortir de nous-même; des longs entretiens qui dissipent; enfin de tout ce qui nous agite, nous trouble et nous tire peu à peu du repos qu’on ne peut goûter qu’en Dieu seul; parce que la sérénité de l’âme est le fruit de la régularité, de la fidélité aux règles d’une vraie et solide piété, sans exagération comme sans ridicule. Passons maintenant aux moyens propres à nous donner cette heureuse, cette précieuse paix. 

§ 3. Moyens d’acquérir la paix de l’âme. 

1° L’humilité

Une âme ‘véritablement humble est toujours tranquille. Et qui est-ce qui pourrait la troubler? Les louanges? elles la surprennent, mais sont loin de l’élever. Le blâme et le reproche ? Loin de l’abattre, ils la réjouissent au contraire. La calomnie? Si elle l’a en horreur, elle n’en est pas déconcertée; sa conscience la rassure. Elle reçoit, dit saint François de Sales, les peines avec douceur, sachant qu’elle les mérite; et les biens avec modestie, sachant qu’elle ne les mérite pas. Enfin l’humilité, dans toutes les situations et toutes les épreuves de la vie, donne et conserve la paix de l’âme. Donc le premier soin pour obtenir cette paix, c’est de se former à la vertu d’humilité. La raison en est qu’elle mortifie les passions plus qu’aucune autre vertu, qu’elle les affaiblit toutes insensiblement, et qu’enfin elle les détruit autant qu’elles doivent et peuvent être détruites. 

2° La mortification

Après l’humilité, la mortification est un des moyens les plus efficaces et les plus nécessaires. Qui ne sait que rien n’est plus opposé à la vie intérieure que la vie des sens ? Ce sont deux vies ennemies : point de paix au milieu des agitations de la convoitise; point de calme intérieur tant que durent le commerce avec les créatures et la guerre des sens. Le plaisir retient l’âme captive sur la terre ; il l’amollit, la rend faible, timide, inquiète ; un rien l’ébranlé, la trouble. Aussi le démon s’en prend-il à nos sens pour détruire la paix de notre âme. Il faut donc lui opposer la mortification pour déjouer ses complots contre nous. Il faut donner à notre âme au contraire la force que lui prêtent les travaux, l’amour des souffrances, des privations, des sécheresses, des croix spirituelles, la patience dans les épreuves, quelque jeûne, quelques autres mortifications, ce qui la rend vigoureuse, ferme, inébranlable, et assure sa tranquillité. En vain l’âme sensuelle aspire-t-elle au repos intérieur, elle ne le trouvera que dans la victoire des sens et leur assujettissement à l’esprit par la mortification. 

3° Fidélité à ses exercices

Quand on veut éviter les effets, il faut retrancher la cause ; ce qui trouble ordinairement les âmes pusillanimes, nous l’avons dit, c’est la vue de leurs nombreuses infidélités aux exercices spirituels. Alors il convient de s’enlever ce prétexte à mille troubles, à mille scrupules; il faut se façonner à une observance exacte de ses pratiques, ne point trop les multiplier, mais les garder exactement ; sans cela on tombe dans les perplexités, les appréhensions et la confusion ; de là naît chez plusieurs le trouble de l’âme. Il faut être sévère sur la fidélité, à ses exercices spirituels, mais pourtant sans une rigidité qui aille jusqu’à la raideur. Il faut savoir céder prudemment à la nécessité et aux bienséances : cette inflexibilité sent le caprice et l’entêtement, dit le Père Lombez, déshonore la piété, la rend incommode au prochain, et n’est le plus souvent que le fruit de l’amour-propre. Elle est directement opposée à la paix intérieure, qui demande cette souplesse contre laquelle toutes les forces extérieures s’amortissent sans éclat et sans violence. Il faut se plier sans résistance, sans dépit, sans chagrin, à ce que la charité, l’humanité, la raison exigent de nous, en prenant même, s’il le faut, sur notre règle de conduite. Mais donnons-nous de garde de nous en relâcher trop facilement; ce ne serait plus une condescendance, mais une vraie dissipation. Où est l’esprit de Dieu, là est la liberté, mais non le libertinage, dit saint François de Sales. Soyons simples et pliants, mais ayons de la force et de la consistance ; ne perdons point le recueillement, et nous aurons toujours la paix de l’âme. 

4° Patience dans les distractions

S’il survient des distractions, que faut-il faire ? Les souffrir et ne point se décourager. Tendre fortement l’imagination, c’est se fatiguer la tête inutilement et entretenir le trouble dans l’âme. On doit s’appliquer, donner toute l’attention possible à ses exercices spirituels; mais on doit le faire sans inquiétude, sans la crainte continuelle des distractions. Il en est de l’attention comme de l’intention; la même subsiste jusqu’à ce qu’elle soit volontairement révoquée. Si elle ne l’est pas, pourquoi se mettre en peine ? Sommes-nous maîtres de la mobilité de notre esprit ? Est-il en notre pouvoir de le retenir ? Non : ce serait aussi impossible qu’il le serait de prétendre retenir l’air en le serrant dans la main. Il faut prier avec calme, patience, paix, et ne point se mettre en peine si l’on est distrait ou si on le sera. Sans ce moyen, point de repos intérieur. 

5° Tranquillité dans les mouvements du cœur

De même qu’on ne peut fixer l’esprit à son gré, de même aussi on ne doit pas prétendre régler à son gré les mouvements du cœur ; ce serait en mal connaître la nature que de penser lui donner la détermination par le mouvement du corps, et de croire, par exemple, qu’il aime, parce qu’il s’attendrit; cet attendrissement n’est que dans le sang et dans les organes, qui ne sont rien moins que le siège de l’amour sacré. Tout est doux et modéré dans le service de Dieu. Il n’exige point que la tête se fatigue, que la poitrine s’épuise, que le cœur se partage par des efforts déplacés ; et l’on ne doit, par conséquent, ni mettre son esprit à la torture pour en assujettir l’inconstance, ni son cœur pour ainsi dire sous la presse pour en exprimer des affections. Ces mouvements produiraient un effet tout contraire, parce que le cœur veut être au large. Ce qu’on croirait ressentir quelquefois d’amour de Dieu et de zèle pour son service, ne serait rien moins que l’un ou l’autre, et ainsi ce serait se procurer l’illusion de l’esprit par le tourment du corps et de l’âme. Ce n’est pas notre propre satisfaction qu’il faut chercher dans ces mouvements du cœur, c’est Dieu seul : or Dieu ne demande de nous qu’une solide préférence dans notre amour, une conduite uniforme, la tranquillité de l’âme, la paisible soumission aux ordres de sa providence, le zèle attentif, sans être empressé, pour accomplir ses volontés avec humilité, patience et douceur. 

Garder la paix malgré la tempête

6° Souffrir sans inquiétude les aridités

En effet, loin de rechercher un goût sensible dans des affections excitées avec effort, il faut souffrir sans impatience les aridités et les dégoûts, et préférer toujours une paix solide fondée sur la fermeté des résolutions, à des consolations passagères souvent formées par notre tendre naturel, ou accordées comme à regret à notre excessive faiblesse. Aussi ne sont-ce pas les âmes exercées dans les secrets de la vie intérieure qui se troublent ainsi des aridités, des sécheresses, et qui recherchent les consolations et les douceurs; non, ce ne sont que les âmes faibles encore au seuil de la perfection et de la vie spirituelle. Je conviens qu’il est triste de ne remplir ses devoirs qu’avec un cœur froid et un esprit dissipé, d’y revenir toujours sans zèle, et d’être obligé d’y traîner son cœur comme par force, de prier sans recueillement, de méditer sans affection, de se confesser sans douleur, de communier sans goût, de souffrir au dehors sans être soulagé au dedans ; oui, cet état est triste encore une fois, mais il est ménagé avec beaucoup de sagesse par la providence d’un Dieu qui connaît parfaitement ses droits, comme nos besoins et nos intérêts. Ne savez-vous pas que c’est ou pour punir vos fautes, ou pour augmenter vos mérites, qu’il vous retire ces consolations ? Si c’est pour l’un ou pour l’autre, de quoi vous plaignez-vous ? N’êtes-vous pas coupable ? N’avez-vous pas besoin d’acquérir un trésor de mérites ? Donc soyons en paix, il n’y a rien dans ces aridités intérieures qui doive nous jeter dans le trouble et dans l’abattement, et moins encore dans l’impatience et le murmure. 

7° L’amour de Dieu

Mais où il faut chercher avant tout la paix intérieure, c’est dans l’amour de Dieu ; c’est là le plus grand, le premier de tous les moyens. Quand l’âme possède Dieu par l’amour, elle possède en même temps la paix, puisque Dieu est notre paix, dit saint Paul, qu’il est le centre de la paix, et qu’il devient notre propre centre aussitôt que notre amour se fixe en lui. Qui ne voit que plus l’amour de Dieu augmente, plus celui de la créature diminue, plus les passions s’amortissent, et plus la paix devient intime et solide ? L’amour de la créature passionne, enflamme, transporte ; mais celui de Dieu n’est pas de nature à troubler; tout en enflammant le cœur, il y porte le calme, la jouissance et l’avant-goût de l’amour infini, pour lequel il est fait, et qui, seul, pourra le satisfaire et le rendre heureux. 

8° La conformité à la volonté de Dieu

Quand on a l’amour de Dieu, on a aussi la soumission à toutes les dispositions de son adorable providence, et cette soumission nous conserve dans une sainte tranquillité parmi les plus fâcheux revers, et dans une admirable égalité au milieu des grands mouvements et des cruelles vicissitudes de cette vie. Voilà donc un bon moyen d’être paisible et heureux : aimer Dieu, et ne vouloir que ce que veut Dieu, et comme il le veut. Là, dis-je, est le calme, la fidélité, la paix intérieure. 

9° La fréquente communion

Une autre source de la paix intérieure se trouve dans la communion. Là le Prince de la paix se donne avec tous ses biens, et il est rare qu’on n’y ressente pas le calme intérieur. Les personnes adonnées à la communion fréquente sont ordinairement plus paisibles, plus maîtresses d’elles-mêmes, ou, si elles ne le sont pas, ce n’est point la faute du sacrement. Voyez l’âme bien disposée, après qu’elle a reçu la divine Eucharistie : quelle sérénité ! quel calme ! quelle paix ! Or, chaque communion étant comme une préparation à une autre, la fréquente réception assure la stabilité de la paix dans l’âme. 

10° L’oraison mentale

En attribuant à la communion fréquente le pouvoir de pacifier l’âme, nous ne devons pas oublier l’oraison mentale, qui est une seconde communion sublime et angélique de notre âme avec Dieu. Les autres moyens les plus efficaces ne pouvant guère subsister sans l’oraison, c’est là que Dieu éclaire, rassérène, parle, se fait sentir et prépare les grands effets de la communion. Qui n’a ressenti combien l’oraison tranquillise peu à peu, et introduit enfin dans le sanctuaire de la paix ? Ce silence, ce recueillement qu’elle demande, ce retour sur soi, cette contemplation des perfections divines, ces aspirations, ces résolutions, tout contribue à donner la paix. C’est donc un moyen très puissant, et que nous recommandons avec d’autant plus d’instance, que si l’on est privé du bonheur de la communion fréquente, l’oraison peut en quelque sorte en dédommager et y suppléer avec la communion spirituelle. Nous souhaiterions, avec le Concile de Trente (sess. 22, ch. 6), qu’on pût communier à toutes les messes où l’on assiste ; mais, si on ne peut avoir ce bonheur, on peut au moins recourir à l’oraison, le principal moyen de paix, toujours à notre disposition. 


C’en est assez pour indiquer aux âmes animées d’une bonne volonté la route qui mène à la paix intérieure. Et qu’elles n’aillent point de suite s’imaginer qu’elles ne l’auront jamais, qu’elles ne sauraient parvenir à un si grand bonheur. S’il est vrai qu’on ne puisse jamais posséder en ce monde une tranquillité si parfaite qu’elle ne souffre jamais la moindre altération, il est vrai cependant qu’on peut en trouver une suffisante tout en étant méritoire par les épreuves qui la traversent quelquefois. C’est notre ennemi qui nous persuade que nous n’aurons jamais la paix; il veut abattre notre courage, nous plonger dans la paresse spirituelle, et nous faire tout abandonner; mais déconcertons sa malice par une résolution ferme et tranquille, soutenue de la confiance en Dieu ; commençons avec son secours, réprimons nos plus violentes passions, désirons-la ardemment ; employons les moyens déjà expliqués, et ensuite ayons de la patience ; ne recherchons pas cette paix avec une ardeur et un empressement qui nous troublent; ne nous affligeons pas des dégoûts et des vicissitudes qui pourront naître ; désirons les vertus avec modération, et remettons tout au bon plaisir de Dieu. Détachons nous autant que possible des affections terrestres; car un cœur partagé n’aura jamais la paix. Ensuite agissons avec une sainte liberté intérieure ; fuyons l’esprit de contrainte; aimons, aimons ardemment, et le Dieu de paix sera avec nous. Et Deus pacis erit vobiscum.

Fête de Notre-Dame de Lourdes – le récit d’une guérison miraculeuse

La guérison miraculeuse de Pierre de Rudder

A l’occasion de la fête de Notre-Dame de Lourdes, fixée par l’Église au 11 février, nous souhaitions vous partager le récit d’un miracle opéré par l’intercession de la sainte Vierge.

Ce miracle nous permet de tirer plusieurs enseignements. Il revêt avant tout un intérêt spirituel. En effet, le modeste ouvrier belge dont la jambe fut guérie a d’abord été récompensé pour sa piété profonde envers Notre-Dame. Ce pauvre homme a été éprouvé par Dieu et ne s’est jamais découragé. Sa confiance en Dieu et son amour pour lui n’ont été ébranlé à aucun moment. Il est resté fidèle à ses devoirs de chrétiens et a conservé une grande dévotion envers Marie. Lorsqu’il est venu implorer le secours de Notre-Dame de Lourdes dans le sanctuaire d’Oostacker, à Gand, il n’avait que le bon plaisir de Dieu en tête. En effet, sa blessure l’empêchait de remplir convenablement ses devoirs de père de famille. Il était peiné du seul fait de ne pouvoir accomplir ses devoirs de justice et d’amour envers Dieu et ses proches. Quelle grandeur d’âme ! Un cœur si noble et si simple, fait très rare de nos jours… Dieu l’a récompensé pour cette humilité et cette pureté à toute épreuve. Une prière pleine de confiance lui permit de guérir. La guérison obtenue, il n’en fut que plus pieux et il ne se laissa pas emporter par l’orgueil et l’excès des allégresses purement humaines. Il en remercia avant tout Notre-Dame et fit du reste de sa vie un don de gratitude et d’amour envers Dieu. Dans les désolations comme dans les consolations, il resta attaché à Dieu et fidèle à ses devoirs. Prenons donc exemple sur ce beau portrait.

Nourrissons une grande dévotion envers Notre-Dame, qui est le seul chemin qui mène à Jésus-Christ. Soyons fidèles à nos devoirs d’état et à nos prières quotidiennes. Fréquentons régulièrement les sacrements et entourons-les d’un grand respect. Pratiquons les vertus chrétiennes dans tous les domaines de notre vie et conservons, dans les moments de joie comme dans les plus grandes épreuves, une inébranlable confiance en Dieu.

Ce miracle revêt aussi un intérêt apologétique qui permet de renforcer nos convictions religieuses. Dans les sections précédentes (voir Les Miracles), après avoir donné une définition du miracle, nous avons démontré qu’il ne pouvait venir que de Dieu. Loin d’être une sorte d’hallucination fantasmagorique ou une « invention de curé », le miracle possède des aspects intelligibles et compréhensibles par notre raison. Au sens large, il est un fait sensible qui se produit en dehors du cours ordinaire des choses. Au sens strict, c’est un fait sensible, produit par Dieu, en dehors du cours ordinaire des choses, pour prouver la vérité d’une révélation et son origine divine. Il est donc avant tout un fait. 

Ce fait, nous pouvons le constater, le voir, l’admirer, le toucher, il s’impose à nous et nous met « devant le fait accompli ». Qui que nous soyons, croyant ou incroyant, ce fait, s’il a eu lieu historiquement, est absolument indéniable. Il est indéniable car il est une évidence : une réalité vue immédiatement. C’est pour cela qu’il met si mal à l’aise les rationalistes… Ne pouvant se permettre de rejeter la réalité du fait qui s’impose, ils se perdent dans la recherche de causes toutes plus farfelues les unes que les autres (supercherie, hallucination collective, suggestion mentale, hypnose, probabilité statistique…) : ce qui les mène à tomber dans l’irrationalité et parfois la magie au sens propre ! Tous les rationalistes sont donc plus ou moins irrationnels. Puisque nous ne pouvons pas nier ce fait, nous sommes contraints de l’expliquer, d’une manière ou d’une autre. 

Or, nous voyons que ce fait se passe totalement en dehors du cours ordinaire des choses, dérogeant aux lois physiques les mieux connues et les plus certaines. Si nous ne connaissons pas toutes les lois de l’univers dans le détail, nous en connaissons un bon nombre avec certitude. Par exemple, nous savons que, selon le cours ordinaire des choses, la matière n’apparaît pas instantanément. Pour réparer une fracture, nous sommes certains qu’il faut du temps, du repos et des remèdes adaptés, parce que les hommes l’observent depuis la nuit des temps et qu’ils en ont fait une science (la médecine, la chirurgie). Nous connaissons encore les propriétés naturelles et constantes de millions d’éléments, qui, placés dans les mêmes circonstances, produisent toujours et infailliblement les mêmes effets. Encore nous savons que tout effet a une cause proportionnée. Autrement, comment une ville pourrait par exemple être alimentée en électricité ? Ne connaissons-nous pas avec certitude les méthodes de production et de conduction de l’électricité ? Si celles-ci étaient incertaines, pourquoi avoir créé toute une industrie avec des moyens humains et financiers faramineux ? Cela aurait été suicidaire !

Ceci peut s’appliquer à tous les domaines de la vie. Pourquoi se lever et marcher si nous ne sommes pas certains de la gravité, de la force motrice de notre système musculaire, de la solidité du sol etc. ; pourquoi prendre la voiture si à tout moment l’essence ou le moteur peuvent changer de propriétés et agir comme n’importe quel autre élément, si les roues peuvent se mettre à ne plus adhérer à le route mais tout à coup faire glisser la voiture ; pourquoi manger un aliment si d’un coup, sans explication, il pouvait être toxique un jour, comestible un autre jour, utile pour telle tâche le lundi et pour telle autre le vendredi. Les exemples sont inépuisables parce que pour vivre, pour réfléchir et pour agir, nous devons avoir et nous avons de fait des millions de certitudes indubitables. Rien n’aurait plus de sens si les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, ne produisaient plus les mêmes effets. Ce serait le règne de l’absurde, tout pourrait être tout et nous ne serions sûrs de rien : nous ne pourrions plus rien faire. Si le feu pouvait se mettre à mouiller, le coton à piquer, le chat à parler, le chien à danser, l’homme à voler, la matière à apparaître soudainement de nulle part, le monde ne serait qu’un chaos permanent… Par ailleurs si nous n’étions certains de rien et que les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, pouvaient produire des effets tout à fait opposés et disproportionnés ; ou si les mêmes effets, dans les mêmes circonstances, pouvaient être entraînés par des causes toutes plus éloignées les unes que les autres ; comment la science elle-même pourrait-elle exister ? Mieux, comment pourrions-nous connaître la moindre chose, puisque ces choses (seraient-elles encore des « choses », dénomination qui suggère déjà un principe substantiel et des propriétés stables) changeraient à tout instant et que nous ne pourrions plus associer une propriété ou une action à un être, ce qui constitue proprement le mouvement vital et spontané de toute connaissance. La science se fonde justement sur la constance et l’immutabilité de certaines lois. Sans cette intelligibilité et ces proportions constantes, la science s’effondre d’elle-même, et toute la société avec elle… Or la science existe. Donc ces lois constantes aussi.

Le bon sens et la science permettent donc d’avoir une approche réellement rationnelle du miracle. Il faut certes être prudent et ne pas faire preuve de crédulité devant le moindre fait qui nous paraît inexplicable. En revanche, il ne faut non plus s’aveugler et nier sans examen tout fait de ce genre. Il faut, comme toujours dans la vie, utiliser son intelligence et chercher la vérité par une enquête sérieuse. Si le fait constaté est réellement inexplicable par la science parce qu’il déroge aux lois les mieux connues (par exemple la guérison instantanée d’une blessure très grave sans l’intervention de causes proportionnées), alors il n’y a aucune raison de nier son caractère miraculeux. Le mot « miraculeux » ne doit pas ici être un obstacle. Dans le langage courant, il est péjoratif. Il renvoie souvent à l’idée d’un fait étrange, inexplicable mais aussi souvent irrationnel et impossible, fruit d’une imagination ou d’une erreur. En réalité, ce n’est rien de moins qu’un fait rationnellement constatable et vérifiable qui remplit des critères bien établis, eux aussi vérifiables. Autrement, ce n’est pas un miracle. 

Nous sommes donc en face de deux évidences que le bon usage de la raison et l’honnêteté nous poussent à accepter : 1° le fait sensible, 2° le caractère miraculeux de ce fait. Nous pouvons conclure que l’auteur de ce miracle est l’auteur des lois physiques qui ont été suspendues, c’est-à-dire Dieu. Ensuite, le miracle est toujours mis en relation avec une religion, pour confirmer son origine divine. Dans le cas qui nous occupe, Pierre de Rudder est catholique. De plus, le miracle s’est produit au sanctuaire Notre-Dame de Lourdes d’Oostacker, à Gand. Ce sanctuaire est lié aux apparitions de la sainte Vierge à Lourdes, en 1858, où celle-ci s’est proclamée « l’Immaculée conception ». Nous savons par ailleurs que le Pape de l’Église catholique, Pie IX, avait proclamé le dogme de l’Immaculé conception en 1854. Le miraculé, après sa guérison, est demeuré catholique et a été un moyen de conversion à la religion catholique pour de nombreuses personnes. Nous constatons une relation explicite entre la religion catholique et le miracle, donc la religion catholique est bien divine. Vous verrez, par les récits et les documents authentiques (serments, déclarations, témoins nombreux et divers, photos, conversions et conséquences) qui suivent, que la guérison de Pierre de Rudder est bien un miracle en faveur de la religion catholique. Rappelons aussi que ce cas est un exemple parmi des milliers d’autres miracles dont la religion catholique seule peut se vanter. Enfin, la foi ne repose pas sur ces miracles, mais sur l’autorité de Dieu se révélant. La richesse de la religion catholique va bien au-delà de ce fait historique. Il ne faudrait pas tomber dans un rationalisme critique et étriqué. Qu’il ait eu lieu ou non ne modifie en rien la divinité du catholicisme. En revanche, sa réalité est un signe parmi d’autres de cette divinité. 

« En présence d’une idée aussi persistante et aussi ancrée parmi les hommes que celle du miracle, en présence de faits qui, s’ils étaient établis, modifieraient peut-être l’assiette de notre vie morale, aucun homme sincère avec lui-même ne peut se contenter de hausser les épaules et de passer. Il faut qu’il aborde le troublant sujet, ne fût-ce que pour se prouver à lui-même qu’il peut légitimement s’en désintéresser. »

(R.P. Joseph de Tonquédec, article Miracle du Dictionnaire Apologétique de la Foi Catholique, dir. A. D’Alès, vol. 3, Paris, 1916, col. 519-520)

Exposition du chanoine Texier

Pierre de Rudder : Fracture de la jambe, avec plaie gangréneuse.

Avant la guérison

Le 16 février 1867, Pierre de Rudder, ouvrier agriculteur, né et habitant à Jabbeke (Flandre occidentale), eut la jambe gauche broyée par la chute d’un arbre qu’il aidait à abattre. Le docteur Aflenaer, d’Oudenbourg, constata une fracture des deux os, le tibia et le péroné, à la même hauteur, un peu plus bas que le genou. Malgré les soins, une plaie gangréneuse se déclara, les fragments d’os se dépouillèrent de leur périoste ; un morceau d’os se détacha même, laissant un intervalle entre les deux fragments brisés. Le mal se prolongea pendant huit ans et deux mois, ne faisant qu’empirer. Pendant ce temps, le patient, qui souffrait atrocement, fut visité et soigné par de nombreux médecins : le Docteur Aflenaer, déjà cité, les docteurs Verriest et Tchackert, de Bruges, le professeur Thiriart, de Bruxelles, le docteur Buylaert, de Varssenaere, le docteur Van Hoestenberghe, de Stalhille. Tous s’accordèrent à déclarer la consolidation impossible en de pareilles conditions, et regardaient le blessé comme incurable. Voici, d’ailleurs, le rapport du docteur Van Hoestenberghe, sur une visite qu’il fit à de Rudder en janvier 1875 :

« Rudder avait une plaie à la partie supérieure de la jambe ; au fond de cette plaie, on voyait les deux os, à une distance de trois centimètres l’un de l’autre. Il n’y avait pas la moindre apparence de cicatrisation. Pierre souffrait beaucoup et endurait ce mal depuis huit ans. La partie inférieure de la jambe était mobile dans tous les sens. On pouvait relever le talon, de façon à plier la jambe dans son milieu. On pouvait la tordre et ramener le talon en avant, et les orteils en arrière. Tous ces mouvements n’étaient limités que par la résistance des tissus mous. »

Un témoin, Jean Houtsaeghe, déclare avoir vu, à la fin mars, Pierre « plier la jambe avec la main, de façon à faire sortir par la plaie les deux extrémités de l’os cassé, qui est venu de l’extérieur. »

Enfin, trois autres témoins, Jules Van Hooren, Adouard Van Hooren et Marie Wittizael, ont signé le certificat suivant :

« Les soussignés déclarent avoir vu, le 6 avril 1875, la jambe fracturée de Rudder ; les deux parties de l’os rompu perçaient la peau et en étaient séparées par une plaie purulente, sur une longueur de 3 centimètres. »

Les schémas, ainsi que ceux qui suivront, sont tirés de l’ouvrage Les guérisons de Lourdes en schémas, par les docteurs Vallet, président du Bureau des Constatations, et Dubuch (Téqui, édit.).

La guérison

Or, le lendemain, 7 avril 1875, le pauvre estropié, se traînant sur ses béquilles, parcourt péniblement, en plus de deux heures, les 2.500 mètres qui le séparaient de la station de chemin de fer, est hissé dans un wagon pour Gand, en descend pour prendre l’omnibus d’Oostacker, dont le plancher est bien vite souillé du pus sanguinolent qui découle de sa pauvre jambe. Il arrive ainsi, au prix de quelles souffrances, au but de son pèlerinage : la Grotte de Notre-Dame de Lourdes d’Oostacker. Là il implore le pardon de ses péchés et la grâce de pouvoir travailler pour gagner la vie de sa famille. Aussitôt, il sent passer dans son être comme une révolution. Ne sachant encore ce qu’il fait, il se précipite sans béquilles, traverse les rangs des pèlerins, et se jette à genoux devant la statue. Alors seulement il s’aperçoit qu’il est guéri : il se tient debout, il marche avec facilité et sans douleur. On examine aussitôt le membre malade : 

« La jambe et le pied, fort gonflés quelques instants auparavant, ont repris leur volume normal, si bien que l’emplâtre et les bandes qui enveloppaient la jambe sont tombés d’eux-mêmes ; plus de plaies ; toutes les deux sont cicatrisées ; et enfin, ce qui dépasse tout, les os rompus se sont rejoints malgré la distance qui les séparait ; ils se sont soudés l’un à l’autre, et les deux jambes sont égales. »

Abbé Bertrin, Histoire critique des évènements de Lourdes, apparitions et guérisons)

Après la guérison : les attestations

Les trois témoins déjà nommés signèrent l’attestation suivante :

« Nous déclarons que de Rudder est revenu, le 7 avril, de son pèlerinage de Notre-Dame de Lourdes d’Oostacker, parfaitement guéri. L’os était soudé, la plaie disparue ; de Rudder pouvait marcher, se tenir debout et travailler, aussi bien qu’avant son accident. »

Les autorités civiles et religieuses et les notables du lieu voulurent, par ailleurs, laisser un témoignage authentique du fait.

« Nous, soussignés, paroissiens de Jabbeke, déclarons que le tibia de Pierre-Jacques de Rudder, né et domicilié ici, âgé de 52 ans, avait été tellement brisé par la chute d’un arbre, le 16 février 1867, qu’après avoir épuisé toutes les ressources de la chirurgies, le malade fut abandonné et déclaré incurable par les hommes de l’art, et regardé comme tel par ceux qui le connaissaient ; qu’il a invoqué Notre-Dames de Lourdes, vénérée à Oostaker, et est revenu chez lui tout guéri et sans béquilles, de sorte qu’il peut, comme avant l’accident, se livrer à tous les travaux. Nous déclarons que cette guérison, subite et admirable, a eu lieu le 7 avril 1875. »

Suivent la signature des magistrats, prêtres et notables (dont certains, comme le vicomte du Bus, étaient jusque-là des incrédules), et le sceau de la commune (15 avril 1875).

Les médecins eux-mêmes allaient apporter leur témoignage : le 8 avril au matin, le docteur Aflenaer était chez son client ; il constata la guérison, et fut frappé de trouver « la face interne du tibia entièrement lisse à l’endroit de la fracture ». Il ne put cacher son émotion et proclama le caractère surnaturel de la guérison.  La 9 avril, c’était le tour du docteur Van Hoestenberghe, qui trouve de Rudder en train de bêcher son jardin. Laissons-le parler :

« Qu’ai-je trouvé ? Une jambe à laquelle il ne manquait rien, si bien que, si je n’avais pas examiné le malheureux auparavant, j’aurais certainement émis la conviction que cette jambe n’avait jamais été cassée. En effet, en passant les doigts lentement sur la crête du tibia, on n’y sent pas la moindre irrégularité, mais une surface parfaitement lisse de haut en bas. Tout ce que l’on découvre, ce sont quelques cicatrices superficielles à la peau. »

Docteur Van Hoestenberghe – Lettre au docteur Boissarie, 3 septembre 1892

Et le docteur Van Hoestenberghe, auparavant incrédule, se convertit entièrement. La même chose arriva pour un grand nombre de personnes qui virent de Rudder continuer une vie de labeur et de piété aussi ; durant les vingt-trois ans qu’il vécut encore, il fit plus de 400 pèlerinages d’actions de grâces à Notre-Dame de Lourdes d’Oostacker. Deux autres confirmations vinrent encore :

En 1892, le docteur Royer, de Lens-Saint-Rémy, résolut d’ouvrir une enquête d’une rigueur scientifique absolue sur la guérison de Pierre de Rudder. Les témoignages multiples et unanimes l’amenèrent à cette conclusion :

« Pas de cal fibreux entre les fragments… les os se sont soudés directement l’un à l’autre. De plus, la jambe gauche ne présentait pas plus de courbure que la jambe droite. Enfin, malgré la perte d’un morceau d’os et bien que les fragments fussent séparés par un distance de 3 centimètres avant la guérison, aucun raccourcissement n’existait dans le membre. Le doute serait déraisonnable et, par conséquent, illégitime ; toute âme droite reconnaîtra qu’il y a, dans cette guérison, une intervention surnaturelle. »

Docteur Royer

En 1898, âgé de 75 ans, Pierre de Rudder mourut d’une pneumonie. Le docteur Van Hoestenberghe voulut voir les os de cette jambe si longtemps malade et obtint l’autopsie. Ce témoignage confirma tous les autres. La photographie ci-jointe montre aisément que la jambe gauche est à la foi témoin de l’accident, par la trace visible de la double cassure, et témoin aussi de la guérison miraculeuse, car les deux os de cette jambe sont aussi longs que ceux de la jambe droite.

« Le Chirurgien invisible qui avait daigné intervenir avait fait en un instant ce que nul autre n’avait pu faire en de longues années, et il l’avait fait avec un art admirable. En même temps, pour que nul n’en ignorât, sa main avait laissé la trace de la fracture, qui restait une preuve de la divine opération. »

Abbé Bertrin

C’était aussi la conclusion d’un article publié en octobre 1899 dans la Revue des questions scientifiques, par le docteur Royer, le docteur Van Hoestenberghe et le docteur Deschamps. Après avoir raconté et établi tous les faits, ils démontrent avec une clarté et une force irrésistibles que la guérison n’a pu être l’œuvre d’une force naturelle. 

La prière des mamans pour les vocations à Lu Monferrato (Italie)

La Sainte Eglise traverse une tempête effroyable, une crise de la foi sans précédent. Cette situation affecte aussi grandement les vocations : chute vertigineuse des vocations sacerdotales et religieuses, et crise de formation des prêtres, des religieux et des religieuses. Voici une histoire pleine d’espoir sur l’efficacité de la prière et sur la confiance en Dieu pour les vocations. 

La prière des mamans de Lu Monferrato pour les vocations, à méditer : “Mon Dieu, faites qu’un de mes fils devienne prêtre ! Je veux vivre moi-même en bonne chrétienne. Je veux conduire mes enfants au Bien pour obtenir la grâce de pouvoir Vous offrir, Seigneur, un saint prêtre”.

La petite bourgade de Lu en Italie du nord est une localité qui compte quelques milliers d’habitants et qui se trouve dans une région rurale à 90 km à l’est de Turin. Cette petite ville serait restée inconnue si en 1881 quelques mères de famille n’avaient pris une décision qui allait avoir de “grandes répercussions”.  Plusieurs mamans portaient dans leur cœur le désir de voir un de leurs fils devenir prêtre ou frère, ou une de leurs filles s’engager totalement au service du Seigneur. Elles commencèrent donc par se réunir tous les mardis pour l’adoration du Saint Sacrement, sous la direction de leur curé, Mgr Alessandro Canora, et à prier pour les vocations. Tous les premiers dimanches du mois, elles communiaient à cette intention. Après la messe toutes les mamans priaient ensemble pour demander des vocations sacerdotales. Grâce à la prière pleine de confiance de ces mamans et à l’ouverture de cœur de ces parents, les familles vivaient dans un climat de paix, de sérénité et de piété joyeuse qui permit à leurs enfants de discerner leur vocation beaucoup plus facilement.

Quand le Seigneur a dit : “Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus” (Mt 22,14), il faut le comprendre ainsi : beaucoup seront appelés, mais peu y répondront. Personne n’aurait pensé que le Seigneur exaucerait avec autant de largesse la prière de ces mamans. De cette bourgade sont issues 323 vocations à la vie consacrée (trois cent vingt trois !): 152 prêtres (et religieux) et 171 religieuses appartenant à 41 congrégations différentes. Beaucoup de ces jeunes gens rejoignirent les Salésiens : la congrégation fondée par saint Jean Bosco à Turin en 1859. Don Bosco s’était en effet rendu à Lu quatre fois dans sa vie et sa spiritualité imprégnait la bourgade. Dans certaines familles il y eut même quelquefois trois à quatre vocations. L’exemple le plus connu est celui de la famille Rinaldi. Le Seigneur appela sept enfants de cette famille. Deux filles entrèrent chez les sœurs salésiennes et, envoyées à Saint Domingue, elles furent de courageuses pionnières et missionnaires. Parmi les garçons, cinq devinrent prêtres salésiens. Le plus connu de ces cinq frères, Filippo Rinaldi fut le troisième successeur de Don Bosco.

Saint Jean Bosco et les enfants de son oeuvre

Le cardinal Vaughan raconte que pendant 30 ans sa mère a passé une heure par jour de 17 à 18h devant le Saint-Sacrement à implorer Dieu de lui donner des enfants consacrés à Son service. Elle aimait beaucoup parler en famille de la dignité des prêtres et de leur ministère pour le salut des âmes. Elle eu quatre filles religieuses, deux religieux, un prêtre diocésain, un évêque, un archevêque et le cardinal Vaughan. 

Tous les 10 ans, un grand rassemblement se faisait à Lu avec les survivants de ces vocations éparpillés aux quatre coins du monde (voir la photo ci-contre de 1946). Ainsi, il y eu chaque année pendant 50 ans de nombreuses “première messe”, alors qu’il n’y en avait aucune dans les villages voisins.

Derrière chaque prêtre il y a toujours une mère, qui le plus souvent a été aussi à l’origine de la vocation sacerdotale ou religieuse de son enfant. On peut citer le témoignage ému de saint Augustin dans les Confessions : “Par les prières de ma mère, Votre fidèle, qui pleurait sur mon âme plus encore que ne pleurent les mères sur le corps de leur enfant décédé, Vous avez étendu votre main du Ciel et Vous avez tiré mon âme de ces ténèbres impénétrables… Ma chère mère, Votre servante, ne m’a jamais abandonné. Elle m’a mis au monde avec son corps à cette vie temporelle et avec son cœur à la vie éternelle. Ce que je suis devenu et de quelle manière, je le dois à ma mère”. Derrière la conversion, le sacerdoce et l’épiscopat du saint d’Hippone on devine les larmes incessantes de sainte Monique qui n’a jamais abandonné son fils.

L’histoire de Lu nous montre également l’importance de la foi chrétienne prêchée et authentiquement vécue au quotidien par les parents, de l’éducation des enfants à la piété et la pureté de cœur, dans la docilité de l’esprit et la joie simple, dans l’effort persévérant et le zèle des âmes, dans l’éloignement de l’esprit du monde. 

«Donnez-moi des mères vraiment chrétiennes et je sauverai le monde qui s’enlise», disait Saint Pie X.

Voici la prière que nous proposons aux mères de réciter à cette intention : 

Mon Dieu, faites qu’un de mes enfants devienne prêtre, religieux ou religieuse ! Je veux vivre moi-même en bonne chrétienne. Je veux conduire mes enfants au Bien pour obtenir la grâce de pouvoir Vous offrir, Seigneur, un saint prêtre, un saint religieux, une sainte religieuse.

Samuel C.