6 objections contre le sédévacantisme : réfutation



Le sédévacantisme est un schisme

Réponse

Un schismatique est quelqu’un qui, méprisant l’enseignement du Christ sur la primauté de Saint Pierre et des pasteurs légitimes de l’Eglise, refuse d’obéir à ses lois et à sa discipline, et érige son propre gouvernement indépendant de celle-ci. Pour dire plus simplement encore, un schismatique est un chrétien qui refuse de se soumettre à l’autorité de l’Eglise, en prétendant que son autorité n’a pas de fondement. Le schisme est un péché mortel contre la charité, car il brise l’unité du Corps Mystique de Jésus-Christ.

Les sédévacantistes ne sont pas des schismatiques car :

  • Ils ne nient pas la légitimité des successeurs de Saint Pierre pour légiférer, de manière monarchique et sans contestation possible, sur l’ensemble de l’Église ;
  • Ils n’ont nullement l’intention d’ériger une autorité concurrente, une hiérarchie indépendante contre l’autorité et la hiérarchie de l’Église catholique ;
  • Ils n’entendent pas, concernant l’administration des sacrements et toute autre chose relative à la religion, agir d’une autre manière que celle qui a été promulguée par l’autorité de l’Église.

Les sédévacantistes s’opposent à ce qui semble être pour beaucoup la hiérarchie de l’Église catholique, non pas par esprit de schisme, mais au contraire par souci de rester fidèle à l’autorité de l’Église catholique qui a enseigné, promulgué et ratifié des doctrines et des dispositions disciplinaires auxquelles s’opposent formellement les nouvelles doctrines (qui sont fausses) et la nouvelle discipline (qui est mauvaise) des conciliaires.

Accuser les sédévacantistes d’être schismatiques serait aussi hors de propos que d’accuser les luthériens de nier que la Bible soit révélée et inerante : le problème du luthéranisme se trouve ailleurs ; ainsi le «problème» du sédévacantiste réside dans la discussion cherchant à savoir si François est Pape ou non, pas sur le fait de savoir s’il faut être soumis au Pape pour sauver son âme – ce dont les sédévacantistes sont absolument convaincus. Or, chercher à savoir si quelqu’un est Pape ou non, c’est simplement faire œuvre de discernement, comme l’ont fait les catholiques et les saints ayant vécu dans des siècles troublés où l’on avait des doutes sur la légitimité de certaines personnes qui prétendaient être Papes ; ce n’est pas faire acte de schisme.

“Finally, one cannot consider as schismatics those who refuse to obey the Roman Pontiff because they would hold his person suspect or, because of widespread rumors, doubtfully elected (as happened after the election of Urban VI), or who would resist him as a civil authority and not as pastor of the Church.” (Wernz-Vidal, Ius Canonicum [Rome: Gregorian 1937], 7:398, my emphasis.)(modifié)[17:21]In fact, Fr. Ignatius Szal emphasizes that one essential ingredient to true and proper schism is that the schismatic, in spite of his disobedience, “must recognize the Roman Pontiff as the true pastor of the Church, and he must profess as an article of faith that obedience is due the Roman Pontiff”

(Rev. Ignatius Szal, The Communication of Catholics with Schismatics [Washington, DC: The Catholic University of America Press, 1948, p. 2).

Les sédévacantistes sont hérétiques

Réponse

Une hérésie est une doctrine qui s’oppose directement à une ou plusieurs vérités révélées contenues dans l’enseignement de l’Église. Un hérétique, au sens formel du terme, est quelqu’un qui adhère à cette doctrine en pleine connaissance de cause, c’est à dire en sachant qu’elle s’oppose à l’enseignement de l’Église catholique. On peut adhérer à des hérésies par ignorance de l’enseignement de l’Église, par suite d’un raisonnement erroné, ou bien par une mauvaise compréhension des dogmes ; cela ne suffit pas à ce que cette adhésion intellectuelle devienne un véritable péché d’hérésie, et fasse mériter devant Dieu et devant les hommes le nom d’hérétique : il faut pour cela ce que l’on appelle la pertinacité, qui est la persévérance dans l’erreur malgré les admonitions de l’Église, malgré la claire connaissance de la réprobation de ses opinions par l’Église. Par commodité on peut dire que ceux qui adhèrent à des hérésies sans faute sont «matériellement hérétiques», et ceux qui y adhèrent avec pertinacité sont «formellement hérétiques». Voir l’article «Hérésie» de la Catholic Encyclopedia

Le sédévacantisme n’est pas une hérésie, et ceux qui adhèrent au sédévacantisme ne sont hérétiques ni matériellement, ni formellement, car :

  • Ils ne nient aucun des enseignements de l’Église catholique, que celui-ci soit solennel ou simplement ordinaire, concernant la Papauté, ses prérogatives et ses droits ;
  • L’Église n’enseigne pas qu’il est impossible que le siège soit vacant pendant une très longue période : s’il peut être vacant 1 jour, 1 mois ou 1 an, à prendre la chose en soi rien n’interdit qu’il soit vacant 1000 ans, aussi terrible que cela puisse être pour la vie de l’Église et le salut des âmes ;
  • L’Église n’enseigne pas qu’il est impossible qu’une personne qui soit élue à la Papauté, et même acceptée pacifiquement comme Pape par l’Église universelle, ne soit pas réellement Pape. Son histoire nous apprend plutôt le contraire, à savoir qu’à une époque a été envisagée le cas où un hérétique (formel) serait élu à la Papauté, et reconnu comme Pape à ce titre : la bulle Cum ex apostolatus officio de Paul IV (1559) déclare une telle élection nulle et sans effet. Par ailleurs il n’a jamais été question, dans la théologie catholique, de dire que l’acceptation pacifique par une unanimité morale des catholiques était une condition ou une preuve du fait que la personne considérée comme telle est réellement Pape.
  • Pour notre part, et nous pensons que c’est le cas de la plupart des sédévacantistes, nous professons n’avoir aucune intention d’adhérer à des opinions condamnées par l’Église ni de nous opposer en quoi que ce soit à son magistère, et nous serions prêt à rétracter toutes nos idées et nos positions s’il apparaissait que l’Église les condamnait. Le principe que nous appliquons pour savoir comment régler notre jugement et notre vie toute entière, est celui de coller le plus prêt que possible à l’esprit de l’Église, même en ce qui n’est pas obligatoire et infailliblement promulgué, même pour des questions d’ordre pastoral et pratique.

NB. Il se peut que certaines personnes soient sédévacantistes et adhèrent par ailleurs à des hérésies, c’est le cas des frères Dimond et de leur doctrine dite feeneyiste, qui nie l’enseignement de l’Église catholique concernant le Baptême de désir et le Baptême de sang. Ce problème n’a, en soi, aucun rapport avec le sédévacantisme. Ce serait un peu comme prétendre que tous les jésuites sont hérétiques, parce que quelques jésuites isolés ont défendu des doctrines fausses : il ne faut pas tout confondre, si certains membres d’un groupe adhèrent à des hérésies, cela ne rend pas le groupe en lui-même hérétique. L’analogie est imparfaite parce que les sédévacantistes ne constituent pas «un groupe» bien constitué, mais il s’agit simplement d’un ensemble de personnes qui font profession de foi catholique et qui se retrouvent donc à faire le constat d’une vacance du Saint-Siège. Cette position selon laquelle le Siège apostolique est vacant ne relève en rien de l’hérésie.


Le constat sédévacantiste est un jugement téméraire et illégitime

Réponse

« Si quelqu’un dit que Dieu unique et véritable, notre Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu’il soit anathème » 

L’Eglise défend ici la légitimité d’un jugement fondé sur des vérités naturelles. En l’occurrence : l’existence du monde, son harmonie et le principe de causalité. Ces choses étant certaines, la conclusion l’est aussi. Si un raisonnement correct met en œuvre une vérité de foi fondée sur l’autorité de Dieu et une vérité naturelle évidente, la conclusion exprimera un jugement doté d’une certitude absolue, propre à entraîner l’assentiment plein et entier de l’intelligence. Une telle conclusion est dite théologique. Par exemple : « Jésus est un homme (vérité de foi). Or les hommes ont une âme (vérité naturelle). Donc Jésus a une âme (conclusion théologique) ». 

Le constat actuel de la vacance du Siège apostolique n’a pas plus de prétention. Il se sert, dans sa démonstration, de données de foi, de faits d’observation immédiate et du principe de non-contradiction. La foi nous assure de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Elle nous assure qu’il est impossible qu’un Pape promulgue avec les évêques représentant l’Eglise universelle un texte contredisant un point de doctrine déjà fixé. Or, une telle promulgation s’est produite lors du concile Vatican II : la déclaration Dignitatis Humanae du 7 décembre 1965 contredit explicitement l’enseignement de Pie IX (entre autres) sur la liberté religieuse dans Quanta Cura (lettre encyclique du 8 décembre 1864). Donc les occupants du Siège apostolique qui ont « promulgué » et maintiennent en union avec tous les évêques une telle doctrine ne peuvent pas être Papes. 

Affirmations condamnées par Quanta Cura, 8 décembre 1864 [«  contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l’Église et des saints Pères »] Affirmations de Dignitatis Humanae, 7 décembre 1965 [«  le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même »]

a) la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande

a’) de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres

b) La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme

b’) Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse

c) Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée

c’) Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil

Ce qu’affirme Vatican II en (a’), (b’), (c’) est condamné par Quanta Cura en (a), (b), (c). Les deux textes se prononcent sur le même sujet : le droit d’exercice public des religions et des cultes, même non catholiques. Les deux textes en appellent à la Révélation et s’expriment, quoi que dans une époque particulière et en raison même de cette époque, d’une façon absolue, comme énonçant un principe de droit naturel.

Cette conclusion sur l’absence actuelle d’Autorité dans l’Eglise, au demeurant triste à poser et troublante pour tous les fidèles, s’impose dans la lumière de la foi, avec une certitude de l’ordre de la foi. Parce que la foi catholique est une, parce qu’elle n’abolit pas la raison et que le principe de non-contradiction est inhérent à son exercice, il est métaphysiquement impossible d’adhérer religieusement à l’enseignement et par conséquent à l’autorité de ces faux pasteurs. Tout fidèle prudent qui vit effectivement de la foi peut et doit conclure à l’absence d’Autorité. L’exercice de la foi catholique rend impossible l’assentiment à l’enseignement de Vatican II. 

Un jugement est téméraire et illégitime si il est prononcé précipitamment, sans intention droite et que les fondements sur lesquels il repose sont incertains ou faux. Par exemple : prêter une mauvaise intention à quelqu’un sans raison. Dans une matière si grave que la foi et avec des certitudes d’un degré tel que nous venons de l’exposer, le jugement s’impose absolument et constitue un devoir. Il ne s’agit pas d’un jugement a priori qui serait consécutif à un caprice de notre part, il s’agit de l’impossibilité métaphysique d’adhérer à une règle de foi qui contredit objectivement l’enseignement de l’Eglise. La meilleure volonté du monde ne pourra pas changer la nature des choses, une chose ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, être vraie et fausse. Nous pensons que cela suffit pour fonder la légitimité d’un tel jugement. Les fidèles ne peuvent pas, par jugement privé, ne pas accuser ceux qui « promulguent » ces enseignements, comme les fidèles de Constantinople rompirent la communion avec leur évêque Nestorius entre 428 et 431 (date de sa condamnation), car celui-ci enseignait une doctrine ouvertement contraire à la foi catholique.

L’imprudence se situerait au contraire dans la négation de ce jugement absolument certain. En effet, en rejetant cette conclusion, on est objectivement poussé à relativiser ou à nier des vérités de foi : soit en acceptant l’enseignement de Vatican II et ses suites, qui s’oppose en de nombreux points au Magistère de l’Eglise ; soit en le refusant, attribuant ainsi l’erreur au Pape et à l’Eglise, niant de fait la sainteté et l’infaillibilité de celle-ci.

Les catholiques qui font le constat de la vacance du Siège apostolique ne se substituent nullement à l’Eglise et à son autorité. Ce jugement n’est qu’un constat indubitable, il n’a pas force de loi et n’a pas de portée juridique objective pour l’Eglise. La privation d’autorité qui affecte actuellement l’Eglise rend précisément compliqué une telle sentence authentique. En revanche, de ce jugement certain découle le devoir de ne rien dire ni rien faire qui reviendrait pratiquement à reconnaître l’Autorité à l’actuel occupant du Siège ainsi que celui de proclamer, selon les règles de la prudence et conformément aux moyens dont chacun dispose, la vacance actuelle du Siège apostolique.

« Nous ne pouvons pas ne pas parler »

Act. IV, 20 

On a le droit de résister au Pape et à l’Église

Réponse

« Quant à déterminer quelles sont les doctrines révélées de Dieu, c’est la mission de l’Église enseignante, à laquelle Dieu a confié la garde et l’interprétation de ses paroles. Dans l’Église, le docteur suprême est le Pontife Romain. (…) [Il faut l’obéissance au Magistère de l’Église et du Pape]. L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elle est exigée par la foi elle-même, et elle a cela de commun qu’elle ne peut pas être partielle… C’est ce que St Thomas d’Aquin explique d’une manière admirable dans le passage suivant:“(…) Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l’Église enseigne; autrement, si, parmi les choses que l’Église enseigne, il admet ce qu’il veut et n’admet pas ce qu’il ne veut pas, il adhère non plus à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible, mais à sa propre volonté… L’unité [de l’Église] ne saurait être sauvegardée que si toute question soulevée en matière de foi est résolue par celui qui est le chef de l’Église entière, de sorte que sa sentence soit fermement acceptée par toute l’Église. C’est pourquoi de l’autorité du Souverain Pontife seul relève une nouvelle édition du Symbole comme toutes les autres choses qui regardent l’Église universelle” … C’est pourquoi le Souverain Pontife doit pouvoir déclarer avec autorité ce que contient la parole divine, quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines s’en écartent: pour la même raison, il doit pouvoir montrer ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour faire son salut; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de le vie humaine »

Léon XIII

Cette obéissance appartient à la foi catholique selon saint Pie X :

« C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Église et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Église et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi »

Saint Pie X, Catéchisme Romain, Petite Histoire de la Religion, éd. Itinéraires, reprint Dominique Martin Morin, 1978, p. 354

Le Concile Vatican II est pastoral

Réponse

Jésus-Christ a fondé son Eglise en la dotant du pouvoir d’enseigner les vérités contenues dans la Révélation pour les proposer à la foi des fidèles. Fondé sur la Sainte Ecriture, cette infaillibilité a toujours été crue et enseignée par l’Eglise et les théologiens (Voir par exemples l’œuvre de Mgr de Ségur, Le dogme de l’infaillibilité,pp.221-432). L’Eglise enseignante, composée du Pape et des évêques, ne peut pas errer dans son enseignement sur la foi et la morale. Lorsqu’un concile, qui n’est autre que l’Eglise enseignante réunie physiquement, enseigne qu’une vérité est contenue dans la Révélation ou nécessaire à sa compréhension, le fidèle est par le fait même tenu d’y adhérer. En tant que tel, le concile Vatican II aurait donc dû être infaillible toutes les fois qu’il proposait un enseignement en matière de foi et de morale, toutes les fois qu’il exposait une « vérité » contenue dans la Révélation ou nécessairement liée à celle-ci. C’est le cas plusieurs documents du concile qui posent problème à cause de leurs enseignements contraires à la doctrine catholique déjà définie : La déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse par exemple. Tous les fidèles auraient dû adhérer religieusement, dans la lumière de la foi, au principe de la liberté religieuse. Évidement, ce principe a déjà été infailliblement condamné par Pie IX (entre autres), signe que le concile Vatican II ne peut pas avoir été promulgué par un pape authentique.

Même dans ses dispositions disciplinaires qui peuvent être modifiées ou abrogées par l’autorité légitime du pape, l’Eglise ne fait qu’appliquer des principes de foi et de morale nécessairement vrais et bons. La discipline et la loi peuvent changer, les principes sur lesquels elles reposent ne le peuvent pas. Si elles peuvent être plus ou moins parfaites, plus ou moins opportunes, elles ne peuvent certainement pas conduire les fidèles qui les observent au mal et à la damnation, elles ne peuvent être nocives à la foi, la morale et le salut éternel : c’est l’inerrance ou « infaillibilité négative » (le cardinal Franzelin l’évoque : FRANZELIN, De Traditione, T. XII, Schol. 1. Cité par L. BILLOT, De Ecclesia Christi, T. I, P. II, c. II, q. X pp. 444-5). Soutenir le contraire va à l’encontre de la sainteté de l’Eglise qui est continuellement assistée par Jésus-Christ en donnant des moyens infaillibles de salut aux fidèles. Pie VI a d’ailleurs jugé cette doctrine « fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, offensive des oreilles pies, injurieuse pour l’Église et pour l’Esprit de Dieu par qui elle est conduite, et erronée pour le moins ». Redisons le donc clairement : même dans ses enseignements « pastoraux », l’Eglise ne peut pas se tromper en matière de foi et de morale.

L’article qui suit apporte une réponse plus détaillée : https://religioncatholique.fr/2021/09/02/peut-on-rejeter-vatican-ii-car-il-sagit-dun-concile-pastoral/


Être sédévacantiste c’est abandonner l’Église et en sortir

Réponse

On entend souvent qu’être sédévacantiste est une désertion et qu’il faut rester fidèle à l’Église malgré la crise et agir de l’intérieur.
Être fidèle à l’Église c’est être fidèle à la Foi. Est-ce que l’Église du Christ peut enseigner l’erreur, promulguer des lois mauvaises, et corrompre les âmes au point qu’elle enseigne une nouvelle religion qui n’a plus rien à voir avec le catholicisme et qui pousse à l’indifférentisme le plus absolu ? Non.
Ce n’est donc pas « l’Église » qui est en train de faire cela et dire qu’il faut « rester dans l’Eglise » dans ces circonstances c’est dire que l’Église est cette société corrompue que l’on voit actuellement.
Pour un catholique d’avant Vatican II, ce serait considéré comme un blasphème de dire que l’autorité de l’Église peut faire cela (enseigner l’hérésie et faire une liturgie protestante).
« Rester dans l’Église » c’est rester dans les paroisses corrompues dont on ressortira indifférent au Christ et à son message, et paradoxalement indifférent à son Église, puisque c’est un autre esprit qui anime la paroisse et toutes ses activités.
Beaucoup de « traditionalistes » qui veulent « infiltrer » ou « influencer de l’intérieur » sont devenus plus modernistes qu’ils ne l’étaient en commençant cette démarche. Cela se vérifie y compris pour la FSSPX qui est dans une mentalité de plus en plus libérale.

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Le protestantisme en 7 points

Qu’est-ce que le protestantisme ?

Le protestantisme est un courant religieux voulant former un christianisme hors de toute hiérarchie catholique, refusant toute médiation de l’Eglise entre l’individu et le Christ.

L’Eglise nous enseigne au contraire que l’on doit passer par elle pour être sauvée. C’est ce que nous enseigne Notre Seigneur dans l’évangile où il dit « S’il n’écoute pas même l’Eglise, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain » (Matthieu 18, 17), il dit également à ses apôtres « Celui qui vous écoute m’écoute, celui qui vous rejette me rejette ; or celui qui me rejette, rejette celui qui m’a envoyé » (Luc 10, 16). De plus, l’individu livré à lui-même, même avec les secours de la grâce ne peut que difficilement se sauver, ce pourquoi il a besoin d’intermédiaires. Enfin, les réformateurs protestants comme Luther, Calvin, viennent de l’Eglise catholique et tiennent leurs baptêmes, l’écriture sainte, de l’Eglise. Le protestantisme a été créé par des hommes alors que l’Eglise catholique a été fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ.


D’où vient le protestantisme ?

Le protestantisme, dans sa forme aboutie, a été présenté et développé par un religieux allemand Martin Luther (1483-1546) à partir de 1520. On préfère initialement parler de réforme, le qualificatif de protestant datant de la Diète de Spire de 1529 pour désigner les princes allemands luthériens qui protestaient contre l’empereur Charles Quint, les luthériens réemploieront ce nom en tant qu’ils protesteraient la Foi dans le Christ. La réforme sera développée ultérieurement par Ulrich Zwingly (1484-1531) en Suisse, par Jean Calvin (1509-1564) à Genève et en France. Historiquement, le qualificatif de protestant est attribué à la réforme luthérienne, les autres courants étant qualifiés de ‘’réformés’’.


Quels sont les fondements de la réforme protestante ?

Le protestantisme se fonde sur le salut par la foi seule et le rejet de l’autorité de l’Eglise catholique par le libre examen et le sacerdoce universel.


En quoi consiste le salut par la foi seule ?

Luther prétend que l’homme n’est pas sauvé par les œuvres mais seulement par la ‘’Foi’’. Pour Luther, la Foi consiste à croire que Dieu nous pardonnera nos péchés et nous conduira au ciel sans mérite ou effort de notre part. Pour Luther, cette confiance suffit à sauver l’homme de l’enfer et nous rend justes aux yeux de Dieu, sans nous rendre bons pour autant. Le salut ne dépend absolument pas de l’homme mais totalement de Dieu qui donne son salut de manière totalement gratuite, ainsi on ne peut choisir d’aller en enfer ou au ciel, Dieu nous donne la Foi sans notre consentement et peut nous l’enlever de même. Pour Luther, faire une bonne œuvre en vue du salut de son âme est un péché, car l’on s’attribuerait à soi alors les mérites de notre salut et non à Jésus-Christ. De son côté, Jean Calvin adhère à la théorie de la double prédestination, voulant que chaque homme soit prédestiné au salut ou à la damnation, sans choix libre de sa part, cette prédestination au ciel peut se manifester par la réussite sociale, les richesses extérieures ou la facilité à accomplir certains actes vertueux. Pour Calvin, l’accomplissement de bonnes œuvres est un acte louable, permettant de confirmer que Dieu nous prédestine, mais parfaitement inutile dans l’ordre du salut.

Au salut par la Foi seule, l’Eglise répond que le grâce de Dieu ne peut sauver l’homme que s’il s’y dispose par sa bonne volonté. Notre seigneur dit lui-même « Ce n’est pas celui qui m’aura dit : » Seigneur, Seigneur ! » qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 7, 21). De même l’Apôtre Saint Jacques rappelle dans son épitre que la Foi sans les œuvres est morte :  « que sert-il, mes frères, à un homme de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? Est-ce que cette foi pourra le sauver ? » (Jacques II, XIV), « vous voyez que l’homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement » (Jacques II, XXIV).


Qu’est-ce que le principe ‘’sola scriptura’’ et le libre examen ?

Le sola scriptura est la prétention du protestantisme, qu’il n’y aurait d’autres autorités en matière de Foi que l’écriture sainte, rejetant la Tradition et l’enseignement de l’Eglise. Le libre examen consiste à dire que l’écriture sainte n’a pas à être interprétée par l’Eglise mais qu’elle peut être interprétée par un simple particulier avec ses propres lumières. Selon les courants, un simple particulier, s’il a la Foi, sera assisté par le Saint-Esprit quand il lit la Bible afin de pouvoir la comprendre, pour d’autres, le fidèle pourrait examiner la bible et la comprendre avec sa simple intelligence sans recourir à l’Eglise ou à l’Esprit-Saint.

L’Eglise catholique distingue comme autorité la règle prochaine de la foi qui est son magistère (enseignement des papes, conciles, doctrines enseignées unanimement par les évêques dispersés dans le monde) et la règle éloignée de la foi (écriture sainte et Tradition). Un Chrétien doit croire tout ce que l’Eglise lui enseigne car Notre Seigneur lui a promis l’assistance du Saint-Esprit dans son enseignement, l’Apôtre Saint Paul rappelle que l’Eglise de Dieu est « Colonne et base de la vérité » (Timothée III, XV). De même, la révélation s’est transmise de deux manières, par l’écriture sainte et la Tradition. L’Eglise rappelle que l’écriture sainte doit être comprise à la lumière de l’enseignement de l’Eglise. En effet, nous voyons que le canon de l’écriture sainte a été délimité par l’Eglise, Saint Augustin dit lui-même qu’il ne croit à l’écriture sainte que parce que l’Eglise est garante de son authenticité. L’écriture sainte elle-même rappelle que certains de ses passages sont obscurs et ne peuvent être interprétés par n’importe qui « Il s’y rencontre des passages difficiles à entendre, et que des personnes ignorantes et mal affermies détournent, comme elles font les autres Ecritures, pour leur perdition » (II Pierre III, XVI). Dans les actes des apôtres, le diacre Phillipe demande à l’eunuque éthiopien s’il comprend ce qu’il lit dans l’écriture sainte, l’eunuque lui répond « Et comment le pourrais-je si quelqu’un ne me guide ? » (Actes VIII, XXXI). L’écriture ne peut donc être interprétée seule. Quant à la Tradition, nous pouvons remarquer que durant les premières années de prédications apostolique, le nouveau testament n’était pas écrit et les fidèles catholiques devaient se fier à la parole des apôtres, de plus, l’écriture sainte nous fait voir son existence « Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses; si on les rapportait en détail, je ne pense pas que le monde entier pût contenir les livres qu’il faudrait écrire. » (Jean XXI, XXV), Saint Jean dit dans deux de ses épitres : « Quoique j’eusse beaucoup de choses à vous écrire, je n’ai pas voulu le faire avec le papier et l’encre; mais j’espère aller chez vous et vous entretenir de vive voix, afin que votre joie soit parfaite. » (II Jean I, XII).


Qu’est-ce que le sacerdoce universel ?

Par la doctrine du sacerdoce universel, Luther prétend que tout baptisé est prêtre et peut consacrer l’Eucharistie.

L’Eglise au contraire nous enseigne que seul un prêtre ordonné par un évêque peut célébrer validement la Sainte Messe. Un prêtre doit être ordonné par un évêque et un évêque doit être sacré par un autre évêque, les premiers évêques étant sacrés par les apôtres par l’imposition des mains. On retrouve l’ordination des évêques dans l’écriture sainte.


Comment fonctionne le culte protestant ?

La messe catholique, renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix est remplacé par un mémorial de la Cène du Christ. Alors que dans la Messe catholique le corps et le sang sont réellement et substantiellement présents derrière les apparences du pain et du vin, protestants et réformés relativisent la présence réelle, voire la suppriment. Martin Luther croit en une présence conjointe du pain et du corps, du vin et du sang. Jean Calvin pense qu’il y a une présence spirituelle du Christ dans l’eucharistie. Quant à Ulrich Zwingli et à Phillipe Melanchthon (1497-1560), ils pensent qu’il n’y a pas de présence réelle, mais que le pain et le vin représentent symboliquement le corps et le sang du Christ. Alors que Saint Sacrifice de la Messe est offert sur un autel et célébré en Latin ou dans une langue sacrée, la cène protestante est célébrée en langue vulgaire sur une table. Les cultes protestants et réformés sont très variables à travers le monde. Enfin, si l’Eglise catholique enseigne d’une seule voix, qu’il y  a sept sacrements, les protestants sont divisés, Calvin en admet deux (baptême, eucharistie), Luther en reconnait trois (il y ajoute la confession) et Melanchthon en ajoute un quatrième (l’ordination).


Paul-Marie C.

Les erreurs de Vatican II

Texte tiré du document « Vatican II, le Pape et la FSSPX » de Mgr Sanborn.

La liberté religieuse

L’enseignement de Vatican II sur la liberté religieuse, contenu dans Dignitatis Humanæ, affirme presque mot à mot la doctrine même qui avait été condamnée par le pape Pie VII dans Post Tam Diuturnas, par le pape Grégoire XVI dans Mirari Vos, par le pape Pie IX dans Quanta Cura, et par le pape Léon XIII dans Libertas Præstantissimum. L’enseignement de Vatican II sur la liberté religieuse contredit aussi la royauté de Jésus-Christ dans la société exprimée dans Quas Primas du pape Pie XI, et contredit également l’attitude et la pratique constante de l’Église vis-à-vis de la société civile

La collégialité

L’enseignement de Vatican II concernant la collégialité modifie la constitution monarchique de l’Église Catholique, qui a été établie par le Divin Sauveur. La doctrine de Vatican II, confirmée par le Code de Droit Canonique de 1983, qui stipule que le sujet (le possesseur) de l’autorité suprême de l’Église est le collège des évêques avec le pape, est contraire à la doctrine définie par le Concile de Florence et le Concile Vatican I.

La Nouvelle Messe et les changements liturgiques

Les changements liturgiques de Vatican II reflètent les erreurs doctrinales que je viens de mentionner. La nouvelle liturgie est une liturgie œcuménique, qui cherche à effacer toutes les doctrines qui sont proprement catholiques, et à faire de la liturgie catholique une forme de culte qui n’offenserait aucun Protestant. C’est un culte centré sur l’homme, dépouillé de tout symbolisme du surnaturel. L’Ordo Missae de Paul VI est une discipline liturgique mauvaise, parce que (1) il contient une définition hérétique de la Messe ; (2) il fut composé dans le but exprès de créer une liturgie œcuménique, qui plaise aux Protestants, dépouillée des vérités catholiques concernant le sacerdoce, le Saint Sacrifice de la Messe, et la Présence Réelle du Christ dans la Sainte Eucharistie ; (3) il fut composé avec l’aide et l’impulsion de six ministres Protestants, ce qui montre l’esprit hérétique dans lequel il a été conçu et formulé ; (4) ses auteurs ont systématiquement supprimé de son prières et leçons les doctrines qui seraient offensives aux hérétiques ; (5) elle enseigne, à la fois par ses omissions et par son symbolisme et ses gestes, des hérésies et des erreurs concernant le sacerdoce, le Saint Sacrifice de la Messe, et la Présence Réelle du Christ dans la Saint Eucharistie.
En outre, il est très probablement invalide en raison d’un défaut d’intention qu’il provoque chez celui qui le célèbre, et en raison, au moins dans le vernaculaire, d’une altération blasphématoire des mots du Christ dans la formule de consécration

L’œcuménisme

L’enseignement de Vatican II concernant l’œcuménisme, qui stipule que les religions non- catholiques sont un moyen du salut, est complètement hérétique. Cette doctrine contredit directement l’enseignement de l’Église, à savoir, qu’il n’y a pas de salut en dehors de l’Église Catholique, appelé par le pape Pie IX un dogme Catholique très bien connu. En outre, les pratiques œcuméniques qui ont résulté de cette doctrine hérétique sont directement contraires à Mortalium Animos du pape Pie XI.

En complément, nous vous conseillons ce site répertoriant les problèmes de Vatican II http://www.etudesantimodernistes.fr/vatican-ii.html



https://data.over-blog-kiwi.com/1/99/48/58/20160418/ob_51652e_mgr-sanborn-resistance-et-indefect.pdf

Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (4/7)

5- Les Pères affirment la procession éternelle du Saint-Esprit par le Père et le Fils

L’affirmation de la procession du Saint-Esprit par le Père et par le Fils (Filioque) par les Pères de l’Eglise est tellement évidente et universelle que les schismatiques ne peuvent pas prétendre que cette idée n’est pas présente chez les Pères : à la place, ils créent de nouvelles distinctions pour prétendre que les Pères ne parlent pas vraiment d’une procession relationnelle, par exemple en prétendant que les citations des Pères sur la procession du Saint-Esprit par le Fils expriment en réalité la “procession économique”, c’est à dire le don du Saint-Esprit au monde, et non pas une procession éternelle. Comme de coutume, les Grecs s’efforcent à travers milles arguties de faire apparaître les sujets polémiques comme plus complexes qu’ils ne le sont réellement, à grand renfort d’érudition et de développements verbeux. Ils ne mettent pas leur science au service de la vérité, malheureusement, mais au service de la révolte de Photius qu’il faut justifier à tout prix.

Il existe pourtant des citations des Pères de l’Eglise qui parlent de manière absolument claire d’une procession éternelle du Saint-Esprit par le Père et par le Fils, pourvu que l’on prête attention au contexte et aux termes qui sont employés. Nous proposons quelques citations de Pères grecs, pour insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une “invention latine”, qui sont suffisamment claires pour comprendre que le sujet est bien les relations éternelles des Trois personnes de la Trinité et non simplement le don du Saint-Esprit au monde, et que les Pères enseignent bien clairement que le Fils participe à la procession du Saint-Esprit.


1- Saint Epiphane de Salamine (374)

L’Esprit est de Dieu et Esprit du Père ainsi qu’Esprit du Fils, pas par quelque mélange mais comme le corps et l’âme en nous. L’Esprit est au milieu [entre le] du Père et du Fils, étant du Père et du Fils (ἐκ τοῦ Πατρὸς καὶ τοῦ Υἱοῦ), troisième par la désignation.

Ancoratus, 8

Certes le Père existe depuis toujours ainsi que le Fils, et l’Esprit spire du Père et du Fils (ἐκ Πατρὸς καὶ Υἱοῦ πνἐει), mais ni le Fils ni l’Esprit ne sont créés.

Ancoratus, 75

De tous les Pères de l’Église, Saint Epiphane est peut-être celui qui affirme le plus clairement la procession du Saint-Esprit ab utroque, par le Père et par le Fils. Ses propos sont peut-être encore plus proches du ex Patre Filioque procedit de la liturgie latine que ne le sont ceux de Saint Augustin.

Saint Epiphane s’exprime aussi en faveur de la double procession dans son grand ouvrage contre les hérésies, le Panarion ou Adversus haereses (377), disant dans le chapitre 62 contre les Sabelliens que le Saint-Esprit “procède du Père et reçoit du Fils, n’est pas différent du Père et du Fils, est vraiment de la même essence et de la même divinité, est du Père et du Fils (ἐκ Πατρὸς καὶ Υἱοῦ)” ; également, dans le chapitre 69 contre les Ariens : “le Père est lumière, le Fils est lumière du Père, le Saint-Esprit est lumière et source venant d’une source, du Père et de l’unique engendré (ἐκ τοῦ Πατρὸς καὶ τοῦ Mονογενοῦ)”. 


2- Saint Grégoire de Nysse (c. 370-390)

En effet, l’Esprit Saint, qui prend sa subsistance de Dieu le Père par le Fils, est élevé au-dessus de tout le créé et est, en lui-même, incommensurable et incompréhensible.

Ὁ τοίνυν Παρὰ τοῦ Πατρὸς καὶ διὰ τοῦ Υἱοῦ τὴν οὐσίαν ἔχων Ἅγιος Πνεῦμα, ὑπὲρ πάσης τῆς κτίσεως ἀνυπέρβλητος αὐτὸς καὶ ἀνεξιχνίαστος ὑπάρχει.

Sur l’Esprit-Saint, Patrologia Graeca, Grégoire de Nysse, Vol. 45, col. 132C-132D, PG 45, 132C132D

Le texte grec ne laisse pas l’ombre d’un doute : τὴν οὐσίαν ἔχων se traduit plus littéralement par “a la substance” ; c’est dans ce sens que le terme οὐσία est employé par l’Eglise pour définir que le Fils est consubstantiel au Père, ὁμοουσίος. Saint Grégoire de Nysse dit donc que l’Esprit-Saint possède la substance “depuis le Père” (Παρὰ τοῦ Πατρὸς), “par le Fils” (διὰ τοῦ Υἱοῦ). Si certains “orthodoxes” veulent encore insister sur une distinction entre le Filioque et le διὰ τοῦ Υἱοῦ, en prétendant que le premier est inacceptable, il leur faudra reconnaître a minima que l’idée d’une distinction de relation entre le Fils et le Saint-Esprit (qui ne procèdent pas du Père exactement de la même manière et dans le même ordre), et l’idée que le Fils a un rôle dans la procession du Saint-Esprit, se trouve dans la théologie orientale et n’est absolument pas une invention de Saint Augustin et des Latins, mais bien un enseignement de la Tradition apostolique. Or Photius, par un raisonnement tout à fait personnel, rejette l’idée de la distinction de relations, et rejette par conséquent la Tradition apostolique et l’enseignement des Pères. 


3- Saint Cyrille d’Alexandrie (c. 424-428)

Ainsi, cet Esprit procède du Fils, immuable, indivisible et inséparable, étant en Lui, venant de Lui et étant contemplé à travers Lui, existant en trois personnes et formant l’unité de la Trinité.

Τοῦτο οὖν τὸ πνεῦμα πρὸς τὸν Υἱὸν προπορεύεται ἀναλλοίωτον καὶ ἀδιάστατον καὶ ἀμερίστως, δι’ αὑτοῦ ὂν καὶ ἐξ αὐτοῦ καὶ διὰ αὐτοῦ θεωρούμενον, τρία ὑπάρχοντα πρόσωπα, καὶ μίαν τῆς τριάδος θεότητα.

Thesaurus de sancta et consubstantiali trinitate

Nous voyons dans cet extrait que Saint Cyrille parle de l’existence intime de la Trinité et des Personnes qui la composent. Il ne dit nullement que le Saint-Esprit vient du Fils “vers le monde”, mais simplement qu’il “procède du Fils” (πρὸς τὸν Υἱὸν προπορεύεται), qu’il “vient de Lui” (ἐξ αὐτοῦ), tout en existant avec Lui dans la Trinité éternelle et immuable.


4- Saint Maxime le Confesseur (c. 640-660)

Le Saint-Esprit procède non seulement du Père, mais aussi du Fils, indivisiblement, sans confusion, sans séparation, incompréhensiblement, le bon, l’unique engendré.

Τὸ Ἅγιον Πνεῦμα ἐκπορεύεται οὐ μόνον ἐκ τοῦ Πατρὸς, ἀλλὰ καὶ ἐκ τοῦ Υἱοῦ ἀδιαιρέτως, ἀχωρίστως, ἀσυγχύτως, ἀσυγνώτως, τὸν ἀγαθόν, τὸν μονογενῆ.

Lettre à Marinus

Ce texte est spécialement précieux pour sa négation explicite de la fausse doctrine des schismatiques sur la procession du Saint-Esprit “par le Père seul” à l’exclusion du Fils. Saint Maxime dit bien qu’il procède (ἐκπορεύεται – “sort de”, “vient de”) “non seulement “(οὐ μόνον) du Père “mais aussi”(ἀλλὰ καὶ) “du Fils” (ἐκ τοῦ Υἱοῦ). 

La lettre de Saint Maxime à Marinus traite précisément du sujet de la procession éternelle du Saint Esprit, sujet qu’il décrit comme éminemment mystérieux et difficile, et il est bien clair encore une fois que cette discussion est sans rapport avec le don du Saint-Esprit au monde : sinon, il ne vaudrait pas la peine de dire que ce sujet dépasse l’intelligence humaine.

Ailleurs dans cette lettre, Saint Maxime rappelle l’existence d’un consensus des Pères de l’Eglise sur le fait qu’on ne doit pas rejeter la procession du Saint-Esprit par le Fils [1], même si les détails de cette mystérieuse relation ne font pas l’objet d’un accord unanime entre les Pères. Chose importante : nous évoquions plus haut la distinction entre le Filioque (procède du Père et du Fils) et le διὰ τοῦ Υἱοῦ (procède du Père par le Fils). Saint Maxime évoque cette distinction, mais précisément pour dire qu’on ne doit pas rejeter la proposition “le Saint-Esprit procède du Fils”, sans préciser qu’il procède du Père “par le Fils”. Il condamne par anticipation Photius et sa fausse doctrine du ἐκ μόνου τοῦ Πατρός (du Père seul). 


5- Annexe : Le Filioque dans les professions de foi et dans la liturgie (VIe-IXe siècles)

La présence de la doctrine du Filioque chez les Pères et tellement évidente que ce sujet n’a pas été le principal point d’attaque des Grecs contre les Latins, lors des différents débats consécutifs au schisme de 1054 : le problème soulevé par les Grecs était plutôt l’ajout du Filioque dans le Credo qui leur paraissait être une violation des décrets des conciles de Nicée et de Constantinople. La réponse à cette objection réside simplement dans les arguments déjà exposés sur l’autorité suprême de Saint Pierre : à partir du moment où l’on reconnaît cette autorité, il n’y a rien de choquant à ce que des modifications et des précisions soient apportées aux décrets des Conciles des siècles passés par les papes, surtout si c’est pour se prémunir d’une nouvelle hérésie qui est apparue entre temps. 

Cet ajout est d’ailleurs plus ancien qu’on ne le pense parfois. La présence du Filioque dans les professions de foi est attestée en Occident dès le VIe siècle.

D’abord dans le fameux Symbole d’Athanase, cité pour la première fois par Saint Césaire d’Arles en 542, qui affirme “Pater a nullo est factus … Fílius a Patre solo est … Spíritus Sanctus a Patre et Fílio”.

Ensuite, le IIIe Concile de Tolède (589), moment du triomphe du christianisme orthodoxe contre l’arianisme en Espagne, est connu pour avoir anathématisé, dans son 3ème canon, ceux qui refusent d’admettre que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ; et peu après s’est diffusée en Espagne la pratique de chanter le Credo durant la célébration de la Messe, par imitation de l’usage oriental. Mais ce Credo contenait le Filioque car il semble qu’à l’époque, dans le méandre des différents manuscrits et traductions, les clercs Wisigoths considéraient que le Filioque faisait partie de l’original grec du symbole de Nicée-Constantinople. La doctrine exprimée fait en tout cas partie d’un dépôt de foi bien antérieur au concile de Tolède puisqu’elle est déjà enseignée par Tertullien, Saint Ambroise et Saint Augustin.

Le chroniqueur Saint Bède le Vénérable, dans son Histoire ecclésiastique du peuple anglais (v. 737) rapporte que le concile de Hatfield (680), sous la direction de Théodore de Cantorbéry (qui est un grec originaire de Tarse), rappelle les doctrines des précédents conciles œcuméniques et déclare que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.

A partir de la fin du VIIIe siècle se manifeste un débat, qui n’est pas doctrinal mais disciplinaire, sur l’usage du Filioque dans le Credo liturgique, promu par Charlemagne dans l’empire carolingien (le royaume franc ayant probablement été influencé par l’usage wisigoth), refusé par l’empire byzantin mais aussi par le pape jusqu’au XIe siècle, du moins dans le cadre de la liturgie romaine, puisque le pape permet aux églises qui le souhaitent d’utiliser le Filioque. Ce débat est l’occasion de révéler que cette doctrine du Filioque était largement acceptée par l’ensemble des chrétiens avant Photius, qu’elle se diffusait paisiblement en Occident et en Orient, et que si débat doctrinal il y avait c’était pour savoir s’il fallait dire que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ou du Père par le Fils, la première formule étant plus usitée en Occident et la seconde en Orient, les papes n’ayant condamné aucune des deux formules. Les Francs attachent de l’importance à cette question du Filioque dans le cadre de la lutte contre l’adoptianisme, comme une manière d’insister sur la divinité éternelle du Fils, sur son rôle essentiel dans la Trinité. Ainsi Charlemagne demande à l’évêque Théodulfe d’Orléans une compilation de textes des Pères en faveur du Filioque en 809. C’est Photius qui innove en condamnant le Filioque : dans le cadre de ses différends juridictionnels avec Rome, la question du Filioque est mise sur le tapis et pour la première fois Photius entreprends de condamner le Filioque d’un point de vue doctrinal, pas simplement du point de vue de la pratique liturgique comme c’était le cas auparavant en Orient et en Occident. Les missionnaires Francs de Bulgarie utilisaient le Filioque dans la liturgie, ce qui a été l’occasion de cette diatribe de Photius.

Il aurait été bien en peine de fournir un travail équivalent à celui de Théodulfe : aucun Père ne condamne le Filioque en effet, et c’est sur la base de son jugement personnel qu’il prétend expliquer que cette doctrine diminue la parfaite monarchie du Père. Il s’agit bien plus d’un prétexte pour justifier sa révolte, son ambition et son mépris pour les Latins, que d’une préoccupation sincère pour l’orthodoxie. On voyait le même Photius, au début de son investiture, tenter d’entrer dans les bonnes grâces de Rome et prétendre être un bon catholique, avant de se retourner contre le pape une fois que ses ambitions ont été contrariées, comme Luther plusieurs siècles après lui, et comme tant d’autres hérétiques avant eux qui tentèrent dans un premier temps de se faire approuver par Rome.

Jean-Tristan B.


[1] Lettre de Saint Maxime le Confesseur à Marinus sur la procession du Saint-Esprit : « La
question que vous me posez, très cher ami, est grande et difficile. Elle est grande en
raison de la majesté du sujet lui-même et de l’impossibilité de le sonder en
profondeur. Elle est difficile parce que notre esprit, étant donné sa petitesse, ne peut
pas atteindre l’immensité des choses divines. Quant à la procession du Saint-Esprit, il
est évident que nous devons admettre qu’il procède de Dieu au sens où nous le
comprenons, mais il est impossible d’en dire davantage. Il est en effet faux de dire
que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils. C’est le seul point sur lequel les Pères de
l’Église sont unanimes
, même si, bien sûr, il ne s’agit pas d’une seule et même chose
que de dire que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils et de dire qu’il procède du
Fils. Il est bien clair que le Saint-Esprit procède de Dieu au sens où nous l’entendons ;
nous devons toutefois nous garder de trop nous enorgueillir, car cela est au-delà de
notre intelligence. Voilà ce que nous enseignent les divines Écritures et les saints
Pères. Je vous le dis sans détour, mais je ne peux rien ajouter d’autre à cela. Que
Dieu, qui est sans commencement et infini, nous accorde de partager un jour la
connaissance parfaite de la divine Trinité.

ΜΑΞΙΜΟΣ ΕΠΙΣΚΟΠΟΣ ΑΝΤΙΟΧΕΙΑΣ,
ΠΡΟΣ ΜΑΡΙΝΟΝ : Εἰδεῖν παρὰ τοῦ Πατρὸς τὸ πνεῦμα κατὰ τὴν προσδοκίαν τοῦ λόγου,
τὸ ὁμοούσιον αὐτῷ καὶ τῷ πατρί, θείῳ τρόπῳ προσφυές, τῇ τοῦ ἀγαθοῦ τῶν οὐρανίων
τέκνων θελήσει μεταλαβεῖν καὶ μάθειν ἐπιχειρεῖς, ἄθεος μὲν ὤν, καὶ θείας τῆς
ἀγαθότητος ἀφωρισμένος. ὅθεν ἀνεψιοῦ πνεύματι, οὐ τῷ μηδαμινῷ ἐκείνου φύσεως
μερίσματι, τῷ ἀχωρίστως ἀγαθῷ, μὴ διαιρεθεῖσαν ἀπὸ τοῦ τελείου αὐτοῦ γένους
ἀνθρωπίνου, τῷ μετ’ οὐδεμιᾶς ἀμίξουσα τῶν προστάξεων καὶ λόγων τοῦ Πατρὸς καὶ
τοῦ Υἱοῦ κατὰ πνευματικὴν καὶ θείαν πρόνοιαν δι’ αὐτοῦ συγκρίνεις, τὸ τοῦ μαθεῖν
πρόθυμον ἔχων; _ Πᾶς νοῦν ἔχων εὐσεβὴς τῶν ἱερῶν ἀγγείων τὰ κατ’ αὐτοῦ, τίς αὐτῷ
θέσις ἂν εἴη; Ὅτι εἰ δυνατόν, ὡς λέγεις, θείου φωτὸς πλάσματα καὶ κατ’ αὐτοῦ
συγγένειαν, τὴν μὲν ὡς Πατρὶ τὴν δὲ ὡς Υἱῷ τῇ τοῦ πνεύματος θελήσει μεταλαβεῖν. Εἰ δὲ
τοῦτο ἀδύνατον, ὡς ἀπολογεῖσαι τὰ τῶν οἰκονομιῶν τοῦ θεοῦ δογματικῶς λέγετε, τὴν
μὲν φύσιν αὐτοῦ μὴ συγγενῆ τῇ Πατρὶ λαμβάνετε, τὴν δὲ ἀφωρισμένην μὲν ἀπὸ τοῦ
παναγίου τριάδος γένους, μίαν ἅπασιν, τὴν τῶν θείων οὐσιῶν ἐπινοίαν συμβιβάζουσαν,
μὴ τοῦ πνεύματος τὴν θελητικὴν πρὸς τὴν τοῦ πατρὸς παραπειρασμένην προσδοκίαν
πρὸς τὴν Υἱοῦ διακρατήσασαν προσλαμβάνεσθαι, μὴ περὶ τῆς κατὰ τὴν φύσιν καὶ τὸν
τρόπον τῆς ἐκ τοῦ Πατρὸς διὰ τοῦ Υἱοῦ προβολῆς τοῦ Πνεύματος ἐκφόρου διαλογισμοῦ
δεδημιουργημένην ἐπινοεῖσθαι, καὶ μεταξὺ τῆς κατ’ αὐτοῦ συγγενείας καὶ τῶν τούτου
πρὸς Πατέρα παραπειρασμάτων ἐκ τῶν προστάξεων διαφορὰν τοποθετεῖν; Ἢ τίς,
φίλτατε Μάρινε, τούτων ἀπολογίαν ἀστιχεῖς

Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (2/7)


Raisons patristiques : les Pères affirment la papauté


3- Les Pères affirment négativement la papauté, en ne protestant pas contre les prétentions de Rome

Avant d’étudier les témoignages positifs des Pères en faveur de la papauté, il nous faut nous arrêter sur un point qui est rarement évoqué, et qui a pourtant toute son importance dans le débat entre catholiques et schismatiques : où sont les témoignages des pères contre la papauté ? 

La réponse est très simple, il n’y a jamais eu de protestation des Pères à l’égard des titres et des prétentions de l’Eglise de Rome, qui – contrairement à la légende moderne colportée par les universitaires de gauche et par les ennemis de l’Eglise en tout genre – ne sont pas soudainement apparus au milieu du Moyen-Age, sous l’impulsion des moines de Cluny et de la réforme grégorienne, alors que l’ensemble des chrétiens auraient auparavant vécu sous le régime de la “pentarchie”, où les 5 patriarches les plus éminents de la chrétienté (Rome, Constantinople, Jérusalem, Antioche, Alexandrie) auraient dirigé l’Eglise sur une sorte de pied d’égalité. Cette conception de la pentarchie relève largement du mythe, car il a bien toujours existé une primauté de juridiction et de magistère de l’évêque de Rome (spécialement visible dans le fait que les évêques d’Orient y compris ceux de Constantinople, d’Antioche et d’Alexandrie recourent sans cesse à Rome 1) pour trancher les conflits et surmonter leurs difficultés internes, et 2) pour condamner les hérésies), qui n’est pas une simple primauté honorifique due au statut politique de Rome, mais une primauté due aux pouvoirs que le Christ a donné à Saint Pierre. 

Les schismatiques répondront peut-être qu’il n’y a pas eu de protestation contre la papauté car à cette époque les évêques de Rome n’avaient pas été gagnés par la “folie des grandeurs” de la réforme grégorienne, par les “idées extrémistes” du moine Hildebrand, devenu pape sous le nom de Grégoire VII. Si “folie des grandeurs” il y a, force est de constater qu’elle a commencé bien avant Cluny et qu’on en trouve des traces non équivoques dès l’antiquité, tout au long du Haut Moyen-Age, et pas uniquement en Occident. En vérité, ce que l’on constate dans l’histoire ancienne de l’Eglise est que les véritables orthodoxes ne contestent jamais les prérogatives de Rome, tandis que seuls les esprits teintés de schisme et d’hérésie se plaignent d’un “abus de pouvoir” ou d’une mauvaise interprétation des évangiles en faveur de la primauté pontificale.

L’étude de Mgr Batiffol sur les titres de l’évêque de Rome dans l’antiquité et le début du Moyen-Age (Cathedra Petri, 1938) nous fournit de nombreux et éclairants exemples sur cette primauté romaine revendiquée et manifestée dès l’antiquité, et jamais contestée par les véritables orthodoxes. Une autre étude de ce type, plus élargie, a été réalisée en 2003 par Scott Butler et John Collorafi (Keys over the Christian world: Evidence for Papal Authority [33 A.D.- 800 A.D.] from Ancient Latin, Greek, Chaldean, Syriac, Armenian, Coptic and Ethiopian documents). Nous en recommandons la lecture à ceux qui souhaitent approfondir le sujet.

Pour cet article nous ne sélectionnons que quelques exemples d’histoire ancienne de l’Église, dont certains datent d’avant que l’Église ait développé le moindre lien avec les autorités de l’empire romain, dans lesquels il est évident que Rome a revendiqué une primauté, non seulement en paroles mais en actes, et que cette primauté n’a pas fait l’objet d’une contestation forte et durable, l’ensemble des chrétiens la considérant comme normale même si certains ont contesté parfois la manière ou le sujet sur lesquels elle s’appliquait. Le principe de la primauté romaine était, implicitement ou explicitement, accepté par les chrétiens les plus sérieux, y compris en Orient.

Il est absurde de prétendre que ce principe est lié au prestige politique de la ville, dans un contexte où cette ville, mondialement réputée pour ses mœurs débauchées, est le siège d’un empire païen persécuteur, et aussi – ce qui ne manque pas d’importance – dans un contexte où la chrétienté romaine est beaucoup plus culturellement influencée par l’Orient que l’inverse (la liturgie même de l’église de Rome est en grec jusqu’au IVème siècle, et beaucoup de papes sont d’origine orientale). Rome, d’une manière générale, est d’un prestige culturel inférieur à l’Orient et les Romains de la haute société parlent grec en signe de distinction. Il n’y a aucune “primauté honorifique” crédible qui puisse être attachée à Rome par opposition aux autres sièges apostoliques avant que l’empire romain ne devienne chrétien. Seule la transmission du pouvoir de la primauté de Saint Pierre aux évêques de Rome peut expliquer ce qui s’est passé dans les épisodes d’histoire (très) ancienne de l’Église ci-dessous. 


1- La controverse sur la date de Pâques (c. 190)

Alors que l’Eglise vivait encore dans les catacombes, les contacts humains et épistolaires entre les différentes Églises et spécialement entre Rome et les Églises d’Orient étaient permanents. L’Occident et l’Orient ont en ce temps-là un mode de calcul différent pour la date de Pâques, l’Orient suivant l’ancienne coutume juive. Ce sujet inquiétait les papes du IIème siècle qui craignaient de voir une différence aussi importante entre l’Orient et l’Occident dans la loi de prière.

Le pape Victor Ier (189-199) s’empare de ce sujet d’une manière violente et excommunie les évêques d’Asie mineure : comment interpréter une telle action ? Il est impossible que l’évêque de Rome ait pris cette initiative si extrême, s’il n’estimait pas (et si l’ensemble des chrétiens n’estimaient pas) qu’elle était fondée en droit. Cette décision, sans doute excessive, fut contestée par les intéressés : mais il est fort intéressant d’étudier dans quels termes prennent place la contestation. Eusèbe de Césarée, dans le Vème tome de son Histoire ecclésiastique, explique que les Asiates ont contesté la violence de l’action, mais pas les pouvoirs de l’évêque de Rome : on ne voit aucun de ces anciens pères, bien qu’ils expriment un fort désaccord, contester comme le fit Photius que l’évêque de Rome ait même le droit d’excommunier un autre évêque en dehors de sa juridiction territoriale spécifique. Voyez le passage d’Eusèbe : 

Sur ce, le chef de l’église de Rome, Victor, entreprend de retrancher en masse de l’unité commune les chrétientés de toute l’Asie ainsi que les églises voisines, les tenant pour hétérodoxes. Il notifie par lettres et déclare que tous les frères de ces pays-là sans exception étaient excommuniés. Mais cela ne plut pas à tous les évêques, ils l’exhortèrent au contraire à avoir souci de la paix, de l’union avec le prochain et de la charité : on a encore leurs paroles ; ils s’adressaient à Victor d’une façon fort tranchante. Parmi eux encore se trouve Irénée, il écrivit au nom des frères qu’il gouvernait en Gaule. Il établit d’abord qu’il faut célébrer seulement le jour du dimanche le mystère de la Résurrection du Seigneur ; puis, il exhorte Victor respectueusement à ne pas retrancher des églises de Dieu tout entières qui gardent la tradition d’une coutume antique et donne beaucoup d’autres avis

Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, V, 24

Ainsi les évêques concernés, par la voix du grand Saint Irénée, “exhortent respectueusement” le pape de “ne pas retrancher des églises”. Si n’importe quel autre évêque, même un patriarche, avait pris une décision similaire en dehors de sa province ecclésiastique, il aurait été rappelé au fait que ses pouvoirs ne sont pas illimités. Ici pourtant, l’évêque de Rome excommunie les évêques d’Asie, bien loin du “patriarcat occidental” dont aiment parler les schismatiques modernes, et se voit respectueusement demander par Saint Irénée de lever son excommunication, ce qui sous-entend que celle-ci a une forme de validité, autrement il suffirait de l’ignorer. Si les chrétiens d’Orient avaient été animés à l’époque des mêmes sentiments que Photius, le schisme général entre Rome et l’Orient aurait commencé en 190. La manière dont a agi Victor Ier contre les Asiates est sans doute plus choquante que la manière dont a agi le pape Nicolas Ier à l’égard de l’usurpateur Photius. Pourtant, les vénérables Pères de l’Eglise apostolique n’ont pas entrepris à cette occasion de nier que Rome soit “le premier siège”. Suite à cette controverse, l’usage oriental de la célébration de la Pâque s’est peu à peu entièrement aligné sur celui de l’Eglise de Rome. 


2- La controverse sur le Baptême des hérétique (c. 250)

Dans la tourmente des persécutions de Dèce (249-250), de nombreux chrétiens ont malheureusement apostasié en acceptant de brûler un grain d’encens aux idoles. Une fois la persécution terminée, nombreux sont ceux qui demandent à être pardonnés et réintégrés dans la communion de l’Eglise. Le statut de ces lapsi divise : certains estiment que l’attitude de l’Eglise, qui consiste à accorder l’absolution aux apostats, est trop laxiste, parmi eux Novatien qui fait schisme et prétend être l’évêque légitime de Rome, et refuse d’accepter à la communion les lapsi pénitents.

A mesure que les persécutions s’éloignent, la secte de Novatien commence rapidement à s’étioler. De nombreux novatianistes veulent revenir dans l’Eglise : la question se pose de savoir s’il est nécessaire de baptiser à nouveau ceux qui ont été baptisés dans la secte novatienne. Saint Cyprien, et avec lui de nombreux évêques africains, défend l’opinion selon laquelle ce second baptême est nécessaire. Le Pape Etienne Ier (254-257) non seulement défend la doctrine contraire (selon laquelle le baptême des hérétiques et des schismatiques est valide, et qu’il est sacrilège d’effectuer un second baptême), mais impose aux autres évêques de rétracter la doctrine du second baptême. S’en suit une lutte passionnée avec le pape qui mène l’Eglise africaine au bord du schisme. 

De cet épisode, les schismatiques tentent parfois de puiser des preuves de “l’opposition de Saint Cyprien à la primauté romaine”. La question est en réalité complexe et Saint Cyprien, bien qu’il ait pu agir avec un mauvais esprit, n’a jamais véritablement cherché à réfuter la doctrine de la primauté. 

On pourrait tenter par exemple d’utiliser ce passage  :

Il ne faut point se retrancher derrière la coutume, mais vaincre par la raison. Pierre, que le Seigneur a choisi tout d’abord, et sur lequel il a bâti son Église, se trouvant par la suite en désaccord avec Paul au sujet de la circoncision, ne montra point d’arrogance ou de prétention insolente ; il ne dit point qu’il avait la primauté, et que les nouveaux-venus et les moins anciens devaient plutôt lui obéir, et il ne méprisa point Paul, sous le prétexte qu’il avait été persécuteur de l’Église, mais il se rendit de bonne grâce à la vérité et aux justes raisons que Paul faisait valoir. Il nous donnait ainsi une leçon d’union et de patience, et nous apprenait à ne point nous attacher avec obstination à notre propre sentiment, mais à faire plutôt nôtres, quand elles sont conformes à la vérité et à la justice, les idées bonnes et salutaires qui peuvent nous être suggérées par nos frères et nos collègues

Saint Cyprien, épître 71

Ce massage montre plutôt : 

  • Que Saint Cyprien est d’accord pour dire que “le Seigneur a bâti son Eglise sur Pierre”.
  • Que le pape de l’époque revendique la primauté.
  • Que Saint Cyprien ne dit pas qu’il est faux que Pierre ait la primauté, mais exhorte son successeur à agir avec humilité en acceptant les suggestions qui viennent de l’extérieur si elles sont vraies et justes, au lieu d’imposer toujours son avis au nom de la primauté. 

Saint Cyprien reste attaché à ses positions et convoque un concile des évêques d’Afrique, de Numidie et de Maurétanie en septembre 256, pour affirmer plus solennellement la doctrine du second baptême. Le concile s’ouvre sur une déclaration qui semble critiquer l’attitude du pape : “car nul d’entre nous ne se pose en évêque des évêques, nul ne tyrannise ses collègues ni ne les terrorise pour contraindre leur assentiment, vu que tout évêque est libre d’exercer son pouvoir comme il l’entend, et ne peut pas plus être jugé par un autre que juger lui-même un autre”. La critique n’est pas directe mais simplement suggérée, car le contexte de la déclaration est un propos plus général sur le fait que chaque évêque participant à ce concile local est amené à exprimer librement son opinion sans craindre d’être persécuté. Cependant le terme “évêque des évêques” et le vocabulaire de la “tyrannie” et de la contrainte sont probablement un écho du ressentiment de Cyprien contre les revendications du pape.

Saint Cyprien et les évêques africains étaient-ils alors dans une position analogue à celle de Photius, niant la primauté du pape et rejetant ses enseignements ? Ce n’est pas ce que nous apprend l’histoire de cette controverse. Saint Jérôme, écrivant environ un siècle et demi plus tard[1], nous apprend que :

  • Saint Cyprien et le concile de Carthage ont envoyé leur décret conciliaire au pape.
  • Que le pape (Sixte II, successeur d’Etienne) a refusé leur doctrine.
  • Que ces évêques rétractèrent leur opinion suite à la condamnation du Pape, pour accepter la doctrine de la validité du baptême conféré en dehors de l’Eglise.

La controverse s’est donc terminée, après plusieurs remous, par une acceptation de l’enseignement du pape de Rome. Nous avons conservé très peu de traces des interventions de Rome dans cette controverse, en dehors d’une citation du pape Etienne dans une épître de Saint Cyprien ; il est possible qu’à un moment donné, le pape – qui jusque là tentait de convaincre ceux de l’opinion adverse plutôt que de leur imposer une doctrine – a clairement usé de son autorité apostolique pour trancher le débat, et que Saint Cyprien – qui connaissait mieux que quiconque le principe de la primauté, exprimé dans son traité sur l’unité de l’Eglise – a fini par accepter de se rétracter.


3- La controverse arienne et le concile de Sardique (343)

Après la condamnation de l’arianisme par le concile de Nicée (325), un grand nombre d’évêques orientaux se sont malheureusement laissés séduire par des versions « modérées » de l’hérésie arienne et ont activement combattu les défenseurs de l’orthodoxie, dont le plus célèbre fut Saint Athanase, évêque d’Alexandrie entre 328 et 373.

L’empereur Constantin a légalisé le christianisme (313), soutenu l’Eglise et demandé la convocation du Concile de Nicée, mais il est cependant fort novice en théologie et n’est pas lui-même pas véritablement chrétien (il sera baptisé sur son lit de mort par un évêque arien). Pour des raisons non exactement élucidées, peut-être parce qu’il se préoccupe surtout de l’unité extérieure des chrétiens et que l’arianisme modéré est devenu la position majoritaire, il finit par renverser sa politique pour défendre les ariens. Ainsi dans les dernières années de la vie de Constantin (330-337), le parti des ariens devient le plus puissant dans la chrétienté.

Les ariens entreprennent de déposer Saint Athanase lors du concile d’Antioche (335), dirigé par Eusèbe de Nicomédie. A partir de ce moment, l’évêque de Rome entreprend, de sa propre autorité, de briser les décisions illégitimes des évêques d’Orient. Nous voyons le pape prendre fait et cause pour Saint Athanase, et agir véritablement comme s’il était l’autorité suprême dans l’Eglise ; qualité qui ne lui était contestée, en réalité, que par les sympathisants de l’arianisme.

L’historien Socrate de Constantinople (qui écrit son Histoire ecclésiastique vers 440) commente le conciliabule d’Antioche en disant qu’il est illégitime précisément parce que l’évêque de Rome n’était ni présent ni représenté :

Jules Evêque de Rome n’y assista point non plus, et n’y envoya personne en sa place, bien que selon un ancien Canon, il n’était pas permis de rien ordonner dans l’Eglise, sans le consentement de l’Evêque de Rome.

Socrate le Scholastique, Histoire ecclésiastique, Livre II, chapitre 8 dans PG, 67/195

De « l’ancien canon » mentionné par Socrate, nous ne savons rien de précis. Ce commentaire est simplement un témoignage supplémentaire que la primauté du pape était crue par les premiers chrétiens, au point d’être inscrite dans le droit ecclésiastique et ce avant le concile de Sardique dont nous discuterons bientôt. L’historien Sozomène (qui écrit aussi dans les années 440-450) rapporte substantiellement la même chose que Socrate, savoir que le pape a condamné le concile de Tyr et a rappelé qu’il était contraire aux canons de prendre une décision aussi grave pour l’Eglise que la déposition du patriarche d’Alexandrie sans son accord.

En 340, le pape tient un concile à Rome qui annule les décisions du concile de Tyr et rétablit Saint Athanase dans son droit. Pour donner un caractère plus solennel encore aux nouvelles définitions contre l’arianisme, les Occidentaux (surtout Saint Ossius de Cordoue, bras droit du pape ayant joué un rôle important lors du Concile de Nicée), appuyés par les empereurs Constant et Constance, souhaitent réunir un concile œcuménique. La localisation de Sardique (nom antique de Sofia, dans l’actuelle Bulgarie), entre Occident et Orient, est choisie pour permettre au plus grand nombre d’évêques de s’y rendre. La majorité des évêques d’Orient, sympathisants de l’arianisme, n’y participent malheureusement pas, ne supportant pas la présence de Saint Athanase, et multipliant les injures et les attaques contre Rome. C’est un véritable schisme entre l’Occident et la majeure partie de l’Orient qui s’en suit.

Le concile de Sardique rassemble néanmoins, d’après Sozomène, environ 300 évêques d’Occident et 76 d’Orient. D’autres historiens diminuent beaucoup le nombre d’évêques présents, mais cette question a peu d’importance. Les canons de ce concile relative à l’autorité du pontife de Rome (qui n’est par ailleurs même pas présent) témoignent de la foi des chrétiens de l’époque en une autorité suprême du successeur de Saint Pierre, contestée seulement par les sympathisants de l’arianisme :

3. (…) Si cependant un évêque pense qu’il fut condamné pour une affaire, qui à son avis n’est point mauvaise, mais bonne, en sorte que le jugement doive être révisé, s’il plaît à votre charité, honorons la mémoire de l’apôtre Pierre, et que les juges eux- mêmes écrivent à Jules, évêque de Rome, afin que le tribunal, le cas échéant, soit à nouveau constitué par les évêques de la province voisine et que lui-même envoie des arbitres; mais si un pareil tribunal ne peut être constitué -car c’est à lui de décider si l’affaire a besoin d’être révisée -, ce qui fut déjà décidé ne doit pas être remis en question et le décret rendu sera confirmé

Le 3e canon du concile de Sardique déclare que l’évêque de Rome a le pouvoir de réviser en appel la sentence d’un autre évêque, et que c’est « honorer la mémoire de l’apôtre Pierre » que de déclarer ce pouvoir. D’autres canons du même concile entrent dans le détail de ce thème de l’appel à Rome en cas de conflit de juridiction au niveau provincial.

Certains voudraient voir dans ces canons, et pourquoi pas dans la personne d’Ossius, l’origine de « l’invention de la papauté », dans le sens qu’un pouvoir de ce type n’existait pas auparavant et qu’il aurait été arbitrairement attribué à l’évêque de Rome par le concile de Sardique. Ces menteurs sont réfutés par le récit de Sozomène et de Socrate le Scolastique, qui témoignent que c’est en vertu d’un « ancien canon » que l’évêque de Rome proteste contre l’illégitimité du concile oriental réuni contre Athanase plusieurs années avant le concile de Sardique, et que ce pape Jules revendique à ce moment un droit de contrôle sur ces décisions qui pourtant ne relèvent pas de sa province ecclésiastique ou de son « patriarcat occidental ». Nous avons vu, dans les exemples précédents, que cette revendication du pape à réguler les affaires de l’Eglise universelle s’est déjà manifestée aux IIe et IIIe siècles. Le concile de Sardique ne fait donc que confirmer des notions déjà existantes dans la mentalité chrétienne et dans le droit canon. 

Nous voyons dans cette affaire que Saint Athanase et tous les orthodoxes acquiescent, tacitement par leur silence, ou explicitement par leur ratification, au pouvoir suprême de l’évêque de Rome dans l’Eglise, un pouvoir tel que celui-ci peut briser en appel n’importe quelle sentence prononcée à un niveau inférieur de la hiérarchie ecclésiastique.


4- L’affirmation de la papauté par le concile de Rome (382)

Peu de temps après le Ier concile de Constantinople (381), l’empereur Théodose Ier réunit un autre synode à Constantinople, auquel le pape ne participe pas : Damase Ier réunit plutôt un concile à Rome, qui est surtout célèbre pour avoir été l’occasion de la définition du canon des Saintes Ecritures. Le concile déclare en outre :

La sainte Église romaine n’a pas été placée en avant des autres par quelque décision synodale mais a obtenu le premier rang par la voix évangélique de notre Seigneur et Sauveur, puisqu’il dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur elles, et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux et tout ce que tu auras lié sur terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur terre sera aussi délié dans les cieux » (Matthieu 16, 18). La société du très bienheureux Paul, le vase d’élection, lui a été ajoutée, lui qui, combattant, n’a pas été couronné à un (moment) différent, comme les hérésies (le) coassent, mais (l’a été) au même moment, en un seul et même jour, par une mort glorieuse, avec Pierre, dans la ville de Rome, sous le César Néron. Ils consacrèrent également la susdite sainte Église romaine au Seigneur Christ et la placèrent devant toutes villes dans le monde entier par leur puissance (praesentia) et leur triomphe à vénérer. Le premier rang de l’apôtre Pierre revient donc à l’Église romaine, qui n’a ni tache, ni ride, ni rien de ce genre (voir Éphésiens 5, 27). Le deuxième siège a été consacré au nom du bienheureux Pierre par son disciple et évangéliste Marc à Alexandrie, lui qui, envoyé par l’apôtre Pierre, a prêché la parole de vérité et a consommé le glorieux martyre en Égypte. Et c’est du bienheureux Pierre qu’à Antioche on tient l’honorabilité du troisième siège, parce que c’est là-bas qu’il s’était rendu avant d’habiter à Rome et (parce que) c’est là-bas que pour la première fois le nom de chrétiens s’est manifesté (Actes 11, 26) (comme celui d’) une nouvelle nation

Texte tiré du Decretum Gelasianum, 3, éd. E. von Dobschütz, Leipzig, 1912, p. 7 ; “Latin Lists of the Canonical Books. I. The Roman Council under Damasus, A.D. 382”, introd. et éd. C. H. Turner, Journal of Theological Studies, 1, 1899, p. 560.

Il apparaît donc que dès le IVème siècle, les papes énoncent ouvertement la doctrine finalement rejetée par Photius au IXème siècle, et par ses héritiers du XIème siècle, en déclarant que la primauté de Rome provient du premier rang de l’apôtre Pierre, et des paroles prononcées par le Christ sur « les clés du royaume des cieux ».


Conclusion

Ces différents épisodes de l’histoire de l’Eglise nous apprennent   :

  • Que la prétention à la primauté de la part de Rome existe depuis l’antiquité la plus reculée (exemples des IIème, IIIème et IVème siècles).
  • Que cette prétention n’a rien à voir avec la place de la ville dans l’empire romain, mais est explicitement reliée aux paroles de l’évangile sur Saint Pierre.
  • Que cette prétention à la primauté n’a pas suscité, parmi les Pères de l’Eglise et plus généralement parmi les orthodoxes, de condamnation ou de réfutation.
  • Que les protestations des premiers chrétiens contre les actions de Rome
    • Ne portent pas sur le principe même de la primauté.
    • Se plaignent de la sévérité de certains papes, mais sans nier leur droit à agir pour réguler les affaires des Eglises à travers le monde.
    • Ont tendance à cesser une fois que Rome a exprimé sa volonté de manière suffisamment ferme, et que ceux qui entendent cette volonté sont suffisamment pieux et orthodoxes.

Nous avons donc une affirmation au moins négative de la papauté de la part des Pères qui ne protestent pas contre ces revendications continuelles à la primauté de juridiction et même à l’autorité doctrinale suprême de la part de Rome. Nous verrons, dans la partie suivante, que plusieurs Pères ont plutôt explicitement soutenu ces revendications.

Jean-Tristan B.


[1] Blessed Cyprian… condemning the baptism of heretics, sent [the acts of] an African Council on this matter to Stephen, who was then bishop of the city of Rome, and the twenty-second from Blessed Peter; but his attempt was in vain. Eventually the very same bishops, who had laid down with him that heretics were to be rebaptized, returning to the ancient custom, published a new decree. [Contra Lucif., 23. PL 23: 186]

Fête de Marie-Reine · Encyclique Ad Cœli Reginam

Le 11 octobre 1954, cent ans après la proclamation de l’Immaculée Conception par Pie IX, Pie XII institue la fête de Marie-Reine au 31 mai. Le Pape nous rappelle les fondements de la royauté de Marie et nous exhorte à toujours plus aimer une si bonne mère. Voici un résumé de l’encyclique et un fichier pdf qui contient l’encyclique elle-même dans son intégralité.



L’espérance mise en la Mère de Jésus-Christ n’a jamais été déçue. La foi qui proclame que la Sainte Vierge Marie règne sur l’univers entier couronnée dans la gloire du ciel ne s’est jamais affaiblie. Il faut donc recourir à Marie notre Reine avec amour et confiance. L’encyclique ne propose pas une nouvelle vérité à croire puisque les arguments en faveur de la royauté de Marie sont abondamment formulés dans les documents anciens de l’Église et les livres liturgiques.

Royauté de Marie dans les documents anciens

Celle dont est né le Fils du Très-Haut, « Rois des rois et Seigneur des Seigneurs », par son union intime avec ce divin Roi, a reçu des privilèges uniques, dont la dignité royale.

Saint Ephrem (306-373) la prie ainsi : « … noble jeune fille et patronne, Reine, Maîtresse, garde-moi, protège-moi, de peur que Satan auteur de tout mal ne se réjouisse à mon sujet et que le criminel adversaire ne triomphe de moi »

Saint Jérôme (347-420) s’exprime ainsi : « Il faut savoir qu’en syriaque Marie signifie Souveraine »

Saint André de Crète (660-740) appelle Marie « Reine de tout le genre humain » et saint Jean Damascène (675-749) « Reine, Patronne, Souveraine [de toutes les créatures] »

Les témoignages sont innombrables, l’encyclique en énumère davantage sans les épuiser pour autant. Ainsi, les théologiens de l’Église et les Papes ont définir la doctrine de la Très Sainte Vierge Reine de toutes les créatures, Reine du monde, Souveraine de l’Univers.

Une lettre de Grégoire II (669-731) lue durant le septième Concile œcuménique convoqué à Nicée (787), donne à Marie le titre de « Souveraine universelle et vraie Mère de Dieu »; et Sixte IV (1414-1484) celui de « Reine du Ciel et de la terre » dans sa lettre Cum praeexcelsa (1476). Saint Alphonse de Liguori (1696-1787) résume ainsi que « puisque la Vierge Marie a été élevée à la dignité si haute de Mère de Dieu, c’est à bon droit que l’Eglise lui a décerné le titre de Reine ».

Royauté de Marie dans les livres liturgiques

La liturgie est le fidèle miroir de la foi transmise par les anciens et crue par le peuple chrétiens : lex orandi, lex credendi. Elle a toujours chanté les louanges de la Reine des cieux.

En Orient: « Je dirai un hymne à la Mère Reine, et je m’approcherai d’elle avec joie pour chanter dans l’allégresse ses merveilles… O Souveraine, notre langue ne peut te chanter dignement, parce que Tu es plus élevée que les Séraphins, Toi qui as engendré le Christ Roi… Salut, ô Reine du monde, salut ô Marie, Souveraine de nous tous »

L’Église latine chante le « Salve Regina » ou le « Regina coeli, laetare » et les antiennes chantées pour l’Assomption proclament « Aujourd’hui la Vierge Marie est montée aux cieux : réjouissez-vous, car elle règne avec le Christ à jamais ».

L’art chrétien également représente abondamment Marie en Reine et en Impératrice, et les souverains pontifes ont toujours loué et favoriser cette authentique piété populaire.

Raisons théologiques de la royauté de Marie

L’argument principal sur lequel se fonde la dignité royale de Marie est sa maternité divine. Ainsi, la « Mère du Seigneur » (Luc. 1, 43), Seigneur dont le « règne n’aura point de fin » (Luc. 1, 33) « est vraiment devenue la Souveraine de toute la création au moment où elle devint Mère du Créateur » (St. Jean Damascène).

La Bienheureuse Vierge Marie doit aussi être proclamée Reine parce que selon la volonté de Dieu, elle joua un rôle éminent dans l’œuvre de notre salut éternel. En effet, Jésus-Christ est Roi non seulement par nature, mais aussi par conquête, puisqu’il nous a rachetés au prix de son sang (Pie XI, Quas Primas, 1925). Ainsi:

« Comme le Christ pour nous avoir rachetés est notre Seigneur et notre Roi à un titre particulier, ainsi la Bienheureuse Vierge est aussi notre Reine et Souveraine à cause de la manière unique dont elle contribua à notre Rédemption, en donnant sa chair à son Fils et en l’offrant volontairement pour nous, désirant, demandant et procurant notre salut d’une manière toute spéciale » (Suarez (1548-1617))

On pourra donc légitimement en conclure que, comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi parce qu’il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est également permis d’affirmer, par une certaine analogie, que la Vierge est Reine, et parce qu’elle est Mère de Dieu et parce que comme une nouvelle Eve, elle fut associée au nouvel Adam

Pie XII, Coeli Reginam

L’excellence souveraine et la dignité royale de Marie se déduit de sa plénitude de grâce.  En effet: Dieu « a enrichi Marie avec munificence de tous les dons célestes, puisés au trésor de la divinité ; aussi, toujours préservée des moindres souillures du péché, toute belle et parfaite, elle a atteint une telle plénitude d’innocence et de sainteté qu’on ne peut en imaginer de plus grande en dessous de Dieu et que jamais personne, sauf Dieu lui-même, ne réussira à la comprendre » (Pie IX, Ineffabilis Deus, 1854)

La Sainte Vierge possède donc un pouvoir « presque sans limites » (Léon XIII, Adjutricem populii, 1895) pour concéder des grâce, office qu’elle remplit « pour ainsi dire de droit maternel » (Saint Pie X, Ad diem illum, 1903)

Nous, chrétiens, devrions nous glorifier à chaque instant d’être soumis à l’empire de la Vierge Marie dont le cœur brûle d’amour maternel.

Institution de la fête de Marie Reine

Pie XII finit par décréter l’institution de la fête de Marie Reine, qui se célébrera chaque année dans le monde entier le 31 mai, pour que cette vérité si solidement établie et si nécessaire au salut des hommes soit mieux connue et rendue plus resplendissante aux yeux de tous.

Il nous exhorte ensuite :

« Que le nom de Marie, plus doux que le nectar, plus précieux que n’importe quelle gemme soit l’objet des plus grands honneurs ; que personne ne prononce des blasphèmes impies, signe d’une âme corrompue, contre un nom qui brille d’une telle majesté ; qu’on n’ose même rien dire qui trahisse un manque de respect à son égard. »

« Que tous s’efforcent selon leur condition de reproduire dans leur cœur et dans leur vie, avec un zèle vigilant et attentif, les grandes vertus de la Reine du Ciel, Notre Mère très aimante. »

« Que personne, donc, ne se croie fils de Marie, digne d’être accueilli sous sa puissante protection, si, à son exemple, il ne se montre doux, juste et chaste, et ne contribue avec amour à la vraie fraternité, soucieuse non de blesser et de nuire, mais d’aider et de consoler. »

Pour enfin souhaiter l’établissement d’une véritable paix chrétienne, en ces temps troubler par les ravages du communisme athée et l’impiété du laïcisme libéral :

« Quiconque donc honore la Souveraine des Anges et des hommes l’invoque aussi comme la Reine très puissante, médiatrice de paix […] qui n’est ni injustice impunie ni licence effrénée mais concorde bien ordonnée dans l’obéissance à la volonté de Dieu« 

L’importance du sport selon Pie XII

DISCOURS DE PIE XII AUX SPORTIFS ITALIENS Solennité de Pentecôte, 20 mai 1945

Thomas Eakins – The Biglin Brothers Racing

Vous nous apportez, très chers jeunes, parmi tant de motifs de tristesse et d’angoisse, qui nous affligent profondément, une grande joie, une grande espérance, cette joie, cette espérance, dont était rempli le cœur de Jean, l’Apôtre bien-aimé de Jésus, l’ardent vieillard à l’âme inaltérablement jeune, quand il s’exclamait : « Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le Mauvais » (1Jn 2,14). De cette joie qui est la Nôtre, de ce magnifique spectacle d’une vaillante, franche, généreuse et audacieuse jeunesse, qui dans la « Pâques du Sport » a renouvelé avec l’accomplissement des devoirs religieux ses énergies spirituelles et maintenant, réunie ici, démontre avec un chaleureux (et en partie aussi, nous voudrions dire, bruyant) enthousiasme sa fidélité au Christ et à l’Eglise, nous sommes redevables à la méritante Présidence du Centre Sportif Italien, qui en union avec le Comité Olympique National Italien et avec les Fédérations Nationales, est devenue l’active promotrice de cette opportune manifestation, sur laquelle nous invoquons du Ciel les plus abondantes faveurs et secours.

Autant est loin de la vérité celui qui blâme l’Eglise de ne pas prendre soin des corps et de la culture physique, que celui qui voudrait restreindre sa compétence et son action aux choses « purement religieuses », « exclusivement spirituelles ». Comme si le corps, créature de Dieu à l’égal de l’âme, à laquelle il est uni, ne devait pas avoir sa part à l’hommage à rendre au Créateur ! « Soit que vous mangiez –écrivait l’Apôtre des Gentils aux Corinthiens – soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1Co 10,31) Saint Paul parle ici de l’activité physique ; le soin du corps, le « sport », entre donc bien dans les paroles « quoi que vous fassiez ». Bien plus même il en parle souvent explicitement : il parle des courses, des combats non pas avec des expressions critiques ou de réprobation, mais en connaisseur qui en élève et en ennoblit chrétiennement le concept.

Car, enfin, qu’est-ce que le sport, sinon une des formes d’éducation du corps ? Maintenant cette éducation est en rapport étroit avec la morale. Comment donc l’Eglise pourrait-elle s’en désintéresser ?

Et en réalité elle a toujours eu envers le corps une sollicitude et une attention, que le matérialisme, dans son culture idolâtre, n’a jamais manifesté. Et c’est bien naturel, car celui-ci ne voit et ne connait du corps que la chair matérielle, dont la vigueur et la beauté naissent et fleurissent pour ensuite rapidement se faner et mourir, comme l’herbe des champs qui finit dans les cendres et la boue. Très différente est la conception chrétienne. Le corps humain est, en lui- même, le chef d’œuvre de Dieu dans l’ordre de la création visible. Le Seigneur l’avait destiné à fleurir là-haut, pour éclore immortel dans la gloire du ciel. Il l’a unit à l’esprit dans l’unité de la nature humaine, pour faire gouter à l’âme l’enchantement des œuvres de Dieu, pour l’aider à regarder dans ce miroir leur commun Créateur, à le connaître, à l’adorer, à l’aimer ! Ce n’est pas Dieu qui a rendu le corps humain mortel, mais le péché ; mais si à cause du péché le corps, tiré de la poussière, doit retourner un jour en poussière, de celle-ci cependant le Seigneur le tirera de nouveau pour le ramener à la vie. Ainsi réduits en poussière, l’Eglise respecte et honore les corps, morts pour ensuite ressusciter. Mais l’Apôtre Paul nous conduit à une vision encore plus haute : « Ne savez-vous pas, -dit-il – que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été bel et bien achetés ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Co 6,19-20).

Glorifiez Dieu dans votre corps, temple du Saint Esprit ! Ne reconnaissez-vous pas là, très chers fils, les mêmes paroles qui résonnent si souvent dans les psaumes ! Louez Dieu et glorifiez-Le dans son temple saint ! Mais alors il faut dire encore du corps humain : Domum tuam decet sanctitas, Domine (Ps 92,5). A ton temple s’ajoute la sainteté, ô Seigneur ! Il faut aimer et cultiver la dignité, l’harmonie, la beauté chaste de ce temple : Domine, diligo habitaculum domus tuae et locum tabernaculi gloriae tuae (Ps 25,8).

Glorifiez Dieu dans votre corps, temple du Saint Esprit !
Il faut aimer et cultiver la dignité, l’harmonie, la beauté chaste de ce temple.

Maintenant quel est, en premier lieu la fonction et la finalité du « sport », entendues sainement et chrétiennement, sinon justement de cultiver la dignité et l’harmonie du corps humain, de développer la santé, la vigueur, l’agilité et la grâce ?

Et ne reproches pas non plus à saint Paul son expression énergique : Castigo corpus meum ei servitutem redigo : « Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage » (1 Co 9,27), lui qui dans le même passage s’appuie sur l’exemple des fervents amateurs du « sport », qui, exercé modérément et consciencieusement, fortifie le corps, le rend sain, frais et vigoureux, mais pour accomplir cette œuvre éducative, le soumet à une discipline rigoureuse et souvent dure, qui le domine et le réduit vraiment en servitude ; en l’entraînant à la fatigue, à la résistance, à la douleur, à l’habitude de continence et de sévère tempérance, toutes conditions indispensables à celui qui veut remporter la victoire.

Le « sport » est un antidote efficace contre la mollesse et la vie facile, il réveille le sens de l’ordre et éduque à l’épreuve, à la maîtrise de soi, au mépris du danger sans fanfaronnade ni pusillanimité. Vous voyez bien comment cela dépasse déjà la seule robustesse physique, pour mener à la force et la grandeur morales. C’est ce que Cicéron dans son incomparable limpidité de style exprimait en disant : Exercendum…corpus et ita afficiendum est, ut oboedire consilio rationique possit in exsequendis negotiis et in labore tollerando (De Off , I,XXIII, 1). Du pays natal du « sport » provint le proverbial « fair-play », cette émulation chevaleresque et courtoise qui élève les esprits au-dessus de la mesquinerie des tricheries, des manigances d’une vanité susceptible et vindicative, et les préserve des excès d’un nationalisme fermé et intransigeant.

Le « sport » est une école de loyauté, de courage, d’endurance, de décision, de fraternité universelle, toutes vertus naturelles, mais qui fournissent aux vertus surnaturelles une base solide, et préparent à soutenir sans faiblesse le poids des plus lourdes responsabilités. Comment pourrions-nous Nous-même en cette occasion ne pas rappeler l’exemple de Notre grand prédécesseur Pie XI, qui fut aussi une Maître du « sport » alpin ? Relisez le récit, si impressionnant dans sa tranquille simplicité, de cette nuit toute entière passée, après une difficile ascension de vingt heures, sur une étroite arête de rocher du Mont Rose, à 4600 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer, par un froid glacial, debout, sans pouvoir faire un pas dans aucun sens, sans pouvoir se laisser vaincre un seul instant par le sommeil, mais au centre ce très grandiose théâtre alpin parmi les plus grandioses, devant cette très imposante révélation de la toute puissance et de la majesté de Dieu (CF A.Ratti, Scritti alpinistici, Milan 1923, p. 42- 43). Quelle résistance physique, quelle ténacité morale suppose un tel comportement ! Et quelle préparation, ces aventures audacieuses durent être pour lui donner son courage intrépide dans l’accomplissement des formidables devoirs qui l’attendaient, pour la solution des problèmes apparemment inextricables, devant lesquels il allait se trouvait un jour comme Chef de l’Eglise !

Fatiguer sainement le corps pour reposer l’esprit et le disposer à de nouveaux travaux, affiner les sens pour acquérir une plus grande intensité de discernement des facultés intellectuelles, exercer ses muscles et s’habituer à l’effort pour tremper le caractère et se former une volonté forte et souple comme l’acier : telle était l’idée que le prêtre alpiniste s’était fait du « sport ».

Fatiguer sainement le corps pour reposer l’esprit et le disposer à de nouveaux travaux, affiner les sens pour acquérir une plus grande intensité de discernement des facultés intellectuelles, exercer ses muscles et s’habituer à l’effort pour tremper le caractère et se former une volonté forte et souple comme l’acier.

Comme cette idée est donc loin du matérialisme grossier, pour qui le corps est tout ! Mais comme elle est aussi contraire à cette folie d’orgueil, qui ne se retient pas de ruiner par un surmenage insensé les forces et la santé du « sport », pour conquérir la palme dans une compétition de boxe ou de vitesse, et l’expose même parfois témérairement à la mort ! Le « sport » digne de ce nom, rend l’homme courageux en face du péril du présent, mais n’autorise pas à s’exposer sans une raison proportionnée à un risque grave : ce qui serait moralement illicite. A ce propos Pie XI écrivait : « Par ces mots – vrai danger – je veux dire…, il n’est pas possible qu’on puisse affronter cet état de chose soit en lui-même soit par les dispositions du sujet qui s’y engage sans qu’un malheur n’arrive » (Ibid. p.59). Pour cela il observait au sujet de son ascension sur le Mont Rose : « L’idée de tenter, comme on le dit d’habitude, un coup dangereux, ne nous passait même pas par la tête. L’alpinisme véritable n’est pas en effet une affaire de casse-cous, mais au contraire tout est seulement question de prudence et d’un peu de courage, de force et de constance, d’amour de la nature et de ses beautés plus secrètes » (Ibid. p.22).

Sir John Lavery – Tennis under the orange trees, Cannes – 1856 – 1941

Ainsi compris, le « sport » n’est pas une fin, mais un moyen ; il doit être comme cela et rester ordonné au but, qui consiste à former et éduquer de manière parfaite et équilibrée tout l’homme, pour qui le « sport » est une aide dans l’accomplissement rapide et joyeux du devoir, tant dans la vie de travail que dans celui de la famille. Par un renversement lamentable de l’ordre naturel quelques jeunes consacrent avec passion tout leur intérêt et toute leurs activités aux réunions et aux manifestations sportives, aux exercices d’entrainement et aux compétitions, mettent tout leur idéal dans la conquête d’un « championnat », mais ne prêtent qu’une attention distraite et ennuyée aux nécessités fastidieuses de l’étude ou de la profession. Le foyer domestique n’est plus pour eux qu’un hôtel où ils font halte en passant comme des étrangers.

Vous êtes, vous, grâce au ciel, bien différents, très chers fils, quand, après une belle compétition, vous vous remettez, rapidement et avec une ferveur renouvelée, au travail, lorsque rentrés à la maison, vous réjouissez la famille avec vos récits exubérants et enthousiastes.

Au service de la vie saine, robuste, ardente, au service d’une activité plus féconde dans l’accomplissement de vos devoirs d’état, le « sport » peut et doit être au service de Dieu. A cette fin de fait celui-ci incline les âmes à diriger les forces physiques et les vertus morales, qu’il développe ; mais tandis que le païen se soumet au régime sportif sévère pour obtenir seulement une couronne éphémère, le chrétien s’y soumet pour un but plus haut, pour un prix immortel (Cf. 1Co 9,25).

Avez-vous remarqué le nombre considérable de soldats parmi les martyrs que vénère l’Eglise ? Aguerris dans leur corps et leur caractère par les exercices inhérents au métier des armes, ceux-ci étaient pour le moins semblables à leurs frères d’armes pour le service de la patrie, pour la force, pour le courage ; mais ils se montraient incomparablement supérieurs à ceux-ci, prêts comme ils étaient au combat, aux sacrifices pour le service loyal du Christ et de l’Eglise. Animés de la même foi et du même esprit, soyez, vous aussi, disposés à tout subordonner à vos devoirs de chrétiens.

Ainsi compris, le « sport » n’est pas une fin, mais un moyen ; il doit être comme cela et rester ordonné au but, qui consiste à former et éduquer de manière parfaite et équilibrée tout l’homme, pour qui le « sport » est une aide dans l’accomplissement rapide et joyeux du devoir, tant dans la vie de travail que dans celui de la famille.

A quoi serviraient en effet le courage physique et l’énergie du caractère, si le chrétien en usait seulement à des fins terrestres, pour gagner une « coupe » ou pour se donner des airs de surhomme ? Si on ne sait pas, quand cela arrive, réduire d’une demi-heure le temps de sommeil ou retarder un rendez-vous au stade, plutôt que négliger d’assister à la Messe dominicale ; si on ne réussit pas à vaincre le respect humain pour pratiquer la religion et la défendre ; si on ne se sert pas de sa prestance et de son autorité pour arrêter ou réprimer du regard, par la parole ou le geste, un juron, un propos obscène, une malhonnêteté, pour protéger les plus jeunes et les plus faibles contre les provocations et les assiduités douteuses ; si on ne s’habitue pas à terminer ses heureux succès sportifs en louant Dieu, Créateur et Seigneur de la nature et de toutes ses forces ? Soyez toujours conscients que l’honneur le plus haut et le destin le plus saint du corps est d’être la demeure d’une âme, qui resplendit de pureté dans la société et soit sanctifiée par la grâce divine.

Ainsi, très chers fils, est dessiné et tracé le but du « sport ». Accomplissez résolument cette œuvre, conscients que dans le champ de la culture physique la conception chrétienne n’a rien à recevoir d’autrui, mais plutôt à donner. Celui qui dans les diverses sortes de manifestations sportives s’est montré comme vraiment bon, vous pouvez l’accepter et l’adopter autant que les autres.

Mais pour ce qui regarde la place que le « sport » doit avoir dans la vie de l’homme, pour chacun, pour la famille, pour tout le monde, l’idée catholique est simplement salvatrice et éclairante.

L’expérience des dernières décennies est en ce sens hautement instructive ; celle-ci a démontré comment seule l’évaluation chrétienne du « sport » est capable de s’opposer efficacement aux fausses idées et aux tendances pernicieuses et d’en éliminer l’influence néfaste ; en contrepartie celle-ci enrichit la culture physique de tout ce qui concourt à élever la valeur spirituelle de l’homme et, ce qui compte le plus, l’oriente vers une noble exaltation de la dignité, de la vigueur et de l’efficacité d’une vie pleinement et fortement chrétienne. C’est en cela que le sportif exerce son apostolat, quand il reste fidèle aux principes de sa foi.

Il est assez remarquable de voir combien l’Apôtre Paul utilise souvent l’image du « sport » pour représenter sa mission apostolique et la vie du combat chrétien sur terre, surtout dans la première Lettre aux Corinthiens. « Ne savez-vous pas – écrit-il – que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter ». Et là il ajoute les paroles auxquelles nous avions déjà fait allusion : « Tout athlète se prive de tout ; mais pour eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable. Et c’est bien ainsi que je coure, moi, non à l’aventure ; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. Je meurtris mon corps au contraire, et le traîne en esclavage, de peur qu’après avoir été celui qui proclame aux autres, je ne sois moi-même disqualifié » (1Co 9,24-27).

Ces quelques mots jettent sur le « sport » des rayons de lumière mystique. Mais ce qui importe à l’Apôtre, c’est cette réalité supérieure, dont le « sport » est la représentation symbolique : le travail incessant pour Christ, la comparaison et l’assujettissement du corps à l’âme immortelle, la vie éternelle comme prix de ce combat. Pour le sport chrétien aussi, pour vous aussi, très chers fils, le « sport » ne doit pas être l’idéal suprême, le but ultime, mais doit servir à tendre vers cet idéal, à atteindre cette fin. Si un exercice sportif est pour vous une récréation et un stimulant pour accomplir avec fraîcheur et ardeur vos devoirs dans le travail ou l’étude, on peut bien dire que celui-ci montre sa vraie signification et sa réelle valeur, et obtient heureusement son propre but. Et si, outre cela, le « sport » est pour vous non seulement une image, mais en quelque sorte aussi la réalisation de votre devoir le plus haut, c’est-à-dire, si vous faites tout votre possible au moyen de l’activité sportive pour rendre le corps plus docile et obéissant à l’esprit et à vos obligations morales, si en outre par votre exemple vous contribuez à donner à l’activité sportive une forme qui correspond mieux à la dignité humaine et aux préceptes divins, alors votre culture physique acquiert une valeur surnaturelle, alors vous réalisez dans le même temps et en une seule action le symbole et la chose symbolisée dont parle Saint Paul, alors vous vous préparez à pouvoir une jour proclamer comme le grand combattant apostolique : « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice, qu’en retour le Seigneur me donnera en ce jour-là, lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition » (2Tim 4, 7-8).

Afin que le Tout-Puissant, créateur de vos corps et de vos âmes, le Saint Esprit, dont votre corps est le temple, Marie, la Vierge forte et la Mère sans tâche, vous gardent, vous protègent, vous accordent de « jouir toujours de la santé de l’esprit et du corps », Nous, vous plaçant sous leur protection, nous vous donnons de tout cœur à vous, à vos compagnons, à vos familles, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

(Cf. Pie XII 23-V-1945 dans Discours et Radiomessages de Pie XII, Vol. VII p ; 54-63)

Un hérétique et schismatique déclaré docteur de l’Eglise

Le dossier Grégoire de Narek

Certaines sources[1] font état d’un nouveau projet dans la Rome conciliaire, celui d’un processus de canonisation spécifique pour les non-catholiques. Ce projet serait, en soi, en parfaite continuité avec la doctrine de Vatican II, suivant laquelle n’importe quelle religion est sanctifiante. Mais il a un côté particulièrement choquant, qui donnerait une sensation de « roue libre » de la part du Vatican conciliaire, s’ils en sont réduits à honorer comme saints des personnes qui n’ont pas daigné rendre à Dieu le minimum des honneurs qui lui sont dus, en professant les vérités de la foi et la communion avec l’unique Eglise de Jésus-Christ.

Pourtant, ce fait exceptionnellement choquant et grotesque a déjà eu lieu, dans une indifférence presque générale. L’occupant du Saint-Siège, Jorge Bergoglio, a en effet de facto « canonisé » et même déclaré « docteur de l’Eglise » (le 23 février 2015) une personne qui, de manière certaine, n’a jamais fait partie de la communion catholique : Grégoire de Narek (mort au début du XIe siècle), célèbre moine et écrivain arménien, membre de la secte schismatique et hérétique qui se fait appeler « église apostolique arménienne ».

On nous objectera que Grégoire de Narek n’a pas vraiment été « canonisé » puisqu’il n’y a pas eu de procès ou de déclaration particulière à l’égard de sa sainteté : oui et en un certain sens c’est encore pire que s’il y avait eu un faux procès, car Bergoglio (et avant lui Jean-Paul II) semblent en fait accorder à l’église hérétique et schismatique des Arméniens le pouvoir de faire des canonisations elle-même, ou bien considérer que la simple réputation de sainteté parmi les hérétiques et les schismatiques est suffisante pour que l’Eglise catholique puisse considérer une personne comme sainte. Comment une telle énormité a pu passer presque inaperçue !

Nous avons souhaité, pour laver un tant soit peu l’honneur de l’Eglise, de ses saints et de ses docteurs, et démontrer une nouvelle fois toute la malfaisance de Bergoglio et des conciliaires, revenir sur cette « affaire » invraisemblable, qui semble constituer les prémices d’un déluge à venir de fausses canonisations d’hérétiques, de schismatiques ou même de païens.


1/ Les Principes

Qu’est-ce qu’une canonisation ?

La confusion universelle parmi les esprits catholiques, faisant suite à Vatican II, laisse parfois une sorte de flou autour de la notion de canonisation. Pour certains, la canonisation consiste simplement, pour l’Eglise, à dire qu’une personne a sauvé son âme : on appelle en effet, sous un certain rapport, « saintes » toutes les personnes qui sont en état de grâce, ce qui inclut les personnes vivant sur terre et celles qui ont connu la mort naturelle (âmes du Purgatoire et âmes du Paradis). Cette conception minimaliste de la canonisation est tout simplement fausse : lorsque l’Eglise prends soin de déclarer qu’une personne est « sainte » et de se référer à elle par ce titre, ce n’est certainement pas pour se contenter de dire qu’elle a sauvé son âme ; l’Eglise canonise et honore du titre de saint uniquement des personnes qui ont fait preuve d’une pratique héroïque des vertus, pour faire de leur vie un exemple à suivre pour tous les catholiques :

« Les Saints sont ceux qui, pratiquant héroïquement les vertus selon les enseignements et les exemples de Jésus-Christ, ont mérité une gloire spéciale dans le ciel et même sur la terre , où, de par l’autorité de l’Eglise, ils sont publiquement honorés et invoqués ».

Catéchisme de Saint Pie X

« L’Eglise catholique ne canonise ou ne béatifie que ceux dont la vie a été marquée par l’exercice d’une vertu héroïque, et uniquement après que ce fait ait été prouvé par une réputation commune de sainteté et par des arguments concluants ».

Catholic Encyclopedia : « Beatification and Canonization »

A ce titre, la canonisation est à considérer, de manière certaine, comme relevant du magistère infaillible de l’Eglise catholique (c’est ce qu’enseignait, en outre, le cardinal Lambertini, futur pape Benoît XIV, dans un ouvrage de référence sur la question[2]) : elle est un enseignement à part entière, puisque le pape, lorsqu’il proclame la sainteté d’une personne, nous dit que la vie publique de cette personne est un exemple incarné de ce qu’il faut croire (la foi) et de ce qu’il faut faire (les mœurs) pour vivre dans l’amitié de Dieu et sauver son âme. Ne disons-nous pas que les actes valent plus que les paroles ? Ainsi, la vie des saints telle que l’Eglise nous propose de la contempler est une sorte de magistère encore plus frappant  que le seul énoncé des vérités doctrinales. La vie des saints est encore une apologétique plus efficace que les meilleures démonstrations logiques : la logique prouve l’existence de Dieu dans l’abstrait, la vie des saints prouve l’existence de Dieu « dans le concret » : oui, Dieu est vivant, si de simples hommes ont pu vivre de cette manière et faire ce qu’ils ont fait[3]. Enfin il n’y a rien de plus propre que la vie des saints pour mouvoir la volonté vers plus d’héroïsme, plus de résolution, plus d’amour pur et sincère pour Dieu. Nous avons tous un besoin instinctif d’admirer, d’imiter et de nous conformer à des exemples d’hommes que nous percevons comme supérieurs à nous-même : plutôt que d’admirer des mondains qui n’ont travaillé que pour des choses périssables, l’Eglise nous enseigne d’admirer des hommes et des femmes qui ont travaillé pour l’éternité.

Sachant donc ce qu’est une canonisation, il est impossible d’envisager un seul instant que l’Eglise puisse considérer comme « saint » quelqu’un qui n’était pas catholique. Ici, il ne s’agit pas de discuter de la question de savoir si une personne qui se trouve extérieurement hors de la communion catholique peut sauver son âme, question déjà tranchée en un sens favorable par le magistère de l’Eglise[4]. Il s’agit de savoir si quelqu’un qui, malgré sa possible bonne foi, s’est trouvée de manière objective et indiscutable hors de la communion avec l’unique Eglise de Jésus-Christ, et en communion avec une secte hérétique et schismatique, peut servir d’exemple parfait de vertu à l’ensemble des catholiques. Pour toute personne de bonne foi, il sera impossible de répondre autrement que par la négative : non, évidemment, il est impossible que l’Eglise canonise quelqu’un qui était publiquement schismatique et hérétique. Car agir en sens contraire serait dire, par des actes qui parlent plus que des mots : il est possible de vivre dans une parfaite amitié avec Dieu et d’atteindre les plus hauts sommets de la vertu en étant schismatique et hérétique. Autrement dit : il est purement facultatif d’adhérer à l’Eglise catholique pour sauver son âme et être saint, du moment que l’on a une expérience religieuse personnelle fructueuse. C’est précisément ce que veut enseigner Vatican II, en disant que les églises hérétiques et schismatiques sont des « moyens de salut »[5].


Qu’est-ce qu’un docteur de l’Eglise ?

L’imposition du titre de « docteur de l’Eglise » n’est réservée par le pape qu’à certains saints bien particuliers, des personnes qui se sont spécialement distinguées, en plus de leurs vertus héroïques, par la clarté et l’abondance de leur enseignement sur tout ou partie de la doctrine chrétienne, par leur « doctrine éminente »(eminens doctrina). Il ne s’agit pas simplement d’un titre honorifique  parmi d’autres : l’Eglise a créé ce titre pour donner une autorité morale spéciale à l’enseignement de ces maîtres de la doctrine chrétienne, et a prévu pour les honorer des dispositions liturgiques bien spéciales (messe propre, avec rang liturgique équivalent à celui des apôtres et des évangélistes).

Saint Athanase, déclaré docteur de l’Eglise par Saint Pie V

Le pape Boniface VIII créé ce titre et les privilèges liturgiques associés en 1295, à l’intention des quatre Pères de l’Eglise latins : St Augustin, St Ambroise, St Jérôme et St Grégoire le Grand. Le pape St Pie V accorde ensuite ce titre à quatre Pères de l’Eglise orientaux ainsi qu’à Saint Thomas d’Aquin. Le titre sera ensuite accordé progressivement à d’autres saints éminents pour leur doctrine, jusqu’à atteindre sous Pie XII le nombre de 29 docteurs de l’Eglise.

Ces docteurs ont tous pour points commun d’être saints, soit qu’ils aient fait l’objet d’un procès de canonisation en bonne et due forme, soit qu’ils jouissent d’une très éminente et très ancienne réputation de sainteté dans l’Eglise. Le site « eglise.catholique.fr », géré par les évêques conciliaires de France, rappelle que cette canonisation est  nécessaire pour être docteur de l’Eglise :

«  Les conditions requises pour devenir docteur, d’ailleurs toujours à titre posthume, sont d’être un saint canonisé, d’avoir élaboré une pensée de la foi en accord avec les principes de base de l’Église tout en découvrant un pan inexploré de l’écriture se vérifiant comme fondamental par son influence auprès des fidèles et par une renommée internationale. Le Vatican concède, à la suite d’une étude poussée des candidatures proposées, ce titre exceptionnel. »[6]

On ne pourra donc nous reprocher « d’inventer » la condition de la canonisation pour les docteurs de l’Eglise, puisque les autorités conciliaires elles-mêmes admettent ce principe comme évident.

***

Or voici le problème : les conciliaires considèrent comme saint, au même titre que les saints canonisés, quelqu’un qui a été canonisé par une secte hérétique, et qui a toujours été publiquement hérétique.

Prétendre qu’un hérétique puisse être « d’éminente doctrine » et être suivi comme un guide sûr par l’ensemble des catholiques est une moquerie insupportable. Il s’agit d’un signe évident, un de plus, que Bergoglio n’a aucune intention de poursuivre le bien de l’Eglise, en particulier de défendre la foi et de lutter contre l’hérésie.


2- Les faits

Pour bien comprendre la gravité de cette fausse imposition du titre de « docteur de l’Eglise », et de cette fausse imposition du titre de « saint », il est utile de revenir un instant sur 1) ce qu’est « l’église apostolique arménienne », 2) qui a été Grégoire de Narek, 3) dans quel contexte il a été nommé « docteur de l’Eglise ».


L’église apostolique arménienne

L’Arménie est la première nation à avoir adopté comme religion officielle le christianisme autour de l’an 300, grâce à l’apostolat de Saint Grégoire l’Illuminateur. Durant l’antiquité tardive, l’Arménie est une zone montagneuse disputée entre l’influence de l’empire romain d’Orient (qui possède une partie de l’ancien royaume d’Arménie, la province d’« Arménie mineure ») et celle de l’empire perse sassanide (dont le roi d’« Arménie majeure » est vassal) : cette double pression byzantine et perse en Arménie dure jusqu’à la conquête arabe. Les prélats arméniens doivent lutter contre le paganisme, le mazdéisme/zoroastrisme et le nestorianisme, hérésie adoptée par l’Eglise de Perse. Politiquement, culturellement et ensuite religieusement, les Arméniens cherchent à s’extirper de la double influence byzantine et perse, ce qui va favoriser une mentalité schismatique.

Si les Arméniens ont toujours été très virulents contre le nestorianisme, il ne semble pas qu’ils aient adopté immédiatement le monophysisme, après les condamnations du Concile de Chalcédoine (451). C’est en l’an 506, lors du premier concile de Dvin, que commence clairement le schisme arménien : les évêques d’Arménie, d’Ibérie et d’Albanie du Caucase ratifient intégralement l’Henotikon de l’empereur Zénon, déclaration trop favorable au monophysisme condamnée par le pape Félix III en 484 ; les Byzantins ayant ignoré l’anathème, cet épisode donna lieu au premier schisme entre Rome et Constantinople (484-518). C’est donc dans cette période de schisme que les Arméniens décident de prendre le parti de Constantinople. Le deuxième concile de Dvin (555) entérine le choix de l’hérésie monophysite et de la séparation complète par rapport à Constantinople et au reste de la communion catholique. Depuis cette date, au moins, il faut admettre que l’église arménienne s’est séparée de l’Eglise universelle, pour n’y plus jamais retourner.

A plusieurs reprises suite à cet évènement, les Arméniens refusent les invitations des empereurs byzantins à accepter les canons du Concile de Chalcédoine. Sous le catholicossat de Komitas d’Aghdsk (615-628), un recueil de textes dogmatiques de l’Eglise arménienne est édité sous le nom de « Sceau de la Foi », au contenu virulemment anti-chalcédonien (il contient entre autres choses des écrits de Timothée II d’Alexandrie, premier « pape copte » suite à la déposition du patriarche Dioscore Ier par le Concile de Chalcédoine pour son hérésie miaphysite). Depuis ce temps, « l’église apostolique arménienne » ne s’est jamais départie du monophysisme : elle est en contact régulier avec l’Eglise de Constantinople, mais ne s’y rallie jamais. En l’an 726, le catholicos Hovhannès III d’Odzoun convoque un concile interne au monophysisme, chargé de réconcilier les Jacobites (monophysites syriaques) et les Arméniens sur la question de la corruptibilité du corps du Christ. Au cours des VIIIe et IX siècles, les persécutions des Arabes poussent de nombreux Arméniens à s’exiler vers les terres de l’empire byzantin, ce qui augmente les tensions ecclésiologiques byzantino-arméniennes. En l’an 862, le patriarche de Constantinople Photius (qui sera bientôt excommunié par le pape) tente de rallier l’Eglise arménienne à Constantinople : le prince d’Arménie et le catholicos ne produisent que des réponses ambiguës,  aucun ralliement réel n’a lieu. Au Xe siècle le catholicos Théodore Ier Rechtouni (régnant dans les années 930) tentera de se rapprocher, sans succès, du patriarche de Constantinople et de l’empereur. Sous le catholicossat d’Ananias Ier de Moks (943-967), ennemi plus déterminé de la doctrine catholique, les conditions du dialogue se raidissent brutalement : les clercs arméniens jugés trop chalcédoniens sont persécutés, il va jusqu’à imposer de rebaptiser les personnes qui ont reçu le baptême dans l’Eglise grecque. Il faut attendre de longs siècles pour voir ensuite des groupes significatifs d’Arméniens revenir au catholicisme, essentiellement des membres de la diaspora.


Grégoire de Narek

Grégoire de Narek naît vers l’an 950, à l’époque d’Ananias Ier, dans une famille noble. Il est le fils de Khosrov d’Andzev, devenu prêtre en 950 puis évêque suite au décès de sa femme. En tant qu’évêque, Khosrov finit par être « excommunié » de l’Eglise arménienne par Ananias qui le juge trop favorable à la doctrine chalcédonienne. Elevé par son oncle Anania de Narek (c. 920-980), supérieur du monastère de Narek, Grégoire grandit dans une ambiance de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’église arménienne, quand de nombreux clercs arméniens envisagent un rapprochement avec l’Eglise catholique : simple défiance, car officiellement le monastère de Narek est en « pleine communion » avec l’église apostolique arménienne.  Le monastère a même été fondé par des moines chassés de Cappadoce pour leur refus du chalcédonisme. 

Mais la question du ralliement au Concile de Chalcédoine n’est pas le seul débat théologique de l’époque. Il semble que les moines de Narek aient développé une doctrine qui mette au second plan l’appartenance à l’institution ecclésiastique pour se concentrer sur une relation personnelle avec Dieu : il faudrait étudier le détail de leurs écrits pour mieux comprendre ce sujet, mais certains commentateurs établissent un parallèle entre la doctrine mystique de Grégoire de Narek et le protestantisme. La secte des pauliciens/tondrakites, active en Arménie à l’époque, rejette  frontalement toute notion de clergé et de sacrements (ils sont, vraisemblablement, les précurseurs du catharisme). Certains pensent que Grégoire de Narek a écrit contre les tondrakites (par exemple dans son ouvrage Histoire de la croix d’Aparan) parce qu’il était suspecté par ses contemporains d’adhérer à cette hérésie.   

Une chose est certaine, concernant la position théologique et ecclésiale de Grégoire de Narek : il n’a jamais adhéré au catholicisme et à l’Eglise catholique[7]. Le site « catholique » nominis.cef.fr, chargé de répertorier les différents « saints du jour », nous apprend dans une courte biographie de « Saint Grégoire de Narek, docteur de l’Eglise » que « des jaloux [l’ont accusé] d’hérésie »[8], avant qu’il ne prouve son innocence par un miracle. Le site ne prend pas la peine de préciser pour quelle « hérésie » Grégoire fut mis en cause par les Arméniens … car en effet, le moine de Narek fut à ce moment accusé de chalcédonisme, c’est-à-dire de catholicisme, comme son père Khosrov l’avait été[9]. Son hagiographie légendaire (ayant court dans l’église schismatique et hérétique des Arméniens) rapporte donc qu’il aurait prouvé par un miracle qu’il n’adhérait pas à la doctrine catholique … le miracle en question étant de rendre la vie à des pigeons cuits qu’on essayait de lui faire manger un jour de jeûne. On croit marcher sur la tête en voyant de prétendus catholiques rapporter candidement ces récits.

S’il n’a pas toujours été en grâce de son vivant, Grégoire de Narek est devenu après sa mort un saint et un écrivain de premier plan pour « l’église apostolique arménienne », à partir du XIIe siècle au moins : on chante aujourd’hui encore, dans les églises arméniennes, des hymnes et des prières composées par lui, et son « Livre des Lamentations » est un élément de base de la culture religieuse arménienne. Il jouit visiblement d’une renommée littéraire considérable, qui lui donnerait un statut analogue à celui de Bossuet pour la langue française, avec un style particulièrement émouvant et pieux. Bossuet n’a pas cessé d’être respecté et cité par les catholiques en plus haut lieu[10], malgré son adhésion aux thèses hérétiques du gallicanisme : pour autant, on ne songerait pas un seul instant à faire de Bossuet un « docteur de l’Eglise » pour faire plaisir aux Français, précisément en raison de  ses fautes doctrinales publiques. Eût-il erré en bonne foi, l’image publique de Bossuet est irrémédiablement souillée par le gallicanisme, et à ce titre il est impossible d’en faire un modèle pour tous les chrétiens. Et pourtant Bossuet n’a jamais (à notre connaissance) officiellement rompu la communion avec l’Eglise catholique, ou fait l’objet d’une sentence d’excommunication, à une époque où la condamnation du gallicanisme était moins claire qu’elle ne l’est depuis Vatican I ; Grégoire de Narek, en sens contraire, a toujours été hors de la communion catholique et membre d’une secte monophysite. Il est infiniment moins éligible que ne pourrait l’être Bossuet au titre de docteur de l’Eglise, et la beauté de ses écrits n’y change rien.


Les conciliaires et Grégoire de Narek

François faisant l’accolade aux chefs des « Églises d’Arménie » lors de l’inauguration d’une statut de Grégoire de Narek dans les Jardins du Vatican, le 5 avril 2018.

Jean-Paul II avait déjà appelé Grégoire de Narek « saint » dans son encyclique Redemptoris Mater (25 mars 1987) : « Dans son panégyrique de la Théotokos, saint Grégoire de Narek, une des gloires les plus éclatantes de l’Arménie, approfondit avec une puissante inspiration poétique les différents aspects du mystère de l’Incarnation, et chacun d’eux est pour lui une occasion de chanter et d’exalter la dignité extraordinaire et l’admirable beauté de la Vierge Marie, Mère du Verbe incarné» [11]. Ainsi François n’est pas le premier faux-pape de Vatican II à « canoniser » un hérétique et un schismatique, dans la plus grande des décontractions.

Cette « canonisation de facto » est, disions-nous, en un certain sens plus choquante que s’il y avait eu un faux procès de canonisation, car elle implique :

  • une reconnaissance tacite de l’autorité de « l’église apostolique arménienne » en matière de canonisation ;
  • ou alors une reconnaissance tacite du fait que la réputation de sainteté parmi les hérétiques et les schismatiques équivaut à la réputation de sainteté parmi les catholiques et suffit à faire considérer comme sainte une personne qui n’a pas été canonisée, ce qui n’est guère mieux.

Il ne faut pas voir dans cette « canonisation » et cette imposition du titre de « docteur de l’Eglise » autre chose qu’une mise en application de l’œcuménisme, dans la droite ligne de Vatican II : pour François, les églises schismatiques et hérétiques sont véritablement membres de l’unique Eglise du Christ ; sinon, comment un membre de ces églises séparées pourrait-il être « docteur de l’Eglise » ?

En effet François nous fait comprendre, dans son allocution prononcée à cette occasion[12], qu’il lui importerait peu de nommer Grégoire de Narek « docteur de l’Eglise », si celui-ci n’était pas précisément membre d’une église schismatique et hérétique, car il s’agit d’un de ces « gestes œcuméniques » qui sont supposés faire progresser la cause de l’unité chrétienne :

  • Cette proclamation a lieu en présence de « Sa Sainteté Karekin II, Patriarche Suprême et Catholicos de tous les Arméniens », et « Sa Sainteté Aram Ier, Catholicos de la Grande Maison de Cilicie », soit les deux personnages les plus élevés de la hiérarchie de « l’église apostolique arménienne ».
  • Le message qui accompagne la proclamation répète à l’envi que le peuple arménien (non-catholique dans son immense majorité) compte un grand nombre de martyrs et d’authentiques confesseurs de la foi.
  • Cette déclaration intervient dans le contexte du centenaire du génocide arménien : Bergoglio souhaite « que ceci soit surtout un temps fort de prière, pour que le sang versé, par la force rédemptrice du sacrifice du Christ, opère le prodige de la pleine unité entre ses disciples. Qu’il renforce en particulier les liens d’amitié fraternelle qui déjà unissent l’Église Catholique et l’Église Arménienne Apostolique. Le témoignage de tant de frères et sœurs qui, sans défense, ont sacrifié leur vie pour leur foi, rapproche les diverses confessions : c’est l’œcuménisme du sang qui a conduit saint Jean-Paul II à célébrer ensemble, durant le Jubilé de l’an 2000, tous les martyrs du XXème siècle » : encore un exemple de l’œcuménisme de Vatican II, qui consiste à « rapprocher » les « églises » entre elles, au lieu de souhaiter le retour des non-catholiques dans l’unique Eglise du Christ.
  • Bergoglio va même jusqu’à assurer sa « proximité », « à l’occasion de la cérémonie de canonisation des martyrs de l’Église Arménienne Apostolique qui aura lieu le 23 avril prochain en la cathédrale d’Etchmiadzin» : comme si, encore une fois, il reconnaissait à cette secte non-catholique le pouvoir de canoniser, et  comme s’il était bien fondé de déclarer sans examen que toutes les victimes du génocide arménien soient des « martyrs de la foi ».

Conclusion

Le dossier Grégoire de Narek est une synthèse de l’absurdité de l’œcuménisme. Dans l’esprit de Vatican II, le « pape » se met à déclarer qu’un moine hérétique et schismatique est un exemple de vertu héroïque (un saint), un maître spécialement éminent de la doctrine catholique (un docteur de l’Eglise), en considérant comme valide sa « canonisation » par une secte hérétique et schismatique (l’église apostolique arménienne), et en espérant que cette occasion permettra d’augmenter « l’amitié fraternelle » entre l’Eglise catholique et cette secte monophysite.

En plus d’être une insulte à l’honneur de l’Eglise catholique, cette situation est d’une tristesse insupportable pour le salut des Arméniens et plus généralement de tous les peuples d’Orient, séparés de l’Eglise depuis des siècles : prions pour qu’un véritable pape retourne sur le trône de Saint Pierre et leur montre l’exemple éclatant de la vérité du catholicisme, afin qu’ils reviennent dans l’unité de l’Eglise.

Jean-Tristan B.


[1] https://infovaticana.com/2022/10/07/el-vaticano-inaugura-un-proceso-de-canonizacion-para-los-no-catolicos/

[2] Voir cet article concernant le débat entre FSSPX et sédévacantistes à propos de l’infaillibilité des canonisations : https://www.sodalitium.eu/canonisation-escriva-de-balaguer-commentaire-sodalitium/

[3] Une anecdote célèbre rapporte la conversion d’un juif qui, chargé de mettre de l’ordre dans certains dossiers de béatification dans les archives du Vatican, s’est trouvé frappé par le caractère exceptionnel des faits rapportés : son étonnement fut au comble lorsqu’on lui expliqua qu’il n’avait consulté que les dossiers de personnes dont la cause de béatification n’avait pas abouti, faute de preuves suffisantes.

[4] Suivant la doctrine dite de « l’âme de l’Eglise » : une personne peut se trouver, sans faute de sa part par suite d’une « ignorance invincible », hors de la communion visible avec l’Eglise catholique – corps de l’Eglise -, mais être unie à l’Eglise mystique – âme de l’Eglise – par une foi implicite et une charité sincère envers Dieu : le principe « hors de l’Eglise, pas de salut » reste valable dans ce cas, car il y a appartenance implicite et invisible à l’Eglise chez « l’infidèle de bonne foi ».

[5] Voir un article autour de cette question : https://religioncatholique.fr/2021/05/15/les-schismatiques-sont-ils-membres-de-leglise/

[6] https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/temoigner/figures-de-saintete/441329-quest-ce-quun-docteur-de-leglise/

[7] Ceci est affirmé sans ambiguïté par les conciliaires eux-mêmes, par exemple ce professeur de l’Université de Saint-Thomas (St Paul, Minnesota) : “St. Gregory of Narek lived and died as a member of Armenian Apostolic Church, making him the only Doctor who was not in communion with the Catholic Church during his lifetime” – https://news.stthomas.edu/theology-matters-new-doctor-church-st-gregory-narek/

[8] https://nominis.cef.fr/contenus/saint/5899/Saint-Gregoire-de-Narek.html

[9] Jean-Michel Thierry, « Indépendance retrouvée : royaume du Nord et royaume du Sud (ixe – xie siècle) — Le royaume du Sud : le Vaspourakan », dans Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Privat, 2007 (1re éd. 1982) (ISBN 978-2-7089-6874-5), p.290

[10] Le pape Léon XIII, dans son encyclique Depuis le jour (08/09/1899), ne craint pas de recommander l’étude de Bossuet aux étudiants ecclésiastiques français : « Toutefois, et après avoir fait à cette exigence des programmes la part qu’imposent les circonstances, il faut que les études des aspirants au sacerdoce demeurent fidèles aux méthodes traditionnelles des siècles passés. Ce sont elles qui ont formé les hommes éminents dont l’Eglise de France est fière à si juste titre, les Pétau, les Thomassin, les Mabillon et tant d’autres, sans parler de votre Bossuet, appelé l’aigle de Meaux, parce que, soit par l’élévation des pensées, soit par la noblesse du langage, son génie plane dans les plus sublimes régions de la science et de l’éloquence chrétienne ». Il serait donc contraire à la pratique de l’Eglise de prétendre qu’il faille jeter tout Bossuet à la poubelle en raison de ses errements doctrinaux. Ses enseignements sur la spiritualité ne sont pas spécialement entachés par le gallicanisme. 

[11] https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_25031987_redemptoris-mater.html

[12] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/messages/pont-messages/2015/documents/papa-francesco_20150412_messaggio-armeni.html