Les marques de la véritable Eglise

Visibilité et marques de la véritable Eglise

Notions générales

La visibilité

Nous venons de voir que Jésus-Christ, pour continuer son oeuvre, avait fonder une, et une seule société enseignement visible. Non seulement en ce sens que les membres sont des êtres visibles; mais que la société, comme telle, est constituée par des liens visibles (visibilité de la société, comme société). Ces liens sont au nombre de trois principaux: 1° la profession extérieure de la foi, 2° l’obéissance aux pasteurs légitimes, 3° la participation aux sacrements. Cependant, cela ne suffit pas évidemment pour reconnaître la véritable Eglise, fondée par Jésus, il faut aussi que son caractère d’Eglise du Christ soit visible, reconnaissable. Il faut qu’elle soit visible en tant que société du Christ, fondée par le Christ.

Les trois sortes de visibilité ont été voulues par le Christ pour son Eglise. C’est déjà par les deux premières. Notre-Seigneur a voulu des membres visibles (Il parle de troupeau, famille, etc.). Il a voulu aussi des liens sociaux visibles: les sacrements, rites sensibles extérieurs; la profession de la foi: « Celui qui aura cru et aura été baptisé, sera sauvé. » (Marc, XVI, 16). Or, cette foi, pour amener au baptême, doit être évidemment extérieurement professée; Enfin, l’obéissance extérieure aux chefs: « Si quelqu’un n’obéit pas à l’Eglise, qu’il soit regardé comme un païen et un publicain. » Pour la visibilité en tant que véritable Eglise du Christ, Notre-Seigneur l’a voulu aussi: il oblige, sous peine de damnation, à entrer en son Eglise, à pratiquer sa religion, à obéir aux lois de l’Eglise du Christ. Cela est de nécessité de moyen pour le salut: qui ne croira pas, sera condamné (Marc, XVI, 16); qui n’obéira pas, doit être regardé comme un païen. or, pour cela, il faut bien que l’Eglise du Christ soit reconnaissable, comme telle, visible en tant que société du Christ. Autrement, on ne peut être obligé d’y croire, d’y entrer, de lui obéir. Aussi, pour cela, Il donne à son Eglise des « marques » ou « notes » distinctives. Il dit par exemple: « Soyez ‘un » comme mon Père, et moi, nous sommes « un » » (Jean XVII, 21), « Aimez-vous les uns les autres. A cela on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » (Jean XIII, 34-35). Que faut-il donc entendre par ces marques, ou notes, de la véritable Eglise de Jésus-Christ?

Les marques

On appelle marques ou notes des propriétés visibles en elles-mêmes, qui prouvent et montrent que telle société est l’Eglise fondée par le Christ, c’est-à-dire la rendent visible et reconnaissable en tant qu’Eglise du Christ, et permettent de la distinguer des fausses religions.

Les marques sont de deux sortes:

1° Les marques négatives, dont l’absence montre la fausseté de la société, par exemple: une société ayant une doctrine immorale qui permet l’homicide, ou tout autre crime ne sera pas la vraie Eglise du Christ. Et l’on arrive à la vraie Eglise du Christ par élimination des fausses. Il peut, d’ailleurs, y avoir un grand nombre de notes négatives.

2° Les marques positives, dont la présence montre directement la vérité de telle société, d’après la volonté et les paroles de Notre-Seigneur. On le voit aisément, cette méthode est plus directe et plus rapide: quand on a découvert la vraie Eglise du Christ, il est facile d’éliminer les autres, puisqu’il ne peut y en avoir qu’une.

Pour avoir une note positive, il faut avoir une propriété:

1° essentielle et inhérente à la société qu’il s’agit de montrer, c’est-à-dire, qui soit contenue dans la nature de cette société; c’est, en effet, une des caractères d’une marque, à la différence des miracles ou des signes extérieurs: un miracle s’ajoute à la doctrine qu’il démontre; une marque, au contraire, fait partie de la société qu’elle rend visible.

2° intrinsèquement visible, perceptible par elle-même, plus visible que la chose à démontrer, c’est-à-dire que la vérité de telle société comme Eglise du Christ. La marque diffère ainsi des simple propriétés, comme l’infaillibilité, qui peuvent être propres et essentielles à l’Eglise du Christ, mais ne sont pas extérieurement discernables (et surtout naturellement démontrable en soi puisque c’est une connaissance surnaturelle révélée).

3° Exclusive, c’est-à-dire, ne pouvant appartenir qu’à une seule société, à l’exclusion des autres; soit à cause de la volonté même et de l’institution du Christ, qui l’a déterminée une fois pour toutes; soit par son caractère miraculeux, qui en fait un apanage d’une seule société, Dieu ne pouvant en soutenir qu’un de façon miraculeuse.

Les notes de l’Eglise

Il y a quatre marques ou notes principales de l’Eglise; elles ont été énoncées et présentées comme telles par le Concile de Nicée-Constantinople, dans la rédaction de son symbole (IVe siècle).

Trois sont exclusives par leur caractère miraculeux donné par Jésus: l’unité, la catholicité, la sainteté; la quatrième est exclusive de par la volonté du Christ; et en elle-même, ne peut appartenir qu’à une société: c’est l’apostolicité. Elle présente, d’ailleurs, par le fait de la stabilité qu’elle suppose et entraîne, un aspect miraculeux.

Nous étudierons avant tout chaque marque comme note positive et nous examinerons successivement la volonté du Christ, c’est-à-dire ce que Notre-Seigneur a voulu pour son Eglise; la société où elle se trouve réalisée, en commençant par l’Eglise romaine, à laquelle nous avons le bonheur d’appartenir, et qui possède ces marques comme Notre-Seigneur les a voulues; puis on peut voir, comme confirmation que les autres sociétés ne possèdent pas ces marques: c’est alors l’étude de la marque envisagée comme négative.

L’Unité

L’unité voulue par Jésus-Christ

Notre-Seigneur a voulu que son Eglise:

1° Ait l’unité, comme marque distinctive: « Qu’il n’y ait qu’un seul troupeau, un seul pasteur. Que tous soient un, comme mon Père et moi sommes un.« .

Cette unité se manifeste dans la doctrine: « Qu’ils soient un pour que tous croient que vous m’avez envoyé, ô mon Père. », « Une seule foi« , dira saint Paul. Cette unité doit être assurée par le magistère infaillible de saint Pierre: « Celui qui ne croira pas sera condamné » et ne fera plus partie de l’Eglise.

L’unité se manifeste aussi dans le gouvernement avec pouvoir législatif et judiciaire ayant pour tête l’apôtre saint Pierre. « Un seul pasteur; sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise. Pais (toi seul) mes agneaux (fidèles) et aussi, mes brebis (pasteurs secondaires) ». Sans cette soumission, on n’est plus de son Eglise, on est comme un païen, un publicain.

Cette unité est aussi une unité de moyens de sanctification: un seul pouvoir d’ordre, et les mêmes sacrements: « Faites ceci en mémoire de moi.« 

2° présente grâce à son unité les caractères d’une marque positive, car elle est un propriété:

a) essentielle et inhérente à la société, c’est la société qui doit être une: doctrine, gouvernement et moyens de sanctification sont les éléments constitutifs de l’Eglise.

b) visible en elle-même: on peut constater aisément cette uniformité d’enseignement, de croyances et de lois.

c) qui, par son caractère miraculeux, ne peut appartenir qu’à une seule société et lui est exclusivement propre.

En effet, cette unité voulue par Notre-Seigneur est un miracle moral, car c’est une unité catholique (universelle): entre les hommes de nations, de caractère, de condition, de sexe, d’âges différents et dispersés par toute la terre: « Allez, enseignez toutes les nations. » Or, on sait combien il est difficile de s’entendre sur des questions aussi importantes que les questions religieuse entre gens de temps, de pays et d’esprits si différents. Dans l’antiquité, chaque religion était nationale, le culte des dieux particuliers étant un élément de la patrie. Comment amener tous ces hommes de tous les temps et de tous les lieux à croire les mêmes vérités, à pratiquer les mêmes devoir et le même culte?

C’est aussi une unité surnaturelle, et non quelconque: « Soyez un comme mon Père et moi sommes un. » Son modèle est donc l’unité même des personnes divines, ce qui est au-dessus des lois ordinaires de la nature morale.

Elle est dans l’Eglise Romaine

L’Eglise romaine, c’est-à-dire la société dont le chef visible est le Pape, évêque de Rome, est en possession de cette marque. Elle possède l’unité voulue par Notre-Seigneur:

1° Unité de foi, conservée par le magistère infaillible. Et cela en tout temps et en tous lieux, non par immobilité routinière, mais dans un développement normal et sans contradiction, comme celui de l’organisme qui grandit ou de la graine qui devient un grand arbre. Cette unité a été conservée malgré les obstacles et les erreurs provenant des impies et des hérétiques, que l’Eglise a toujours rejetés de son sein.

2° Unité de gouvernement: autorité suprême unique du Pontife romain sur les divers diocèses et ordres religieux. Qui ne s’y soumet pas s’exclut par le fait même de l’Eglise.

3° Unité de sacrements et de moyens de sanctification: même pouvoir d’ordre; tout ce qu’il y a d’essentiel dans l’administration des sacrements, le saint sacrifice de la messe, le culte des saints, est commun aux divers liturgies adaptées aux divers temps et lieux; c’est une unité précise et sûre dans une riche variété. Là encore, qui ne s’y soumet pas est exclu de droit.

Cette unité est une marque positive, car elle est visible, inhérente et miraculeuse: une unité aussi parfaite dans une société catholique qui enseigne une doctrine mystérieuse des préceptes difficiles est au-dessus des forces de la nature.

Elle n’est pas dans les autres sociétés

En fait, l’Eglise romaine, seule, possède cette unité. Les autres sociétés ne l’ont pas. Il est, en effet, deux groupes de sectes qui disent aussi venir du Christ: les sociétés protestantes et grecques orthodoxes.

Les églises protestantes

Ces sociétés ne possèdent:

1° Ni l’unité de gouvernement: pas de chef unique, toutes sont indépendantes, les unes des autres; quelques-unes ont même supprimé toute hiérarchie et rejettent l’épiscopat.

2° Ni l’unité de doctrine, à laquelle s’oppose directement le principe du libre examen. Si Bossuet vivait encore, il pourrait rechercher et trouver à l’infini des « variations » entre les multiples sectes: luthériennes, calvinistes, anglicanes, entre leurs branches innombrables et même à l’intérieur de chaque branche.

3° Ni l’unité de culte, brisée par la même raison. On ne s’entend pas sur le nombre et les rites essentiels des sacrements, le saint sacrifice de la messe, et les autres pratiques cultuelles.

Les églises schismatiques orientales

Elles n’ont pas non plus:

1° L’unité de gouvernement puisqu’elles ne reconnaissent pas un chef unique et comprennent quinze ou seize groupes, ayant chacun son autonomie.

2° L’autorité doctrinale universellement reconnue qui puisse interpréter de façon uniforme les dogmes acceptés par toutes et venant des sept premiers conciles œcuméniques o universels (conciles qu’ils jugent légitimes en général). L’existence de ces conciles généraux, seule autorité admise par ces églises, est rendue impossible pour elles en raison de leur séparation même d’avec l’Eglise romaine.

3° Les moyens nécessaires (l’autorité unique et universelle) pour conserver au culte son uniformité essentielle, même si l’unité de culte peut accidentellement perdurer grâce à ce qu’ils ont pu plus ou moins conserver de l’Eglise catholique.

On constate donc que l’Eglise Romaine possède, et possède seule, l’unité voulue par Notre-Seigneur, et, de ce fait, est la seule véritable Eglise de Jésus-Christ.

La Catholicité

Catholicité veut dire universalité. Pour une société, c’est la diffusion dans tout le monde: c’est un grand nombre de fidèles d’une multitude de nations. La catholicité suppose l’unité (il faut que ce soit la même société qui soit répandue), mais elle en diffère: unité dit cohésion, et catholicité dit expansion, diffusion.

Il faut distinguer plusieurs sortes de catholicités:

1° La catholicité de droit ou qualitative: aptitude à s’adapter à tous les temps, pays, climats, âges, mœurs, etc.; force d’expansion de la société.

2° La catholicité de fait ou réelle: diffusion partout en fait. Cette diffusion est absolue, si la société existe dans toutes les provinces absolument et toujours; elle est relative physiquement, si la société est répandue dans toutes les régions connues à chaque époque; elle relative moralement, si elle existe dans un nombre suffisant de régions connues à chaque époque pour pouvoir représenter l’univers entier.

La catholicité voulue par Jésus-Christ

Notre-Seigneur a voulu que son Eglise soit catholique de droit et de fait. On le prouve:

1° Par les paroles, actes, promesses de Notre-Seigneur: « Enseignez toutes les nations (toute créature) jusqu’aux extrémités de la terre. » Il fonde une seule religion, obligatoire pour tous les hommes. Donc, Il veut bien qu’elle se répande partout.

2° Cela correspond au caractère universel donné à l’Eglise par les prophéties faites sur Notre-Seigneur, et qu’il affirme être venu accomplir.

3° Cependant, il n’a pas voulu une catholicité nécessairement absolue, mais une diffusion progressive. Il compare son Eglise au levain, qui, « peu à peu« , fait fermenter toute la masse; au grain de sénevé (Marc, IV, 31), qui, « petit à petit« , germe et devient un arbre, où viennent se réfugier tous les oiseaux du ciel. Il est facile, d’ailleurs, de voir cette progression dans la parole de Notre-Seigneur: « Vous serez témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie et dans le monde entier. » (Actes, I, 8)

4° Il n’a pas voulu non plus, une catholicité physique (puisqu’il laisse le soin de cette diffusion à la liberté humaine, toujours faillible, et dont les moyens sont limités), mais une catholicité relative et morale; diffusion dans un nombre suffisant de régions assez différentes et nombreuses pour représenter l’ensemble du monde connu à chaque époque.

Cette catholicité réalise toutes les conditions nécessaires pour être une marque positive. En effet, elle est:

1° Essentielle et inhérente à l’Eglise du Christ: c’est sa société, qui doit être universellement répandue.

2° Visible au plus haut degré: on constate aisément où une religion est répandue.

3° Propre à l’Eglise du Christ et à elle seule: cette Eglise, par son caractère universel, en face des tendances nationales et particularistes, qui sont bien le mode constant d’agir des hommes en matière religieuse, doit constituer un perpétuel miracle moral.

Elle est dans l’Eglise Romaine

L’Eglise Romaine possède la catholicité, marque positive, en droit et en fait:

1° Catholicité de droit: par sa doctrine, sa constitution, sa morale, elle exclut l’individualisme et est au-dessus du nationalisme; elle peut s’adapter à toutes les races, à tous les temps, à tous les milieux, à tous les pays; les faits eux-mêmes ont prouvé cette possibilité.

2° Catholicité de fait progressive, relative, morale, ce que prouvent: la propagation rapide des premiers siècles « jusqu’aux extrémités de la terre » (Saint Paul), « partout » (Saint Marc, Tertullien); l’existence permanent des missions catholiques dans les diverses parties du monde, à mesure que des nouveaux pays sont découverts et abordables (le fait que cette permanence ait eu lieu suffit [en Amérique au XVIe siècle, en Afrique et en Asie au XIXe et XXe], même si elle n’est plus présente en acte à telle ou telle période de l’histoire comme aujourd’hui par exemple); le nom caractéristique de « catholique », toujours possédé par elle, sans contestation.

Cette catholicité est une marque positive et exclusive. C’est un miracle moral:

1° Pour le prouver, on pourrait d’abord se servir des mêmes arguments que pour la propagation et la conservation du christianisme: il n’y a pas proportion entre les moyens employés et les obstacles à cette diffusion universelle d’une religion mystérieuse et austère.

2° La difficulté, et donc le miracle, augmentent encore si cette diffusion s’étend à des pays, des époques et des milieux très divers. Cette capacité d’adaptation et cette adaptation réelle sans déformation constituent un miracle hors pair. Et, à ce titre, elles ne peuvent appartenir qu’à une seule société, pour laquelle Dieu s’engage ainsi. Donc, l’Eglise catholique possède la catholicité telle qu’elle a été voulue par Notre-Seigneur comme marque positive. Donc, elle est la véritable Eglise du Christ.

Elle n’est pas dans les autres société

Si l’on envisage le point de vue négatif, on constate qu’au contraire les autres sociétés: sectes protestantes, églises orthodoxes, n’ont pas la catholicité:

1° Les multiples fractions du protestantisme ne peuvent y prétendre, car leur multiplicité même et leur désunion les en empêche. Chacune d’elles occupe un ou quelques pays, ici c’est l’une qui est répandue, ailleurs, c’est l’autre. Ce n’est pas la même religion, la même société. Là où il n’y a pas unité, la catholicité est impossible.

2° Les mêmes remarques sont à faire pour les églises orientales; il faut même ajouter que leur ardeur missionnaire est à peu près nulle et que chacune reste confinée dans la partie de l’Orient où elle existe déjà.

Donc seule, l’Eglise Romaine possède la catholicité voulue par Jésus-Christ. Seule, elle est donc sa véritable Eglise.

La Sainteté

Dieu est la sainteté même, c’est-à-dire Il a sa volonté inviolablement fixée en l’amour souverain du Bien, qui est lui-même, et la haine du péché. La sainteté est donc l’union à Dieu: amour et pratique du bien, haine et fuite du mal. L’hommes est saint dans la mesure où il réalise cette union avec Dieu.

Une chose est sainte 1° soit quand elle a un rapport de sainteté avec une personne, comme moyen de sanctification; 2° soit quand elle a appartenu ou touché à une personne sainte (reliques); 3° soit quand elle la représente (images). Une société est dite sainte quand 1° elle sanctifie ses membres; 2° par des moyens efficaces.

Il y a des conditions pour que la sainteté constitue, au profit d’une société religieuse, une marque positive. Elle doit être:

1° Inhérente à la société en tant que groupement: la sainteté des membres comme personnes privées ne suffit pas. Il faut l’influence des principes appartenant à la société et rendant ses membres saints. Mais il n’est pas nécessaire que tous les adhérents soient saints.

2° Visible, soit comme sainteté de principes (lois, institutions, rites du culte, moyens de sanctification), soit comme sainteté des membres, manifestée par leurs actes.

3° Exclusive, ne pouvant appartenir qu’à une seule société, et cela par son caractère miraculeux: non pas sainteté ordinaire, quelconque, mais héroïque, enseignée et proposée par les principes, et surtout réalisée par les membres. Cette sainteté héroïque n’est pas autre chose que la pratique prolongée de toutes les vertus, ce qui, nous l’avons dit, constitue un miracle moral (voir Sainteté de Notre-Seigneur).

La sainteté voulue par Jésus

Notre-Seigneur a voulu que son Eglise ait la sainteté dans tous les domaines:

1° Sainteté des principes: Ceux qu’Il lui donne à répandre, spécialement dans le Sermon sur la montagne, constituent un Code parfait de sainteté, à la base duquel Il place la transformation intérieure, la lutte contre les passions (égoïsme, orgueil, jouissance), surtout l’amour de Dieu et du prochain, et l’accomplissement en toutes choses de la volonté divine. Il promet l’efficacité des moyens de sainteté, spécialement de la prière en son nom: « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom (dans les choses du salut, surtout), Il vous l’accordera. » (Jean, XIV, 13-14; Mt., XXI, 22).

2° Sainteté des membres: ceux qu’il désire dans son Eglise, et les seuls qu’Il récompensera par l’entrée au ciel, sont ceux qui font fructifier, par leurs efforts et les bonnes actions méritoires, les grâces reçues de Dieu (Parabole des talents, Mt., XXV, 14); ceux qui ont préféré le bon grain des vertus à l’ivraie des vices (Parabole de l’ivraie, Mt., XII, 24); ceux qui gardent leur âme revêtue de la robe nuptiale, symbole de pureté et de charité, c’est-à-dire de la grâce sanctifiante (Parabole des invités au festins, Mt., XXII, 1-14).

Or, cette sainteté constitue une marque positive, inhérente, visible et exclusive au sens indiqué ci-dessus. Il suffit de la considérer dans les principes et dans les membres pour voir qu’elle inclut l’héroïsme et suppose souvent le miracle:

1° Dans les principes: amour de Dieu par dessus tout, principe de tous les renoncements: « Celui qui aime son Père ou sa mère plus que moi, et ne renonce pas à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même à sa propre vie, ne peut être mon disciple. » (Mt., X, 37). Mortification continuelle de soi-même, par la lutte contre les passions et les mauvaises tendances: « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il porte sa croix tous les jours de sa vie. » (Luc, IX, 23). Ses disciples sont les pauvres, les purs, ceux qui souffrent persécution pour la justice, toutes choses dures à la nature. Il faut y ajouter quelques préceptes, par exemple, l’amour des ennemis, le pardon des injures, et, pour ceux qu’il y appelle spécialement, les conseils évangéliques: pauvreté, chasteté, obéissance complètes.

2° Dans les membres; leur sainteté doit être parfaite et surnaturelle. Ils doivent se rapprocher de la sainteté de Dieu: « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Soyez un (unis à Dieu, et entre vous), comme mon Père et moi nous sommes un. » (Mt., V, 48). Il faut demeurer unis à Dieu, à Jésus, par la grâce sanctifiante, et s’y perfectionner: « Je suis le cep; vous êtes les branches. Demeurez en mon amour. » (Jean, XV, 5), « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jean, XV, 5; car c’est d’une sainteté surnaturelle qu’il s’agit.), « Qu’ils soient un, ô Père, comme nous sommes un: moi en eux, et vous en moi; qu’ils soient consommés dans l’unité, pour que le monde sache que vous m’avez envoyé! » (Saint Jean, XVII, 23). Et saint Paul constate: « Le Christ se livre à Dieu comme Rédempteur, pour se donner une Eglise glorieuse, sans tâche, ni ride, une Eglise sainte et immaculée. » (Ephésiens, V, 27).

Elle se trouve dans l’Eglise Romaine

L’Eglise Romaine possède la sainteté, marque positive, c’est-à-dire la sainteté allant jusqu’au degré héroïque et miraculeux. Soit dans les principes:

1° L’idéal d’abord et la règle à suivre: doctrine élevée et qui dirige toute la morale; lois complètes et parfaites, fermes et précises; conseils. Tout le dogme et la morale traduisent exactement l’idéal de la perfection voulu par Jésus en son Eglise; tout tend à assurer la fuite du péché, la conservation de la vie divine, l’imitation de la sainteté de Jésus.

2° Et, pour y arriver, des moyens puissants sont mis à la disposition de tous: prière, sacrements, sont appropriés aux nécessités diverses de la vie surnaturelle; liturgie et culte rapprochent l’âme de Dieu et lui font puiser aux dogmes et aux mystères de Jésus les leçons de vertus et les grâces surnaturelles qu’ils contiennent.

3° Les multiples ordres religieux offrent aux âmes avides de perfection des voies qui mènent à toutes les forme d’abnégation et de dévouement.

Soit dans ses membres: fait absolument unique, à toutes les époques, sous tous les climats, dans toutes les conditions, elle a eu et elle a des saints à vertus héroïques, allant parfois jusqu’au martyre; elle a des saints à miracles: Saint Martin de Tours, Saint Augustin, Saint Bernard, Saint François d’Assise, Saint Vincent Ferrier, Sainte Thérèse, Saint François de Sales, Saint Vincent de Paul, Saint François Xavier, et, plus près de nous, le Curé d’Ars, Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Sainte Bernadette Soubirous, Padre Pio, et tant d’autres, ne sont que quelques anneaux de cette chaîne brillante et sans fin. La liste dressée à grand renforts de précautions et après plusieurs miracles, s’allonge toujours. C’est une des marques les plus éclatantes de la vitalité de l’Eglise romaine, de la valeur surnaturelle de ses principes et la preuve indubitable que Dieu est avec elle.

Mais, dit-on parfois, il y a des désordres et des désordres graves parfois dans l’Eglise romaine. Oui, cela arrive, mais le soin avec lequel les relèvent ses adversaires en montre le caractère relativement exceptionnel. D’ailleurs, ils se produisent non en suivant la morale de l’Eglise romaine, mais en s’en éloignant; on ne peut donc pas les lui imputer, car la sainteté et la vertu restent affaire de liberté et de générosité. Si l’examen des principes catholiques n’avait pas suffi, la sainteté héroïque d’une multitude de bienheureux, prouve assez leur efficacité: ces derniers, et non les autres, sont les témoins authentiques de ce que peut l’Eglise en matière de sainteté. L’Eglise Romaine possède donc la sainteté comme marque positive et absolue.

Les autres sociétés n’ont pas la sainteté voulue par Jésus

Si l’on procède maintenant par comparaison, on constate que, pour les autres sociétés, la sainteté joue comme marque négative. Evidemment, parmi leurs membres, il peut y avoir des âmes de bonne foi, qui mènent une vie honnête et atteignent un certain degré de vertu. Elles le peuvent par les grâces ordinaire, que Dieu ne leur refuse pas, et par certains principes que ces sectes ont en commun avec l’Eglise romaine et ont conservé d’elle au moment de leur séparation; c’est donc, en somme, à l’Eglise romaine que ces résultats doivent être attribués, et non aux sectes séparées, en ce qu’elles ont de propre et de caractéristique. Ce qui le montre bien d’ailleurs (et ceci est frappant), c’est:

1° Qu’aucune de ces sociétés ne peut revendiquer des saints à sainteté héroïque, comme l’Eglise romaine en a toujours produits partout et dans tous les siècles et en produit incessamment.

2° Et que, d’une façon générale, le niveau moral y est bien inférieur à celui de l’Eglise romaine: « On juge un arbre à ses fruits. » a dit Notre-Seigneur. les vrais fruits d’une société sanctificatrice, sont les grands saints, les saints héroïques, les saints à miracle [Peut-il y avoir des miracles en une secte chrétienne séparée? Peu, sans doute; cependant il ne semble pas impossible que Dieu fasse des miracles de pure bonté, en faveur d’âmes religieuses de bonne foi. Mais il leur manquera toujours la relation apologétique avec la doctrine de la secte en tant que spécifiquement distincte et propre: sans cette absence, Dieu ne ferait pas li miracle. Si le miracle a lieu, il met plutôt en valeur ce que la société séparée possède encore de spécifiquement chrétien, c’est-à-dire de commun avec l’Eglise romaine.]. Nous en trouvons beaucoup dans l’Eglise romaine, mais nous n’en voyons :

a) ni dans les sectes protestantes, dont les dogmes, d’ailleurs, sont destructeurs de toute morale (foi sans les œuvres, négation de la liberté) et dont les fondateurs, Luther, Calvin, et Henri VIII, ont été loin d’être des saints.

b) ni dans les églises orthodoxes, grecques ou russes, car, depuis la séparation, elles n’ont pas produit des saints héroïques et n’ont pu manifester la sainteté de leurs principes propres. Les listes mises parfois en avant par elles ont été constituées sans aucun procès canonique ni aucun contrôle et ne présentent pas de saints comparables à ceux de l’Eglise Romaine.

Donc, l’Eglise Romaine, possédant seule la sainteté, voulue par Jésus, est la véritable Eglise du Christ.

L’Apostolicité

Apostolicité veut dire relation avec les Apôtres. Or, une société peut posséder cette relation à divers titres: 1° par le temps, si elle est née au temps des Apôtres; 2° par le lieu, si elle se trouve en un lieu occupé par eux; 3° par la doctrine, si elle enseigne la même doctrine qu’eux; 4° par le pouvoir d’ordre, si ses ministres donnent les mêmes sacrements en vertu du même pouvoir d’ordre qui s’est transmis depuis les apôtres; 5° par l’origine, si c’est véritablement la même société que celle fondée par eux (continuité du groupement); 6° enfin, par le gouvernement, si elle est gouvernée par leurs successeurs.

Il est normal que la société du Christ ait, comme marque distinctive une relation étroite avec les Apôtres du Christ. Mais laquelle de ce liaisons est une note positive?

1° Les quatre premières sortes ne sont que des indications. Il est aisé de le comprendre, car la communauté de temps et de lieu peut exister pour bien des groupements sans qu’aucune relation plus étroite en découle. Avoir, dans l’ensemble, la même doctrine et les mêmes sacrements, tout en indiquant une parenté plus définie, peut être le fait de plusieurs sociétés. Or, Notre-Seigneur et les Apôtres n’en ont constitué qu’une, et une marque positive doit en désigner une seule. Ces sortes de relations ne suffisent donc pas.

2° En revanche, l’apostolicité d’origine et celle de gouvernement nous apparaissent comme: a) inhérentes et essentielles à la constitution même de la société; b) visibles et constatables, par la succession constante des chefs, et l’obéissance des membres; c) possédant aussi une véritable exclusivité. Si Jésus a désigné cette marque et si telle société est celle des Apôtres, nulle autre ne l’est, puisque Jésus n’a fondé qu’un Eglise.

La volonté de Jésus-Christ

Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu:

1° Que son Eglise possède l’apostolicité d’origine. Il a dit à ses Apôtres: « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » (Mt., XXVIII, 20). Donc, il veut la continuité, l’indéfectibilité, de l’Eglise dont les apôtres, auditeurs de cette parole, étaient les chefs. Ce sont toujours eux qui qui existeront jusqu’à la fin du monde, vivant dans leur société et leurs successeurs; et Jésus, étant avec cette Eglise, sera avec eux. D’ailleurs, les apôtres le comprirent ainsi, et se choisirent des successeurs, qui devaient continuer leur personnalité morale, être d’autres « eux-mêmes » et faire continuer la même société.

2° Que son Eglise ait l’apostolicité du gouvernement, c’est-à-dire continuité dans la succession des pasteurs. Cette apostolicité, on vient de la voir, est le moyen nécessaire pour la précédente et se prouve par la même parole: « Je suis avec vous« , c’est-à-dire: « La société dont vos successeurs seront les chefs, sera la mienne jusqu’à la fin des siècles. » D’ailleurs, la raison montrait la nécessité de cette marque. Pour savoir clairement que telle Eglise avait reçu sa mission de Jésus-Christ et des apôtres, il n’est pas de meilleure façon que de voir la continuité de la société et la suite de ses chefs depuis les apôtres.

Comment sera assurée cette succession ininterrompue? Par la continuité dans les successeurs du chef des Apôtres: Saint Pierre, transmettant aux chefs secondaires des pouvoirs apostoliques. Ainsi la continuité et l’indéfectibilité dans la succession doivent être assurées par la continuité et l’indéfectibilité des successeurs de Saint Pierre: « Confirme tes frères. Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Et, de cette façon, tous les chefs de l’Eglise seront les successeurs du collège des apôtres unis à Saint Pierre.

3° Or, cette double apostolicité, voulue par Notre-Seigneur pour son Eglise, constitue une marque positive, essentielle, visible et propre à la seule société du Christ. Jésus dit clairement: « Qui vous écoute (vous, et vos successeurs, continuant votre personnalité), m’écoute; qui vous méprise, me méprise. » (Luc, X, 16). Son Eglise ne peut donc être que celle des Apôtres et de leurs successeurs (avec la même doctrine essentielle, la même mission, la même structure, le même culte etc.).

L’Eglise Romaine possède l’apostolicité, marque positive

Elle possède l’apostolicité d’origine. Cette société est la même que celle dirigée par les apôtres. On le prouve par l’Histoire, qui en démontre la continuité et l’identité:

1° Elle posséda toujours, sans conteste, le même nom, Eglise catholique romaine;

2° Il est impossible de nommer quelqu’un qui l’eût séparée de l’Eglise du Christ;

3° Au contraire, on suit son histoire continue au cours des dix-neuf siècles écoulés.

Elle possède l’apostolicité de gouvernement. C’est par elle qu’on peut constater plus facilement encore l’apostolicité d’origine.

1° La succession ininterrompue des deux cent soixante et un papes (de saint Pierre à Pie XII), successeurs de Saint Pierre sur le siège de Rome est notoire. Elle est prouvée par les témoignages les plus anciens, et unanimes: Tertullien, saint Irénée, Caius, saint Ignace, saint Clément.

2° D’ailleurs, le siège du Souverain Pontife romain a toujours porté, sans contestation, le nom du Siège Apostolique. Le fait de cette succession est tellement historique que tous, Grecs et Latins, l’admettent. Et les obscurités de la période dite « du grand schisme d’Occident » ou de la vacance formelle du siège apostolique depuis Vatican II qui est due à l’infiltration moderniste dans l’Eglise ne nuisent pas plus à l’apostolicité de l’Eglise Romaine qu’à son unité. Car, concernant le grand schisme (1378-1417), parmi les deux ou trois prétendants, l’un était certainement le véritable successeur de Saint Pierre, dont les pouvoirs se transmirent ainsi au Pape de l’Eglise de nouveau unifiée. Et dans les diverses obédiences (où se rencontrèrent également saints et miracles), on voyait, en celui qu’on regardait comme pape, non pas sa personnalité propre, mais l’unique successeur du Prince des Apôtres. D’un côté, il pouvait y avoir erreur personnelle, mais il restait l’unité formelle: « Ubi Petrus, ibi Ecclesia. »

Même si il n’y avait eu aucune obédience légitime [hypothèse envisagée par le grand théologien enseignant à la Grégorienne Timotheus Zapelena dans son De Ecclesia Christi], c’est-à-dire une vacance formelle du siège apostolique [autrement dit, l’absence d’autorité pontificale en acte], l’apostolicité et la continuité visible de l’Eglise n’aurait pas été affectées. Elles auraient résidé dans la continuité morale d’un corps électoral [corps électoral légitime sur le fondement d’un titre coloré, c’est-à-dire, sur la base de la reconnaissance au moins juridique et factuel du statut de cardinal de ses membres, même à défaut de statut réel: la suppléance de Dieu agissant pour la continuité de son Eglise] capable de désigner à tout moment un successeur de saint Pierre. Il faut donc toujours que le successeur de saint Pierre existe en puissance [qu’il puisse être élu à tout moment par une élection canonique légitime] pour ne pas nuire à l’apostolicité, il n’est pas absolument nécessaire qu’il existe toujours en acte [qu’il y ait un pape légitime qui exerce effectivement sa charge de pasteur en enseignant, gouvernant et sanctifiant les âmes]. C’est aussi ce que le cardinal Cajetan appelle la « puissance ministériellement élective » ou saint Antonin de Florence et le R.P Guérard des Lauriers (et bien d’autres, dont le même Cajetan, le cardinal Bellarmin etc.) « l’aspect matériel de la papauté ». Ainsi dans la crise actuelle de l’autorité dans l’Eglise, les données du sens commun, de la foi et du raisonnement logique nous montrent qu’il n’y a pas de Pape en acte car les occupants du Saint-Siège ont un défaut d’intention objective d’accomplir la mission de l’Eglise. Ce défaut d’intention objectif [indépendamment de leur bonne volonté, c’est une question d’acte extérieur et d’efficacité objective] se manifeste par une défection générale dans l’exercice de leur charge [ils enseignent des erreurs condamnées par l’Eglise, se conduisent habituellement de manière scandaleuse, ils font des lois qui permettent le mal, ils promulguent un culte non catholique, ils ont causé une désertion des églises en laissant le modernisme s’enraciné dans tous les diocèses du monde et en en faisant la promotion etc.], défection évidemment incompatible avec la sainteté, l’unité et l’apostolicité de l’Eglise. En revanche, parce qu’il n’ont jamais été personnellement condamnés par aucune autorité légitime [comme ont pu l’être les protestants ou les schismatiques], qu’il n’ont fait aucune déclaration explicite de séparation de l’Eglise romaine [comme l’ont fait les protestants ou les schismatiques], leur élection ne peut, jusqu’à preuve du contraire, qu’être considéré comme canoniquement légitime. Ils sont élus pour recevoir l’autorité mais font obstacle à sa réception et ne sont donc pas papes. En revanche, il existe à tout moment la possibilité pour qu’il le redevienne en acte ou qu’un nouvel élu le soit en acte. Pour cela, il faudrait que l’élu se convertisse réellement en reniant toutes les erreurs depuis Vatican II et en se disposant objectivement à exercer ce pour quoi le pontificat est fait [enseigner la vérité en continuité et en conformité avec les apôtres, leurs successeurs et Jésus-Christ; condamner les erreurs; promouvoir le vrai culte et les vrais sacrements etc.]. En attendant, la continuité morale et la « puissance ministériellement élective » est suffisante pour sauver l’apostolicité. Comme c’est le cas en période de vacance habituelle entre deux pontificats ou comme ce put être le cas, selon l’avis de Zapelena, durant le « grand schisme d’Occident ». Quand à savoir si les électeurs actuels sont légitimes [étant donné qu’ils ne sont pas cardinaux et que la plupart sont des modernistes qui ne professent pas la foi catholique], nous pouvons dire [comme durant le grand schisme: Zapelena admet que de nombreux cardinaux créés par des obédiences illégitimes ont eu le droit et le pouvoir de voter pour élire Martin V en 1417. Cela malgré le fait d’être de faux cardinaux] qu’ils le sont en raison de leur titre coloré qui est le fondement d’une suppléance divine de juridiction répondant à une exigence absolue: fournir un élu potentiellement capable de recevoir l’autorité pontificale.Cette permanence de la faculté de désigner demeure aussi en eux car aucune sanction légale ne leur a enlevé. C’est peut-être triste, mais n’oublions pas que la réalité l’est souvent: c’est une vallée de larmes…

3° Cette apostolicité est, de par la volonté du Christ et en elle-même, une note positive. De plus, la stabilité du siège de Rome, malgré toutes les tempêtes et les difficultés, présente un caractère exceptionnel qui vient renforcer le caractère exclusif de l’apostolicité; elle constitue, en effet, un véritable miracle moral.

Les autres sociétés n’ont pas l’apostolicité

D’ailleurs, par comparaison, l’Eglise Romaine est bien la seule qui soit celle des apôtres. En effet, pour les autres, l’Histoire nous apprend aisément le nom des novateurs qui les ont privés de la double apostolicité requise. Pour les grecs: Photius (IXe siècle), Michel Cérullaire (XIe siècle). Pour les protestants: Luther, Calvin, Zwingle, Henri VIII.

1° En effet, ils ont séparé ces chrétiens de l’Eglise du Christ et des apôtres. Donc, ce n’est plus la même société, c’en est une nouvelle qui commence: pas d’apostolicité d’origine.

2° Ils ont ainsi commencé une autre succession de pasteurs qui ne puisent plus leur pouvoir de juridiction à la source apostolique représentée par le successeur de Saint Pierre, et dont ils se séparent. Donc, plus d’apostolicité de gouvernement. D’ailleurs, certains protestants (non épiscopaliens) vont plus loin, et rejettent tout épiscopat, donc toute possibilité de succession apostolique.

Donc, l’Eglise Romaine, possédant et possédant seule les quatre marques positives voulues par Jésus, est la seule vraie Eglise du Christ. Les quatre marques ou notes contribuent, si on les réunit, à nous donner comme le visage de l’Eglise et son portrait. Elles s’unissent d’ailleurs en un groupement harmonieux, dont l’unité surnaturelle est pour ainsi dire le foyer: « Qu’ils soient un, comme Nous sommes Un! » 1° Unité avec Dieu: c’est la Sainteté; 2° Unité entre tous les hommes: Catholicité; 3° Unité avec les Apôtres: Apostolicité; 4° Unité enfin avec la hiérarchie actuelle, dans son triple domaine: c’est la marque d’Unité proprement dite.

Les preuves de l’institution de l’Eglise

Jésus-Christ a fondé une Eglise

Les deux conceptions sur la règle de la foi se retrouvent ici. Quel est le moyen de conserver, propager, expliquer, la doctrine instituée de fait par Jésus-Christ?

Les uns (protestants ou héritiers de l’individualisme moderne) disent: un moyen purement intérieur, individuel;

Les autres (catholiques), conformément aux documents historiques de l’Évangile et à la tradition, disent: une autorité visible et sociale.

Jésus-Christ a institué lui-même, réellement, une Eglise, société hiérarchique visible

La raison le montre

Ce que Jésus devait faire, il l’a fait certainement. L’institution d’une société religieuse était moralement nécessaire, nous l’avons vu, au bon succès définitif de la mission de Jésus. Or, Notre-Seigneur est Dieu, et possède toute lumière sur ce qui est utile ou nécessaire à l’avenir de son oeuvre. Donc il a institué une société religieuse visible.

Le texte évangélique le prouve

Cet argument basé sur les textes de l’Évangile (spécialement Saint Mattheiu XVI, 17, 20; XVIII, 18; XVIII, 18, 20; Saint Luc, XXII, 32; Saint Jean, XXI, 15), est tiré des paroles de Jésus:

1° à Saint Pierre:

« Tu es Pierre, et, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. Tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel. Tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans le ciel. » (Mt. XVI, 18-20) « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et toi, t’étant repenti, un jour, affermis tes frères. » (Luc, XXII, 32) « Pais, mes agneaux, pais mes brebis. » (Jn. XXI, 15)

2° aux apôtres unis à Saint Pierre:

« Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le ciel; tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel. » (Mt. XVIII, 18)

Selon tous ces textes concordants, Jésus promet d’abord (ce qui nous donne déjà une certitude absolue, puisque Jésus, Dieu, est sincère et puissant), puis Il réalise l’institution d’une société religieuse extérieure, visible, avec tous ses éléments énoncés.

Il en est le fondateur

« Je bâtirai mon Eglise« , « Je te donnerai les clés du royaume des cieux. », « Pais, mes agneaux, pais mes brebis. » Il en reste le chef invisible et indéfectible: « Je serai avec vous jusqu’à la consommation des siècles.« 

Ce qu’Il fonde, c’est une Eglise

En effet, c’est une collectivité visible d’êtres corporels, unis par les liens et extérieurs. On en trouve la preuve:

1° Dans les termes et comparaisons employés: royaume, famille, cité, filet plein de poissons; bercail, troupeau, maison; Eglise, c’est-à-dire société, réunion visible.

2° Par les liens qui unissent les membres de la société: pour y entrer, le rite visible du baptême, précédé d’une profession extérieure de foi (« celui qui croira, et sera baptisé » (Mc. XVI, 16)); dans la suite: participation aux mêmes biens (sacrements), et obéissance aux mêmes chefs visibles (« s’il n’écoute pas l’Eglise, qu’il soit comme un païen et un publicain » (Mt. XVIII, 17))

Il donne une autorité à cette société

A cette société, Il donne une autorité constitutive, des chefs, avec un rôle visible (« Désormais, tu seras pêcheurs d’hommes » (Luc, V, 10)). Ce sont les apôtres et leurs successeurs. Il choisit un chef suprême, qui paît les brebis (pasteurs secondaires) comme les agneaux (fidèles). Paître signifie diriger, guider, prendre soin, gouverner, donner au troupeau avec l’autorité du pasteur, tout ce qui lui est nécessaire:

« Tu es Pierre, et, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise » (Mt., XVI, 18), c’est-à-dire: tu es le principe de la solidité de ma société. Or, dans une société, le principe de solidité est l’autorité, qui unit et dirige les volontés, vers le même but, pas les moyens adéquats.

« Je te donnerai les clés » (Mt., XVI, 19), c’est-à-dire: la puissance souveraine sur le royaume des cieux. Or, ce royaume des cieux, c’est l’Eglise de la terre, qui mène aux cieux, car, au ciel, il n’est pas besoin d’autorité autre que celle de Dieu.

A ces chefs, il donne les pouvoirs nécessaires pour une société de ce genre:

1° le Pouvoir d’enseignement pour éclairer les intelligences; à Pierre: « Affermis tes frères » (Luc, XXII, 32) puis à tous: « Allez, enseignez toutes les nations » (Mt., XXVIII, 19).

2° Pouvoir de gouvernement obligeant et guidant les volontés, qui doivent obéir sous peine de condamnation. A saint Pierre puis à tous (Mt., XVI, 19 puis XVIII, 18): « Tout ce que tu liera (commanderas) sera lié dans le ciel« , c’est-à-dire, obligera en conscience, devant Dieu, car l’obligation (ob-ligare) n’est pas autre chose qu’un lien de la conscience, le pouvoir capable d’imposer ce lien n’est autre que l’autorité, le gouvernement. A saint Pierre: « Pais mes agneaux, mes brebis » (Jean, XXI, 15), donne tout ce qui est nécessaire: pour cela, il faut pouvoir commander. De ce pouvoir de gouvernement découle le pouvoir de jugement: « Si quelqu’un n’obéit pas à l’Eglise, qu’il soit regardé comme un païen et un publicain.« 

3° Pouvoir d’ordre ou de sanctification: pouvoir d’administrer les sacrements, biens de l’Eglise et canaux de la grâce: « Baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt., XXVIII, 19) et « Faites ceci en mémoire de moi. » (Luc, XXII, 19)

Le but de la société (salut et sanctification des membres, continuation de la mission du Christ) se poursuit par des moyens extérieurs et sociaux: participation aux sacrement, biens communs de la société.

Ces enseignements sont réunis, résumés comme en un testament, dans les dernières paroles de Notre-Seigneur, rapportées dans l’évangile de Saint Matthieu (XXVIII, 19, 20) et de Saint Jean (XX, 23):

« Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre: Allez donc, instruisez toutes les nations (pouvoir d’enseignement). Baptisez-les, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (pouvoir d’ordre). Apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit (pouvoir de gouvernement). Les péchés seront remis à qui vous les remettrez (pouvoir de jugement et d’ordre). Voici que je suis avec vous, jusqu’à la fin du monde (perpétuité, infaillibilité). Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé (liens visibles).

Donc Jésus a voulu fonder, et a fondé une société religieuse, hiérarchique et visible: son Eglise.

L’histoire des premiers temps de l’Eglise prouve aussi l’institution de cette société

C’est elle, en effet, que nous voyons fonctionner des le christianisme primitif.

Les faits constatés

Cette société religieuse organisée (elle a toujours été la même dans son essence mais a connu des évolutions accidentelles au cours du temps: liées aux moyens disponibles, au développement extérieure de l’institution, à son influence etc.) apparaît, soit en Palestine, soit dans le monde païen, comme un corps social, distinct de la religion juive, et possédant:

1° Une hiérarchie visible: les chefs sous l’autorité de Pierre sont les apôtres et ceux qu’ils choisissent pour les aider et les suppléer; ils dirigent, commandent, gouvernent les volontés des nouveaux convertis, jugent et punissent les violateurs de la loi nouvelle (Actes, V, 1, 12) (II, Corinth., II).

2° Un pouvoir enseignant, qui se présente de façon catégorique et infaillible comme transmettant les paroles du Christ, que les apôtres imposent en intermédiaires authentiques: « Ils ne peuvent pas ne pas parler » (Actes, IV, 19, 21); concile de Jérusalem en 51 sur l’abandon des pratiques de la loi mosaïque auxquelles les anciens juifs étaient attachés.

3° Des rites extérieurs spécifiquement chrétiens, qui constituent l’entrée dans la société ou y assurent la vie cultuelle; le baptême [Saint Pierre lors d’un prédication à Jérusalem: Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour la rémission de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit (Actes, II, 38). Trois mille personnes environ furent baptisées ce jour-là (Actes, II, 41); Le diacre Philippe baptisa le ministre de Candace, reine d’Éthiopie, dans un cours d’eau (Actes, VIII, 36)], l’imposition des mains [C’est ainsi que firent Pierre et Jean avec les convertis de Samarie : ils … prièrent pour eux, afin qu’ils reçussent l’Esprit-Saint : car il n’était encore descendu sur aucun d’eux, mais ils avaient été seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils leur imposaient les mains, et ils recevaient l’Esprit-Saint (Actes VIII, 14-17). Saint Paul imposa les mains sur les baptisés d’Éphèse et l’Esprit-Saint vint sur eux ; et ils parlaient diverses langues et prophétisaient (Actes, XIX, 6)], les onctions, la fraction du pain ou Eucharistie. Or, tout ceci correspond à l’institution de Jésus lui-même et nous en est une nouvelle garantie.

La valeur de ces faits

En effet, il n’y a pas eu d’interruption entre les ordres donnés par Jésus et l’établissement de cette société hiérarchique. Sans doute, l’Eglise n’est pas apparue d’un seul coup, toute faite pour ainsi dire et avec tous les rouages que nous lui connaissons aujourd’hui (d’un point de vue humain, extérieur, institutionnel, dans l’exposition de plus en plus précise de la révélation etc.). Mais, aussitôt après le Pentecôte, les apôtres ont commencé à réaliser le plan dicté par Jésus, et l’ont réalisé dans ces lignes essentielles (les pouvoirs de gouvernement, d’enseignement, de sanctification, l’unité, la sainteté, l’apostolicité et la catholicité). Les Actes des apôtres sont la mise en oeuvre immédiate de l’Évangile.

Les témoins

Nous en avons d’ailleurs divers autres témoins, qui nous permettent de remonter jusqu’aux âges apostoliques:

IIe siècle (fin)

Saint Irénée montre dans le caractère hiérarchique de l’Eglise un fait notoire et incontestée, institué par Jésus et les apôtres. Il ne l’aurait pas pu si cette hiérarchie avait été de fondation récente: de nombreuses contestations se seraient élevées. Or saint Irénée était témoin pour Rome, l’Orient et la Gaule, et touchait par son maître, saint Polycarpe, disciple de Saint Jean, à l’époque primitive de l’Eglise.

IIe siècle (milieu)

Saint Polycarpe affirme, lui aussi, que les pasteurs sont les gardiens de la foi et les chefs de la hiérarchie. Divers autres auteurs affirment également: l’existence de chefs reconnus, évêques successeurs des apôtres (Hégésippe), le Pontife de Rome (Denys de Corinthe); et l’identité permanente dans la foi et les sacrements (Albercius).

IIe siècle (début)

Saint Ignace d’Antioche.

Ier siècle (fin)

Saint Clément de Rome, disciple immédiat de saint Pierre et de saint Paul. Tous deux (Ignace et Clément) montrent dans la société instituée par le Christ une hiérarchie gouvernant les églises pour garder la tradition, sous l’autorité universelle de l’Eglise de Rome.

Ainsi, l’Évangile et l’histoire coïncident très nettement sur le point qui nous intéresse: le Christ a donc institué une autorité sociale de magistère, de gouvernement et de sanctification des âmes: son Eglise.

Trois conséquences découlent de cette conclusion:

1° Jésus-Christ n’a institué qu’une seule Eglise, tout le prouve. Les paroles de Jésus et des apôtres sont formelle: « Il n’y a qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur. » (Jean, X, 16); « Une seule foi, un seul baptême, un seul corps. » (épître aux éphésiens, IV, 4, 5). L’homme, d’ailleurs, a un besoin absolu de cette unité. Pour lui, la diversité tuerait la certitude. Puisque, sur chaque point dogmatique et moral, il n’y a qu’une vérité, deux sociétés, naturellement distinctes en quelques points, ne peuvent venir également de Dieu.

2° Il y a une obligation stricte, de rechercher l’Eglise unique instituée par Jésus-Christ. L’indifférentisme religieux est donc à la fois illogique en lui-même; injurieux pour Dieu et Jésus, qui ont désigné un chemin à suivre; dangereux, et même gravement périlleux dans ses conséquences pour nous-mêmes. Nous devons donc et nous allons poursuivre nos recherches.

3° L’Eglise unique fondée par Jésus-Christ doit donc être reconnaissable à certaines marques; c’est ce que nous allons maintenant constater.

Pourquoi Jésus-Christ a fondé une Eglise ?

Problème à résoudre

La question à résoudre peut se formuler ainsi:

Quelle est, parmi les sociétés existant actuellement et se donnant comme chrétiennes, celle que Jésus-Christ a fondée, et à quoi peut-on la reconnaître?

Pour rechercher la véritable Eglise de Jésus-Christ, il faut étudier successivement son institution, ses marques distinctives et ses propriétés essentielles assignées par le Fondateur.

Institution de l’Eglise

Nous avons déjà démontrer que les Évangiles étaient authentiques et que Jésus-Christ était Dieu. Autrement dit, nous sommes désormais certains que Dieu s’est bien révélé et qu’il l’a fait par Jésus-Christ. Nous avons aussi vu tout ce qu’impliquait la divinité de Jésus-Christ, pour lui (nature et attributs) et pour nous (le suivre). Nous nous demanderons maintenant ce qu’a fait le Christ, pour mettre sa révélation à notre portée, à la portée de tous les hommes. Si sa sagesse divine Lui conseillait un moyen souverainement efficace, Il a dû évidemment le prendre; on peut constater ensuite s’il l’a pris en fait. Nous nous poserons donc successivement ces deux questions:

Jésus devait-il fonder dans ce but une société visible et enseignante?

En fait, l’a-t-il fondée?

Jésus-Christ devait fonder une Eglise

Sur ce terrain, une marche progressive s’impose. Deux affirmations sont à distinguer. La nécessité d’un secours quelconque pour conserver la révélation chrétienne et la nécessité morale d’un organisme social et d’une autorité visible. Nous reviendrons ensuite en détails sur chacune de ses affirmations.

Nécessité d’un secours quelconque pour conserver la révélation chrétienne

Un secours quelconque est nécessaire au genre humain, qui permette de conserver, de propager, d’expliquer, la doctrine révélée du Christ, de façon certaine, sans mélange d’erreurs, et pour tous.

Cette nécessité se prouve aisément par l’expérience: ceux qui ont voulu se livrer à leurs propres forces n’ont fait que se disperser en de multiples directions, et ont commis des erreurs nombreuses.

Elle trouve, d’ailleurs son explication 1° dans la nature des vérités révélées, qui sont d’ordre suprasensible, et parfois mystérieuses, donc plus difficiles à retenir et à interpréter; 2° dans la faiblesse des facultés humaines en face de vérités de ce genre; 3° dans les occupations et soucis matériels, qui absorbent un grand nombre d’hommes et les empêchent de se livrer à de longues études personnelles sur ces sujets religieux.

Un secours quelconque est donc nécessaire. Reste à déterminer quel genre est désirable.

Nécessité morale d’un organisme social et d’une autorité visible.

Il convient hautement à la sagesse divine que ce moyen soit une société visible et enseignante; et cette convenance est telle qu’elle équivaut en pratique à une nécessité morale. En face de cette assertion, se dressent les prétentions de l’individualisme moderne, d’origine protestante, et dont Rousseau a été l’un des principaux doctrinaires. D’après cette théorie, l’individu, qui a en lui-même sa fin, se suffirait en tout, sans aucun secours social.

Il est au contraire éminemment désirable et comme moralement nécessaire que le secours accordé aux hommes pour conserver la révélation, c’est-à-dire la règle prochaine de nos croyances, soit une société à magistère infaillible, une autorité doctrinale, vivante et ferme, chargée de conserver la vérité révélée, de la transmettre, et de l’expliquer.

Nécessité pour conserver et propager le christianisme

Jésus Christ devait, pour conserver les vérités de la révélation et les mettre à la portée de tous, prendre le meilleur moyen, le plus simple et le plus efficace : Il ne pouvait pas s’en désintéresser. Or nul moyen, on va le voir, n’est à la fois aussi simple et aussi puissant sur la nature humaine qu’une autorité enseignante sociale. (L’utilisation de verbe comme « devait » ou « ne pouvait pas » ne signifie nullement que Jésus-Christ était contraint par une quelconque force extérieure, comme si sa liberté pouvait être lésée. Ils indiquent simplement que comme Dieu, étant l’être et l’intelligence subsistance, la Sagesse même, tout ce qu’il fit ne pût qu’être parfait et conforme à sa propre sagesse. Le contraire aurait montrer un manque de liberté et donc aurait indiquer l’absence de la divinité. La liberté est la capacité de choisir le bien. Mal faire, c’est faire un mauvaise usage de la liberté qui indique un état de faiblesse et un certain degré de servitude : l’incapacité de faire le bien. Dieu étant la plénitude même du bien et étant entièrement indépendant, il ne saurait pâtir d’aucune servitude ni d’aucune faiblesse: il fait le bien de toute éternité avec la plus pure liberté. Jésus-Christ, en tant que Dieu, était entièrement libre et a fait usage de cette liberté en instituant l’Eglise de la manière la plus adéquate possible.)

La réunion en société constitue pour l’être humain:

1° Un besoin: L’homme est naturellement sociable; en vertu de sa nature sensible et intellectuelle, des moyens de communication avec ses semblables (paroles, sympathie, imitation, etc.) lui ont été donnés en ce but : faciliter les échanges de pensée, les associations d’intérêts, d’aspiration, d’idéal. Les philosophes païens les plus attentifs l’avaient déjà remarqué: Platon, Aristote, Cicéron. C’est pourquoi une forme sociale de religion est nécessaire à l’homme, et il convenait hautement que le moyen choisi par Jésus pour nous transmettre sa révélation fût une société.

2° Une condition de progrès et de stabilité dans tous les domaines (matériel, intellectuel et moral): sans société, l’individu laissé à ses seules forces devrait recommencer sans cesse les efforts opérés par ses prédécesseurs, et l’humanité piétinerait sur place; en société, au contraire, on s’aide, on se transmet les résultats; d’autres poursuivent plus loin les recherches et font de nouvelles découvertes, avançant ainsi dans le sentier tracé. Or, pour le genre d’activité, qui est le but principal de son existence (connaître et servir Dieu selon la révélation divine), l’homme ne saurait être privé d’un tel secours. Puisqu’il a besoin d’un secours, il est normal et sage qu’il jouisse sur ce terrain du moyen naturel et puissant de perfectionnement intellectuel et moral qu’est la société religieuse.

Nécessité pour expliquer et interpréter les vérités révélées

Pour expliquer et interpréter les vérités révélées dans leur véritable sens, une autorité sociale et doctrinale est nécessaire. Le moyen que devait employer Jésus-Christ pour mettre en contact tous les hommes de tous les siècles avec les vérités révélées doit être une règle de foi:

1° sûre et complète, pour donner la sécurité nécessaire en matière de salut;

2° universelle et accessible à tous les temps et à tous les hommes, car c’est à tous que s’adresse la révélation chrétienne;

3° apte à clore et à juger les incertitudes et les controverses qui pourraient s’élever sur le sens de la révélation.

Or, deux moyens pouvaient être employés par Jésus pour nous faire parvenir sa révélation: des documents écrits, laissés à l’interprétation de chacun (car tout texte, l’expérience le prouve, a besoin d’être interprété); ou bien un enseignement authentique et vivant se perpétuant de siècle en siècle. Pouvait-il choisir l’un ou l’autre indifféremment?

Les églises protestantes prétendent que le premier moyen était suffisant et plus normal: la règle de foi serait l’Ecriture sainte seule, interprétée par le libre examen de chaque fidèle, disent les unes, avec l’inspiration du Saint-Esprit à chaque individu, disent les autres.

Les catholiques regardent ce moyen (l’Ecriture) comme insuffisant, et pensent qu’il fallait une autorité vivante et authentique: le magistère infaillible et traditionnel de l’Eglise.

Le système protestant

Il ne présente nullement les garantie les garanties suffisantes et les qualités ci-dessus requises. En effet, de soi, l’Ecriture est morte et demande, en bien des passages, à être interprétée pour retrouver la vrai pensée de l’auteur. Or, les moyens d’interprétation proposés sont illusoires et même dangereux.

I. Théoriquement:

1° Le libre examen en matière de religion détruit la certitude et l’unité de la doctrine. Les intelligences étant bornées et souvent dominées par les passions, chacun verra dans les textes difficiles, ou même dans les passages plus clairs, des sens multiples et contradictoires: l’expérience est là pour le prouver. Or, il n’y a pourtant qu’une même vérité sur un même point.

2° L’inspiration individuelle ne paraît pas convenir à la sagesse divine: Dieu n’a pas coutume, en effet, de multiplier les miracles quand un moyen plus simple (ici, une autorité sociale infaillible) est possible et aussi opérant. De plus, cette inspiration est condamnée par les faits, car le Saint-Esprit, s’il agissait ainsi, inspirerait évidemment la même chose à tous: or, nous savons qu’il y a autant d’interprétations protestantes que d’individus.

3° Même les deux moyens réunis (libre examen aidé par l’inspiration) ne sont ni à la portée de tous: il faudrait savoir lire, avoir le temps d’étudier en détail, de commenter; ni une règle sûre et complète: les protestants eux-mêmes admettent des vérités non contenues dans l’Ecriture; ni apte à clore les controverses: où serait l’autorité capable d’imposer une solution au libre examen ou à l’inspiration d’autres individus égaux, s’il y avait entre eux divergence ou même contradiction?

II. Pratiquement

De tels moyens d’interprétation engendrent:

1° Le fanatisme: on s’attache à son sens ou à celui qu’on se croit inspiré.

2° La corruption des mœurs: on cherche des sens qui légitiment les passions.

3° La libre pensée et l’indifférence en matière de religion: si plusieurs affirmations contradictoires peuvent être acceptées, cela met en défiance contre la vérité de toutes.

Le système catholique

Par Magistère infaillible et traditionnel, il faut entendre un organe de transmission et de tradition qui nous livre (tradere = livrer) les vérités révélées par Jésus; l’exercice d’une autorité sociale de d’enseignement infaillible et vivant, qui se présente à nous, au siècle où nous sommes, comme le représentant du Christ et l’interprète authentique de sa révélation. Or, ce moyen possède avec évidence les trois qualités énoncées ci-dessus.

Parce que infaillible et indéfectible, cette autorité sociale est sûre et complète quant aux vérités, et elle donne ainsi toute sécurité; universelle quant aux sujets à qui elle s’adresse; apte à clore efficacement et avec autorité toutes les difficulté d’interprétation qui peuvent s’élever, car cet organe, toujours vivant, présente de façon authentique la pensée même du Christ.

C’est donc un tel moyen que sa sagesse commandait au Christ de choisir.

Quelle est la véritable Eglise ?

Le lecteur ayant lu les sections apologétique précédentes avec honnêteté devrait être convaincu que la religion fondée par Jésus-Christ, Fils de Dieu, est divine, et donc, seule, révélation divine, à l’exclusion de toutes les autres religions.

Mais, plusieurs groupements se disent chacun être la véritable religion de Jésus-Christ: Eglise catholique; églises protestantes et orientales; sectes diverses et prophètes plus ou moins farfelus. Il n’y en a pourtant qu’une seule qui soit vraie. En effet, elles différent toutes sur des points essentiels qui s’excluent mutuellement [par exemple, on ne peut pas soutenir en même temps que le Pape est le vicaire de Jésus-Christ et le chef de son Eglise à qui il faut obéir pour se sauver (les catholiques) et qu’il ne l’est pas (les protestants et les orientaux séparés de Rome). Ce serait dire que la réalité est contradictoire, ce qui est absurde. Ce serait faire la promotion d’une vision subjectiviste et relativiste des choses, théorie qui pose des problèmes importants (Voir La recherche de la vérité).]. Or il n’y a qu’une vérité sur chaque point et Notre-Seigneur n’a fondé qu’une seule religion.

Où est donc la véritable religion de Jésus-Christ? C’est ce qui nous reste à découvrir afin que chacun puisse être éclairé sur le véritable sens de sa vie, qu’il puisse en comprendre la destinée objective et se mettre à travailler pour l’accomplir. Il est vrai que l’existence d’une multitude de systèmes philosophiques et de courants religieux découragent nos contemporains. Ils sont parfois tentés d’abandonner les grandes questions de la vie sous prétexte que les réponses à ces questions ne sont ni connaissables ni unanimes. Pourtant, la multiplicité des conceptions subjectives n’atteint en rien l’unité de la réalité objective. La connaissance suppose en effet un objet extérieur à connaître et un sujet (un homme par exemple) qui le connaît. Sujet et objet sont distincts. Si la connaissance du sujet dépend entièrement de l’existence de l’objet duquel elle tire son contenu, l’inverse n’est pas vrai. La relation est asymétrique. L’objet existe antérieurement à la connaissance du sujet (il faut bien qu’une chose soit pour qu’on la connaisse ensuite) et indépendamment de cette connaissance. Si donc les conceptions sont multiples, c’est que les hommes qui appréhendent la réalité font des erreurs: leur connaissance n’est pas toujours conforme à son objet. Cela est dû aux mauvaises méthodes utilisées (car il faut bien raisonner pour trouver la vérité), aux défauts de la volonté (car il faut vouloir honnêtement trouver la vérité), à l’oubli de données importantes du réel (voir un aspect de la réalité et en oublier un autre), à des facteurs sociaux plus généraux (situation familiale, intérêts, mentalité, conformisme etc.) ou tout simplement à l’absence de l’objet à connaître (si par exemple un homme, sans faute de sa part, n’a jamais entendu parler d’une chose, il se trompe mais ne peut pas faire autrement étant donné l’absence d’objet à saisir). Par exemple: soit un groupe d’amis qui se perd en forêt alors qu’ils doivent rejoindre leur point de départ. Ils discutent et argumentent entre eux pour savoir quel chemin emprunter pour être de retour rapidement. Supposons que trois propositions s’affrontent. Ce n’est pas parce qu’il y a trois propositions que les trois sont vraies. En réalité, malgré la pluralité des propositions, une seule (ou aucune) est la bonne et permettra de rejoindre la but rapidement. De même pour un problème de mathématique: le bon élève met son raisonnement sur papier et écrit la réponse puis rend sa copie au professeur. Evidemment, tout le monde n’est pas bon élève (cela se saurait…), la diversité des notes en témoignent. Le cancre, le mauvais élève ou l’élève travailleur mais peu doué, vont proposer une réponse à leur tout et rendre leur copie. Mais, qui prétendra que chacun a trouvé la solution alors qu’ils ont tous proposé des réponses différentes? Certainement pas le professeur qui connaît la vérité en ce sujet et qui corrigera les copies en conséquences. Nous voyons encore une fois que la réalité objective ne dépend pas des propositions subjectives apportées pour la mettre en lumière (ces propositions sont susceptibles d’être fausses, si elles ne correspondent pas à la réalité, ou vraies si elles sont conformes à leur objet) mais existe en elle-même. Il en est de même pour les conceptions religieuses. Ce n’est pas parce qu’il y en a de nombreuses qu’il n’existe pas de vraie religion. Il faut comme toujours mener un raisonnement correct et être de bonne volonté pour espérer la trouver.

Pour ce faire, nous examinerons quelles sont les marques ou notes distinctives et exclusives que Jésus-Christ a données à son Eglise en l’instituant. Ensuite, nous verrons quelle société réalise en effet ces marques et correspond bien à l’Eglise telle qu’elle a été instituée par Jésus-Christ.

Origine et sens du terme « Eglise »

La religion laissée par le Christ est désignée dans l’Évangile sous les noms de « royaume de Dieu« , « royaume des cieux« , ou encore « Eglise » (Saint Matthieu, chap. XVI et XVIII). C’est ce dernier terme qui a prévalu. Étudions-en les divers sens.

Sens étymologique

En grec, le mot « église », ekklêsia ( ἐκκλησία) signifie « assemblée par convocation » ou « assemblée« . Le latin « ecclesia » signifie aussi « assemblée« .

Sens biblique

Dans la Saint Ecriture, le mot « église » signifie « assemblée des fidèles; ensemble des fidèles d’une localité; société universelle des fidèles« .

Sens usuel

Le sens usuel selon lequel nous l’entendons ici, l’Eglise est la « Société des fidèles qui croient en Jésus-Christ« . On peut envisager cette société d’une façon plus ou moins étendue:

Au sens large, elle comprend tous les croyants: de l’Ancien et du Nouveau Testament; vivants (Eglise militante) ou disparus (Eglise souffrante au purgatoire, Eglise triomphante au paradis).

Au sens précis, on entends par là: 1° la société, c’est-à-dire l’union des volontés pour un même but, 2° des vivants, réunis par la professions d’une même foi en Jésus-Christ, et la participation aux mêmes biens spirituels, 3° sous l’autorité des chefs représentant le divin fondateur.

Les divers groupements chrétiens

Il est nécessaire de les caractériser brièvement avant d’entreprendre l’étude qui nous reste à faire. Trois confessions principales se présentent à nous avec des caractères historiques et intrinsèques (doctrine, culte, morale) assez nets pour que nous puissions les distinguer.

L’Eglise Catholique Romaine

Elle s’offre à nos regards comme une société solidement organisée dont l’unité dogmatique, morale et cultuelle est assurée par une autorité enseignante s’affirmant infaillible, exerçant dans le domaine disciplinaire une juridiction suprême. Ce Chef est l’évêque de Rome, qui, par ses innombrables prédécesseurs qui se sont succédé sans interruption (exerçant la même mission essentielle: la même doctrine, le même culte, la même morale en vue de la même fin qui est le salut des âmes et la gloire de Dieu), se rattache au Chef des Apôtres, Saint Pierre, et par lui au Christ.

La doctrine de Jésus, conservée et enseignée par l’Eglise Romaine, est exposée dans des symboles antiques, des conciles, des catéchismes et par d’autre moyens (pastorale, sermons etc.). Depuis vingt siècles, cette société vivace et active a produit et produit sans cesse des fruits de sainteté dans les diverses nations du monde connu à chaque époque; d’où son nom de catholique, c’est à dire universel.

Les églises protestantes ou réformées

Ces groupements affirment aussi remonter au Christ, mais en se dissociant au XVIème siècle de la société romaine sous l’influence de « réformateurs ».

Ces prétendus rénovateurs furent:

En Allemagne

Luther (1483-1546), moine apostat, orgueilleux, débauché et cruel (il suffit d’étudier sa vie et ses écrits honnêtement pour s’en convaincre: il n’y a qu’excès, mauvaise foi, haine et déséquilibre), qui prêcha une doctrine nouvelle et entraîna dans sa révolte une partie de l’Allemagne, grâce à l’appui des princes, spoliateurs de l’Eglise. Il se montra ouvertement hostile à l’Eglise Catholique Romaine par la publication de ses « 95 thèses » en 1517. En 1521, il fut, lui et ses disciples, expulsés du sein de l’Eglise Catholique Romaine.

En Suisse et en France

Zwingle (1484-1531) et Calvin (1509-1564), le premier curé dans le canton de Glaris, le second étudiant en droit, puis professeur de théologie à Genève, où il exerça la plus sanglante intransigeance en faisant condamner au feu ses contradicteurs et opprima tous les droits religieux et civils de la population. Il fût un véritable tyran capricieux et orgueilleux.

En Angleterre

Henri VIII (1491-1547), roi d’Angleterre de 1509 à sa mort, qui, n’ayant pu faire annuler son mariage par le Pape (il était marié à Catherine d’Aragon. Mais son caractère licencieux et frivole le poussa à prendre des maîtresses dans l’entourage de sa femme, dont Mary Boleyn. Puis, il s’attacha à la sœur de Mary, Anne Boleyn, pris la décision de l’épouser pour satisfaire ses désirs, puis finit par la mettre à mort…) sépara son royaume de l’unité romaine, en attendant que ses successeurs introduisent la doctrine protestante. Ce personnage excessif et déséquilibré se maria à six reprises et fit exécuter deux de ses femmes, Anne Boleyn et Catherine Howard. Tous ces événements malheureux ont été produits par les passions déréglées de Henri VIII qui souhaitait arrivé à ses fins sans aucune considération du bien commun, de l’honneur et de la vérité, mais par une obéissance aveugle à ses caprices et un utilitarisme machiavélique. Il fut excommunié par le Pape en 1534

Doctrine fondamentale de l’église réformée

Elle consiste principalement en deux points:

1° L’homme (qui n’est d’ailleurs pas libre) est justifié par la seule foi sans les oeuvres, qui sont inefficaces aussi bien que le culte, les Sacrements et les indulgences.

2° La seule règle de foi est l’Ecriture Sainte interprétée par l’individu, soit seul, soit inspirée par l’Esprit-Saint (en cas d’interprétations diverses, Dieu, acte pur et unique vérité, les ayant toutes inspirées, serait alors l’auteur de l’erreur?…). D’où il suit que l’Eglise du Christ est une Eglise invisible, formée des seuls justes, et sans hiérarchie.

Ces deux dogmes étaient des dissolvants parfaits (qui ne servaient qu’à satisfaire l’orgueil humain, les intérêts personnels des princes, excuser la licence et détruire la hiérarchie catholique): on le vit bien vite par la floraison d’une multitude de doctrines se prétendant toutes inspirées, et d’une poussière de sectes opposées qui, pour subsister, devaient, sans craindre l’illogisme, se donner une organisation extérieure (pasteurs et parfois « évêques »).

L’état actuel du protestantisme

Nous devinons trois grands tronçons principaux : le luthéranisme, répandu surtout en Allemagne, dans les pays scandinaves, en Hollande et un peu en Angleterre et en Amérique; le calvinisme (Suisse, Allemagne, quelques régions de la France; Pays-Bas; Ecosse) et l’Anglicanisme, présentant une physionomie particulière. A ces groupes historiques principaux ce sont ajouté d’innombrables sectes. Les plus répandues aujourd’hui sont les groupes évangéliques (anabaptisme, baptisme, pentecôtisme), surtout présents en Amérique et en Afrique. Cet éparpillement potentiellement infini et de fait toujours exponentiel (des « prophètes » se disant inspirés naissent à peu près tous les jours en Afrique et en Amérique) est une conséquence du libre examen. Tous ces groupes s’opposent donc sans posséder en leur sein les principes nécessaires pour démontrer l’erreur des autres (contrairement au catholicisme qui professe que la révélation ne peut-être interprétée que par l’Eglise catholique et son chef, le Pape): le libre examen et le primat de l’expérience subjective une fois posés, toute tentative de réfutation objective s’évanouit. Ce seul fait pourrait suffire à exclure le protestantisme de l’examen sur la véritable Eglise de Jésus-Christ.

Chacun est divisé en une foule de factions dissidentes et rivales s’opposant par le dogme, la morale et l’organisation: les unes niant certains Sacrements ou même tous; d’autres les acceptant comme purs symboles, d’autre enfin comme canaux de la grâce: puritains, anabaptistes, sociniens, méthodistes, mormons, unitaires, armée du salut, protestants conservateurs, protestants libéraux etc.

L’Anglicanisme en particulier, dont la doctrine est contenue dans les 39 articles de la confession de foi et le Livre de la prière publique (« Common Prayer-book ») est divisé e, trois groupes principaux: 1° La Haute-Eglise, la plus « proche » du catholicisme, dont la fraction la plus élevée (ritualisme ou puseyisme), issue du mouvement d’Oxford (1833-1850), ne diffère de l’Eglise romaine, en ce qui concerne le dogme, que sur l’infaillibilité pontificale et l’Immaculée-Conception; 2° La Basse-Eglise (ou évangélique) à tendance calvinistes; 3° et l’Eglise Large, aux dogmes rares et à la moralité relâchée.

Comme nous l’avons dit, ces variations continuelles et cet émiettement à l’extrême sont l’aboutissement logique du principe posé.

Les églises grecques et orientales dites « orthodoxes », en schisme avec Rome

Elles constituent un autre groupe de rameaux chrétiens qui ont voulu vivre d’une vie autonome, en dehors de la communion et de la communauté religieuses avec l’évêque de Rome.

La plupart de ces églises devinrent indépendantes par l’intermédiaire des patriarches de Constantinople, auxquels elles étaient soumises.

Or, ces patriarches, sous l’influence de l’antipathie des Orientaux et Occidentaux et avec la faveur du pouvoir impérial qui désirait exercer plus d’emprise sur les choses religieuses, grâce enfin à l’ambition personnelle de quelques-uns d’entre eux, provoquèrent la constitution en église autocéphale de toute la chrétienté d’Orient dépendant de leur patriarcat. Les deux principaux auteurs de cette manoeuvre furent:

Au IXème siècle, Photius, patriarche usurpateur nommé par le régent Bardas et qui provoqua une séparation momentanée avec Rome.

Au XIème siècle, Michel Cérullaire, intrigant et ambitieux, qui, en 1054, sous des prétextes divers, consomma la scission. Les invasions turques et la chute de l’Empire d’Orient (1453), desserrant les liens avec Constantinople, amenèrent la constitution de nombreuses églises nationales. Celle de Russie domina longtemps moralement. Plusieurs essais de réunion, soit avec l’Eglise Romaine (plus de 20 en quatre siècles), soit avec le protestantisme, furent vainement tentés.

La doctrine des schismatiques orientaux

Elle s’éloigne sur un assez grand nombre de points de celle de l’Eglise Romain. Au point du vue dogmatique, seuls les sept premiers Conciles œcuméniques sont acceptés; la doctrine des Sacrements: Baptême, Pénitence, Extrême-Onction, Ordre, Mariage, est différente sur plusieurs points; on admet ni le Purgatoire, ni l’Immaculée-Conception; l’Eglise du Christ serait formée d’églises nationales autonomes; pas de primauté ni d’infaillibilité pontificale, car tous les Apôtres ou évêques sont égaux ; Saint Pierre n’aurait reçu qu’un préséance d’honneur passée d’abord à l’évêque de Rome, puis à celui de Constantinople. L’infaillibilité appartient au corps épiscopal dans son ensemble. Enfin, le Saint-Esprit ne procéderait que du Père; d’où les difficultés touchant l’insertion du mot Filioque dans le Symbole de Nicée, qu’on prétexta dès le début. Le divergences sont plus nombreuses encore touchant la discipline et la liturgie (mariage des simples prêtres, baptême par immersion, etc.).

Etat actuel de ces églises nationales autonomes

Elles sont réparties en églises nationales formant quatre groupes: 1° grec (Constantinople, Grèce, Chypre); 2° gréco-arabe (Palestine, Syrie, Egypte); 3° slave (Russie, Bulgarie, Yougo-Slavie); 4° roumain (Roumanie et Transylvanie, une partie de la Pologne et de la Hongrie.

On peut y rattacher aussi un certain nombre d’églises séparées orientales provenant des hérésies anciennes sur la nature du Christ (nestorianisme et eutychianisme): Eglise copte (en Egypte et Abyssinie); arménienne; chaldéenne, et jacobite (Syrie et Mésopotamie).

L’ensemble forme donc, on le voit, un groupe assez peu homogène, dont les éléments sont tous plus ou moins influencées par le pouvoir national et civil en chaque nation. Encore de nos jours, les division continuent à se multiplier (voir Le schisme dans le schisme).

Problème à résoudre

La question à résoudre peut se formuler ainsi:

Quelle est, parmi les sociétés existant actuellement et se donnant comme chrétiennes, celle que Jésus-Christ a fondée, et à quoi peut-on la reconnaître?

Pour rechercher la véritable Eglise de Jésus-Christ, il faut étudier successivement son institution, ses marques distinctives et ses propriétés essentielles assignées par le Fondateur.

Institution de l’Eglise

Nous avons déjà démontrer que les Évangiles étaient authentiques et que Jésus-Christ était Dieu. Autrement dit, nous sommes désormais certains que Dieu s’est bien révélé et qu’il l’a fait par Jésus-Christ. Nous avons aussi vu tout ce qu’impliquait la divinité de Jésus-Christ, pour lui (nature et attributs) et pour nous (le suivre). Nous nous demanderons maintenant ce qu’a fait le Christ, pour mettre sa révélation à notre portée, à la portée de tous les hommes. Si sa sagesse divine Lui conseillait un moyen souverainement efficace, Il a dû évidemment le prendre; on peut constater ensuite s’il l’a pris en fait. Nous nous poserons donc successivement ces deux questions:

Jésus devait-il fonder dans ce but une société visible et enseignante?

En fait, l’a-t-il fondée?

6 objections contre le sédévacantisme : réfutation



Le sédévacantisme est un schisme

Réponse

Un schismatique est quelqu’un qui, méprisant l’enseignement du Christ sur la primauté de Saint Pierre et des pasteurs légitimes de l’Eglise, refuse d’obéir à ses lois et à sa discipline, et érige son propre gouvernement indépendant de celle-ci. Pour dire plus simplement encore, un schismatique est un chrétien qui refuse de se soumettre à l’autorité de l’Eglise, en prétendant que son autorité n’a pas de fondement. Le schisme est un péché mortel contre la charité, car il brise l’unité du Corps Mystique de Jésus-Christ.

Les sédévacantistes ne sont pas des schismatiques car :

  • Ils ne nient pas la légitimité des successeurs de Saint Pierre pour légiférer, de manière monarchique et sans contestation possible, sur l’ensemble de l’Église ;
  • Ils n’ont nullement l’intention d’ériger une autorité concurrente, une hiérarchie indépendante contre l’autorité et la hiérarchie de l’Église catholique ;
  • Ils n’entendent pas, concernant l’administration des sacrements et toute autre chose relative à la religion, agir d’une autre manière que celle qui a été promulguée par l’autorité de l’Église.

Les sédévacantistes s’opposent à ce qui semble être pour beaucoup la hiérarchie de l’Église catholique, non pas par esprit de schisme, mais au contraire par souci de rester fidèle à l’autorité de l’Église catholique qui a enseigné, promulgué et ratifié des doctrines et des dispositions disciplinaires auxquelles s’opposent formellement les nouvelles doctrines (qui sont fausses) et la nouvelle discipline (qui est mauvaise) des conciliaires.

Accuser les sédévacantistes d’être schismatiques serait aussi hors de propos que d’accuser les luthériens de nier que la Bible soit révélée et inerante : le problème du luthéranisme se trouve ailleurs ; ainsi le «problème» du sédévacantiste réside dans la discussion cherchant à savoir si François est Pape ou non, pas sur le fait de savoir s’il faut être soumis au Pape pour sauver son âme – ce dont les sédévacantistes sont absolument convaincus. Or, chercher à savoir si quelqu’un est Pape ou non, c’est simplement faire œuvre de discernement, comme l’ont fait les catholiques et les saints ayant vécu dans des siècles troublés où l’on avait des doutes sur la légitimité de certaines personnes qui prétendaient être Papes ; ce n’est pas faire acte de schisme.

“Finally, one cannot consider as schismatics those who refuse to obey the Roman Pontiff because they would hold his person suspect or, because of widespread rumors, doubtfully elected (as happened after the election of Urban VI), or who would resist him as a civil authority and not as pastor of the Church.” (Wernz-Vidal, Ius Canonicum [Rome: Gregorian 1937], 7:398, my emphasis.)(modifié)[17:21]In fact, Fr. Ignatius Szal emphasizes that one essential ingredient to true and proper schism is that the schismatic, in spite of his disobedience, “must recognize the Roman Pontiff as the true pastor of the Church, and he must profess as an article of faith that obedience is due the Roman Pontiff”

(Rev. Ignatius Szal, The Communication of Catholics with Schismatics [Washington, DC: The Catholic University of America Press, 1948, p. 2).

Les sédévacantistes sont hérétiques

Réponse

Une hérésie est une doctrine qui s’oppose directement à une ou plusieurs vérités révélées contenues dans l’enseignement de l’Église. Un hérétique, au sens formel du terme, est quelqu’un qui adhère à cette doctrine en pleine connaissance de cause, c’est à dire en sachant qu’elle s’oppose à l’enseignement de l’Église catholique. On peut adhérer à des hérésies par ignorance de l’enseignement de l’Église, par suite d’un raisonnement erroné, ou bien par une mauvaise compréhension des dogmes ; cela ne suffit pas à ce que cette adhésion intellectuelle devienne un véritable péché d’hérésie, et fasse mériter devant Dieu et devant les hommes le nom d’hérétique : il faut pour cela ce que l’on appelle la pertinacité, qui est la persévérance dans l’erreur malgré les admonitions de l’Église, malgré la claire connaissance de la réprobation de ses opinions par l’Église. Par commodité on peut dire que ceux qui adhèrent à des hérésies sans faute sont «matériellement hérétiques», et ceux qui y adhèrent avec pertinacité sont «formellement hérétiques». Voir l’article «Hérésie» de la Catholic Encyclopedia

Le sédévacantisme n’est pas une hérésie, et ceux qui adhèrent au sédévacantisme ne sont hérétiques ni matériellement, ni formellement, car :

  • Ils ne nient aucun des enseignements de l’Église catholique, que celui-ci soit solennel ou simplement ordinaire, concernant la Papauté, ses prérogatives et ses droits ;
  • L’Église n’enseigne pas qu’il est impossible que le siège soit vacant pendant une très longue période : s’il peut être vacant 1 jour, 1 mois ou 1 an, à prendre la chose en soi rien n’interdit qu’il soit vacant 1000 ans, aussi terrible que cela puisse être pour la vie de l’Église et le salut des âmes ;
  • L’Église n’enseigne pas qu’il est impossible qu’une personne qui soit élue à la Papauté, et même acceptée pacifiquement comme Pape par l’Église universelle, ne soit pas réellement Pape. Son histoire nous apprend plutôt le contraire, à savoir qu’à une époque a été envisagée le cas où un hérétique (formel) serait élu à la Papauté, et reconnu comme Pape à ce titre : la bulle Cum ex apostolatus officio de Paul IV (1559) déclare une telle élection nulle et sans effet. Par ailleurs il n’a jamais été question, dans la théologie catholique, de dire que l’acceptation pacifique par une unanimité morale des catholiques était une condition ou une preuve du fait que la personne considérée comme telle est réellement Pape.
  • Pour notre part, et nous pensons que c’est le cas de la plupart des sédévacantistes, nous professons n’avoir aucune intention d’adhérer à des opinions condamnées par l’Église ni de nous opposer en quoi que ce soit à son magistère, et nous serions prêt à rétracter toutes nos idées et nos positions s’il apparaissait que l’Église les condamnait. Le principe que nous appliquons pour savoir comment régler notre jugement et notre vie toute entière, est celui de coller le plus prêt que possible à l’esprit de l’Église, même en ce qui n’est pas obligatoire et infailliblement promulgué, même pour des questions d’ordre pastoral et pratique.

NB. Il se peut que certaines personnes soient sédévacantistes et adhèrent par ailleurs à des hérésies, c’est le cas des frères Dimond et de leur doctrine dite feeneyiste, qui nie l’enseignement de l’Église catholique concernant le Baptême de désir et le Baptême de sang. Ce problème n’a, en soi, aucun rapport avec le sédévacantisme. Ce serait un peu comme prétendre que tous les jésuites sont hérétiques, parce que quelques jésuites isolés ont défendu des doctrines fausses : il ne faut pas tout confondre, si certains membres d’un groupe adhèrent à des hérésies, cela ne rend pas le groupe en lui-même hérétique. L’analogie est imparfaite parce que les sédévacantistes ne constituent pas «un groupe» bien constitué, mais il s’agit simplement d’un ensemble de personnes qui font profession de foi catholique et qui se retrouvent donc à faire le constat d’une vacance du Saint-Siège. Cette position selon laquelle le Siège apostolique est vacant ne relève en rien de l’hérésie.


Le constat sédévacantiste est un jugement téméraire et illégitime

Réponse

« Si quelqu’un dit que Dieu unique et véritable, notre Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu’il soit anathème » 

L’Eglise défend ici la légitimité d’un jugement fondé sur des vérités naturelles. En l’occurrence : l’existence du monde, son harmonie et le principe de causalité. Ces choses étant certaines, la conclusion l’est aussi. Si un raisonnement correct met en œuvre une vérité de foi fondée sur l’autorité de Dieu et une vérité naturelle évidente, la conclusion exprimera un jugement doté d’une certitude absolue, propre à entraîner l’assentiment plein et entier de l’intelligence. Une telle conclusion est dite théologique. Par exemple : « Jésus est un homme (vérité de foi). Or les hommes ont une âme (vérité naturelle). Donc Jésus a une âme (conclusion théologique) ». 

Le constat actuel de la vacance du Siège apostolique n’a pas plus de prétention. Il se sert, dans sa démonstration, de données de foi, de faits d’observation immédiate et du principe de non-contradiction. La foi nous assure de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Elle nous assure qu’il est impossible qu’un Pape promulgue avec les évêques représentant l’Eglise universelle un texte contredisant un point de doctrine déjà fixé. Or, une telle promulgation s’est produite lors du concile Vatican II : la déclaration Dignitatis Humanae du 7 décembre 1965 contredit explicitement l’enseignement de Pie IX (entre autres) sur la liberté religieuse dans Quanta Cura (lettre encyclique du 8 décembre 1864). Donc les occupants du Siège apostolique qui ont « promulgué » et maintiennent en union avec tous les évêques une telle doctrine ne peuvent pas être Papes. 

Affirmations condamnées par Quanta Cura, 8 décembre 1864 [«  contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l’Église et des saints Pères »] Affirmations de Dignitatis Humanae, 7 décembre 1965 [«  le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même »]

a) la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande

a’) de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres

b) La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme

b’) Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse

c) Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée

c’) Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil

Ce qu’affirme Vatican II en (a’), (b’), (c’) est condamné par Quanta Cura en (a), (b), (c). Les deux textes se prononcent sur le même sujet : le droit d’exercice public des religions et des cultes, même non catholiques. Les deux textes en appellent à la Révélation et s’expriment, quoi que dans une époque particulière et en raison même de cette époque, d’une façon absolue, comme énonçant un principe de droit naturel.

Cette conclusion sur l’absence actuelle d’Autorité dans l’Eglise, au demeurant triste à poser et troublante pour tous les fidèles, s’impose dans la lumière de la foi, avec une certitude de l’ordre de la foi. Parce que la foi catholique est une, parce qu’elle n’abolit pas la raison et que le principe de non-contradiction est inhérent à son exercice, il est métaphysiquement impossible d’adhérer religieusement à l’enseignement et par conséquent à l’autorité de ces faux pasteurs. Tout fidèle prudent qui vit effectivement de la foi peut et doit conclure à l’absence d’Autorité. L’exercice de la foi catholique rend impossible l’assentiment à l’enseignement de Vatican II. 

Un jugement est téméraire et illégitime si il est prononcé précipitamment, sans intention droite et que les fondements sur lesquels il repose sont incertains ou faux. Par exemple : prêter une mauvaise intention à quelqu’un sans raison. Dans une matière si grave que la foi et avec des certitudes d’un degré tel que nous venons de l’exposer, le jugement s’impose absolument et constitue un devoir. Il ne s’agit pas d’un jugement a priori qui serait consécutif à un caprice de notre part, il s’agit de l’impossibilité métaphysique d’adhérer à une règle de foi qui contredit objectivement l’enseignement de l’Eglise. La meilleure volonté du monde ne pourra pas changer la nature des choses, une chose ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, être vraie et fausse. Nous pensons que cela suffit pour fonder la légitimité d’un tel jugement. Les fidèles ne peuvent pas, par jugement privé, ne pas accuser ceux qui « promulguent » ces enseignements, comme les fidèles de Constantinople rompirent la communion avec leur évêque Nestorius entre 428 et 431 (date de sa condamnation), car celui-ci enseignait une doctrine ouvertement contraire à la foi catholique.

L’imprudence se situerait au contraire dans la négation de ce jugement absolument certain. En effet, en rejetant cette conclusion, on est objectivement poussé à relativiser ou à nier des vérités de foi : soit en acceptant l’enseignement de Vatican II et ses suites, qui s’oppose en de nombreux points au Magistère de l’Eglise ; soit en le refusant, attribuant ainsi l’erreur au Pape et à l’Eglise, niant de fait la sainteté et l’infaillibilité de celle-ci.

Les catholiques qui font le constat de la vacance du Siège apostolique ne se substituent nullement à l’Eglise et à son autorité. Ce jugement n’est qu’un constat indubitable, il n’a pas force de loi et n’a pas de portée juridique objective pour l’Eglise. La privation d’autorité qui affecte actuellement l’Eglise rend précisément compliqué une telle sentence authentique. En revanche, de ce jugement certain découle le devoir de ne rien dire ni rien faire qui reviendrait pratiquement à reconnaître l’Autorité à l’actuel occupant du Siège ainsi que celui de proclamer, selon les règles de la prudence et conformément aux moyens dont chacun dispose, la vacance actuelle du Siège apostolique.

« Nous ne pouvons pas ne pas parler »

Act. IV, 20 

On a le droit de résister au Pape et à l’Église

Réponse

« Quant à déterminer quelles sont les doctrines révélées de Dieu, c’est la mission de l’Église enseignante, à laquelle Dieu a confié la garde et l’interprétation de ses paroles. Dans l’Église, le docteur suprême est le Pontife Romain. (…) [Il faut l’obéissance au Magistère de l’Église et du Pape]. L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elle est exigée par la foi elle-même, et elle a cela de commun qu’elle ne peut pas être partielle… C’est ce que St Thomas d’Aquin explique d’une manière admirable dans le passage suivant:“(…) Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l’Église enseigne; autrement, si, parmi les choses que l’Église enseigne, il admet ce qu’il veut et n’admet pas ce qu’il ne veut pas, il adhère non plus à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible, mais à sa propre volonté… L’unité [de l’Église] ne saurait être sauvegardée que si toute question soulevée en matière de foi est résolue par celui qui est le chef de l’Église entière, de sorte que sa sentence soit fermement acceptée par toute l’Église. C’est pourquoi de l’autorité du Souverain Pontife seul relève une nouvelle édition du Symbole comme toutes les autres choses qui regardent l’Église universelle” … C’est pourquoi le Souverain Pontife doit pouvoir déclarer avec autorité ce que contient la parole divine, quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines s’en écartent: pour la même raison, il doit pouvoir montrer ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour faire son salut; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de le vie humaine »

Léon XIII

Cette obéissance appartient à la foi catholique selon saint Pie X :

« C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Église et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Église et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi »

Saint Pie X, Catéchisme Romain, Petite Histoire de la Religion, éd. Itinéraires, reprint Dominique Martin Morin, 1978, p. 354

Le Concile Vatican II est pastoral

Réponse

Jésus-Christ a fondé son Eglise en la dotant du pouvoir d’enseigner les vérités contenues dans la Révélation pour les proposer à la foi des fidèles. Fondé sur la Sainte Ecriture, cette infaillibilité a toujours été crue et enseignée par l’Eglise et les théologiens (Voir par exemples l’œuvre de Mgr de Ségur, Le dogme de l’infaillibilité,pp.221-432). L’Eglise enseignante, composée du Pape et des évêques, ne peut pas errer dans son enseignement sur la foi et la morale. Lorsqu’un concile, qui n’est autre que l’Eglise enseignante réunie physiquement, enseigne qu’une vérité est contenue dans la Révélation ou nécessaire à sa compréhension, le fidèle est par le fait même tenu d’y adhérer. En tant que tel, le concile Vatican II aurait donc dû être infaillible toutes les fois qu’il proposait un enseignement en matière de foi et de morale, toutes les fois qu’il exposait une « vérité » contenue dans la Révélation ou nécessairement liée à celle-ci. C’est le cas plusieurs documents du concile qui posent problème à cause de leurs enseignements contraires à la doctrine catholique déjà définie : La déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse par exemple. Tous les fidèles auraient dû adhérer religieusement, dans la lumière de la foi, au principe de la liberté religieuse. Évidement, ce principe a déjà été infailliblement condamné par Pie IX (entre autres), signe que le concile Vatican II ne peut pas avoir été promulgué par un pape authentique.

Même dans ses dispositions disciplinaires qui peuvent être modifiées ou abrogées par l’autorité légitime du pape, l’Eglise ne fait qu’appliquer des principes de foi et de morale nécessairement vrais et bons. La discipline et la loi peuvent changer, les principes sur lesquels elles reposent ne le peuvent pas. Si elles peuvent être plus ou moins parfaites, plus ou moins opportunes, elles ne peuvent certainement pas conduire les fidèles qui les observent au mal et à la damnation, elles ne peuvent être nocives à la foi, la morale et le salut éternel : c’est l’inerrance ou « infaillibilité négative » (le cardinal Franzelin l’évoque : FRANZELIN, De Traditione, T. XII, Schol. 1. Cité par L. BILLOT, De Ecclesia Christi, T. I, P. II, c. II, q. X pp. 444-5). Soutenir le contraire va à l’encontre de la sainteté de l’Eglise qui est continuellement assistée par Jésus-Christ en donnant des moyens infaillibles de salut aux fidèles. Pie VI a d’ailleurs jugé cette doctrine « fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, offensive des oreilles pies, injurieuse pour l’Église et pour l’Esprit de Dieu par qui elle est conduite, et erronée pour le moins ». Redisons le donc clairement : même dans ses enseignements « pastoraux », l’Eglise ne peut pas se tromper en matière de foi et de morale.

L’article qui suit apporte une réponse plus détaillée : https://religioncatholique.fr/2021/09/02/peut-on-rejeter-vatican-ii-car-il-sagit-dun-concile-pastoral/


Être sédévacantiste c’est abandonner l’Église et en sortir

Réponse

On entend souvent qu’être sédévacantiste est une désertion et qu’il faut rester fidèle à l’Église malgré la crise et agir de l’intérieur.
Être fidèle à l’Église c’est être fidèle à la Foi. Est-ce que l’Église du Christ peut enseigner l’erreur, promulguer des lois mauvaises, et corrompre les âmes au point qu’elle enseigne une nouvelle religion qui n’a plus rien à voir avec le catholicisme et qui pousse à l’indifférentisme le plus absolu ? Non.
Ce n’est donc pas « l’Église » qui est en train de faire cela et dire qu’il faut « rester dans l’Eglise » dans ces circonstances c’est dire que l’Église est cette société corrompue que l’on voit actuellement.
Pour un catholique d’avant Vatican II, ce serait considéré comme un blasphème de dire que l’autorité de l’Église peut faire cela (enseigner l’hérésie et faire une liturgie protestante).
« Rester dans l’Église » c’est rester dans les paroisses corrompues dont on ressortira indifférent au Christ et à son message, et paradoxalement indifférent à son Église, puisque c’est un autre esprit qui anime la paroisse et toutes ses activités.
Beaucoup de « traditionalistes » qui veulent « infiltrer » ou « influencer de l’intérieur » sont devenus plus modernistes qu’ils ne l’étaient en commençant cette démarche. Cela se vérifie y compris pour la FSSPX qui est dans une mentalité de plus en plus libérale.

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La recherche de la vérité

Sommaire
· Définitions sur la vérité
· Des degrés de certitude
· Les vérités abstraites et spirituelles sont les plus certaines
· Plusieurs points de vue, pas plusieurs vérités
· Relativisme en paroles, réalisme en pratique !
· Une réalité extérieure qui s’impose à nous
· Méthodologie pour la recherche de la vérité


[Jésus dit :] Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité.  Quiconque est de la vérité écoute ma voix. Pilate lui dit : qu’est-ce que la vérité ?

Jean XVIII, 37-38

Pour Ponce Pilate, la question est rhétorique : aussitôt après l’avoir posée, il se détourne de Jésus pour revenir vers les Juifs qui le lui avaient amené. La quête de la vérité ne l’intéresse pas.

Mais pour vous lecteur, nous espérons que la question n’est pas rhétorique : vous cherchez peut-être la vérité, et vous avez de la peine à la trouver, vous avez de la peine même à mettre une définition sur ce terme dans un monde où l’agnosticisme et le relativisme sont devenus des sortes de dogmes religieux, que l’on ne peut pas remettre en cause sans devenir aux yeux des autres un extrémiste.

Celui qui a une quelconque croyance religieuse doit, pour être accepté socialement, présenter sa foi comme n’engageant que lui-même et relevant de son appréciation personnelle des choses, comme si elle ne dépendait pas d’une vérité objective.

Jésus dit pourtant : quiconque est de la vérité, quiconque est du « parti » de la vérité, écoute ma voix. Vous vous demandez peut-être quel est ce parti et s’il vaut la peine d’être rejoint. Dans ce cas, nous espérons que ce qui suit vous sera utile.

Des définitions

Il est rare que nous passions un jour sans prononcer le mot « vérité », sans l’entendre ou le lire, car ce terme est d’un emploi nécessaire pour parler des choses de la vie de tous les jours. En cette époque de « fake news » et de « fact checking », il acquiert même une sorte de caractère polémique : chacun fait profession d’être défenseur de la vérité.

Mais nous ne réfléchissons pas à une définition précise du terme, et lorsqu’il s’agit de réfléchir sur « ce qu’est la vérité », de philosopher sur le sujet, c’est presque toujours pour employer un langage fumeux, revenant à dire qu’il n’y a pas de vérité ou qu’on ne sait pas ce qu’est la vérité.

Sauf lorsqu’il s’agit de dénoncer les « fake news » !

Nous vous proposons une définition précise.

La vérité est la retranscription exacte ou le reflet, dans notre esprit, de la réalité, de ce qui est réellement. En latin :adequatio rei et intellectus, l’adéquation entre la chose (une réalité extérieure indépendante de nous) et l’intellect (notre capacité d’abstraction de sujet pensant).

C’est-à-dire que notre esprit est dans le vrai, que nous disons la vérité, lorsque ce qui est dans notre esprit et ce qui en sort (par la parole) est conforme à la réalité. On dit qu’une proposition ou un principe est « une vérité » lorsque, dans le domaine précis de cette proposition ou de ce principe, l’idée est conforme à ce qui est réellement.

Par exemple : dire que le point d’ébullition de l’eau se situe à 100°C à pression atmosphérique normale, c’est une vérité, continuellement vérifiable par l’expérience. Mais on peut dire aussi que c’est «la vérité» de manière plus générale, dans le sens que sur cette question précise du point d’ébullition de l’eau, il n’y a pas d’autre pensée conforme à la réalité que celle qui consiste à dire que ce point d’ébullition se trouve à 100°C.

Peut-être vous aviserez-vous de douter et de dire : « dire que l’eau bout à 100°C, ce n’est pas vrai, car suivant la pression atmosphérique, le point d’ébullition change». Vous n’avez pas vu la deuxième partie de notre proposition : « à pression atmosphérique normale ». Dire que l’eau bout à 100°C est vrai sous le rapport d’une condition atmosphérique ordinaire ; ce n’est pas vrai sous le rapport d’une autre condition, par exemple si l’on se trouve à 2000 mètres d’altitude.

Le fait qu’une chose puisse être vraie sous un certain rapport et fausse sous un autre rapport, dans un autre référentiel, n’est absolument pas un problème quant à la question de savoir s’il existe une vérité : je suis grand par rapport à une fourmi, je suis petit par rapport à une montagne, il ne s’agit pas de dire que je suis « petit » et « grand » en même temps et sous le même rapport.

L’eau peut bouillir à 100°C sous un certain rapport et à 85°C sous un autre.

Vous direz peut-être : il n’y a pas de « condition atmosphérique ordinaire », cette notion est simplement une convention humaine arbitraire et pas le reflet d’une réalité.

Nous vous répondons : c’est un terme humain qui correspond à une réalité bien qu’il soit entaché d’une certaine imprécision : on pourrait qualifier cette réalité plus précisément en employant des unités de mesure de la pression atmosphérique, de l’altitude, ou autre.

Peut-être que ce n’est pas 100°C mais 99,99999999°C dans la plupart des cas, qu’importe : dans la grosseur du trait, cela reste un principe vérifiable.

Cet exemple nous permets d’établir plusieurs choses :

Premièrement, que les « vérités scientifiques », qui sont censées être les seules propositions recevables par l’esprit de l’homme moderne et civilisé, sont en fait presque toujours entachées d’une certaine imprécision.

Ce n’est pas du relativisme que de le dire : c’est simplement qu’il est difficile de faire correspondre très exactement l’esprit humain avec cette réalité matérielle changeante et complexe qu’est l’univers.

Les vérités de la science physique ne sont pas parmi les vérités les plus « fortes », les mieux établies dans l’esprit humain, parce que leur objet est difficile d’accès.

Il y a des domaines de la réalité qui sont de nature à susciter dans l’esprit humain des pensées beaucoup plus précises et exactes de vérité, parce qu’ils sont plus abstraits et détachés de la matière, donc plus directement conformes à la nature de l’esprit : les mathématiques, la philosophie (nous en reparlerons).

Deuxièmement, que « la vérité » ce n’est pas seulement une grande question métaphysique, cela concerne d’abord et premièrement des choses de la vie ordinaire.

Pour faire cuire vos pâtes vous devez porter l’eau à son point d’ébullition, donc vous devez utiliser des outils particuliers pour chauffer cette eau : cuisinière, plaques de cuisson.

Vous vivez en fonction de cette vérité qui est dans votre esprit : vous savez que la réalité fonctionne ainsi, vous savez qu’il faut chauffer l’eau un certain temps et avec une certaine intensité pour parvenir à votre fin, qui est de faire cuire les pâtes.

Si dans ce domaine précis, vous refusez la vérité, par exemple vous choisissez pour vous une croyance selon laquelle l’eau n’a pas besoin d’être chauffée mais qu’il suffit de chanter dessus pour qu’elle bouille, vous passerez des heures à chanter sur votre eau et il ne se passera rien… c’est dommage.

Il vaut mieux, en toutes choses, chercher à connaître la vérité et à vivre en conformité avec elle.

Troisièmement, que l’on peut déjà à partir de cet exemple expliquer une méthodologie de la recherche de la vérité : pour conformer notre esprit à la réalité (puisque la vérité réside dans cette conformation, dans cette adéquation), il faut 1) se baser sur l’expérience, sur des choses immédiatement constatables, 2) faire des raisonnements.

C’est ce que l’on appelle, dans le premier cas, l’évidence immédiate (l’esprit trouve directement la réalité à l’aide des sens : par exemple, mon thermomètre placé dans l’eau affiche 100°C tandis qu’elle commence à bouillir, je le vois, et je sais que mon thermomètre fonctionne bien).

Dans le second cas, l’évidence médiate ou indirecte : l’esprit trouve la réalité en tirant d’une chose concrète un principe abstrait, en concluant de manière logique à l’existence d’un principe universel : si l’expérience de faire bouillir l’eau avec un thermomètre dans une condition atmosphérique normale donne toujours 100°C, ce n’est pas simplement que mon eau ce jour-là a bouilli à 100°C, c’est que d’une manière générale cet élément qu’on appelle l’eau est déterminé par nature à bouillir à telle température sous le rapport de telle condition atmosphérique.

Du particulier au général : c’est le raisonnement par induction, je remonte au principe à partir d’une multiplicité d’expériences.

Si je me trouve à l’autre bout de la terre mais que les conditions atmosphériques sont les mêmes que l’endroit où j’ai fait bouillir de l’eau la dernière fois, je sais que cette eau que je trouve à l’autre bout de la terre a le même point d’ébullition que l’autre eau : du général au particulier, c’est le raisonnement par déduction.

Des degrés de certitude

Comme nous le disions, cet exemple n’est pas tout à fait heureux : cette vérité sur le point d’ébullition de l’eau, pour pratique qu’elle soit, n’est pas extrêmement précise.

Il est beaucoup plus certain que 2 + 2 font 4 qu’il n’est certain que « l’eau bout à 100°C », car il faut toujours prendre en compte un certain référentiel. Mais alors, il n’y a pas de « vérité absolue et unique » sur ce sujet ?

Ce n’est pas ce que nous disons : sur ce point précis de la réalité, notre esprit s’approche de la réalité très fortement bien qu’il peine à s’y conformer de manière absolue (cf. la définition de la « condition atmosphérique normale »).

Ce qui est imprécis et hésitant, ce n’est pas la réalité en elle-même : c’est l’état de notre esprit, qui cherche à se conformer à cette réalité. Il y a certainement une manière plus précise et exacte de dire que l’eau bout à 100°C dans une pression atmosphérique normale : cette vérité existe, et on s’en rapproche avec cette proposition.

2 + 2 = 4. Voici quelque chose de beaucoup plus certain : parce qu’ici on ne se préoccupe plus des contingences de la matière, mais simplement d’étudier des principes abstraits.

Ceux qui disent : « mais là aussi, ce n’est vrai que selon un certain référentiel » se trompent. L’arithmétique, et les autres disciplines des mathématiques, ne sont pas des conventions sociales : ce qui est conventionnel, c’est d’appeler « deux » le deux, et « quatre » le quatre, d’utiliser le symbole « + » pour exprimer le principe de l’addition, mais derrière les mots et les symboles il y a une réalité abstraite universelle, si bien que l’on peut faire de l’arithmétique dans n’importe quelle langue : le mot change, la réalité désignée est la même.

Aujourd’hui, les mathématiciens s’amusent à faire des thèses entières en prenant des référentiels absurdes, par exemple en partant du principe que 2 + 2 = 5 : c’est simplement un jeu intellectuel, pour des génies un peu désabusés, ce sont de fausses mathématiques parce qu’elles ne reflètent pas la réalité.

Pendant ce temps, on emploie continuellement les vraies mathématiques pour interagir avec la réalité : sans mathématiques, pas d’industrie, pas de fiscalité, pas de comptabilité, pas de progrès technique : et c’est encore la meilleure preuve que la science mathématique correspond à la réalité, pour abstraite et invisible qu’elle soit, que de pouvoir constater à quel point elle a des conséquences pratiques et universelles dans la vie humaine.

Celui qui affecte de se moquer de l’arithmétique en disant qu’elle est une convention arbitraire utilise l’arithmétique tous les jours sans s’en rendre compte, et tout ce qui se passe autour de lui a une certaine part avec les principes de l’arithmétique.

Mais il y a des choses encore plus certaines que les mathématiques. Prenons ce principe :  « Les choses sont ce qu’elles sont, et ne sont pas ce qu’elles ne sont pas » : c’est un truisme, direz-vous.

Oui, c’est une banalité si l’on veut, mais cela reste une vérité métaphysique absolument certaine et universelle : elle s’applique à tout, on ne peut pas lui trouver d’exception. Pour l’exprimer encore plus précisément : « une chose ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, être et ne pas être ».

Les mathématiques ne s’appliquent qu’à étudier la réalité sous le rapport de la numération. La philosophie s’applique à étudier la réalité … en tant que réalité : c’est le degré le plus haut de la connaissance. La science physique étudie les lois de la matière, la biologie étudie les lois de la vie, la science mathématique étudie les lois de la numération, etc… tandis que la science philosophique, car il s’agit bien d’une science si l’on est réaliste, étudie les « les lois des lois », les principes qui régissent toutes les dimensions de la réalité.

C’est pourquoi une certitude philosophique, une vérité dans le domaine philosophique, est beaucoup plus certaine qu’une vérité dans le domaine des sciences appliquées : elle est plus directement conforme à la réalité que l’esprit humain essaye de connaître.

Cela ne veut pas dire qu’il est plus facile d’atteindre la vérité en philosophie qu’en mathématiques : cela veut dire qu’il est possible d’exprimer des propositions ayant un degré de certitude absolu, une fois qu’on les a bien comprises.


A gauche de l’image, Pythagore est en train d’écrire. Extrait de la fresque de Raphaël L’école d’Athènes.

Les vérités abstraites et spirituelles sont les plus certaines

« L’eau bout à 100°C dans une condition atmosphérique normale » : c’est une certitude pratique et approximative, qui pourrait être précisée ou discutée dans certaines limites. « Les choses sont ce qu’elles sont, et ne sont pas ce qu’elles ne sont pas », « deux plus deux font quatre » : ce sont des certitudes absolues, indiscutables sous aucun rapport, parce qu’elles ne dépendent pas des contingences de la matière : les vérités abstraites et spirituelles sont plus certaines que les vérités appartenant aux sciences expérimentales, parce que les principes qu’elle étudie sont plus généraux et moins particuliers.

L’esprit humain est capable, par l’effort conjoint de la constatation sensible (évidences immédiates) et du raisonnement (évidences médiates), d’établir en lui de très solides et très indubitables vérités : l’agnosticisme, qui affecte d’être une posture « rationnelle » ou « rationaliste », suivant laquelle on ne peut pas trouver la vérité avec certitude dans des domaines qui dépassent la pure constatation sensible, n’est conforme ni à la raison ni à l’expérience : les deux nous indiquent que les certitudes les plus fortes et les plus solides qui siègent dans l’esprit humain appartiennent à un domaine abstrait et insensible, par exemple les mathématiques, qui sont en elles-mêmes invisibles et purement abstraites mais qui ont des applications pratiques continuelles et splendides dans la vie humaine.

Voici le point de vue que nous défendons, qui est celui du réalisme philosophique, nous préciserons du réalisme spiritualiste : il n’y a pas de séparation étanche entre le « monde » des réalités sensibles et immédiatement accessibles, et celui des réalités invisibles et abstraites.

Il est commun pour les hommes de notre temps de séparer les deux de manière étanche, d’être très réaliste et pragmatique pour ce qui concerne les choses sensibles, et de « planer totalement » lorsqu’il s’agit de parler des choses invisibles et spirituelles :  lorsque l’on parle de philosophie ou de religion, tout d’un coup on abandonne le bon sens et on se livre à des considérations complètement absurdes et insondables.

Tel homme sera dans la vie de tous les jours un entrepreneur brillant, très réaliste lorsqu’il s’agit des affaires et des investissements : il sera dans sa vie privée adepte du yoga, du karma, de l’horoscope, ou de toutes sortes d’autres choses dont la véracité et l’efficacité spirituelle n’est ni prouvée ni prouvable, et il ne prétend pas qu’elles soient prouvées ou prouvables, il y adhère simplement parce que cela lui « parle ».

Nous sommes contre cette distinction : il faut être réaliste aussi bien dans les choses pratiques que dans les choses spirituelles, parce qu’il ne s’agit que d’étudier deux dimensions d’une même réalité.

Chercher à connaître la vérité en matière de philosophie et de religion, c’est chercher à connaître, suivant les données de l’expérience et les principes accessibles par la raison, la réalité telle qu’elle est, et non pas telle que l’on voudrait qu’elle soit.

Plusieurs points de vue, pas plusieurs vérités

« Chacun sa vérité », « j’ai ma vérité, tu as la tienne » : il n’est pas rare d’entendre ces paroles, lorsqu’il s’agit de parler de religion, de morale ou de philosophie.

Elles se basent sur une incompréhension du terme « vérité » : dans ce contexte, on pense souvent que « vérité » signifie simplement une chose à laquelle nous croyons et qui nous tient à cœur, qui nous motive, qui nous plaît, une doctrine avec laquelle nous essayons de guider notre vie.

Mais c’est bien une incompréhension : suivant la définition de la vérité comme l’adéquation entre l’intelligence subjective et la réalité objective, il ne peut pas exister « plusieurs vérités » en même temps et sous le même rapport. Parce qu’il n’existe pas « plusieurs réalités » : nous vivons tous dans une même réalité, que nous cherchons à comprendre et à connaître, et s’il existe plusieurs interprétations ou plusieurs croyances sur le sens qu’il faut donner à cette réalité, ce n’est pas que cette réalité correspond en même temps à ces différentes croyances, mais plutôt qu’il y a des croyances vraies et des croyances fausses : ainsi par exemple dans le débat sur les « fake news », il n’est pas question de considérer que les défenseurs de « théories du complot » et les défenseurs des « versions officielles » aient en même temps raison, qu’ils aient chacun « leur vérité » … au contraire, il est bien évident pour tout le monde que certains ont raison, et que d’autres ont tort, quel que soit d’ailleurs le parti où l’on se place dans la querelle. Ce principe vaut pour tous les domaines de la vie, il vaut donc a fortiori pour la philosophie et la religion.

Il peut exister une multitude de croyances contradictoires, qui guident la vie de peuples entiers depuis de nombreux siècles : telle partie du monde croit en l’islam, telle autre en l’hindouisme.

Ces croyances contradictoires ne peuvent pas être toutes vraies en même temps et sous le même rapport : parce qu’il n’est pas possible, par exemple, que Dieu soit en même temps transcendant (comme dans la doctrine catholique : Dieu est radicalement distinct, indépendant et supérieur par rapport aux créatures) et en même temps immanent (comme dans l’hindouisme : chaque créature « est Dieu », il n’y a pas de distinction radicale entre les deux). Les deux idées s’excluent absolument : elles ne peuvent pas être toutes les deux conformes à la réalité.

Relativisme en paroles, réalisme en pratique !

Beaucoup ont le relativisme sur les lèvres : impossible, dit-on, de savoir si Dieu existe, de savoir s’il y a une vraie religion, de savoir s’il y a une vraie morale, de savoir s’il y a une vraie doctrine politique, de savoir même s’il y a une vraie réalité, une vraie vérité … on affecte de douter de tout, on prétend que le doute est la base de la maturité intellectuelle et du progrès scientifique,  on prétend « qu’il n’y a de science que de réfutable », que ce qui est vrai aujourd’hui sera faux demain, qu’il y a de la fécondité dans la contradiction. On l’affecte et on le prétend : ce sont des paroles.

Dans les faits, personne n’y croit véritablement. Il est impossible de vivre en conformité avec le relativisme : ce serait cesser de vivre. Il est possible d’être relativiste le temps d’une discussion mondaine, pour avoir l’air philosophe : mais les choses se compliquent lorsqu’il est question de faire des affaires, de mener à bien des projets immobiliers, d’investir en bourse, de poursuivre une formation universitaire ou professionnelle, de concevoir des machines, de programmer un site web, d’organiser ses prochaines vacances, d’éduquer des enfants, d’avoir une relation harmonieuse avec son conjoint, de gagner un procès, de gagner un match de football, de trouver un fournisseur d’abonnement téléphonique … en bref, dans tous les domaines de la vie, on ne peut pas être relativiste : il y a une réalité tangible, qui s’impose à nous que nous le voulions ou non, que l’on doit chercher à connaître objectivement et sans préjugés au risque de commettre des erreurs immédiatement dommageables à nos intérêts et ceux de nos proches.

Tout le monde est réaliste, tant qu’il en va de nos intérêts personnels. Si la majorité de nos contemporains ne sont pas réalistes en philosophie et en religion, c’est parce qu’il leur semble qu’une telle démarche irait contre leur intérêt et leur goût : je ne veux pas me soumettre à une autorité ou à un dogme, je ne veux pas qu’on me dise ce que je dois faire, je veux penser librement.

Ce n’est pas un point de vue rationnel : c’est plutôt un rejet de la rationalité, une « démission de l’intelligence », le refus qu’il puisse y avoir une vérité intangible à laquelle il faille se soumettre, parce que s’y soumettre pourrait contrarier notre confort, notre plaisir et notre volonté propre.

Mais dans d’autres domaines, par exemple dans le domaine de la défense des mesures sanitaires contre le covid-19, comme leur intérêt et leur cœur se porte vers ces mesures, il est hors de question pour eux de prétendre qu’il puisse y avoir plusieurs points de vue valables, plusieurs « vérités » acceptables concernant la réalité de la crise sanitaire : ils n’hésitent pas à employer le discours, les méthodes et les procédés des civilisations « inquisitoriales », « dogmatiques », « absolutistes », « dictatoriales » contre ceux qui ne croient pas dans la réalité de la crise sanitaire.

Nous disions « relativisme en paroles, réalisme en pratique » : nous pouvons dire également « libéralisme en paroles, intégrisme en pratique ». Lorsqu’il s’agit de la crise covid, il n’y a plus ni liberté de pensée, ni liberté d’expression, ni liberté de faire ce qui nous plaît au détriment de principes moraux universels et intangibles : les discours complotistes doivent être réfutés, muselés et réprimés, ceux qui enfreignent les mesures doivent être poursuivis et châtiés sévèrement, toute la population doit être éduquée et informée de la réalité de l’épidémie et des mesures à prendre, il faut être prêt à tous les sacrifices pour prendre acte de cette réalité.

En cela les covidistes sont cohérents avec une exigence fondamentale de l’esprit humain : il ne peut pas y avoir plusieurs vérités parce qu’il n’y a qu’une seule réalité qui s’impose à tous qu’on le veuille ou non, et les opinions fausses sont dangereuses parce qu’elles poussent les hommes à agir en difformité avec la réalité, et ainsi faisant à se nuire à eux-mêmes et à nuire à tous les autres. Sur le principe, les catholiques du Moyen-Age n’en disaient pas moins !

Le Pape et l’inquisiteur, Jean-Paul Laurens

Une réalité extérieure qui s’impose à nous

Dans ces domaines pratiques que nous venons d’évoquer, le bon sens nous défend de privilégier notre vision subjective des choses à une réalité objective qui n’est peut-être pas facile à connaître, mais que l’on doit chercher à connaître le mieux possible pour pouvoir espérer quelque succès. Si je veux entreprendre dans un domaine particulier, je dois faire une étude de marché : c’est-à-dire, essayer de connaître le plus objectivement et le plus précisément possible la réalité de ce marché, pour me plier à cette réalité : cette réalité ne dépend pas de moi, mon esprit n’a pas le pouvoir de la modifier ou de la contrôler.

Je dois me positionner en conséquence de cette réalité extérieure, sinon mes investissements seront hasardeux et mes efforts probablement inutiles.

Dans l’entreprenariat, le risque doit être contrôlé, l’ignorance totale n’est pas permise. On ne peut pas se permettre de laisser au hasard, à une croyance injustifiée ou à la fantaisie de notre humeur une affaire aussi grave.

Pourtant c’est ce que beaucoup de gens font en matière de morale et de religion : ils vivent « au hasard », suivant leur fantaisie, suivant des croyances personnelles qu’ils se sont fabriquées ou qu’ils ont trouvé chez un maître quelconque, et qu’ils observent simplement parce qu’elles leur plaisent, parce que cela leur parle.

Et c’est de la folie : parce que s’il y a une réalité objective dans les affaires, on ne comprend pas pourquoi il n’y aurait pas de réalité objective concernant l’ordre du monde, son origine et sa finalité.

Le monde des affaires et le « monde de la religion » appartiennent à un même univers, à une même réalité : c’est simplement que le monde des affaires se circonscrit à un aspect particulier de la vie, tandis que la philosophie, la religion et la morale ont pour objet la vie dans son ensemble.

Quel entrepreneur voudrait d’une doctrine sur sa discipline qui serait belle et pleine d’attrait, mais prouvée par rien du tout, et ayant toutes les chances d’être le simple fruit de la fantaisie de l’esprit humain ? Serait-il prêt à emprunter 300 000€ à sa banque sans avoir une forme de certitude pratique qu’il pourra les rembourser ? C’est cette certitude qu’il lui faut, peu importe ce que lui disent les beaux-parleurs et les charlatans qui lui proposent de le rendre riche en un clin d’œil. Il est prêt à accepter un certain degré de risque et d’inconnu, mais pas à risquer tout sur de belles paroles : « c’est du bon sens ».

Méthodologie pour la recherche de la vérité

Ce qui vaut pour l’entreprenariat vaut pour tout le reste : si vous n’acceptez pour seule règle de votre pensée que le bon sens, vous finirez par trouver la vérité. Et tandis qu’en matière économique vous n’aurez que des certitudes limitées et approximatives, étant donné le caractère contingent et évolutif de votre objet d’étude, en matière de réalités spirituelles universelles, vous pourrez trouver des certitudes indubitables, car votre objet d’étude est immuable et éternel.

Pour qui cherche donc sincèrement la vérité dans ces matières très élevées, il faut avoir à peu près la même approche que lorsque l’on cherche la vérité en matière de conjoncture économique et de compréhension des marchés : il faut utiliser les données de l’expérience et de la raison, en se basant sur des sources fiables. Nos préjugés, nos sentiments, nos répugnances, ne valent pour rien dans cette recherche : il n’importe que de comprendre la réalité telle qu’elle est, et de s’y conformer, sous peine de faire fausse route.

Mais pour autant, ne soyons pas dupes : dans ces matières très élevées, tout ne se limite pas à l’usage de la raison. Raisonner sur l’économie, sur la science physique ou sur les mathématiques ne vous engage à rien : c’est quelque chose de plaisant, vous vous cultivez.

Mais raisonner sur les grandes vérités sur l’origine et la fin de l’univers, sur le sens de la vie humaine, cela pourrait vous engager à des changements concrets dans votre vie, à des sacrifices : peut-être que déjà, il y a un conflit qui s’opère en vous entre votre intelligence qui est attirée par ces démonstrations sensées et raisonnables, et votre partie charnelle et sensible qui ne veut que « profiter de la vie » et laisser de côté ces grandes questions si pesantes et si sérieuses.

Il faut entrer dans la recherche de la vérité avec un cœur humble et sincère : mieux vaut trouver une vérité déplaisante, que de vivre honteusement dans un mensonge qui nous plaît.

Mieux vaut avouer s’être trompé, peut-être s’être trompé la plus grande partie de sa vie, que de continuer avec obstination et orgueil à défendre des choses fausses. Il faut aimer la vérité par principe, même si on n’est pas encore sûr de connaître la vérité, que l’on pense pouvoir se tromper : aimer la vérité par-dessus tout, parce qu’il est bien certain qu’il y a une vérité, et qu’au prix de quelques efforts on peut la trouver.

Parce que l’homme est un être doué d’intelligence et de volonté, qui sont les facultés qui le distinguent du reste du règne animal, il faut que les deux fonctionnent ensemble : la volonté doit dicter à l’intelligence de chercher la vérité comme sa fin, elle doit aimer la vérité et haïr le mensonge. Si la volonté se perd à mi-chemin dans l’amour de quelque chose qui relève du mensonge, l’intelligence ne parviendra pas à voir la réalité.

En parlant de ceux qui aiment la vérité, même s’ils ne l’ont pas encore trouvée, le Christ dit :

« Quiconque est de la vérité écoute ma voix ».


Le Christ quittant le prétoire, Gustave Doré

Jean-Tristan B.


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Prouver l’existence de Dieu

Sommaire
Principes généraux
Preuves philosophiques
Preuves psychologiques et morales


L’être ne peut pas provenir du néant

La théologie catholique, qui reprend à son compte les acquis de la philosophie réaliste grecque (Socrate, Platon et Aristote), énumère traditionnellement 5 preuves ou « voies » qui font conclure par la seule raison qu’il existe un Dieu tout-puissant, créateur et ordinateur du monde : la preuve par la causalité (Dieu cause première), la preuve par le mouvement (Dieu premier moteur), la preuve par l’ordre du monde (Dieu intelligence ordinatrice), la preuve par la contingence (Dieu seul être nécessaire), la preuve par les degrés de perfection (Dieu être parfait et Acte pur). Il existe également, chez Saint Thomas d’Aquin ou chez les apologètes des siècles suivants, des raisonnements et des principes qui complètent ces preuves philosophiques, mais en se basant sur des considérations propres à la nature humaine : les preuves dites « psychologiques », par exemple celle qui fait découvrir l’existence de Dieu à travers l’aspiration des hommes au bonheur parfait, ou encore la preuve de l’existence de Dieu par l’objectivité de la loi morale.

Le Père Réginald Garrigou-Lagrange, spécialiste de la philosophie de Saint Thomas d’Aquin, après avoir longtemps discouru et enseigné sur le sujet, résume toutes les preuves de l’existence de Dieu à un seul principe :

« le plus ne sort pas du moins, ou mieux, le plus parfait ne peut pas être produit par le moins parfait, comme par la cause pleinement suffisante qui en donne raison ; en d’autres termes : le supérieur comme tel ne peut pas s’exprimer par l’inférieur ».

R.P. Réginald Garrigou Lagrange O.P., Dieu accessible à tous, 2015 (réédition), éditions Quentin Moreau, p.12

Nous pouvons reformuler encore plus simplement et universellement ce principe : l’être ne peut pas provenir du néant. Si quelque chose existe, et que cette chose a un jour commencé d’exister, il faut qu’il existe autre chose d’antécédent qui rende raison de son existence. Cette chose antécédente doit contenir en elle-même un principe qui la rend capable de « donner naissance » à la chose suivante : la cause est par nature supérieure à l’effet, parce qu’un être ne peut pas donner à un autre des perfections qu’il ne possède pas lui-même.

Ce principe peut sembler très abstrait, mais en réalité, il s’applique à absolument tout, tout le temps, depuis toujours et pour toujours. Aucune réalité n’échappe à cette loi. A tel point que ceux-là même qui tentent de la nier sont obligés, pour cela, d’employer des idées et des termes qui n’ont aucun sens à moins de ne considérer que le principe qu’ils cherchent à nier est vrai : leur esprit est, comme celui de tous les êtres humains, incapable de fonctionner en dehors des principes premiers de la raison que sont le principe d’identité (une chose est ce qu’elle est, et n’est pas ce qu’elle n’est pas) et le principe de causalité (tout effet a une cause proportionnée qui rends raison de son existence), principes résumés en dernière instance par ce que nous disions plus haut : l’être ne peut pas provenir du néant. Lorsque que quelqu’un dit « ce n’est pas vrai », quelle que soit la chose qu’il cherche à nier, il raisonne suivant le principe d’identité. Lorsque quelqu’un dit « l’être peut provenir du néant », il raisonne suivant le principe de causalité, même s’il raisonne à contre-courant de la réalité.

Nous appliquons sans cesse ce principe dans la vie quotidienne : il ne se passe pas un jour sans que tous les êtres humains ayant l’usage de la raison ne se demandent quelle est la cause d’un phénomène qu’ils observent ou qu’ils subissent, ou bien quelle serait la cause à « activer » pour produire un effet qu’ils cherchent à atteindre. Il est absolument évident aux yeux de tous que si une chose existe, quelle qu’elle soit, elle n’existe pas « par elle-même » simplement mais il existe autre chose d’antécédent qui rends raison suffisante de son existence : « Je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger ». L’horloger est un être qui dispose en lui-même de la faculté de produire l’horloge : on ne peut pas envisager qu’un effet résulte d’une cause qui ne lui est pas supérieure en nature. L’horloge produite, pour parfaite qu’elle soit dans son ordre, est moins parfaite que l’horloger, parce qu’elle n’a pas, entre autres choses, la faculté de donner elle-même naissance à d’autres horloges : l’horloge est définitivement un être inférieur à l’horloger.

L’horloger de Suisse, Norman Rockwell (détail du tableau)

Il est également évident que si l’on veut obtenir un bien, remplir un objectif quelconque, il faudra mettre en œuvre les moyens proportionnés aux fins que l’on se propose d’atteindre, autrement dit ordonner les causes aux effets. Pour créer une horloge, l’horloger sait qu’il doit ordonner tel composant, tel type de métal, d’une manière déterminée au but qu’il se propose d’atteindre.

Dans ces exemples, le principe général admis implicitement par tous est donc le suivant : l’être ne peut pas provenir du néant. Rien ne produit rien : si quelque chose existe, il existe autre chose qui rends raison de son existence. Et si l’on ne fait strictement « rien », il ne se passera strictement rien. C’est suivant ces exigences fondamentales de la réalité que les scientifiques passent leur vie à chercher la cause des phénomènes physiques, biologiques, chimiques ou autre qu’ils observent, qui ne peuvent pas « provenir de nulle part ». C’est suivant cette même exigence que les hommes travaillent en vue d’obtenir certaines fins, et répètent à l’envi « qui ne tente rien n’a rien ».

Ce principe, appliqué à la question de l’existence de l’univers, doit nous mener au raisonnement suivant : l’univers, être contingent et fini qui a un jour commencé d’exister (1), ne peut pas trouver en lui-même la raison suffisante de son existence, pas plus qu’une horloge ne puisse trouver sa raison d’être en elle-même, comme si on pouvait expliquer son existence sans remonter à l’horloger. Pourtant, l’univers existe : il faut nécessairement, pour rendre raison de son existence, qu’il existe un être supérieur qui l’ait causé, car l’être ne peut pas provenir du néant. Un être supérieur, car le plus ne sort pas du moins. Mais cet être supérieur antécédant à l’univers n’est pas simplement un créateur fini, qui aurait pu lui-même être créé par un autre : si l’on pousse le principe d’identité et le principe de causalité jusque dans leurs dernières conclusions, il faut admettre qu’il existe, à l’origine de tout, un être qui seul trouve sa raison d’être en lui-même, qui seul ne soit pas causé, et seul soit absolument parfait et capable de causer tout ce qui existe hors de lui. C’est cet être que l’on appelle Dieu.

(1) L’univers a commencé un jour d’exister, même du point de vue des scientifiques athées. La « théorie de l’Expansion de l’Univers » suppose bien un commencement de l’univers.


Si ces raisonnements ne vous semblent pas encore suffisamment clairs, nous espérons que l’une ou l’autres des preuves vous fera fera ressentir plus clairement combien le bon sens amène à la certitude qu’il existe un Dieu. Des ouvrages d’une grande qualité existent sur le sujet et sauraient vous expliquer mieux que nous le fond de ces grandes questions (voir sur la page Documents la rubrique Apologétique). Nous ne faisons que résumer ce qu’ils disent de manière à toucher un public plus large.

Pour les lecteurs catholiques, nous rappelons que l’Eglise enseigne avec autorité qu’il est possible d’arriver par la seule raison à la certitude absolue de l’existence de Dieu, et non point simplement à une explication probable ou vraisemblable de l’existence de Dieu, comme le pensent fautivement un nombre toujours plus grand de catholiques. Voici à ce sujet un extrait du serment antimoderniste de Saint Pie X (« étrangement » supprimé par Paul VI) :

Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » [Rm 1,20], c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.

Motu proprio Sacrorum antistitum, 1910

Pour être sérieusement antimoderniste, c’est à dire être capable de résister, dans l’ordre religieux ou dans tout les autres domaines de la vie, à ce que le monde moderne comporte de mauvais et de pervers, et être capable de proposer quelque chose de mieux (ce serait peu de choses de simplement dénoncer et condamner, s’il n’y avait pas en contrepartie des propositions positives à émettre), il faut à notre avis commencer par remettre Dieu au centre de tout, et donc remettre Dieu au centre de nos esprits : comprendre à quel point tout vient de Dieu, tout parle de Dieu, tout doit mener à Dieu. Il n’y aura pas de restauration de la société s’il n’y a pas d’abord, à ce niveau, une restauration des intelligences.

Dans ce monde dominé par des doctrines d’inspiration kabbalistique, nous noterons avec intérêt que que la « Genèse » de la Kabbale repose sur le principe suivant lequel l’être primordial créateur, Adam Kadmon, est issu de la contraction de l’En Sof, c’est à dire … du néant (2). Si l’on estime que ces doctrines mettent « tout à l’envers » dans l’ordre des valeurs et des principes fondamentaux de la vie humaine, alors pour « remettre les choses à l’endroit », il faut prendre le problème à la racine : non, il est absolument impossible et absurde que Dieu qui est l’être même ait pu « provenir du néant ». Dire que le « principe premier transcendant » est assimilable au néant, c’est la première et la plus fondamentale des absurdités, contraire au sens commun et à toute forme de réalité. Commencer par remettre l’être suprême, transcendant et créateur au centre de tout, comprendre à quel point son existence est évidente et nécessaire : voici ce que nous devrions faire, pour fonder la lutte contre les principes faux du monde moderne, et proposer en contrepartie les vérités éternelles qui seules sont capables de procurer la paix aux individus et aux sociétés, dès cette vie terrestre, et dans la vie du siècle à venir.

(2) Voici une explication du célèbre kabbaliste Charles Mopsik sur l’En Sof :
« Ce principe ne peut être identifié au Dieu des croyances et des pratiques religieuses. Rien ne saurait le définir et la notion même d’existence ne lui est pas applicable. Aussi, les cabalistes se sont demandé : comment faire pour que ce principe primordial et caché, dont on ignore même s’il existe, puisse vraiment avoir un sens pour nous les hommes ? Ce sont eux qui donnent un sens aux mots et aux choses qu’ils éprouvent. La pure transcendance n’a aucun intérêt et n’est rien (elle est même appelée parfois « néant ») ».


Preuves philosophiques

Les preuves physiques ou philosophiques de l’existence de Dieu sont des preuves a posteriori. Cela veut dire qu’elles s’appuient avant tout sur l’observation du monde et l’expérience. Ces données expérimentales sont par exemple : l’existence du monde, le changement, les enchaînements de causes, la contingence des êtres, l’ordre de l’univers. En plus cette expérience incontestable, elles utilisent les premiers principes de l’être qui sont tout autant incontestables. Ces principes sont : 1° le principe d’identité (une chose est ce qu’elle est et pas une autre) et le principe de non-contradiction (une chose ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, être et ne pas être) qui sont identiques mais formulés différemment (l’un positivement, l’autre négativement), 2° le principe de causalité (du néant, sans cause, rien ne provient ou tout ce qui commence d’être, donc tout ce qui est contingent, a une cause proportionnée), 3° le principe de raison suffisante (tout ce qui est à de quoi être), 4° le principe de substance (il n’y a pas de changement sans chose qui change), enfin 5° le principe de finalité (aucun agent n’agit si ce n’est en vue d’une certaine fin, et tout ordre suppose un ordonnateur). Ces principes sont saisis intuitivement et immédiatement par l’intelligence (dès ses premiers pas chez l’enfant, l’intelligence les saisit au contact du réel, sans évidemment les formuler ainsi… mais comme exigence foncière et vitale de la raison) en tant que réalités premières, nécessaires et universelles sans lesquelles toutes les autres réalités ne seraient pas (et que ces réalités supposent donc forcément). Tous nos actes (fonctions vitales, connaissances, pensées, opérations extérieures, science etc.), du plus élémentaire au plus complexe, les suppose et les implique. Ce sont des évidences, au même titre (et même plus fondamentalement) que nos observations. A partir de ces données évidentes (observation et principes) mises en relations, on formule un raisonnement qui nous donne une conclusion déjà implicitement contenue ces données. Sans être une évidence au sens propre (une réalité qui n’exige pas de démonstration, étant antérieure à toutes les réalités pour nous), l’existence de Dieu découle naturellement de données évidentes, et jouit à ce titre d’une certitude absolue. Sa saisit appartient aussi aux données du sens commun, c’est-à-dire aux réalités auxquelles l’utilisation naturelle et spontanée de l’intelligence peut parvenir sans difficulté. Affirmer l’existence de Dieu et de ses attributs est inévitable et obligatoire pour rendre compte du réel en bonne intelligence. C’est ce qu’exprime bien le Père Jolivet:

Dieu tel que la raison le démontre ne représente pour nous qu’une hypothèse nécessaire. Mais nous ajouterons deux remarques. Nous observons, en premier lieu, qu’une hypothèse nécessaire, c’est-à-dire telle qu’en dehors d’elle le réel ne puisse être intelligible, est une véritable preuve. De toutes les choses qui ne s’éprouvent pas, soit qu’elles dépassent essentiellement l’expérience sensible, soit que par accident elles échappent à notre expérience individuelle, nous ne pouvons avoir d’autre preuve que rationnelle, mais quand cette preuve est donnée, nous la tenons pour décisive… Par suite, une expérience que conclut la raison fondée sur l’expérience peut bien recevoir, si l’on veut, le nom « d’hypothèse ». Cette hypothèse en fait est une certitude puisque sans elle le réel serait inintelligible. Que cette existence soit ensuite éprouvée, c’est un surcroît de preuve, mais ce n’est pas une condition sine qua non de la valeur de nos conclusions rationnelles. Par elle-même, et en dehors de l’expérience supplémentaire, la preuve vaut toujours. Il nous semble que l’hésitation de certains philosophes sur ce point provient d’une confusion entre l’hypothèse scientifique et l’hypothèse métaphysique. La première exige, en effet, d’être vérifiée par l’expérience pour avoir le droit d’être affirmée vraie, parce qu’elle a pour objet le monde de la contingence. Les lois physiques ne sont pas des expressions de la raison absolue: elles pourraient être autres sans contradiction. Très souvent même elles ne sont que de pures expressions symboliques du réel phénoménal. Par suite, dans le domaine physique, l’expérience sensible est le seul critère valable de l’hypothèse. Il n’en va pas de même au point de vue métaphysique. Les lois ou les existences métaphysiques que démontre la raison fondée sur l’expérience, ont une valeur absolue, parce que la démonstration porte, non plus sur les phénomènes, ou monde de la contingence radicale, mais sur les principes universels et premiers de l’être, c’est-à-dire sur le monde intelligible, domaine absolu de la raison soustraite à la contingence. L’hypothèse, en cet ordre, quand elle est nécessaire, c’est-à-dire, d’une part, quand elle est la seule possible, et que, d’autre part, sans elle, la contradiction s’installe au sein de l’être, devient une certitude, et même, en droit, la plus haute certitude dont nous soyons capables. Et l’expérience directe (quand elle est possible) des réalités conclues par la raison métaphysique, ne peut rein y ajouter qu’un surcroît accidentel et nullement requis.

Père René Jolivet, Etudes sur le problème de Dieu dans la philosophie contemporaine, Vitte, 1932

Ou encore le Père Garrigou Lagrange :

Il faut choisir: Dieu, ou l’absurdité radicale.

R.P. Réginald Garrigou Lagrange O.P., Dieu accessible à tous, 2015 (réédition), éditions Quentin Moreau

Ainsi, nous remontons, à partir des seules évidences exposées ci-dessus, sans présupposés indus, des effets à la cause. Et ainsi nous nous élevons des choses qui sont mues au premier Moteur immobile, des causes subordonnées à la Cause première, des êtres contingents à l’Être nécessaire, des degrés de perfection au souverain Parfait, de l’ordre de l’univers à l’Intelligence ordinatrice.

L’exposé qui suit reprend en substance les travaux de l’abbé Robert et du chanoine Texier, dont vous trouverez les liens dans notre bibliothèque. Nous nous sommes permis d’ajouter des choses entre parenthèses ou dans le texte lui-même.

Le premier moteur

L’observation la plus vulgaire et l’expérience scientifique la plus rigoureuse proclament que les choses de cet univers sont en mouvement. En effet, les choses les plus microscopiques (atomes, électrons, molécules) comme les immensités de l’univers (planètes, étoiles, galaxies) sont en mouvement. Elles bougent, elles croissent et s’altèrent, elles naissent et meurent. Mais ce mouvement, d’où vient-il? Appartient-il essentiellement aux êtres qui se meuvent? En d’autres termes, les choses de ce monde sont-elles elles-mêmes le principe adéquat du mouvement dont elles sont le sujet? Sont-elles à la fois moteur d’où le mouvement procède et le mobile qui le reçoit? On ne saurait le soutenir sans contredire le bon sens et la raison.

Qu’est-ce que le mouvement? Nous appelons de ce nom toute mutation ou tout changement en vertu duquel une chose va d’un lieu à un autre (mouvement local), ou bien passe d’un état à un autre pour acquérir ce qu’elle n’avait pas et pour devenir ce qu’elle n’était pas (mouvement substantiel ou de génération/corruption; mouvement quantitatif ou d’accroissement/diminution; mouvement qualitatif). Soit un bloc de marbre dont on fait une statue. Avant le changement, le bloc possède une aptitude réelle à devenir un objet d’art, après le changement, il est le chef-d’oeuvre admiré de tous. Pendant le changement, il passe d’un état à un autre, de l’état de perfection possible et réalisable dont il était auparavant susceptible, à l’état de perfection actuelle et réalisée que maintenant il possède de fait, de l’état inachevé à l’état achevé, il passe  » de la puissance à l’acte », pour parler le langage des philosophes. Ce passage de la puissance à l’acte est le mouvement.

Mais est-il possible que le bloc de marbre informe passe de lui-même de la puissance à l’acte, ou mieux, se transforme en statue? Le bon sens et la raison répondent négativement, puisque aucun être ne peut se donner une réalité ou une perfection qu’il n’a pas. La bloc de marbre, pur devenir oeuvre d’art, doit subir l’action du ciseau manier par l’intelligence et la force du sculpteur. Il faut donc admettre que, pour passer d’un état à un autre, toute chose doit recourir à une cause extérieure, autrement dit: tout être en mouvement est mû par un autre. D’autre part, on le constate facilement, le monde est composé d’êtres qui sont à la fois moteurs et mobiles, moteurs par rapport à un mobile qu’ils meuvent, mobiles par rapport à un moteur qui les meut.

Cependant allons-nous remonter par la pensée de moteur en moteur indéfiniment et sans nous arrêter jamais (à la fois dans le temps et actuellement)? Ne devons-nous pas plutôt conclure qu’il doit exister nécessairement au-dessus de tous ces moteurs dont l’un pousse et meut l’autre, un moteur premier, indépendant, qui les domine tous qui imprime à tous et à chacun d’eux, par l’intermédiaire de certains autres, le mouvement que lui-même ne reçoit pas, parce qu’il n’a pas besoin de le recevoir, entendu qu’il en est la source inépuisable? Sans lui le mouvement des autres est inexpliqué et inexplicable. Or ces mouvements innombrables sont donc lui est aussi. Lorsqu’on voit, échelonnés sur le flanc d’une colline, une série de réservoir dont le supérieur alimente l’inférieur, on en conclut, sans qu’on ait besoin de le voir et sans crainte d’erreur cependant, qu’il y a quelque part là-haut, sur le sommet, un réservoir plus vaste, un réservoir-source dont les eaux jaillissantes se répandent sur les bassins inférieurs, de l’un à l’autre jusqu’au dernier. Supprimer cette source; tous les bassins qu’elle alimentait seront à sec. Ainsi en est-il de toute série de moteurs actuellement et essentiellement subordonnés. Supprimer le premier, les autres n’agissent plus; ils n’existent plus, du moins comme moteurs. Or ce premier moteur, source de tout mouvement, nous l’appelons Dieu.

Premier moteur indépendant et dont dépendent tous les autres, Dieu ne peut donc pas changer, il est immuable. Le changement étant le passage de la puissance à l’acte, ce premier moteur est forcément un acte pur, c’est à dire pure perfection. Il ne peut rien perdre ni rien acquérir puisqu’il est déjà la plénitude de la perfection. Il donne sans rien recevoir.

La cause première

La science et l’expérience s’accordent encore pour admettre dans le monde une série de causes efficientes subordonnées. Les créatures les plus petites ou les plus imparfaites comme les créatures les plus complexes, un grain de sable, un moucheron, un homme ou un ange par exemple, exigent tout un ensemble d’influences cosmiques et de conditions naturelles dépendantes les unes des autres, nécessaires à leur production (naissance, apparition), à leur conservation et à leur action. Il en va ainsi pour absolument tous les êtres organiques et inorganiques qui s’étalent sous nos yeux.

Mais ces influences dépendantes l’une de l’autre, ces causes subordonnées, ne peuvent pas être causes d’elles-mêmes, car la cause est avant l’effet (au moins d’une antériorité de nature, si ce n’est d’une antériorité de temps) et le sujet (la pierre, le grain de sable, l’homme…) qui subit l’effet est incapable de se donner lui-même ce qu’il n’a pas; et, si ces causes subordonnées se donnaient l’existence, elles seraient antérieurs à elles-mêmes, ce qui est absurde et impossible.

Il faut donc admettre que cet ensemble presque infini (des milliards de milliards à la seconde partout dans l’univers!) de causes subordonnées et dépendantes l’une de l’autre, n’existant par par soi, dépendent de causes supérieures et antérieures qui, à leur tour, sont subordonnées à d’autres. Mais on ne peut aller à l’infini dans la série des causes! Tôt ou tard, on se heurte à une cause non causée qui a l’être par soi et qui le donne et le conserve aux autres, sans laquelle aucune existence ne subsiste. Cette source première de tout être et de toute activité, cause première de toutes choses, à la fois dans le passé et dans le présent, nous l’appelons Dieu.

L’être nécessaire

Tous les êtres qui nous entourent, et nous-mêmes, nous pourrions ne pas exister: l’existence de ces personnes et de ces choses n’est pas nécessaire, car elles n’ont pas en elles-mêmes, dans leur nature, une explication suffisante de leur existence. Elles sont contingentes. La nature d’un arbre, par exemple, fait qu’il est arbre, c’est-à-dire un végétal à tige ligneuse; elle nous dit ce qu’il est (son essence), s’il existe, mais elle n’exige pas qu’il soit (son existence): elle n’explique pas le fait de son existence: voilà la constatation tirée de l’expérience et de la réalité.

Or, pour tout ce qui existe, il y a nécessairement une explication de cette existence. Si cette explication ne se trouve nullement dans la nature de cet être, elle réside en un autre. N’étant pas son existence et n’exigeant pas en soi d’exister, cet être a nécessairement reçu son existence car on ne peut pas se donner ce qu’on a pas.

Donc, aucun des êtres qui nous entourent ne possédant en lui-même cette explication, elle se trouve nécessairement dans un autre Être distinct du monde et qui, par sa nature, suffit à expliquer et leur existence et la sienne propre: car cet Être a pour nature même d’exister, il est l’Existence, il ne peut pas ne pas exister; Il est est nécessaire; c’est Dieu. Et si dans un seul point du temps et de l’espace rien ne fut alors éternellement rien ne serait puisque du néant sans cause rien ne provient. Or des choses sont donc cet Être existant par soi existe forcément et cette existence est forcément éternelle. Le temps implique nécessairement l’éternité comme le contingent implique le nécessaire.

L’être souverainement parfait

Parmi les êtres créés qui composent l’univers, nous observons une certaine gradation, différents degrés de perfection. Nous constatons de la vie, de la beauté, de la bonté, de la sainteté, de la sagesse à divers degrés dans divers créatures. En revanche, toutes ces créatures ne sont pas La Vie, La Beauté, La Bonté ou La Sainteté, ils y participent simplement selon leurs propres limites, sans en épuiser jamais les richesses. Les uns sont supérieurs ou inférieurs au autres, aucun n’est absolu, tous sont relatifs.

Or, toute comparaison et toute gradation supposent un dernier terme, une source plénière : le relatif suppose un absolu; l’imparfait, un parfait; le fini, un infini. Sans cela, ces degrés de perfection seraient inexplicables et n’auraient aucune raison d’être. N’étant pas eux-mêmes la perfection souveraine (La Vie, La Bonté…), ils n’ont pu se la donner ou la tirer du néant, ils l’ont forcément reçue d’un autre.

Il doit donc y avoir quelque part une plénitude d’être, c’est-à-dire un être absolu, simple et sans gradation ni composition, parfait et infini, d’où tous les autres découlent comme de leur source unique. « Il y a quelque chose, écrit saint Thomas, qui est le Vrai, le Noble, et par conséquent l’être par excellence, qui est cause de ce qu’il y a d’être, de bonté et de perfection dans tous les êtres et c’est cette cause que nous appelons Dieu. »

L’intelligence ordinatrice

On constate aisément dans le monde qui nous entoure, dans chaque être et en nous-mêmes, un ordre merveilleux. Que l’on étudie l’instinct des animaux; que l’on contemple les merveilles du monde astral et des globes innombrables qui enchevêtrent leurs mouvements de toutes sortes à des vitesses vertigineuses et avec une constance extraordinaires; qu’on se transporte dans le monde biologique et qu’on envisage le corps humain: notre œil, appareil photographique si merveilleusement organisé et impossible à reproduire comme tel; notre oreille, piano microscopique si prodigieusement accordé; notre cœur, nos appareils respiratoires, digestifs et autres qui sont autant d’usines si complexes, si efficaces et si parfaitement agencées; que l’on admire la vie en général, son dynamisme interne avec la reproduction, l’assimilation nutritive, la croissance, la régénération physiologique! autant de réalités qu’aucune intelligence humaine n’a jamais su réaliser et ne saura jamais réaliser. on reste toujours frappé de cette adaptation continuelle de moyens en vue d’une fin. La science nous montre sans cesse davantage que tout obéit à des lois de plus en plus générales qui mettent l’unité dans la variété; tout constitue un organisme puissant et grandiose où chaque rouage, chaque organe est parfaitement adapté à son but; cet ordre est universel dans la monde. Cet ordre est aussi essentiel au monde. S’il n’existait pas ou s’il existait autrement, le monde serait différent de ce qu’il est.

Or tout ordre dénote une fin, un but qu’on désire atteindre et des moyens proportionnés pour l’atteindre. Il suppose donc une intelligence qui a vu ce but et proportionné ces moyens. En effet, si vous trouver un livre dans la rue, vous comprenez rapidement qu’un être intelligent a eu l’intention d’écrire ce livre en disposant les lettres et les mots de manière à donner un sens à son oeuvre. Un seul mot, une seule phrase supposeraient déjà l’action d’une telle intelligence. Si un ami vous suggérait que ce livre s’est fait progressivement, par la force du temps et le travail des siècles, ou bien par une rencontre fortuite de papier (déjà confectionné de manière fortuite à partir d’un arbre coupé et transformé de manière fortuite lui aussi), d’encre (évidemment produite par hasard elle aussi), d’une pointe de stylo quelconque (qui aurait eu la chance d’être bougé pour former les lettres par hasard et surtout d’avoir de l’encre en sa pointe, la chance!) et de beaucoup d’autre conditions… vous le prendriez pour un fou. Et pourtant combien l’univers (et même la moindre portion de matière inerte avec ses atomes, ses molécules, ses propriétés; ou le moindre organisme vivant avec son ADN qui exige une minutieuse, extraordinaire et inimaginable correspondance entre chaque nucléotide et chaque chaînon, puis entre chaque brin moléculaire et entre chaque chromosome… au sein d’un noyau cellulaire tout aussi complexe. Une seule erreur empêcherait l’être vivant d’être ce qu’il est et pourtant les êtres se succèdent depuis des générations! ) est-il plus complexe qu’un simple livre… combien donc l’univers a-t-il été créé par une intelligence et une puissance infiniment plus grandes que celles d’un homme. L’ordre du monde exige donc une intelligence pour le concevoir, en même temps qu’une puissance pour le réaliser. De tout évidence cette intelligence n’est pas l’intelligence humaine : c’est une intelligence bien supérieure à la nôtre, puisque nous avons beaucoup de peine à découvrir, les unes après les autres, et toujours avec admiration, les diverses lois de ce monde immense, depuis les infiniment grands jusqu’aux infiniment petits. Et la puissance qui a réalisé cet ordre est aussi bien supérieures à la nôtre car nous n’apprendrons que peu à peu à agir partiellement que les forces de la nature. Comme cet ordre est essentiel au monde et non surajouté aux êtres, il doit nécessairement venir de l’auteur du monde. Or cet auteur du monde doit avoir, comme il a été déjà démontré, une nature infinie, nécessaire et parfaite.

Donc il existe un esprit infini, une intelligence parfaite et toute-puissante, créatrice et conservatrice du monde et de son ordre. Au spectacle de la nature, Dieu nous apparaît comme « l’invisible évident ».

Un athée demanda à l’astronome Athanasius Kircher S.J. qui avait fait la belle mappemonde
posée sur sa table. — Personne, répondit le savant, elle s’est faite par elle-même. — Quelle folie, allons !
Je ne suis pas un enfant… — Tu ne crois pas que cette mappemonde s’est faite par elle-même. Pourquoi
donc dis-tu que le monde n’a pas été créé par Dieu mais s’est fait tout seul ?

Père Tomaso Dragone, Explication du catéchisme du saint Pie X, « Question 1: Qui nous a créés?, Exemple »

Preuves psychologiques et morales

Ces preuves ne sont que des confirmations des preuves précédentes. Elles montrent par certains faits combien l’idée de Dieu et le sentiment de son existence sont naturels à l’homme. C’est donc qu’il peut y arriver aisément par l’examen des choses et l’utilisation de son esprit. Elles montrent aussi l’existence de Dieu comme nécessaire pour l’exécution logique et raisonnable de diverses actions ou tendances qui entrent dans l’activité proprement humaine, rationnelle et libre: les actions et tendances religieuses et morales qui sont naturelles à tous les hommes.

Le consentement universel

Malgré les négations peu sincères ou trop intéressées de quelques groupes ou personnes isolés, tous les peuples, à toutes les époques et sous toutes les latitudes ont reconnu (bien que se trompant souvent sur sa vraie nature) l’existence d’un Dieu, être suprême, créateur et conservateur du monde.

Vouloir expliquer une affirmation aussi constante et aussi universelle par la duperie, la crainte ou l’ignorance ne présente évidemment aucune valeur scientifique.

La seule explication possible et solide, c’est que tous les hommes se servent de la lumière naturelle de leur intelligence: s’appuyant sur le principe de causalité, ils ont conclu que le monde où ils vivaient était un oeuvre et que, pour faire et conserver cette oeuvre, il fallait un ouvrier infini et tout-puissant. La croyance en Dieu est donc une sorte de cri de la nature, conclusion légitime de l’exercice normal de nos facultés intellectuelles.

On dit souvent que le consentement universel au sujet de l’existence de Dieu est l’effet des « préjugés de l’éducation », de « l’ignorance de peuples » et des « superstitions de la foule ».

Mais si l’éducation a été la cause de la propagation de la croyance en Dieu, il faut admettre que les éducateurs (les parents ou leurs légitimes représentants) ont cru unanimement à l’existence d’un être suprême communément appelé Dieu. Dans ce cas, comment expliquer cette unanimité parmi les éducateurs, puis parmi les anciens éducateurs de ces éducateurs, et ainsi de suite? D’ailleurs, les préjugés et l’éducation varient chez tous peuples. Une cause aussi disparate aurait-elle pu produire un effet toujours identique, invariable, comme le consentement universel?

L’ignorance des peuples est la cause des erreurs et des absurdités concernant la nature de Dieu (polythéisme, panthéisme, idolâtrie, anthropomorphisme etc.). Mais pour constater son existence, le bon sens de chaque homme, si inculte qu’on le suppose, suffit à la rigueur.

La peur et la superstition n’ont pas non plus inventé l’existence de Dieu. En effet, la crainte, bien loin de créer l’idée de Dieu, la suppose déjà existante. Au reste, cette crainte conduit plutôt à la négation qu’à l’affirmation de Dieu, car l’impie nie Dieu parce qu’il en a peur. Enfin, la peur produite par des phénomènes impressionnants (tempêtes, orages, catastrophes naturelles, etc.) et supposément inexpliquées dans des temps reculés, reste une réaction passionnelle, brève et changeante. Comment un simple sentiment réactif et changeant (donc propre à chaque individu et très divers selon les lieux et les temps) aurait pu donner lieu à un système de croyance plus ou moins cohérent, justifié tant bien que mal selon les peuples et affirmer avec constance. Les activités religieuses (amour, sacrifice, prière, vertu, spiritualité) relèvent d’un ordre supérieur à la sensibilité et ne peut donc s’expliquer entièrement par elle.

La constatation d’une loi morale

Tous les hommes reconnaissent, de quelque façon, la loi morale de la conscience, avec son obligation et ses sanctions.

Or il n’est pas de loi sans législateur; pas de sanction sans rémunérateur sage, puissant et juste: sans cela la morale n’a plus de sens.

C’est donc que les hommes reconnaissent plus ou moins confusément l’existence d’un maître suprême et législateur en même temps que rémunérateur de l’homme.

Les aspirations vers l’infini

Tous les hommes aspirent à une vérité toujours plus complète et claire, à un bonheur toujours plus parfait, comme s’ils étaient faits pour l’infini: « Malgré moi, l’infini me tourmente » dit le poète. C’est donc que dans la nature humaine, il y a de façon universelle un mouvement de tendance vers une fin dernière parfaite. De plus, ce désir de bonheur total et d’infini n’est jamais comblé sur terre. La vie apporte toujours son lot de souffrances et le bonheur dont on peut profiter est toujours limité en intensité et en durée.

Or une tendance naturelle, comme celle-ci, exige et suppose un objet réel.

Ces aspirations éprouvées dans toute l’humanité exigent donc qu’existe un être infini et parfait pour les combler: Dieu.

Pourquoi être catholique ?

1° Parce que Dieu existe

2° Parce que Dieu est parfait et nous a créés pour être parfaitement heureux

3° Parce que Dieu a institué la religion catholique pour nous donner les moyens d’être parfaitement heureux

4° Parce que la réussite de notre vie et notre éternité en dépendent

5° Parce qu’on peut prouver ces quatre choses avec certitude: c’est la vérité

Le jeune néophyte chrétien, Diogène Maillart

Les mauvaises raisons d’être catholique

A la question « pourquoi être catholique? », plusieurs répondront : parce que ma famille est catholique, parce que mon pays est catholique depuis plusieurs siècles, c’est une tradition familiale et patriotique. D’autres répondront : parce que cette religion me plaît, je m’y retrouve bien, elle permet par exemple de célébrer les différents moments de la vie (naissance, adolescence, mariage, mort) et diffuse un message de paix et d’amour. Bien… mais vous rendez-vous bien compte de ce que vous êtes en train de dire ?

Vous êtes en train de dire que vous acceptez des dogmes (la Trinité, l’Incarnation de Dieu, la Rédemption par le sacrifice de l’Homme-Dieu sur la Croix), des grands principes sur l’origine du monde, son organisation, sa finalité, simplement parce que c’est une tradition ou parce que cela vous plaît ? Suivant ce raisonnement, ne peut-on pas rendre légitimes et acceptables toutes les idéologies et tous les dogmes du monde ? Tout le monde pourra dire en effet : cette idéologie ou cette religion, je l’ai reçu de ma famille et de mon pays, je l’ai apprise à l’école, et elle me plaît bien, je la garde.

… Et si votre famille, votre école ou votre pays se trompait ?
La tradition n’est pas en soi un critère de vérité, surtout quand il existe plusieurs traditions concurrentes et contradictoires.

Tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps : les uns disent que le Messie est à attendre, les autres disent que le Messie est venu et a accompli sa mission il y a quelques 2000 ans. Les uns disent que Dieu est une seule personne, les autres disent qu’il y a trois Personnes dans l’unité de la nature divine. Les uns disent que l’Église est uniquement l’union spirituelle de tous les fidèles, les autres disent que l’Église est en plus de cela une société hiérarchique et même monarchique par constitution divine. Ces différentes idées, ces différentes doctrines, sont contradictoires : elles s’excluent mutuellement. Elles ne peuvent pas être vraies en même temps !

La bonne raison d’être catholique

La plupart des hommes de notre temps diront : peu importe, chacun croit en ce qu’il veut, que chacun fasse ce qui lui plaît car l’important c’est de profiter de la vie… très bien, mais cela ne résous absolument pas cette question, que peut-être tout homme est amené à se poser dans sa vie, à un moment ou un autre :

Où est la vérité ?


La question du but de la vie

Certains se posent cette question avec plus d’insistance que d’autres, parce que l’expérience de la vie leur a fait comprendre que le bonheur ne se trouvait pas simplement dans le fait de «profiter de la vie» : qu’est-ce que cette vie, sinon quelques courts instants de joie, mélangés à des peines et des souffrances continuelles ? Qui est sincère en disant : je suis parfaitement heureux ? Qui est sincère en disant cela… tout en n’étant même pas capable d’expliquer aux autres et de s’expliquer à lui-même ce qu’est le but de sa vie ? On aimerait trouver des explications, des réponses. Pourquoi ce monde existe, pourquoi moi j’existe, pourquoi je dois souffrir, qu’est-ce que je dois faire d’un point de vue moral : quel est mon but.

Le monde moderne nous détourne du vrai but de la vie

Ce sont des questions absolument normales et universelles, même si tout dans le monde moderne semble conspirer pour nous empêcher de nous poser ces questions : on nous occupe continuellement d’une avalanche de distractions (jeux-vidéos, médias digitaux, informations en abondance, nourritures des quatre coins du monde, etc, pour ne pas parler des plaisirs immondes), on nous vends l’illusion d’une vie faite de plaisirs continuels … plaisirs amers et lassants en toute vérité. Quel homme de notre monde, abreuvé de tous les plaisirs et de toutes les distractions possibles, ne s’est jamais dit : je m’ennuie ? Peut-être que cet ennui est déjà allé jusqu’au dégoût de la vie… On a souvent tort d’envier les millionnaires : il y a des millionnaires, qui ont accès à tous les plaisirs imaginables et qui n’ont pas besoin de travailler, qui se suicident. Beaucoup se droguent, beaucoup cherchent des exutoires à leur existence dénuée de sens. Et que sont toutes ces distractions face aux épreuves de la vie : la mort d’un parent, une déception amoureuse, un grave revers de fortune, une injustice criante qui nous touche directement ou touche nos semblables, tout cela ne rend-t-il pas encore plus vains et amers les plaisirs de notre monde ? … Et qu’est-ce que tout cela face à la perspective terrible de la mort, qui nous sépare de tout et de tous définitivement ? La mort du millionnaire, qui a beaucoup à perdre, est plus terrible que la mort du pauvre.

La conversion du gentilhomme François de Borgia, Moreno Carbonero
Saint François Borgia s’est converti en voyant le cadavre en décomposition de la belle impératrice Isabelle.

La religion catholique nous donne le vrai but de la vie

Au delà donc, du fait de «profiter de la vie», il y a la question de savoir ce qu’est la vie, quelle est son origine, quel est son but, que se passe-t-il une fois qu’elle est arrivée à son terme. Le catholicisme est une réponse à ces questions. Mais suffit-il de «trouver une réponse», pourvu qu’on en ait une et que nous vivions paisiblement grâce à cela ?… Ce serait comme prendre de la drogue pour oublier à quel point la vie est difficile : «l’opium du peuple» dont parle Karl Marx ! Nous ne sommes pas marxistes pour deux sous, rassurez-vous. Mais nous sommes contre l’idée qu’il faille prendre la religion comme un placebo face aux problèmes de la vie, et se contenter de trouver une religion qui nous apaise.

Il y en a en effet plusieurs personnes, qui disent : pour moi, cette religion est la bonne, car j’en ai le sentiment profond et intérieur, elle me rends heureux. Je ne saurais l’expliquer pourquoi, j’en ai l’expérience intime, voilà tout : venez faire l’expérience vous-même et peut-être serez-vous touchés.

Merci, mais ce n’est pas suffisant … vous vous dites cela pour votre religion, mon voisin musulman dit la même chose pour l’islam, mon cousin dit la même chose pour le bouddhisme, etc… et nous ne sommes pas plus avancés. Car un peu de bon sens nous fait dire : le catholicisme, l’islam, le bouddhisme, ne peuvent pas être vrais en même temps parce qu’ils ont des doctrines absolument opposées les unes aux autres, quels que soient les points commun qu’on trouve entre eux. Peut-être que toutes ces doctrines sont fausses, peut-être qu’une d’entre elles est vraie, mais toutes en même temps ? Ce n’est pas possible.

Le religion catholique est la seule vraie religion

Que demande un homme de bon sens qui cherche sincèrement à trouver son compte quant à cette question : où est la vérité, y a-t-il une vraie religion et si c’est le cas quelle est la vraie religion ? Voici ce qu’il demande : des preuves.


Enfin donc répondrons-nous à la question initiale : Pourquoi sommes-nous catholiques ?
Parce qu’il y a des preuves, rationnelles et démontrables, qui nous permettent d’établir avec certitude :

  • Qu’il existe un Dieu ;
  • Que ce Dieu a parlé aux hommes et s’est même fait homme pour leur salut ;
  • Que l’Église catholique est fondée par Jésus-Christ et assistée par le Saint-Esprit ;
  • Qu’aucune société religieuse, fut-elle chrétienne, ne détient en dehors de l’Église catholique la pleine vérité religieuse et les moyens de procurer le salut de l’âme ;
  • Et que donc, on ne suit pleinement la volonté de Dieu et son enseignement qu’en étant catholique, on ne sauve son âme qu’en étant catholique.

Une réponse encore plus simple est résumée : nous sommes catholiques parce que nous sommes convaincus, par moyen de raison et d’entendement, que le catholicisme est la vérité.

On peut prouver que le catholicisme est la seule vraie religion

Et quoi que nous connaissions notre faiblesse et notre limitation, nous n’avons aucune crainte de l’affirmer, quel que soit le grand nombre des différentes doctrines religieuses et idéologiques qui cohabitent dans notre monde. Nous passons pour des audacieux en disant : nous avons raison, et tous les autres ont tort. Venez examiner par vous-même, honnêtement, les preuves que nous avons à exposer quant à la vérité du catholicisme, et peut-être que vous nous trouverez moins audacieux qu’initialement. Car ce n’est pas notre propre excellence que nous vantons ou que nous défendons en disant : nous avons raison ; mais bien plutôt l’excellence de la doctrine que nous avons reçue, et que nous souhaitons que tout homme reçoive à son tour, en déterminant sa raison à l’étude des preuves de la vérité de cette doctrine. Car tous les hommes, de tous les lieux, de tous les temps, de toutes les cultures et de toutes les conditions, sont aptes à comprendre et à admettre ce qui fait que le catholicisme est vrai, et à se faire eux-mêmes catholiques pour sauver leur âme.

Saint François-Xavier entouré des peuples qu’il a converti, église Saint-Roch, Paris

Si vous cherchez la vraie religion, nous prions Dieu qu’il vous vienne en aide, et nous espérons que ce que vous lirez sur ce site pourra vous aider un tant soit peu à y voir plus clair. Si vous ne nous trouvez pas à la hauteur de la tâche que nous nous proposons d’entreprendre, celle d’exposer les preuves de la vérité du catholicisme, n’hésitez pas à entamer une discussion avec nous par email.


Comment faire ? Nous vous présentons toutes ces preuves

Cette section du site est donc consacrée à la démonstration rationnelle de la vérité du catholicisme. Vous y trouverez une série d’articles regroupés par thèmes, traitant à différents niveau des preuves de la religion catholique, ou bien servant de réponses à certaines objections. Le site est en construction, des contenus seront ajoutés au fur et à mesure. Ne manquez pas de vous abonner à la newsletter pour être notifiés quand de nouveaux articles seront publiés. En vous souhaitant une bonne lecture.

  1. Il n’y a qu’une seule vérité
  2. Nous avons une âme immortelle
  3. Dieu existe
  4. Jésus-Christ est Dieu
  5. L’Eglise catholique est l’unique Eglise fondée par Jésus-Christ
  6. Les miracles de la religion catholique
  7. Ressources (vidéos, livres)

Pourquoi être catholique plutôt qu’orthodoxe (6/7)


Raisons intrinsèques : pourquoi Dieu a institué la papauté


10- La monarchie est le gouvernement le plus parfait

Il est fort étonnant de voir que les partisans du schisme, qui sont généralement des admirateurs de la monarchie et spécialement de l’empire byzantin et des tsars russes, se transforment soudainement en démocrates outrés de la prééminence d’un homme sur les autres lorsqu’il s’agit de matières ecclésiastiques. Dans leur esprit, il est évident que le meilleur gouvernement, celui qui est le plus à même d’amener un peuple à l’unité et au bonheur, est la monarchie ; mais songer que Dieu ait pu instituer une Église monarchique leur semble, pour quelque raison mystérieuse, un outrage et un blasphème.

Charlemagne, par Louis-Félix Amiel.

Si les schismatiques étaient cohérents, cette admiration pour la monarchie dans l’ordre temporel devrait les pousser au moins à considérer dans l’abstrait l’intérêt de la “conception latine de l’Église”, qui n’est pas une folie arbitraire, pas plus que ne l’est une institution telle que l’empire russe, si on veut regarder les choses d’une manière purement pratique. Certains Russes en effet sont parvenus à apprécier l’histoire de la papauté sous cet angle, en proposant soit d’imiter la papauté en faisant du patriarche de Moscou une sorte de “troisième pape” comme le voudrait la théorie de la troisième Rome, soit en souhaitant rapprocher l’église russe du père de tous les chrétiens, le pape de Rome.

Il devrait être évident pour tous que Dieu, dans sa sagesse infinie, en établissant son Église comme société humaine assistée par le Saint-Esprit, ait prévu pour cette société le mode de gouvernement qui est le plus à même de lui procurer la paix, l’unité, la félicité et l’abondance des biens spirituels. On ne connaît pas de gouvernement plus parfait que la monarchie ; bien que celui-ci ait aussi ses défauts et dérives possibles comme tout gouvernement, il reste celui qui sied le mieux à la nature humaine pour un certain nombre de raisons.

Il est clair que la monarchie est le mode de gouvernement qui est le plus à même d’assurer l’unité des membres de la société : et ce sujet n’est pas d’une importance moindre, car l’unité de l’Église est un article de foi présent dans le symbole de Nicée. Comme l’explique Saint Thomas, et sans doute d’autres avant lui, ce qui est un par soi est plus à même de procurer l’unité : dans tout autre régime que la monarchie forte, l’unité est une sorte de construction contractuelle, voire de fiction légale, beaucoup plus fragile et sans cesse compromise par les factions et les intérêts particuliers.

La monarchie est aussi le régime le plus efficace pour la lutte contre les ennemis intérieurs et extérieurs : la prise de décision est rapide, le pouvoir en place a les moyens de faire appliquer les punitions ou d’organiser la défense face à une menace imminente. En temps de péril, les esprits sont rassurés par la présence d’un chef unique qui se porte responsable de la situation et coordonne les efforts des uns et des autres dans l’affrontement. Ainsi la république romaine se dotait parfois en temps de grave crise d’un dictateur, un monarque absolu possédant les pleins pouvoirs, et ce jusqu’à ce que la crise soit résolue : car en temps de crise, il n’est plus temps de discuter entre citoyens ou sénateurs, et seule la volonté d’un homme fort peut ramener les esprits à l’union.

La monarchie est encore le régime qui reflète le mieux, de par l’unicité du dirigeant, d’une part l’autorité de Dieu sur toutes choses, le monarque étant une image de Dieu sur terre et son représentant dans la limite des pouvoirs qui lui ont été attribués, d’autre part l’autorité du père dans la famille, la société civile étant un regroupement de familles et une extension de la société familiale. L’aspect impressionnant de la monarchie rappelle que son pouvoir vient de Dieu, et que l’on obéit au monarque comme on obéit à Dieu, dans tout ce qu’il commande de légitime. Son aspect paternel rassure, parle au cœur de tous les hommes, et rend l’obéissance plus humaine et plus douce que s’il fallait obéir à une institution froide et désincarnée.

C’est pourquoi Dieu a donné aux apôtres un chef, Pierre, et que ses successeurs héritent du pouvoir suprême sur l’Église, afin d’assurer son unité, de la protéger plus efficacement contre les dangers du monde, et d’assurer plus efficacement l’accomplissement de sa mission. L’autorité de Pierre est plus douce à accepter quand on prend le temps de réfléchir à ce qui a été dit ci-dessus : il n’y a rien de déraisonnable à penser que Dieu ait prévu pour son Église ce qu’il y a de meilleur pour toute société, une constitution monarchique. 


11- L’Église a besoin d’une autorité suprême pour résoudre ses conflits de juridiction et assurer son unité

Si l’unité de l’Église, présentée dans le Credo de Nicée comme une vérité de foi, doit être une réalité et non pas une pure fiction verbale, comme elle l’est actuellement dans la “communion orthodoxe” qui est continuellement en proie à de nouveaux schismes (et subsiste d’ailleurs actuellement dans un état complètement incertain, les différentes “églises autocéphales” ne s’étant pas prononcées clairement pour ou contre Constantinople ou Moscou dans le grand schisme qui la secoue depuis 2018 ), si l’unité de l’Eglise donc doit être une réalité, il faut qu’elle ait en elle-même, par constitution, un principe d’unité indiscutable et reconnu par tous comme tel. 

Election du Pape Pie II en 1458, par Pinturicchio.

Aux schismatiques qui disent que “la foi” seule est la pierre sur laquelle est fondée l’Église, le seul principe d’unité voulu par Dieu, l’histoire de l’Église répond que malheureusement, dans l’ordre pratique, il y a mille raisons pour lesquelles des chrétiens qui partagent la même foi, ou prétendent partager la même foi, peuvent être désunis et incapables de s’entendre dans l’ordre pratique. Afin que l’Église ne soit pas dans la désunion, Dieu lui a donné une constitution qui permette de trancher les conflits internes avec une autorité indiscutée : s’il n’y a pas un chef visible, un chef suprême, un chef constitutionnel, alors il n’y a aucun principe crédible de résolution des conflits. Ce principe vaut pour toutes les sociétés humaines : l’État, l’entreprise, l’association, la famille. L’Église est une société divino-humaine, et en son titre de société humaine elle n’échappe pas aux lois ordinaires de la nature humaine. 

Une constitution “collégiale” ou purement égalitaire entre les évêques n’est pas capable de produire l’unité, même en théorie. Mettons par exemple que deux évêques soient en conflit entre eux pour des questions de juridiction : si tous les évêques sont exactement égaux par constitution, qui peut imposer la justice et la paix entre eux ? Ils pourront toujours invoquer l’égalité épiscopale pour persévérer dans leur mauvaise volonté, et se séparer de l’Église universelle. Croire qu’il faut s’en remettre à la “bonne volonté” des uns et des autres pour faire fonctionner une société de manière égalitaire, en postulant un pouvoir égal entre plusieurs personnes à la tête de la société, c’est croire à des sottises. Croire qu’une autorité supérieure est nécessaire pour corriger les abus et imposer une direction, c’est l’enseignement de la sagesse et de l’histoire humaine. 

Les « orthodoxes » ont ainsi refusé de manière puérile le seul principe crédible de l’unité de l’Église, celui de la primauté du chef des Apôtres, imposée par Dieu lui-même et transmise au successeur de Saint Pierre l’évêque de Rome, ainsi que l’expliquait Saint Cyprien de Carthage qui semble condamner directement Photius et Michel Cérulaire, dans son traité sur l’unité de l’Église. 

Que proposent-ils en remplacement ? Ils proposent un système dans lequel une autorité supérieure (mais fortement limitée) se définit dans l’Église par coutume et par consentement général, en raison principalement du prestige politique de la cité dans laquelle se trouve le siège épiscopal : d’où une certaine primauté de Rome, “honorifique” disent-ils, tant que cette ville était la capitale de l’empire, puis une primauté de Constantinople, puis (disent les Russes) une primauté de Moscou. Ce système n’a aucun sens : car personne n’a véritablement l’autorité pour établir que Constantinople peut juger en appel ou ériger de nouveaux patriarcats, sous le prétexte qu’elle siège dans la capitale de l’empire, et cette prétention arbitraire peut être (et est) contestée à tout moment par d’autres nations qui jugeront que leur pouvoir politique est plus prestigieux, et que ce prestige leur donne comme par magie un certain nombre de droits ecclésiastiques. Il suffit de consulter les annales de la Serbie et de la Russie pour voir à quel point la “primauté de Constantinople” n’était pas prise au sérieux. Le schisme de 2018 ne fait que révéler au grand jour cette division qui existe de facto depuis des siècles.    

La simple constatation de la division continuelle et scandaleuse des schismatiques entre eux devrait faire naître, chez ceux d’entre eux qui ont encore des sentiments authentiquement chrétiens, un certain respect pour le principe de la papauté, et une oreille attentive aux arguments des catholiques sur ce sujet. Car qui se soucie réellement de l’unité de l’Église ne peut pas supporter de voir ces églises nationales se déchirer entre elles continuellement, et se baser pragmatiquement sur les principes qui l’arrangent le mieux, au lieu de chercher la vérité, pour aller dans le sens des passions politiques du moment.

Qui pourrait penser que Dieu, dans sa sagesse infinie, n’avait pas anticipé ce germe de division contenu dans la nature humaine déchue, et n’a pas en conséquence laissé à son Église un principe indiscutable d’unité et de catholicité, qui puisse permettre à tous les véritables chrétiens d’avoir la certitude d’être uni à la véritable Église, hors de laquelle il n’y a point de salut ?

La Tradition apostolique nous répond, de toute façon, que c’est bien ce que Dieu a fait. Mais la simple raison devrait nous pousser à dire, indépendamment même des Saintes Écritures et de l’enseignement des Pères, qu’il est plus raisonnable d’imaginer que Dieu lui-même ait instauré une primauté, plutôt que d’imaginer qu’il ait laissé les hommes, divisés par les différences nationales et linguistiques, se déchirer entre eux pour savoir qui doit avoir la primauté entre les évêques, ou vivre dans une totale désunion sans qu’il y existe nulle part sur terre une véritable Église universelle. 


12 – Les hommes ont besoin d’une autorité pour condamner les erreurs et trancher entre différentes opinions

Combien de siècles allons-nous encore débattre sur le véritable sens des versets de l’évangile concernant la primauté de Saint Pierre, ou d’autres sujets théologiques controversés ? Qui a autorité pour établir avec certitude quelle est la bonne interprétation des Saintes Écritures ? 

Pour les schismatiques, il n’y a pas de réponse claire à cette question. Ils diront en théorie que c’est “le consensus des Pères”, ou quelque chose de cet ordre, qui donne aux fidèles la certitude qu’un enseignement est vraiment l’enseignement de l’Église apostolique et pas simplement l’interprétation privée de certains docteurs.

Photographie du Pape Léon XIII en 1878. Ses nombreuses encycliques doctrinales ont marqué le magistère catholique.

En pratique, ce “consensus des Pères” est impossible à établir sur un grand nombre de sujets, et impossible à comprendre ou à connaître pour l’immense majorité des chrétiens. Car il n’est pas donné à n’importe qui d’avoir à sa disposition les œuvres intégrales de Saint Jean Chrysostome, de Saint Basile de Césarée ou de n’importe quel autre Père, dont beaucoup d’écrits ne sont pas traduits : connaître en profondeur la doctrine des Pères implique donc de maîtriser le grec et le latin. Être en mesure de compiler et de comparer les avis des différents Pères sur les différentes questions théologiques est un travail encore plus colossal et inaccessible au commun des mortels. Même dans la catégorie des “chrétiens érudits”, la connaissance des Pères est très souvent de seconde main, par le biais d’extraits, de commentaires et de traductions plus ou moins fiables. Il est déraisonnable de prétendre que la manière dont les chrétiens doivent connaître l’enseignement de l’Église est l’étude des Pères : cette étude n’est réservée qu’à une élite, or la doctrine de Jésus-Christ ne doit pas être réservée à une élite. 

Les schismatiques diront ensuite que l’enseignement infaillible de l’Église s’exprime, cette fois de manière accessible à tous, dans le Concile œcuménique. L’équivalent de l’infaillibilité pontificale chez les catholiques se trouverait, pour les “orthodoxes”, dans l’infaillibilité du Concile universel représentant le collège des Apôtres. Sauf que cette conception de la  “règle prochaine de la foi”, de la règle immédiate sur laquelle les chrétiens doivent s’appuyer pour avoir la certitude de croire en la véritable doctrine de Jésus-Christ, n’est pas beaucoup plus raisonnable que l’idée du consensus des Pères. 

En effet la réunion d’un Concile œcuménique est trop complexe et inhabituelle pour que ce Concile doive servir à l’Église comme de règle ordinaire de la foi. Il faut parvenir à réunir les évêques du monde entier, alors que ceux-ci sont désunis par des différences nationales et politiques, voire des différences théologiques qui rendent très difficile l’établissement d’un accord entre eux ; le simple fait de les convaincre de participer au Concile est difficile. Selon la conception même des schismatiques il est impossible qu’un Concile soit œcuménique si l’évêque de Rome n’y participe pas : c’est la raison pour laquelle il n’y a eu, d’après les schismatiques, que sept conciles œcuméniques et que l’Église est privée de cet enseignement infaillible depuis plus de 1200 ans, car il est depuis longtemps impossible de faire participer en même temps les évêques “orthodoxes” et l’évêque de Rome à un même concile.

Que doit faire l’Église lorsqu’une nouvelle controverse théologique émerge, et divise les évêques entre eux au point qu’il est impossible d’envisager un concile œcuménique ? Que doit faire l’Église lorsque cette controverse porte sur un sujet qui n’a pas fait l’objet d’un consensus des Pères ou d’un enseignement clair et explicite de leur part ? 

Les schismatiques, qui n’aiment pas l’Église en réalité s’ils sont formellement schismatiques, se moquent de cette désunion et adhèrent aux positions théologiques qui leur conviennent le mieux, en interprétant de manière intéressée certaines citations des Pères ou des Conciles, sans se soucier spécialement de plier leur esprit à une règle objective autre que leur raisonnement personnel. 

Seul le catholicisme propose à l’ensemble des hommes une règle de foi claire et facile d’accès : le successeur de Saint Pierre, ayant reçu “les clés du royaume des cieux”, la charge de “paître les agneaux et les brebis”, ainsi que celle d’affermir ses frères dans la foi, a reçu de Dieu un pouvoir spécial d’enseigner la véritable doctrine chrétienne sans possibilité de se tromper : il tranche infailliblement les controverses, ses définitions dogmatiques sont définitives, et le Concile tient directement de lui son infaillibilité. Celui qui veut savoir ce qu’est la véritable doctrine chrétienne doit consulter le catéchisme approuvé par Rome, et les enseignements dogmatiques des papes sur tout autre sujet. Ainsi, le catholicisme est la seule religion du monde qui possède un ensemble de doctrines qui sont, pour ses fidèles, absolument indiscutables et non susceptibles d’être interprétées de différentes manières, en vertu du principe de l’infaillibilité pontificale. Rien de tel n’existe dans les autres religions, ce qui pousse celles-ci à se reposer sur la notion de “consensus des savants”, mais personne n’a autorité pour établir en quoi consiste précisément ce consensus et quelle est sa portée, de telle sorte qu’il existe dans ces fausses religions des différences extrêmes d’opinions sur des sujets extrêmement importants.

En d’autres termes, seul le catholicisme a la prétention de proposer aux fidèles une doctrine certainement révélée par Dieu. 

Méditons ceci : est-il seulement possible de croire que Dieu, qui connaît la propension des hommes à se diviser et à tout interpréter selon leur intérêt propre, ou à déformer et méconnaître les enseignements véridiques à cause de la faiblesse de leur intelligence, ait laissé l’humanité perdue dans les ténèbres, sans moyen clair et fiable de savoir où se trouve la vérité sur Dieu et sur le salut éternel ?

Les faux chrétiens s’aviseront de répondre que Dieu n’a pas abandonné les vrais fidèles, et qu’il les éclaire directement par le Saint-Esprit (ce qui est la position protestante), ou par les Pères et les Conciles (position des schismatiques orientaux) ; sauf que les protestants se contredisent entre eux alors qu’ils prétendent être inspirés par le Saint-Esprit, et les schismatiques également se contredisent et se divisent entre eux sur des sujets très graves malgré leur attachement professé à “l’enseignement des Pères”. Ces règles de foi qu’ils proposent ne sont donc pas des règles de foi fiables. 

Même en l’absence de toutes les preuves historiques et patristiques sur l’autorité du pape en matière doctrinale, il serait la chose la plus raisonnable du monde de croire que Dieu, dans sa sagesse éternelle, ait prévu de donner à son Église une règle de foi sûre et infaillible, impossible à interpréter ou à discuter, accessible à tous, et prête à condamner en tout temps les nouveautés hérétiques sans avoir besoin du consentement ou de la présence de l’ensemble des évêques dispersés à travers le monde. S’il est vrai, certes, que l’enseignement unanime de l’Église dispersée à travers le monde est un enseignement infaillible, il est difficile de savoir exactement si un enseignement fait partie ou non de ce “magistère ordinaire et universel”, de sorte qu’il faut en pratique attendre qu’un pape définisse une doctrine pour que l’esprit d’un fidèle soit absolument fixé dans la certitude. 

Sans cette autorité infaillible incontestée, tout est susceptible d’être discuté et remis en cause, jusqu’au canon même de la Bible, qui a été fixé au IVe siècle par l’autorité du pape. Les lefebvristes qui rabaissent l’infaillibilité du pape et la réduisent aux seules définitions solennelles ne se rendent pas compte que beaucoup de doctrines dans lesquelles ils croient doivent être crues parce qu’elles ont été définies par les papes (et ce sans solennité particulière), pas parce qu’elles ont été crues “partout et toujours”, ce qui ne peut pas se dire de tous les dogmes chrétiens indifféremment (untel trouvera toujours un Père de l’Eglise ayant eu à l’époque une opinion contraire, etc.). “La Tradition” ne peut pas servir en soi de règle prochaine de la foi, car un simple fidèle ne peut pas savoir en un instant, de manière indubitable, en quoi consiste “la Tradition”. Il peut savoir en revanche, en un instant et de manière indubitable, en quoi consiste l’enseignement de l’Eglise à travers le catéchisme romain. Ainsi, la seule position cohérente sur l’infaillibilité de l’Eglise est la position dite ultramontaine, qui fait du magistère de l’Eglise enseignante et spécialement du magistère personnel Pape la règle prochaine de la foi : une règle claire et indubitable, qui met un terme au flot infini des discussions et des débats humains, et en dehors de laquelle tout est imprécis, confus et sujet à autant d’opinions qu’il existe d’hommes. 

Étant donné que la diversité des sentiments et des opinions est constitutive de la nature humaine déchue, il y aurait quelque chose d’impie à croire que Dieu aie laissé l’Église dépourvue d’un moyen efficace de trancher entre les différentes opinions pour savoir, à tout moment, quelle est la véritable doctrine divine. La simple méditation de ce problème peut suffire à convertir une âme au catholicisme, d’autant plus si elle constate que l’enseignement des papes à travers les siècles ne se contredit jamais et forme un ensemble de doctrines cohérentes et parfaitement reliées entre elles : c’est encore un “signe de Dieu”, qui n’est pas moins puissant que le signe des miracles physiques.