La Croix, un journal moderniste qui nie la toute-puissance de Dieu

Le commentaire du livre « Dieu, la science, les preuves » dans le journal La Croix

Sorti en octobre 2021, le livre de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonassies intitulé «Dieu – la science – les preuves» est un succès de librairie vendu à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Se basant sur les avancées les plus récentes de la recherche scientifique, le livre expose au long de ses 580 pages le constat suivant : la seule explication rationnelle de l’origine du monde et des lois de l’univers est qu’il existe un créateur tout-puissant, infiniment intelligent, qui a fait le monde à partir de rien, et qui est responsable de son ordre parfait et de ses lois. C’est Lui que nous appelons Dieu, et que nous honorons comme tel pour l’immensité de ses bienfaits, et parce que toute chose dépend de Lui. A l’inverse, la croyance en un monde qui s’est « fait tout seul » à partir de rien, ou qui n’a pas de commencement, est complètement irrationnelle. Elle s’est faussement parée de prétextes scientifiques, comme si quoi que ce soit de scientifique avait pu mettre à mal la nécessité métaphysique de l’existence d’une cause première ou d’une intelligence ordinatrice. En vérité, plus les hommes comprennent le fonctionnement de l’Univers, plus ils devraient comprendre à quel point il est invraisemblable de dire que l’univers n’est que le résultat d’un chaos et d’un hasard aveugle. Et ce livre semble le montrer fort utilement.

Un livre qui prétend prouver que Dieu existe, du pain bénit pour les religions, se diront les critiques un peu amers… Mais détrompez-vous. Tout dépend pour quelle religion !

La religion conciliaire ne veut pas s’embarrasser de telles preuves l’existence de Dieu. Les partisans les plus progressistes de Vatican II, qui sont les plus nombreux et les plus influents dans le « monde conciliaire », n’apprécient pas que l’on dise que l’existence de Dieu peut se déduire logiquement à partir de l’étude de la création. Ils sont vraiment des modernistes, dans le sens précis où l’entendait saint Pie X lorsqu’il condamnait cet « égout collecteur de toutes les hérésies » : ils sont modernistes d’abord parce qu’ils adoptent l’erreur primordiale de tout ce système, l’agnosticisme :cette idée que l’on ne peut rien découvrir de certain, à l’aide de la raison, concernant les grandes questions métaphysiques. Ils font leur également la seconde erreur primordiale du système moderniste, qui est la conséquence de la première : l’immanence vitale, c’est à dire l’idée que le fait religieux trouve son origine dans un sentiment intérieur de l’homme, sorti du plus profond de son subconscient, au lieu de se baser sur des faits objectifs et des certitudes rationnelles (puisque selon l’agnosticisme nous ne sommes pas capables de les atteindre), et donc que les dogmes religieux changent et évoluent de la même manière que les émotions et les « besoins » de l’homme évoluent. Ainsi la foi n’est plus un acte de l’intelligence qui adhère à toutes les vérités révélées par Dieu : sortie du cœur de l’homme, expression du « besoin de Dieu » subconscient, la foi est un sentiment. Voici en quoi réside le modernisme, qui contient en germe toutes les hérésies possibles et imaginables (puisqu’il nie l’objectivité et la stabilité de la vérité), qui ruine de fond en comble tous les dogmes de la foi catholique.

C’est ainsi que l’on voit le journal La Croix, qui rappelons-le, a toute la confiance de l’épiscopat français [1], on voit donc ce journal publier deux tribunes contre le livre du duo Bolloré-Bonassies, aussi invraisemblable que cela puisse paraître à quelqu’un qui n’a pas encore compris l’état du monde catholique depuis Vatican II.  « La Croix » n’est pas simplement un journal marginal qui exprime les conclusions d’un petit groupe de personnes qui se prétendent catholiques. C’est un journal qui représente de facto l’état de la pensée religieuse « catholique » majoritaire en France. On pourra toujours dire que ces « tribunes » ne sont pas l’avis du journal mais simplement de ceux à qui l’on donne la parole, mais force est de constater que ces prises de paroles sont exclusivement au service d’une vision « progressiste » de l’Eglise et du catholicisme. La Croix est actuellement le cinquième journal d’information de France par le nombre de ses abonnés. Les journaux catholiques de sensibilité plus conservatrice sont, a contrario, beaucoup plus discrets et beaucoup moins proches du haut clergé. Si certains « conciliaires conservateurs » prennent la liberté de dire que La Croix est un journal hérétique et blasphémateur, comment ceux-ci expliquent-ils que l’épiscopat, ou même la papauté, ne fasse absolument rien pour le censurer et continue de lui accorder des entretiens ? Ils s’illusionnent complètement sur l’état actuel de l’autorité dans l’Église. La vérité est que « l’autorité » actuelle n’est pas du tout gênée que le premier « journal catholique » de France vomisse du modernisme à longueur de journée. Au mieux, ils sont des libéraux et estiment – même s’ils ne sont pas d’accord avec le modernisme du journal – que chacun doit pouvoir exprimer ses opinions librement et que La Croix a sa place dans le grand concert du débat d’idées. Au pire, ils sont eux-mêmes des modernistes et adhèrent de manière plus ou moins assumée à tout ce que dit La Croix. En sens contraire, on n’a jamais vu un « évêque » ou un « pape » conciliaire prendre franchement position contre eux, ou même simplement leur demander de ne plus se présenter comme un journal catholique.


L’enseignement de saint Pie X contre le modernisme

Prenons simplement le temps de comparer, d’une part, l’enseignement du pape saint Pie X contre le modernisme à travers deux brefs extraits de son magistère, d’autre part les propos tenus dans les tribunes du journal La Croix. Le premier article du serment antimoderniste, que tous les enseignants catholiques devaient prêter suite à la promulgation du motu proprio Sacrorum antistitum (1er septembre 1910), porte précisément sur le fait que l’existence de Dieu est prouvée par des arguments rationnels :

« Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » Rm 1,20, c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Serment_anti-moderniste

Le sixième paragraphe de l’encyclique Pascendi (8 septembre 1907) décrit ainsi le versant philosophique du modernisme :

« (…) les modernistes posent comme base de leur philosophie religieuse la doctrine appelée communément agnosticisme. La raison humaine, enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes, c’est-à-dire des choses qui apparaissent, et telles précisément qu’elles apparaissent, n’a ni la faculté ni le droit d’en franchir les limites ; elle n’est donc pas capable de s’élever jusqu’à Dieu, non pas même pour en connaître, par le moyen des créatures, l’existence : telle est cette doctrine. D’où ils infèrent deux choses : que Dieu n’est point objet direct de science ; que Dieu n’est point un personnage historique. »

https://www.vatican.va/content/pius-x/fr/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_19070908_pascendi-dominici-gregis.html

Gardons ces textes à l’esprit.


La Croix relaye une tribune écrite par un certain Raphäel Duqué, astrophysicien, et une autre tribune de Thierry Magnin l’ancien porte-parole de la conférence des évêques de France entre 2019 et 2020, et actuel président recteur délégué de l’université catholique de Lille : une illustration parmi d’autres de ce que nous disions sur les liens entre La Croix et le haut clergé conciliaire.


Agnosticisme et immanentisme en bonne et due forme

Voici quelques extraits la première tribune, de Raphël Duqué (3 janvier 2022) [2] :

« Mais cette preuve [la preuve de Dieu par le mouvement] ne peut pas satisfaire les croyants ! Ce grand horloger qui a lancé le big bang et calcule les constantes fondamentales de la physique, est-il le Dieu de miséricorde qui est descendu sur la Terre et a souffert la Passion pour le pardon des péchés ? Évidemment, personne n’y croit.

Certes, penser à l’harmonie de l’univers ou à Dieu comme primum mobile peut conforter les croyants dans leur foi, mais les arguments cosmologique et téléologique sont des impasses spirituelles, ils n’aident pas à avancer sur un chemin de foi dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Cette impasse spirituelle en cache en fait une autre, logique cette fois : l’existence de Dieu ne peut pas être un objet de science. Comme nous l’enseigne Karl Popper, ne sont scientifiques que les énoncés qui sont falsifiables, c’est-à-dire que l’apport de nouvelles expériences pourra infirmer. Ainsi avance la science : par falsification et raffinement progressifs de son contenu. Cela exclut de la science, par principe, nombre d’énoncés, dont l’existence de Dieu. Se tourner vers la science pour prouver l’existence de Dieu est donc une double impasse, d’ailleurs bien connue. »

Selon la tribune de La Croix donc, « évidemment », personne ne croit que le Dieu de la Révélation chrétienne est la cause première, le premier moteur de l’univers. La démonstration de l’existence de Dieu par ce que l’auteur appelle l’argument téléologique (preuve de Dieu par l’ordre du monde) et l’argument cosmologique (preuve de Dieu par le mouvement) est une impasse spirituelle. Et en guise de cerise sur le gâteau la tribune nous offre une négation explicite, en bonne et due forme, de l’enseignement de saint Pie X contre le modernisme philosophique : « l’existence de Dieu ne peut pas être un objet de science ». (Pascendi : les modernistes disent « que Dieu n’est point un objet direct de science »). Elle cite au passage l’agnostique Karl Popper, qui on ne sait comment s’est imposé comme la « référence ultime » en philosophie des sciences, alors que sa philosophie aboutit à dire qu’une chose n’est pas scientifique si elle est certaine, que la science exclut la certitude absolue … le monde marche sur la tête. Karl Popper est à présent devenu une autorité philosophique plus respectable pour ces gens que saint Thomas d’Aquin et saint Pie X. Cela n’empêche pas l’auteur de dire, la ligne suivante, que la foi et la raison doivent se soutenir harmonieusement : ce qui permettrait à ceux qui voudraient défendre l’orthodoxie de La Croix et de M. Duqué de dire « mais il rappelle l’enseignement catholique, vous ne restituez pas l’intégralité de son propos ». Dans l’encyclique Pascendi pourtant, saint Pie X décrit cet étrange comportement « oscillatoire » comme typiquement moderniste :

« Ce qui jettera plus de jour encore sur ces doctrines des modernistes, c’est leur conduite, qui y est pleinement conséquente. À les entendre, à les lire, on serait tenté de croire qu’ils tombent en contradiction avec eux-mêmes, qu’ils sont oscillants et incertains. Loin de là : tout est pesé, tout est voulu chez eux, mais à la lumière de ce principe que la foi et la science sont l’une à l’autre étrangères. Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique : tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. »

Il faut dire que pour le présent article, on n’a pas souvent l’impression qu’il pourrait être signé par un catholique. L’auteur va jusqu’à dire que « proposer la manifestation de Dieu dans la nature comme preuve de son existence est un matérialisme ». Défendre les preuves de l’existence de Dieu est donc impasse spirituelle matérialiste, qui nous prive de toute vie spirituelle intime et fructueuse. L’auteur nous gratifie également d’une profession assez explicite d’immanentisme religieux : « Leur ouvrage propose un discours scientifico-mystique qui dessert ensemble la science, soudain privée de ses principes et de son objet, et la foi, soudain retirée du domaine du cœur de l’homme. » Le domaine de la foi est donc à présent le « cœur de l’homme », au lieu d’être son intelligence comme l’enseigne le catéchisme de saint Pie X. Nous nous rapprochons donc des définitions posées au début de l’article : suivant l’immanentisme moderniste, la foi se définit essentiellement comme un sentiment.


Les rédacteurs de La Croix croient-ils à la toute-puissance de Dieu ?

La seconde tribune [3] tient un propos semblable à la première : il ne faut pas mélanger la science et la foi, le Dieu de la Révélation ne doit pas être confondu avec le « dieu des philosophes », intelligence ordinatrice et premier moteur de l’Univers. Mais elle a ceci de plus intéressant qu’elle émane d’une figure plus « officielle » du monde conciliaire, quelqu’un qui a occupé et occupe encore aujourd’hui des responsabilités au plus haut niveau de la hiérarchie, et pas d’un simple professeur de physique qui s’exprimerait à titre personnel.

En plus des relents d’agnosticisme et d’immanentisme auquel nous sommes déjà habitués, cette tribune comporte également une dimension que nous n’aurions pas soupçonné même venant de la part de modernistes : on y trouve l’idée que Dieu n’a pas tout créé, que présenter Dieu comme le créateur et ordinateur tout-puissant de l’univers est une erreur, et qu’Il attend de la part des hommes qu’ils « achèvent la création ». Cela n’en a pas l’air à première vue, mais c’est au mieux une formulation poétique très maladroite, au pire une hérésie abyssale : Dieu seul est créateur, les hommes agissent librement mais ne « créent » rien à proprement parler. Dieu est tout-puissant, et a tout créé à partir de rien : est-ce bien évident pour La Croix et ses différents rédacteurs ?

L’introduction donne le ton : « Pour le théologien et physicien Thierry Magnin, le livre Dieu, la science, les preuves de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies (Guy Trédaniel, 2021) prends le risque de confondre les domaines de la science et de la foi, et de faire de Dieu un fabricant tout-puissant de l’univers » : le livre prend le « risque » de faire de Dieu le créateur tout-puissant ? Voilà qui est étonnant. Parler de la toute-puissance de Dieu est à présent un « risque » comme s’il s’agissait d’une erreur théologique dangereuse.

L’article contient un propos ambigu aux accents agnostiques : il déplore le fidéisme, séparation étanche entre la foi et la raison. Il déplore le matérialisme, négation de toute transcendance. Mais il déplore également l’idée de dire que les sciences permettent de donner des principes et des démonstrations qui prouvent l’existence de Dieu. Le scientisme qui affirme qu’on est certain que Dieu n’existe pas est une erreur ; mais dire que les différentes sciences nous apportent des preuves que Dieu existe est l’erreur opposée ! L’article insiste, de manière étrange, sur l’idée que « Dieu n’est pas un fabricant », « Dieu n’est pas un grand horloger » : il a « créé un monde inachevé, que les créatures doivent continuer ». C’est un langage pour le moins troublant : il est vrai que Dieu laisse les hommes libres de se déterminer suivant leurs actes volontaires (et il les jugera en conséquence) ; mais philosophiquement parlant, l’homme ne « créé » rien : dans la philosophie catholique, la création proprement dite consiste à « tirer quelque chose du néant », à donner l’existence à quelque chose qui ne l’avait pas. Cet acte appartient uniquement et radicalement à Dieu. Lorsque les hommes « créent » des objets, ils ne partent pas du néant : ils ne font qu’assembler ensemble des choses qui ont déjà reçu de Dieu l’existence. L’auteur laisserait donc entendre que Dieu n’a pas « tout créé », contrairement à ce que proclame le credo de Nicée (Credo in unum Deumfactorem ceali et terrae, visibilium omnium et invisibilium) soit qu’il ne le veuille pas, soit qu’il ne le puisse pas …

L’article finit sur une déclaration qui relève de l’art oscillatoire des modernistes dont parlait saint Pie X et que nous trouvions déjà dans la première tribune :

« La science ne prouve pas l’inexistence de Dieu, et en cela, le livre a raison. Mais l’inverse est vrai aussi : la science ne prouve pas plus l’existence de Dieu. D’ailleurs quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi… En revanche, nous devons savoir rendre compte de notre foi avec des arguments rationnels, notre raison, dans le contexte des découvertes scientifiques notamment. Parler de l’intelligence du Dieu créateur. Être croyant n’est pas irrationnel. »

Donc : le matérialisme n’est pas rigoureux intellectuellement, la foi et la raison sont harmonieusement ordonnées l’une à l’autre, la foi doit se défendre avec des arguments rationnels, MAIS : aucune science ne prouve l’existence de Dieu (principe central auquel tiennent les modernistes, selon Pascendi), et si l’existence de Dieu était scientifiquement prouvée, « la foi ne serait plus la foi ». Ce propos semble ignorer que la certitude de l’existence de Dieu est un préambule de la foi : comment peut-on croire aux vérités révélées par Dieu, si on n’est pas déjà convaincus qu’il existe un Dieu ? Ce propos semble enfin rejoindre les postulats de l’immanentisme : puisque Dieu ne peut pas être objet de science, il n’est alors qu’objet de foi. Puisque la foi ne se base pas sur des certitudes indiscutables, elle se base sur le sentiment intérieur de l’homme.

Peut-être que l’auteur s’est mal exprimé et voulait dire que Dieu ne peut pas être connu certainement sur la base des conclusions des sciences expérimentales comme la physique ou la chimie, comme si l’on pouvait décrire la « formule chimique » de Dieu : ces sciences étudient la matière, alors que Dieu est immatériel, donc il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles décrivent Dieu. Mais à aucun moment l’auteur n’affirme clairement que Dieu peut être objet de science, entendu que la métaphysique est véritablement une science et qu’elle nous apprend des choses certaines sur Dieu. Le propos général va donc dans le sens de l’agnosticisme et de l’immanentisme qui prétendent que l’existence de Dieu ne se connaît, en dernière instance, que par l’expérience intime et personnelle de l’homme mu par le besoin du divin. Et au sens strict, une telle chose relève du modernisme.


L’archevêque de Poitiers … ne croit pas à la toute-puissance de Dieu.

Pascal Wintzer en compagnie de François, à qui il remet les actes du Synode diocésain de Poitiers en 2018

Nous posions plus haut la question : les rédacteurs de La Croix croient-ils à la toute-puissance de Dieu ? Puisqu’apparemment, le fait que le livre du duo Bolloré-Bonassies présente Dieu comme le créateur tout-puissant et l’intelligence ordinatrice de l’univers est un « risque », une « impasse spirituelle », et « personne ne croit » que ce Dieu soit le Dieu de la Révélation chrétienne.

En continuant notre investigation, nous trouvons notre réponse dans un autre article du même journal, destiné cette fois à lutter contre le danger du « cléricalisme », publié le 30 décembre 2021 et signé par « l’archevêque » conciliaire de Poitiers Mgr Wintzer [4].

TRIBUNE. Pour Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, le cléricalisme s’appuie sur une vision particulière de Dieu, « un Dieu qui a réponse à tout, qui résout les problèmes comme par magie ». Une idée incompatible avec le Dieu de la Bible, qui à travers Jésus « se remet aux mains des hommes ».

Cette introduction est pour le moins intrigante et ambiguë : Dieu n’a pas « réponse à tout » et se remet « aux mains des hommes » comme s’il y avait un certain nombre de choses qu’il ne pouvait pas faire, et que les hommes avaient plus de pouvoir que Dieu dans certains domaines. La suite de l’article achève de lever l’ambiguïté.

L’auteur explique que le « cléricalisme » fustigé par Bergoglio est issu d’une doctrine précise (il a raison, et c’est déjà un pas vers la vérité que d’admettre que le cléricalisme a des fondements doctrinaux, au lieu d’être simplement une maladie mentale !) et entend nous expliquer pourquoi cette doctrine est erronée. Puis il largue une bombe.

« Dans le catholicisme, comme dans toute religion, ce qui détermine tout le reste c’est Dieu, ou plus exactement l’image que l’on se fait de Dieu. Ainsi, le monothéisme a développé l’image d’un Dieu tout-puissant. Or, la révélation biblique contredit une telle représentation : le Dieu d’Israël n’évite pas au peuple l’exil, la déportation ; même les justes connaissent la persécution. Quant au christianisme, il fait s’agenouiller ses fidèles devant un homme humilié et crucifié, ainsi que devant un petit enfant couché dans une mangeoire. »

Lisons et relisons attentivement. Il y a dans la première partie de la phrase une sorte de déclaration kantienne et immantentiste disant que dans « toute religion » y compris le catholicisme, ce qui détermine tout est « l’image que l’on se fait de Dieu » : non pas ce qu’est Dieu en lui-même, mais « l’image que l’on s’en fait » : l’esprit humain, enfermé dans ses propres représentations et incapable d’accéder au réel au delà des phénomènes sensibles, se fait une « image » de Dieu sans comprendre qui est Dieu réellement, sur la base de son élan vital confus vers le divin. Donc l’image que les hommes se font de Dieu évolue en fonction de leur culture, de leur conscience, de leurs sentiments, des besoins du moment, de toutes sortes d’autres facteurs subjectifs. Donc l’image que le catholicisme se faisait de Dieu pendant les siècles qui ont précédé Vatican II était fausse. Donc la religion d’avant Vatican II (le « cléricalisme ») était fausse, puisque « tout le reste dépend » de la vision que l’on se fait de Dieu : ceci est, au minimum, sous-entendu par l’auteur, si ce n’est pas ce qu’il affirme franchement dans ce passage.

« Ainsi, le monothéisme a développé l’image d’un Dieu tout-puissant » : donc la toute-puissance de Dieu n’est pas une réalité objectivement fondée, mais le sentiment des hommes d’un certain temps, d’un certain lieu et d’une certaine époque concernant le divin. « Or, la révélation biblique contredit une telle représentation » :  nous lisons bien : selon Mgr Wintzer, la révélation biblique contredit l’idée que Dieu est tout-puissant. Difficile de penser qu’un homme qui se prétend membre de l’Eglise enseignante ait pu écrire une chose pareille. Puis ensuite il veut prétendre que la crucifixion et l’incarnation sont des preuves que Dieu n’est pas tout-puissant ! On se demande quelle est la religion de ces gens : certainement pas le catholicisme.

Mais l’auteur ne s’arrête pas là, il insiste toujours plus.

« Pour un couple, une famille, la venue d’un enfant bouscule, dérange, ainsi la naissance de cet enfant si particulier, Jésus, le Fils de Dieu. Il bouleverse Hérode, jaloux de son petit pouvoir… Il bouleverse des hiérarchies : les bergers sont les premiers à la crèche. Plus profondément encore, il bouleverse l’idée que l’on se fait de Dieu : un Dieu puissant, un Dieu qui résout les problèmes, un Dieu magique. La philosophie s’est interrogée sur cette puissance de Dieu ; la réponse est donnée par ce que dit Dieu de lui-même : un petit enfant, fragile, et qui, devenu adulte le restera, jusqu’à la croix. »

Double énormité ici. Premièrement, l’idée que « la philosophie s’est interrogée sur cette puissance de Dieu » et a échoué à trouver la vérité à ce sujet : Aristote, Platon, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin n’ont donc rien compris à Dieu. Deuxièmement, l’idée que la révélation réfute la philosophie (sous-entendu la philosophie scolastique, haïe comme l’enfer par les modernistes) et nous prouve qu’en réalité Dieu est faible et limité. Selon ce moderniste donc, Jésus « bouleverse l’idée que l’on se fait de Dieu » en prouvant que Dieu n’est pas tout-puissant.

L’auteur enfonce le clou une dernière fois contre la philosophie scolastique en déclarant que « le cléricalisme, parce qu’il isole certains, parce qu’il en fait des êtres hors de l’humanité ordinaire, choisit le Dieu des philosophes et non celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. » Il y a donc pour l’auteur une différence ontologique entre le « Dieu des philosophes » et le Dieu de la Révélation : n’est-ce pas exactement le même propos que l’on trouvait dans la tribune contre le livre sur l’existence de Dieu ? Pour ces modernistes, le Dieu de la révélation n’est pas le Créateur tout-puissant de l’Univers. Il est autre chose. Quoi exactement, on ne sait pas, mais on sait qu’il est tout sauf le Dieu « froid et calculateur » de saint Thomas : les modernistes disaient exactement la même chose à l’époque de saint Pie X.

L’auteur nous « achève » enfin en expliquant que malgré le fait que Dieu ne pose « aucune exigence a priori de pureté rituelle ou morale » pour être approché, il est pourtant nécessaire de se « convertir de manière continuelle » : certes oui il faut se convertir, « car sans cesse nous retombons dans la tentation de conformer Dieu à nos attentes, qu’elles soient personnelles, familiales, claniques ou sociales ». Sous-entendu : il faut se convertir du cléricalisme parce qu’il relève d’un désordre consistant à conformer Dieu à nos attentes personnelles, familiales, claniques ou sociales ! Voici ce que dit l’auteur : les cléricaux veulent que Dieu soit tout-puissant, et la révélation les réfute ! Son propos sur la conversion englobe quelque chose de plus général que le cléricalisme, mais il l’inclut et vu ce qui a été dit auparavant, sur le fait que le cléricalisme est une « vision d’un Dieu tout-puissant » erronée, basée sur les désirs de l’homme, il faut clairement comprendre sa conclusion comme un « appel à la conversion des cléricaux ». Pour employer un mot hébreu, ce qui saura plaire à ces amis d’Israël : quelle chutzpah !


Conclusion. Une nouvelle religion agnostique.

Ces articles montrent de manière particulièrement frappante, s’il y en avait encore besoin, qu’il existe bien une « nouvelle religion conciliaire », dont la base intellectuelle est le modernisme condamné par saint Pie X. Ceux qui interviennent dans les tribunes du journal La Croix pour parler de l’existence de Dieu, fussent-ils des « prélats catholiques », ont une religion complètement différente de la religion catholique, dans laquelle Dieu n’est pas connaissable par la raison (il n’est pas objet de science), et n’est pas tout-puissant non plus (c’est une fausse idée de Dieu qui serait démentie par la Révélation). La démarche apologétique de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonassies leur semble incongrue, voire dérangeante : pour eux, Dieu n’a pas à faire l’objet de démonstrations et de réflexions logiques, il n’a pas à faire l’objet de définitions philosophiques. Mieux encore, les philosophes « se sont trompés sur Dieu » en le présentant comme le créateur tout-puissant de l’univers, d’après Mgr Wintzer.

Nous ne pouvons qu’encourager ceux qui veulent sincèrement observer la religion catholique et la défendre contre l’agression moderniste à se former davantage sur l’apologétique, la science qui démontre par la raison la vérité de la religion chrétienne. Le livre récemment publié peut faire partie des choses utiles à lire pour comprendre que l’opposition entre « la science » et la foi, comme si les deux appartenaient à un univers différent, est une idée complètement factice et malhonnête, et qu’au contraire la science (qui étudie la création) sert la foi (parce qu’elle montre la puissance et la sagesse du Créateur de toutes choses).

Jean-Tristan B.


[1] Par exemple, le président de la conférence épiscopale a récemment accordé une interview au journal : https://www.la-croix.com/Religion/Mgr-Moulins-Beaufort-valeurs-chretiennes-sont-moins-defendre-qua-choisir-2022-01-18-1201195481

[2] https://www.la-croix.com/Debats/Le-livre-Dieu-science-preuves-dessert-science-foi-2022-01-03-1201192921

[3] https://www.la-croix.com/Debats/Dieu-science-preuves-Le-Dieu-Jesus-Christ-nest-certainement-pas-grand-horloger-2022-01-10-1201194045

[4] https://www.la-croix.com/Debats/Mgr-Wintzer-Le-clericalisme-theologie-2021-12-30-1201192424

La soumission des conciliaires à l’ordre antireligieux

L’exemple du secret de la confession


6 décembre 2021, Paris. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la « conférence des évêques de France » et « archevêque de Reims », reçoit des mains du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’insigne de la légion d’honneur. [1]

Moins de deux mois plus tôt, le 12 octobre 2021, Moulins-Beaufort était convoqué par le même Darmanin, sommé de s’expliquer à la suite de ses propos jugés « choquants » sur le secret de la confession, tenus à l’antenne de France Info le 6 octobre : « le secret de la confession s’impose à nous … en cela, il est plus fort que les lois de la république. » [2]

La haine anticléricale des élites de notre pays, habituellement apaisée par les compromissions de Vatican II et de ses défenseurs, a aussitôt resurgi bruyamment. « Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays », déclare sèchement le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal [3]. Moulins-Beaufort est aussitôt convoqué par le ministre de l’Intérieur pour clarifier ses propos. Un véritable déluge de condamnations et d’anathèmes a plu sur les propos du président de la conférence épiscopale : beaucoup de personnalités publiques prennent la parole, à commencer par le ministre de la justice Éric Dupont-Moretti qui déclare que le prêtre « doit être condamné » en cas de non-dénonciation de crimes entendus en confession. [4] Des condamnations fermes, malgré le caractère relativement anodin des propos, qui seraient compréhensible même pour des non-chrétiens : est-ce choquant de dire que les chrétiens, en tant que chrétiens, s’estiment tenus de respecter des lois et des obligations qui sont perçues comme supérieures aux simples lois civiles ? Où est donc passé le relativisme et le subjectivisme de ces braves gens ?

Moulins-Beaufort a dans un premier temps tenté d’expliquer que le secret de la confession était reconnu par la loi française comme un secret professionnel, qu’il n’était en rien attentatoire aux lois de la république. Mais cela ne fut pas suffisant pour contenter le gouvernement. S’en est suivi un odieux témoignage de lâcheté et de compromission. Cet homme, qui est censé être la première autorité morale de l’Église de France, n’a même pas été capable de soutenir publiquement cette évidence, qui est que les lois de Dieu et de son Église sont supérieures aux lois de la république. Que sont au juste les lois de la république ? Depuis quand existent-elles ? Qui les a établies, au nom de quoi ? Si l’on veut les rattacher à la Révolution française et à la déclaration des droits de l’homme, elles n’ont que 230 ans et quelques. Que sont en comparaison les lois de Dieu, qui est le créateur tout-puissant et éternel, et de son Église, qui a été fondée par Jésus-Christ il y a presque 2000 ans ? Est-ce qu’un chrétien sincère peut hésiter un seul instant, si on lui demande ce qui est le plus important entre les lois de la république et les lois de l’Église (en l’occurrence le secret de la confession), à répondre que la loi de l’Église est supérieure, et à le répondre une deuxième fois si on le somme de « clarifier ses propos » ? Encore faut-il avoir la vertu théologale de foi pour voir les choses ainsi. Voudrait-on se souvenir, en tant que catholiques, que le secret de la confession est si important dans la vie de l’Église qu’un prêtre l’a défendu au prix de sa vie, et est à présent honoré sur les autels comme un martyr de la foi ? Il s’agit de saint Jean Népomucène (v.1340-1393), torturé puis noyé à Prague sur ordre du roi de Bohême Wenceslas IV, pour avoir refusé de dévoiler les confessions de la reine.

Il aurait pourtant été simple d’expliquer, même de manière conciliante et sans apparaître nécessairement comme un « ennemi de la république », que la vie chrétienne est régie par des obligations morales et des lois qui sont supérieures aux lois terrestres, que les chrétiens sont attachés à respecter l’ordre public et les lois positives tant qu’elles n’entrent pas en conflit avec ces obligations morales supérieures. Parmi ces lois et ces obligations, le secret de la confession figure en bonne place. On ne peut pas demander à un chrétien de violer les lois de l’Église, ou demander autoritairement à l’Église de changer ses lois au gré des nécessités politiques du moment : ce serait, pour l’État, outrepasser ses prérogatives. Il aurait aussi été simple d’expliquer que l’abolition du secret de la confession ne serait pas une solution profitable au bien public et à la lutte contre la pédophilie, car un coupable n’irait jamais se confesser de crimes aussi graves s’il savait qu’il ne peut pas avoir confiance envers le prêtre pour la sauvegarde de sa réputation. De plus, l’absolution d’un péché de cette nature ne peut être donnée que si le pénitent accepte de procéder à une réparation et à une expiation proportionnée à sa faute : il faudrait, en clair, que le pénitent manifeste sa volonté de se livrer aux autorités pour purger la peine qu’il mérite, pour qu’il soit absout de son péché. Cette question du secret de la confession est complètement anecdotique dans la lutte contre les abus sexuels. Si l’on commençait par rappeler clairement à tous ceux qui s’engagent dans le clergé, ou même simplement aux fidèles à qui on n’enseigne bien peu de choses à ce sujet, les exigences rigoureuses de la loi morale concernant le VIème commandement et la pureté des mœurs, ainsi que les châtiments de l’enfer éternel qui menacent ceux qui se comportent suivant leurs goûts dépravés au lieu d’obéir à la loi de Dieu, il y aurait beaucoup moins de scandales de cette nature. Si l’on évitait de faire entrer au séminaire et d’ordonner des hommes notoirement homosexuels ou efféminés, cela changerait aussi les choses étant donné qu’environ 80% des abus sexuels recensés dans le clergé conciliaire sont commis sur des adolescents mâles et pubères. Il y a certainement beaucoup de choses à faire pour empêcher les abus, et abolir le secret de la confession ne fait pas partie des moyens qui seraient utiles dans cette lutte.

Moulins-Beaufort n’a pas tenu un tel discours, pas publiquement en tout cas. Après avoir tenté de jouer la carte du secret professionnel, et avoir essayé d’expliquer que le secret de la confession était ce qui mettait le pénitent en confiance, il s’est couché tout de son long. Il n’a pas eu le courage d’assumer ses propos sur le fait que le secret de la confession est supérieur aux lois de la république. Il s’est plutôt répandu dans des excuses accompagnées de propos évasifs et consensuels, qui laissent entendre aux antichrétiens que des aménagements seraient possibles concernant le secret de la confession. Voyons ces extraits du communiqué de presse de la CEF, consécutif à l’entrevue du 12 octobre :


« Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »

« Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu évoquer avec M. Gérald Darmanin la formulation maladroite de sa réponse sur France Info mercredi dernier matin. L’état a pour tâche d’organiser la vie sociale et de réguler l’ordre public. Pour nous chrétiens, la foi fait appel à la conscience de chacun, elle appelle à chercher le bien sans relâche, ce qui ne peut se faire sans respecter les lois de son pays. L’ampleur des violences et agressions sexuelles sur mineurs révélées par le rapport de la CIASE impose à l’Église de relire ses pratiques à la lumière de cette réalité. Un travail est donc nécessaire pour concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants. Mgr Éric de Moulins-Beaufort a tenu à redire la détermination de tous les évêques et, avec eux, de tous les catholiques, à faire de la protection des enfants une priorité absolue, en étroite collaboration avec les autorités françaises. »

Communiqué de presse de la CEF, 12 octobre 2021 [5]

Il n’y a là, chacun en conviendra, aucune réaffirmation claire de l’inviolabilité du secret de la confession. Le fait que cette loi de l’Église soit « supérieure à la loi de la république » est à présent une « formulation maladroite ». L’Église doit « relire ses pratiques » à la lumière de la crise des abus sexuels, et faire un travail pour « concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants ». Faut-il avoir l’esprit mal tourné pour lire : nous, évêques de France, serions éventuellement prêts à transiger sur le secret de la confession si l’état le demandait ? Dans le meilleur des cas, les évêques ne comptent pas transiger sur le secret de la confession, mais veulent laisser croire le contraire aux autorités de la république pour avoir temporairement la paix. Quelle veulerie.

Une telle décoration, dans ce contexte, a véritablement quelque chose de honteux. Légion du déshonneur, venant adouber la lâcheté et la trahison de ceux qui usurpent les institutions ecclésiastiques pour diffuser la fausse religion relativiste et laïciste de Vatican II : des hommes mous, sans force, qui ne défendent ce qui reste du catholicisme que lorsque cela n’engage pas leur confort ou leur réputation auprès des antichrétiens, qui sont incapables d’affirmer clairement leur altérité par rapport au monde sans religion, et leur intégrité dans la foi en Jésus-Christ et la défense des droits de son Église (alors que, disait saint Pie X, ce serait le meilleur moyen de gagner le respect des incrédules, et peut-être de les intéresser à la religion, que d’affirmer clairement nos convictions et de montrer à quel point elles sont pour nous un principe de vie). Nous pouvons remercier le gouvernement français et monsieur de Moulins-Beaufort de contribuer à rendre toujours plus évidente la réalité de la situation actuelle de l’Église. Chacun remarquera l’absence totale de commentaire du côté de Rome à propos de cette affaire touchant au secret de la confession, pourtant très lourde d’implications pour l’Église de France et au-delà pour l’Église universelle. Ce n’est pas à l’ordre du jour : on se contente de répéter, à tort et à travers, en demandant pardon à tout le monde, que la lutte contre la pédophilie est une priorité absolue pour l’Église (alors que les témoignages de faiblesse et de lâcheté – nous restons dans le même thème ! -, ou bien de complicité pure et simple, du haut clergé conciliaire dans la gestion des dossiers de pédophilie continuent de se multiplier). François continue de faire le contraire de ce que devrait faire un pape : ou bien en actions, ou bien en paroles, ou bien – comme ici – en omissions. Considérons seulement le contraste entre l’attitude de saint Pie X à l’égard des lois de 1905 en France, et l’attitude de François à l’égard de la persécution ouverte du secret de la confession dans ce même pays : ce n’est manifestement plus le même Esprit, ni la même foi que celle qui animait saint Pie X, qui anime François et ses subordonnés.

Jean-Tristan B.


[1]https://www.bfmtv.com/politique/de-maniere-discrete-darmanin-a-remis-la-legion-d-honneur-a-eric-de-moulins-beaufort-president-de-la-conference-des-eveques_AD-202112070297.html

[2]https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-de-l-eglise/video-pedocriminalite-dans-l-eglise-le-secret-de-la-confession-est-plus-fort-que-les-lois-de-la-republique-selon-mgr-eric-de-moulins-beaufort_4796947.html

[3]https://www.bfmtv.com/politique/secret-de-la-confession-gabriel-attal-affirme-qu-il-n-y-a-rien-de-plus-fort-que-les-lois-de-la-republique_VN-202110070274.html

[4]https://www.ledauphine.com/societe/2021/10/08/le-pretre-a-l-imperieuse-obligation-d-alerter-sur-des-faits-de-pedocriminalite-selon-eric-dupont-moretti

[5]https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2021/10/CP_12octobre2021_Mgr-de-Moulins-Beaufort-1.pdf

La liberté religieuse et Pie XI

Nous sommes tombé sur un commentaire (erroné) de l’encyclique Mit brennender sorge qui prétend démontrer que Pie XI avait approuvé la liberté religieuse. Nous avons souhaité y répondre pour défendre la sainte doctrine, mais aussi la mémoire du Pape Pie XI


Commençons par une citation de l’encyclique :

« Il vous faudra veiller d’un œil particulièrement attentif, Vénérables Frères, à ce que les concepts religieux fondamentaux ne viennent pas à être vidés de leur contenu essentiel et détournés vers un sens profane […] La  » foi « consiste à tenir pour vrai ce que Dieu a révélé et propose par son Église à la croyance des hommes. C’est la  » conviction solide des choses invisibles « . (Hebr., XI, 1.) La joyeuse et fière confiance dans l’avenir de son peuple, qui tient au cœur de chacun, signifie toute autre chose que la foi dans le sens religieux du mot. Donner l’un pour l’autre, vouloir remplacer l’un par l’autre, et exiger là-dessus [sur la base de cette confusion] d’être reconnu par les disciples du Christ comme un  » croyant « , c’est un jeu de mots vide de sens, quand ce n’est pas la confusion voulue des concepts, ou quelque chose de pire ».

Pie XI nous explique ce qu’est la foi et dit à ceux qui confondent la « fière confiance dans l’avenir de [leur] peuple » avec la foi, qu’ils ne peuvent réclamer le titre de croyant parce que leur « croyance » n’a aucun rapport avec la foi religieuse. Chose qui semble indiquer que le croyant est, dans cette encyclique, celui qui a la foi (telle que définie dans l’extrait, donc la foi catholique). Nous verrons plus bas que cette indication, insuffisante en elle-même, est confirmée par le texte.

Pie XI écrit ensuite plus loin :

« Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent difficile la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec le droit naturel ».

Si les explications précédentes font pencher la balance en faveur d’une certaine interprétation, celles qui suivent permettent de trancher sans l’ombre d’un doute.

Il faut donc ajouter d’une part, que Pie XI utilise le mot « croyant(e) » [abstraction faite des deux passages précités] 4 fois dans l’encyclique, que chaque fois, il s’agit de désigner un sujet catholique.

D’autre part, que le mot « foi », abondamment utilisé, n’est pas détachable de la Vraie Religion, et cela, chaque fois qu’il est employé (hormis certains [rares] passages où il est question de la seule « foi en Dieu »(1), passages qui ne doivent pas être interprétés comme une « défense de la foi théiste », voir explication ci-dessous).

(1) Encore que, même ici, si le lien avec la Vraie Religion n’est pas explicite il est sous-jacent.


Partant du fait que Pie XI distingue en deux parties la « Vraie foi en Dieu » et la « Vraie foi au Christ », certains affirment que l’encyclique « défend la foi théiste ». Ce raisonnement est erroné, déjà parce que dans la première partie (« La Vraie foi en Dieu »), il s’agit pour Pie XI de dénoncer une fausse vision de Dieu [et c’est semble-t-il, une réfutation ciblée du « christianisme positif », ce  « nouveau paganisme agressif », auquel Pie XI oppose le (vrai) Dieu catholique], non pas de défendre positivement la foi théiste qui d’ailleurs « ne peut se maintenir longtemps pure et sans alliage si elle n’est soutenue par la foi au Christ ». Si Pie XI oppose la foi en Dieu à une « foi » panthéistique et idolâtrique, il ne le fait pas pour « défendre la foi théiste » mais pour avertir d’un danger qui corrompt la foi catholique, puisque ladite foi catholique présuppose une croyance en Dieu et donc une juste connaissance de ses attributs.

Pie XI précise dans cette même première partie sur la « Vraie foi en Dieu » que « Notre Dieu est le Dieu personnel, surnaturel, tout-puissant, infiniment parfait, unique dans la Trinité des Personnes, et tripersonnel dans l’unité de l’Essence divine, le Créateur de tout ce qui existe, le Seigneur et Roi et l’ultime consommateur de l’histoire du monde, qui n’admet ni ne peut admettre à côté de lui aucun autre dieu [En lien avec l’interprétation de l’extrait précité « Le croyant à un droit […] avec le droit naturel », on peut préciser que si le vrai Dieu n’admet aucun autre dieu, il serait tout à fait étonnant que Pie XI, lui, admette un droit inaliénable à professer une foi purement théiste, détachée de tout lien avec la Sainte Trinité] ».

Enfin, l’encyclique traite de la situation de l’Église catholique dans l’empire allemand, des problèmes de compatibilité entre le nazisme et le catholicisme, et souvent, il est question de dénoncer les conséquences néfastes qui en résultent pour les catholiques allemands : jamais il n’est fait mention des conséquences pour les autres confessions.

Voir dans cette encyclique une défense de la liberté religieuse pour les juifs [ou tout autre communauté religieuse] est un non-sens absolu. Sur ce point on ne trouvera pas d’échappatoire en relevant que Pie XI insiste sur la valeur de l’Ancien Testament, cette insistance vise, une fois de plus, à avertir des dangers qui guettent l’intégrité de la foi catholique ; les seuls juifs auxquels cette insistance nous fait penser, ce sont les vrais juifs de l’Ancien Testament.

Laissons d’ailleurs Pie XI nous éclairer sur le but de cette encyclique :

« Mais le but de la présente lettre, Vénérables Frères (2), est autre. De même que vous êtes venus Nous faire, à Notre chevet de malade, une visite affectueuse, de même, à Notre tour, Nous Nous tournons aujourd’hui vers vous et, par vous, vers les Catholiques d’Allemagne qui, comme tous les fils souffrants et opprimés, sont plus particulièrement présents au coeur du Père Commun. En cette heure où votre foi est éprouvée, comme l’or, au feu de la tribulation et de la persécution, tant ouverte que cachée, à l’heure où votre liberté religieuse est victime d’un investissement organisé sous mille formes, à l’heure ou pèse lourdement sur vous le manque d’un enseignement fidèle à la vérité et de normales possibilités de défense, vous avez doublement droit à une parole de vérité et de spirituel réconfort de la part de celui dont le premier prédécesseur s’entendit adresser par le Sauveur cette parole si pleine :  » J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi, à ton tour, confirme tes frères. » (Luc, XXII, 32.) ».

(2) Les « Vénérables Frères » auxquels Pie XI s’adresse ici sont les « Archevêques et Évêques d’Allemagne et autres Ordinaires en paix et Communion avec le Siège Apostolique ».

En conclusion : il ne fait aucun doute, au regard du texte et du contexte, que dans la phrase « Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue », « le croyant » et « sa foi » désigne respectivement « le fidèle » et « sa foi catholique ».

Les soutiens d’une autre thèse, s’appuient [notamment] sur l’utilisation du mot « croyant » dans une autre encyclique (Divini Redemptoris).

Cet argument n’a qu’une valeur relative, prime évidemment le sens [non équivoque, nous l’avons vu] donné à l’intérieur de l’encyclique commentée.

Hugo Ch.